« La nuit, étant au lit, il a souvent la sensation que ses pieds et ses mains brûlent et qu’on lui retire son pénis du corps. Il sent qu’on lui dissèque le corps, qu’on en retire les tissus, qu’on introduit des objets dans différentes parties de son corps, qu’on enlève des os. Il se sent magnétisé, sa tête étant de métal.
L’agitation croissante par suite de ces hallucinations nombreuses et pénibles a imposé la nécessité d’interner le malade dans un asile, alors que la maladie avait déjà duré deux ans. Le trouble continue à progresser. Il est magnétisé, électrisé ; il n’a plus de boyaux, les médecins lui font des passes électriques sur le ventre ; il sent une trompe d’éléphant sur son dos ; son manger descend dans ses testicules ; une scie spirale scie son corps ; on lui fait une perforation à l’ombilic ; des objets pointus s’enfoncent de tous les côtés dans son corps ; le lit oscille ; des machines et des couteaux lui sont enfoncés dans le corps ; il a une quantité d’hameçons de fer dans le corps, des dents y sont enfoncées.
En même temps le malade est sujet à une foule d’hallucinations auditives. Devant la fenêtre on imite le chant du coq ; il entend dire qu’il est inguérissable, qu’il sera disséqué, que c’est lui le Juif-Errant, qu’il a tué d’un coup de fusil la femme du médecin. Les cloches lui parlent, les mouches aussi ; on lui dit ses propres pensées, des obscénités, on l’appelle chien sanguinaire ; dans chaque coup de cloche il entend son nom. À ses mots on accroche la syllabe finale Vieh (bête) ; il reçoit l’ordre de souffleter les gens de son entourage. La pendule lui crie : “Tu es en banqueroute.” Partout il entend des injures, il lui en vient même du soleil. Des influences télégraphiques sont évidemment en jeu. Il entend tomber des excréments humains du plafond.
Des hallucinations de la vue aussi se produisent au cours de la maladie. Il voit tout dans son esprit, même l’intérieur de son corps. Il voit son nom flotter dans l’air. Tout dans la chambre est transparent. Il voit devant ses yeux les papillons d’une collection entomologique prendre leur vol et partir ; quand il essaie de lire, les lettres se sauvent devant lui à travers la fenêtre. Souvent ses visions ont aussi un caractère obscène : des parties génitales volent et planent dans l’air à travers la chambre : il voit des tableaux lascifs sur les murs. Dans une tasse de café il voit un jour une belle femme qui lui sourit. » (Richard von Krafft-Ebing, Paranoïa sexuelle masturbatoire).