« En ce qui concerne les hommes, on n’a pas de peine à faire admettre pour ratés sexuels ceux qui, ne sont pas arrivés à la pleine virilité du chef de famille, telle que je l’ai décrite.
Personne ne nie que les impuissants, que les hommes portés vers les amours intrasexuelles ne soient des malades, et qu’il n’y ait intérêt à les ramener au type amoureux normal.
Le psychanalyste, avec quelques bons arguments, arrive même facilement à faire admettre aux gens que les coureurs de cotillon, même engloriolés sous le nom prestigieux de donjuans, ne sont pas arrivés à la puissance amoureuse totale : ces héros de la génitalité sont des infirmes de la sexualité, à qui l’imparfaite liquidation de leur complexe d’Œdipe interdit la fixation amoureuse à une femme d’un rang équivalent ou supérieur à celui de leur mère.
Ces vérités ne rencontrent pas de résistance tenace, car aucune des révoltes morbides du mâle humain contre l’ordre sexuel de la civilisation occidentale n’a jamais pris de caractère social.
Il en va tout autrement en ce qui concerne les femmes, car deux types aberrants au moins, l’un récent, la féministe, l’autre très ancien, la coquette, font résolument tête contre l’ordre sexuel normal.
La féministe est‑elle une névrosée ? Je n’hésite pas à dire que oui. Déjà, du point de vue de la critique interne de cette tendance psychologique, son incompatibilité avec l’ordre normal apparaît ; en effet ce que veut le féminisme, très mal nommé, ce n’est pas une exaltation des caractères proprement féminins de la femme, c’est au contraire un effacement de ces caractères, une unification du rôle social des deux sexes : il serait beaucoup mieux dénommé hominisme ; ce terme, imaginé par M. Damourette, se réfère en effet à homo, nom de l’espèce humaine entière, donc nom où l’homme et la femme sont confondus.
Le féminisme est donc une dédifférenciation, une régression.
Ce point de vue toutefois ne sera pas accepté de nos adversaires, car ils croiront y voir une pétition de principes, puisque, posant comme but social la différenciation maximale des sexes, nous ne condamnons le féminisme qu’en ce que précisément il nous conteste ce but.
Mais sur le terrain de la critique externe, les faits sont là pour nous donner raison. Voyons en effet où se situent socialement les féministes : en général parmi les femmes qui versent dans tous les mouvements de révolte sociale : elles sont bolchevistes, végétariennes, nudistes ; elles s’affilient à des sectes religieuses bizarres, telles que le “mazdaznan”, la “christian‑science”, etc. Et on aurait tort de voir dans ce non‑conformisme la manifestation d’une originalité personnelle que je serais le premier, dans mon horreur de la standardisation, à encourager ; car ce qu’il faut à ces femmes, ce n’est pas la liberté de penser personnellement, ce sont des sectes organisées pour la révolte. Enfin et surtout, elles ont des stigmates pathologiques : nous autres psychanalystes, nous savons que ce sont des infirmes de la génitalité : intrasexuelles avouées ou latentes, frigides, etc. Les deux études que j’ai publiées sur le cas de Nina illustreront ces affirmations.
Il y a plus : la psychanalyse a démasqué les coquettes, ces femmes ratées qui avaient réussi, à travers les littératures et malgré le dégoût moral qu’elles inspiraient à beaucoup, à se faire passer pour le fin du fin en matière de femmes.
De la grâce, de la beauté, attributs que notre civilisation reconnaît comme armes propres aux femmes, les coquettes usent pour des buts masculins. Sur l’homme, elles cherchent des triomphes, une domination : tous désirs masculins. Cette attitude masculine ratée, il y a longtemps que, malgré le prestige apparent de ce genre de femmes, le peuple français la comprend subconsciemment, puisque c’est à un mâle, — et à un mâle d’une espèce particulièrement inintelligente — le coq — qu’il s’est référé métaphoriquement pour donner un nom à la coquette » (Édouard Pichon, À l’aise dans la civilisation).