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Alexandre Lacassagne

Le Sadisme au point de vue médico-légale

Les crimes sadiques (1899)

Date de mise en ligne : mardi 19 février 2008

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Alexandre Lacassagne, « Le Sadisme au point de vue médico-légale », in Alexandre Lacassagne (sous la direction de), Vacher l’éventreur et les crimes sadiques, Éd. A. Storck et Masson, Lyon et Paris, 1899, (1 vol. (IV-314 p.) : portr., pl., fig. et fac-sim. ; in-8°), pp. 239-243.

LE SADISME
AU POINT DE VUE DE LA MÉDECINE LÉGALE

Le sadisme est un état cérébral dans lequel l’instinct sexuel est excité ou satisfait sous l’influence de l’instinct destructeur.

Thoinot en donne une définition plus descriptive : Trouver dans une souffrance de degré très variable — tantôt légère, tantôt grave ou d’un raffinement atroce — qu’on fait infliger, qu’on voit infliger ou qu’on inflige enfin soi-même a un être humain, la condition toujours nécessaire, et parfois suffisante, de la jouissance sexuelle : telle est la perversion de l’instinct génital qu’on appelle sadisme.

Commettre un acte sadique, c’est donc faire souffrir autrui pour trouver dans cette souffrance une jouissance sexuelle ; et le perverti atteint de sadisme porte le nom de sadique.

Dans ces conditions, le sadique passe facilement de l’idée à l’acte. Il est surtout actif. Mais le perverti sexuel peut présenter un état cérébral analogue à celui des suicidés. Il dirige alors son activité érotique non contre autrui mais contre lui-même. C’est le passivisme comme l’a très bien dénommé M. Stefanowsky dans un article paru en 1892 dans les Archives d’anthropologie criminelle.

Cet état a été désigné par M. de Krafft-Ebing sous le nom de masochisme pour rappeler le célèbre romancier hongrois M. de Sacher-Masoch qui dans la plupart de ses nouvelles a décrit de nombreux types de passivistes.

Ainsi dans le plus célèbre de ses romans, la Vénus en fourrure, il montre un jeune homme élégant et spirituel qui, volontairement, devient le laquais d’une cruelle maîtresse. Celle-ci lui donne des coups de pied, de cravache. Un rival obtient les faveurs de sa belle, loin d’en être jaloux, il éprouve une grande volupté, et quand le rival le bat ou le soufflette, il ressent alors une sensation incroyable de douleur et de joie.

Ce n’est pas assez, croyons-nous, pour donner à un auteur, et de soit vivant, un semblable parrainage.

D’ailleurs cette perversion de l’amour n’est pas récente. J.-J. Rousseau en parle dans ses Confessions après avoir indiqué le singulier résultat d’une correction reçue des mains d’une demoiselle. « Être aux genoux d’une maîtresse impérieuse, obéir à ses ordres, avoir des pardons à lui demander, étaient pour moi de très douces jouissances. » De tout temps, on a vu des hommes abdiquer leur volonté aux mains d’une femme, avec l’érotique désir d’être abusé ou maltraité par elle. N’est-ce pas d’ailleurs un peu de cet « état d’âme » que l’on trouve dans la jalousie, dans des scènes de réconciliation où l’amant — quelquefois trompé — cherche ou se complaît dans une humiliation offensante et incompréhensible.

Le professeur von Krafft-Ebing a donné de curieux renseignements sur le sadisme [1]. Voici les idées du savant psychiatre viennois : « Quand on veut expliquer la connexité existant entre la volupté et la cruauté, il faut remonter à ces cas qui sont encore presque physiologiques où, au moment de la volupté suprême, des individus normalement constitués, mais très surexcitables, commettent des actes, tels que de mordre ou d’égratigner, qui, habituellement ne sont inspirés que par la colère. Il faut en outre rappeler que l’amour et la colère sont non seulement les deux plus fortes passions, mais encore les deux uniques formes possibles de la passion forte. Ces deux passions cherchent également leur objet, veulent s’en emparer, et se manifestent par une action physique ; toutes les deux mettent la sphère psychomotrice dans la plus grande agitation et arrivent par cette agitation même à leur manifestation normale.

« Partant de ce point de vue, on comprend que la volupté pousse à des actes qui, dans d’autres cas, ressemblent à ceux inspirés par la colère (c’est ainsi que Schultz rapporte le cas curieux d’un homme de vingt-huit ans qui ne pouvait pratiquer le coït avec sa femme qu’après s’être mis artificiellement en colère). L’une comme l’autre est un état d’exaltation, constitue une puissante excitation de toute la sphère psychomotrice. Il en résulte un désir de réagir par tous les moyens possibles et avec la plus grande intensité contre l’objet qui provoque l’excitation. De même que l’excitation maniaque passe facilement à l’état de manie destructive furieuse, de même l’exaltation de la passion sexuelle produit quelquefois le violent désir de détendre l’excitation générale par des actes insensés qui ont une apparence d’hostilité. Ces actes représentent, pour ainsi dire, des mouvements psychiques et accessoires ; il ne s’agit point d’une simple excitation inconsciente de l’innervation musculaire (ce qui se manifeste aussi quelquefois sous forme de convulsions aveugles), mais d’une vraie hyperbolie de la volonté à produire un puissant effet sur l’individu qui a causé notre excitation.

« Le moyen le plus efficace pour cela, c’est de causer à cet individu une sensation de douleur. En partant de ce cas où, dans le maximum de la passion voluptueuse, l’individu cherche à causer une douleur à l’objet aimé, on arrive à des cas où il y a sérieusement mauvais traitements, blessures et même assassinat de la victime.

« Dans ce cas, le penchant à la cruauté qui peut s’associer à la passion voluptueuse s’est accru démesurément chez un individu psychopathe, tandis que, d’autre part, la défectuosité des sentiments moraux fait qu’il n’y a pas normalement d’entraves ou qu’elles sont trop faibles pour réagir. »

Krafft-Ebing remarque que ces actes sont plus fréquents chez l’homme que chez la femme et ajoute : « On rencontre dans l’histoire des exemples de femmes, quelques-unes illustres, dont le désir de régner, la cruauté et la volupté font supposer une perversion-sadique innée. Telles Messaline, Valérie, Catherine de Médicis, l’instigatrice de la Saint-Barthélemy et dont le plus grand plaisir était de faire fouetter en sa présence les dames de sa cour. »

Le Dr Moll [2] dit que ce qui caractérise vraiment le sadisme est un rapport étroit entre le besoin de martyriser et les fonctions génitales.

Par conséquent il ne faudrait rapporter au sadisme une action cruelle ou brutale que dans le cas où cette action constituerait une excitation indispensable à l’accomplissement du coït, ou le supplément nécessaire de celui-ci. Dans l’amour normal on peut déjà trouver certains faits constituant un sadisme très atténué, comme le plaisir que la personne qui aime peut trouver à chagriner la personne aimée par des moqueries et des taquineries. »

Moll rappelle des actes de sadisme basés sur l’homosexualité. Tel le cas, publié par Gyurkovechky, d’un garçon de quinze ans nommé P… qui avait pour ami un enfant de quatorze ans, le nommé B… La mère de celui-ci remarqua que son fils avait des meurtrissures sur les bras, les reins et les cuisses et apprit ainsi que B… était payé par P… pour se laisser fortement pincer par lui. Quand B… criait et pleurait de douleur, P… continuait à le pincer d’une main et se masturbait de l’autre. Interrogé, P… a avoué que la masturbation au moment où B… criait lui procurait la plus grande jouissance. P… était épileptique et avait une hérédité nerveuse très chargée.

De même les faits cités par Ulrichs, en 1869, dans son Incube ; d’abord le maître d’école de Landsberg qui, en 1713, avait une telle passion pour les garçons qu’il leur mordait les joues jusqu’au sang. II rapporte aussi l’histoire d’un uraniste qui délirait pendant l’acte sexuel, lorsque l’homme avec lequel il avait des rapports et qu’il maltraitait pendant le coït se tordait de douleur. II rappelle encore le mot de von Goerres qui disait que le désir sexuel est frère de l’assassinat. Il faut encore ajouter le cas de von Zastrow qui recherchait les jeunes garçons impubères et fut poursuivi devant les tribunaux pour toute sorte de mauvais traitements qu’il leur avait infligés : morsures à la face, plaies, arrachement des testicules, etc.

M. Binet, dans ses remarquables études sur le Fétichisme dans l’amour [3] a touché à ces problèmes qu’il explique par l’association des idées et des sentiments.

M. Stefanowski et M. Lamoureux [4] font jouer un grand rôle à l’hérédité psychique, remontant le cours des âges, jusqu’aux temps primitifs, à la coutume du rapt, aux combats entre mâles pour la possession de la femelle.

La théorie du phénomène nous semble plus simple. Si on constate ces goûts pervers parfois même chez les enfants ou les adolescents, c’est qu’il existe dans le cerveau des organes spéciaux qui président à ces deux fonctions cérébrales, l’instinct de la reproduction et l’instinct destructeur.

L’instinct génital est après celui de la conservation le plus puissant. Développé d’une façon normale, il prédomine sur les autres fonctions cérébrales qu’il peut facilement exciter ou troubler. On s’explique qu’il en soit souvent ainsi chez les anormaux, les malformés, ceux qui ont une tare héréditaire quelconque.

Selon que l’érotisme est cérébral ou réflexe, retentit sur les fonctions de méditation ou d’expression, il y a petit ou grand sadisme.

En effet ce peuvent être des idées de méchanceté au moment de l’acte vénérien, des cruautés symboliques. Ce sont des sadiques uniquement en pensée, des sadiques imaginatifs.

Chez les sadiques actifs, on a les flagellations [5], puis ceux qui se délectent à pincer les femmes, d’autres qui ont besoin de voir couler le sang aimé, les piqueurs de filles (ils piquent toujours à la même partie du corps, les doigts, les fesses, les jambes, les seins — on a même, cité un piqueur de garçons qui leur coupait un lobule de l’oreille). Ce sont des sanguinaires.

Viennent ensuite les grands sadiques. On constate alors l’assassinat après tortures multiples (coups d’ongles, coups de dents, nombreuses blessures, l’égorgement, l’éventration), puis les mutilations (surtout celle des organes génitaux, l’étripement, l’ablation des organes internes, le dépeçage, et dans le dernier paroxysme, le sadique boit le sang de sa victime, mange sa chair).

Ce sont des crimes a répétition, accomplis dans les mêmes circonstances, exécutés de la même façon, montrant un procédé opératoire toujours identique (Gilles de Retz, Jack l’éventreur, Vacher).

Nous allons donner une suite d’exemples et de curieuses observations.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’exposé de Alexandre Lacassagne, « Le Sadisme au point de vue médico-légale », in Alexandre Lacassagne (sous la direction de), Vacher l’éventreur et les crimes sadiques, Éd. A. Storck et Masson, Lyon et Paris, 1899, (1 vol. (IV-314 p.) : portr., pl., fig. et fac-sim. ; in-8°), pp. 239-243.

Notes

[1Psychopathia sexualis, avec recherches sur l’inversion sexuelle (Traduct. par Émile Laurent et Sigismond Csapo). Paris, Carré.

[2Les Perversions de l’instinct génital, etc. (trad. par les Drs Pactet et Romme), Paris, Carré, 1893, p. 172 et suivantes.

[3Revue philosophique, août 1887.

[4De l’éventration au point de vue médico-légal, thèse Lyon, Storck 1891.

[5Étude sur la Flagellation au point de vue médical et historique, Paris, Carrington, 1899.

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