« En nous rendant compte de la diversité des types morbides de nos petits névrosés, de la constellation familiale, du fait que ce n’est pas de son propre gré que l’enfant vient suivre le traitement psychanalytique, et surtout du fait qu’il n’a pas encore atteint la formation de sa personnalité avec le mécanisme du surmoi bien organisée, les refoulements acquis, nous comprendrons les difficultés particulières de la tâche de la psychanalyse infantile. C’est un domaine nouveau, une science en état d’élaboration, sans les avantages des directives de la psychanalyse de l’adulte pour laquelle notre maître viennois nous a facilité la tâche d’une manière admirable.
Les moyens techniques de l’analyse infantile sont bien différents de ceux de l’analyse de l’adulte. Autant que les circonstances nous le permettent, nous profitons des associations libres et de l’interprétation des rêves, mais jusqu’à l’âge de dix ou douze ans, même chez l’enfant intelligent, les associations libres sont difficiles à obtenir ; nous sommes obligés de nous aider de la technique du dessin, du modelage, et surtout du jeu. Celui‑ci est notre aide souverain ; le choix d’un jeu, la manière dont l’enfant s’y prend nous donne des renseignements précieux sur le mécanisme de son inconscient, sur ses préoccupations maladives, et nous dévoilent souvent le conflit de son inconscient.
– Tel enfant de cinq ans et demi dont les parents vivent séparés bégaye depuis ce temps. Il ne bégaye pas quand il se trouve en compagnie de son père. Or, il s’amuse avec les animaux en bois qu’il place deux par deux, en choisissant un animal mâle et un autre femelle.
– Tel garçon de huit ans, très intelligent, avec incontinence des, matières, construit pendant les séances des tours d’une hauteur extraordinaire, dessine des scènes dans lesquelles les moyens de locomotion et des hommes pourvus de bâtons énormes jouent le rôle principal.
– Tel garçon de quinze ans, avec surexcitation et préoccupations sexuelles sadiques‑anales, dessinait au début du traitement des scènes de torture d’une cruauté extraordinaire. Grâce aux interprétations qu’il trouve lui‑même et que la psychanalyse lui donne, il s’apaise et commence à dessiner des paysages et des scènes plus paisibles.
Que le jeu soit le moyen magistral pour entrer dans le mystère de la névrose infantile, toutes les personnes qui s’occupent de la psychanalyse infantile s’y accordent : Anna Freud, qui nous a donné les premières fondations de la technique de la psychanalyse infantile, Mary Chadwick, qui, par son don intuitif, doublé d’études approfondies, rend des services énormes à cette nouvelle science, Mélanie Klein, qui a une très grande expérience et qui est très intrépide dans ses conclusions théoriques, enfin l’auteur même de ce travail, nous nous servons toutes du jeu dans nos analyses d’enfants » (Sophie Morgenstern, La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’Hygiène mentale).