Sur les traitements psychothérapiques courts d’inspiration freudienne chez les enfants
Éd. PICHON et G. PARCHEMINEY
La psychanalyse, en tant que mode d’investigation psycho-clinique, nous a fait connaître toute une série de mécanismes psychiques par où s’engendrent des états névrotiques, ou même psychotiques, plus ou moins graves.
Il semble logique d’admettre que nous puissions, dans les cas où nous n’allons pas jusqu’à instituer une psychanalyse, faire au moins bénéficier les malades des connaissances psycho-pathologiques que la discipline clinique freudienne nous a fait acquérir. De fait, la clinique vient confirmer notre attente.
Tout récemment notre ami Odier a conté [1] comment il avait pu, en deux entretiens thérapeutiques, guérir une petite fille de onze ans d’une curiosité morbide qui commençait à devenir socialement intolérable.
Pour notre part, nous apportons ici deux faits cliniques de guérison d’un « état nerveux » insupportable au moyen d’un seul entretien psychothérapique d’inspiration psychanalytique.
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Le premier cas [2] concerne un enfant de onze ans, Pierre P…, que l’un de nous avait soigné longtemps pour du rhumatisme cardiaque évolutif, et qui avait déjà, de ce point de vue, fait le sujet d’une publication antérieure [3]. Ni chez lui, ni pendant les trois mois et demi (28 avril au 10 août 1924) passés à l’hôpital, l’enfant n’avait eu d’accidents psychopathiques analogues à ceux dont il va être question. Psychiquement, c’était un enfant très éveillé, très gai, recevant avec joie les visites de ses parents et de sa petite soeur, et se montrant affectueux et câlin envers les infirmières et envers nous‑même.
En juin 1925, après une année d’écolage écoulée très normalement, l’enfant entra de nouveau à l’hôpital des Enfans‑Malades, où il fut soigné cette fois pour une fièvre typhoïde. Rien d’anormal encore ne fut remarqué au point de vue psychique. Aussitôt qu’on le leur permit, les parents le remmenèrent, et c’est chez eux que s’écoula la convalescence.
C’est à l’automne de la même année que Pierre P… m’est amené par sa mère pour des symptômes d’ordre psychique. Il est maintenant parfaitement guéri de sa fièvre typhoïde ; il n’a ressenti aucun nouveau trouble rhumatismal ; bref, il ne donne aucune inquiétude actuelle à ses parents au point de vue de la santé physique. Mais, lui auparavant enjoué et même hardi, il est devenu grognon et pleurnichard. Il refuse absolument d’aller à l’école, où l’année précédente il se rendait hardîment et où même il se chargeait de conduire sa petite soeur. Il reste maintenant à la maison, où, dès son lever, il rejoint sa mère pour ne plus la quitter de la journée ; c’est littéralement qu’on peut dire qu’il se blottit dans ses jupes et s’y cramponne, au point même qu’il la gêne grandement dans ses travaux ménagers. Monsieur P…, bien que cela lui soit très incommode à cause de ses heures de travail, s’astreint quelquefois à mener Pierre par la main jusqu’à l’école pour en débarrasser sa femme ; mais alors Pierre boude dans un coin de la classe, ne prenant aucun intérêt à ce que dit l’instituteur, ne répondant pas aux questions, et ayant même de longues crises de larmes : devant ce comportement, l’instituteur a demandé qu’on ne le ramenât plus à l’école avant de l’avoir fait soigner pour son « état nerveux ».
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À l’examen de Pierre P…, il est facile de se rendre compte que son fonctionnement intellectuel n’est pas atteint. C’est à un trouble affectif que l’on a évidemment affaire.
Il nous faut indiquer, pour l’intelligence de ce qui va suivre, que nous savions que Pierre couchait depuis plusieurs années, et avait notamment couché durant tout l’intervalle entre ses deux séjours aux Enfans‑Malades, dans un petit cabinet assez éloigné de la chambre de ses parents.
Aussi l’idée nous vint‑elle d’amener la conversation sur le logement des P…, que nous avions le plaisir de connaître, et de demander à la mère du bambin : « Et Pierrot couche‑t‑il toujours dans sa petite chambre ? » Nous apprîmes alors que, pendant la convalescence de la dothiénentérie et jusqu’aux derniers jours avant l’essai de remise de Pierre à l’école, ses parents, soucieux de pouvoir étroitement surveiller les incidents de la santé physique d’un enfant qui durant deux années successives leur avait donné tant de diverses inquiétudes, l’avaient fait coucher dans leur propre chambre.
Muni de ce renseignement, nous priâmes la maman de nous laisser seul avec Pierre. Sans faire aucune allusion directe à l’observation que Pierre avait pu faire du coït de ses parents, nous nous contentâmes d’expliquer à Pierre que les parents avaient pour fonction de préparer leurs petits garçons à devenir des hommes, et qu’à cet égard ses parents, qui lui avaient donné tant de preuves de leur sollicitude, méritaient toute l’affectueuse reconnaissance que je savais qu’il leur donnait ; mais qu’un enfant n’avait pas à demander davantage ; que sa maman était la femme de son papa et non pas la sienne ; que son père et sa mère s’étaient choisis l’un l’autre quand ils étaient jeunes, avaient fait leur vie et monté leur maison ensemble, avaient eu des enfants ensemble, et que dès lors il était naturel qu’ils eussent entre eux une intimité à laquelle leurs enfants ne fussent pas admis ; mais que sa part à lui, Pierre, était largement aussi belle que celle de son père. Son père avait derrière lui les plus belles années de la jeunesse ; lui au contraire avait tout l’avenir devant lui. J’étais sûr que déjà il s’intéressait, très légitimement et en toute honnêteté, aux petites filles de son âge. Bientôt, il allait arriver à l’âge où les poils poussent, où l’on devient un homme ; il fréquenterait les jeunes filles, et, à son heure, en choisirait une pour sa femme à lui ; c’est à cela qu’il fallait penser, vers cela qu’il fallait s’orienter, au lieu de se cramponner aux jupes de sa maman, comme un bébé n’ayant pas encore compris la vie. Il allait être un grand garçon, n’est‑ce pas ?
L’entretien avait duré un peu plus d’une demi‑heure. Pierre, maintenu debout, entre nos genoux, face à nous‑même qui étions assis, avait écouté attentivement ; il avait lancé quelques protestations d’affection envers ses parents au moment où nous avions parlé de cela ; plus tard de grosses larmes lentes s’étaient mises à lui rouler sur les joues. Quand nous eûmes fini, nous le prîmes sur nos genoux, le confortâmes, l’embrassâmes, puis le reposâmes à terre en lui disant que nous ne rappellerions sa maman que quand lui‑même le jugerait opportun. Au bout de cinq minutes environ, les yeux séchés, il nous pria de la faire rentrer. Nous ne donnâmes à la mère, qui était pleine de confiance en nous, aucune explication sur l’entretien que nous avions eu avec l’enfant.
Dès le lendemain, Pierre retournait à l’école, reprenait le cours normal de ses études, et abandonnait, à la maison, son comportement pathologique. Nous avons eu l’occasion de revoir Pierre P. le 17 octobre 1928, c’est‑à‑dire trois ans après les événements que nous venons de relater : il a quatorze ans, il est pubère, il poursuit normalement ses études et ses parents ne se plaignent nullement de son caractère : tout au plus lui reprochent‑ils une pétulance toute naturelle à son âge et qui ne risque d’être fâcheuse qu’en raison des ménagements qu’il y a lieu d’avoir envers un coeur porteur d’une lésion mitrale.
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Certainement, une intervention thérapeutique aussi courte n’a pu toucher que les mécanismes psychologiques les plus superficiels, et nous ne voudrions pas prétendre avoir obtenu ici aucunes données comparables à celles qu’eût éventuellement pu fournir un traitement plus prolongé, et mené suivant les règles classiques de la psychanalyse. Mais pareil traitement eût‑il été utile, au cas de Pierre P. ? Il ne le semble pas. Vraisemblablement il s’agissait d’une évolution libidinale se poursuivant en gros de façon normale, et n’ayant subi qu’un accroc, du fait d’une circonstance occasionnelle qui avait redonné, au vieux complexe oedipien en voie d’évolution normale, une nouvelle vigueur, en lui fournissant, un aliment sexuel. Que si l’intervention thérapeutique, si courte, voire superficielle, soit‑elle, a suffi à stopper l’accroc, il était inutile d’aller plus profond.
D’ailleurs, comme M. Freud lui‑même l’a bien montré, les névroses se présentent dans l’enfance à l’état naissant. Les complexes où elles ont leur source sont encore actuels ; les mécanismes psychologiques génétiques des névroses sont encore à fleur d’eau. À cet égard, l’observation suivante est très instructive, car elle nous montre sur le vif le mécanisme psychanalytiquement classique de la formation d’une névrose obsessionnelle.
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L’enfant Paul [4] est amené à l’un de nous par sa mère, en juin 1928. Depuis quelque temps, dit‑elle, l’enfant, jusqu’alors normal, présente une modification profonde de son caractère : il est devenu sombre, inquiet, taciturne ; il vit avec une terreur perpétuelle des microbes et des maladies, et surtout, nous dit la mère, chose étrange, il passe ses journées à se laver les mains ; si par inadvertance ses mains touchent un objet quelconque, il faut qu’aussitôt il se les relave ; aussi pour éviter tout contact tient‑il constamment ses mains élevées, l’avant-bras en demi flexion.
Ces troubles ont coïncidé avec les préoccupations religieuses précédant la première communion, et ont eu leur maximum dès le lendemain de cette cérémonie ; c’est de ce jour que date notamment la compulsion obsessionnelle à se nettoyer sans cesse les mains.
Un interrogatoire plus précis donne les renseignements suivants : c’est en mai que l’enfant a commencé à présenter des réactions anormales : ayant été à confesse, il prétendait le lendemain qu’il n’était plus en état de grâce, et qu’il devait se confesser à nouveau. Le prêtre, le voyant en cet état d’inquiétude, le consola et lui dit qu’il ne fallait pas être trop scrupuleux, et que, s’il avait oublié un péché, il en ferait part au confesseur la prochaine fois.
Quelques jours après, l’instituteur faisait une leçon sur les microbes et les maladies qu’ils causent. L’enfant rentra à la maison, très préoccupé, nous dit la mère. Le lendemain, il arrivait en criant « j’ai avalé des microbes », en se tenant la gorge et en disant : « je vais mourir. » Sa mère réussit à grand-peine à le calmer. Dans les jours suivants, même crise de terreur et de désespoir, Paul ayant été en contact avec un petit ami, soigné naguère pour tuberculose.
Puis progressivement Paul se déclara très fatigué ; il refusa la nourriture habituelle. Sa mère parvenait à lui faire prendre des bananes ou des oranges, parce qu’il était sûr que personne n’en avait touché l’intérieur.
Le vendredi, avant‑veille de sa première communion, en revenant de la retraite, Paul rentra à la maison, ne voulant plus avaler sa salive, soi‑disant parce que le prêtre avait un cancer de l’estomac et avait pu le contaminer par son haleine ; il était en proie à une crise aiguë de désespoir il se rinçait continuellement la bouche avec des antiseptiques. Le lendemain, veille de la première communion, il rentra dans un état analogue, déclara qu’il n’était pas en état de grâce pour sa première communion solennelle, qu’il ne communierait pas et se contenterait d’en faire le simulacre. L’on n’arriva à le calmer, et à le mettre en état de s’endormir, que sur la promesse que sa mère irait trouver le prêtre le lendemain, et que celui‑ci lui donnerait l’absolution.
Le dimanche, pendant la cérémonie, Paul se comporta assez bien. Toutefois au moment de la bénédiction du pain, une brioche étant tombée à terre, le suisse la ramassa et la remit dans le panier ; quand on distribua les brioches aux enfants, Paul refusa d’en prendre aucune, arguant qu’il pourrait avaler celle qui était tombée sur le sol auparavant.
Au retour de la cérémonie, à déjeuner, il se dérangea vingt à trente fois pour aller se laver les mains, se rincer la bouche, se passer les lèvres et la figure à l’eau de Cologne ; il était profondément triste ; impossible de le faire sourire ; et il refusait de s’alimenter.
Depuis ce moment jusqu’à notre visite médicale, cet état de choses n’a fait qu’empirer. Pendant ces quinze jours, il fallait continuellement au cours des repas changer de fourchettes, d’assiettes, etc. Paul ne voulait absorber que des biscottes, le pain n’étant pas vendu enveloppé. Mais le symptôme capital, comme nous l’avons dit plus haut, était que l’enfant passait son temps à se laver les mains, sans même les essuyer, de peur que la serviette ne fût pas assez propre : ii tenait continuellement ses mains en l’air, afin qu’elles ne touchassent à rien ; et dès le moindre contact avec un objet, il courait se les relaver.
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Dès que nous eûmes terminé notre enquête sur l’histoire clinique de cette affection psychique, nous demandâmes à la mère, hors de la présence de Paul, s’il ne se touchait pas. La mère répondit qu’elle n’avait jamais surpris, de la part de son enfant, aucun acte de nature sexuelle. Elle est très affirmative sur ce point. D’après elle, l’enfant serait dans l’ignorance complète de la masturbation et de toutes les autres questions sexuelles. L’enfant, dit-elle, a toujours été très suivi et surveillé par elle [5]. Malgré ces dénégations, la genèse de l’obsession de Paul nous apparaissait clairement.
Ayant pris l’enfant à part, nous lui demandâmes tout d’abord si lors des confessions, il avait toujours avoué au prêtre ses pratiques sexuelles.
Dès cette première question l’enfant nous raconta que depuis plusieurs années il se livrait à l’onanisme, mais sans contrainte morale, semble‑t‑il.
Par contre, dès les premières instructions religieuses, il avait éprouvé un sentiment de culpabilité, d’action honteuse, défendue, et susceptible de châtiment.
Les semaines précédant la cérémonie de première communion s’étaient écoulées pour l’enfant dans une lutte entre ses pulsions masturbatoires et la crainte du châtiment, c’est‑à-dire dans une tentative constante, plus ou moins réussie, de répression : c’est pourquoi l’enfant, que l’on qualifiait de scrupuleux à l’excès, ne se sentait pas suffisamment soulagé par les paroles de son confesseur.
À cette époque se place, sur ce fond de culpabilité anxieuse, l’émotion violente causée par une conférence du maître d’école sur les microbes et les maladies. Immédiatement apparaît la phobie de la maladie et la peur de mourir, telles qu’elles ont été décrites plus haut.
Puis apparaît le dernier traumatisme psychique qui transforme en un refoulement complet une répression plus ou moins réussie.
L’enfant raconte s’être de nouveau, la veille de la cérémonie de première communion, pendant la nuit, livré à la masturbation, alors qu’il venait de faire une confession ultime avant la cérémonie.
Dans les heures qui précédèrent cette communion, ce fut, pour lui, une torture et une souffrance terribles que l’idée de ne pas être en état de grâce pour communier ; or, au dernier moment, il semble qu’il n’ait pas reçu du prêtre une confortation adéquate à ce profond sentiment de peur et d’indignité, cet ecclésiastique lui ayant parlé avec beaucoup de bonté et de bienveillance, mais ayant mis sur le compte d’un tempérament scrupuleux à l’excès le bouleversement affectif de l’enfant, alors que celui‑ci savait avoir « péché » en effet, et requérait le pardon implicite de ce péché.
« Depuis ce jour », nous dit Paul, « jusqu’à maintenant, je ne me suis plus livré à aucun acte défendu : je n’en avais plus envie : cela ne me disait plus rien. »
Interrogé sur sa « manie » de se laver les mains sans cesse, l’enfant me répond : « Je sais bien que, comme mes parents le disent, j’ai les mains propres, mais c’est plus fort que moi, il y a quelque chose qui me force à le faire [6]. »
Nous expliquons à l’enfant les grandes lignes de la sexualité, son but, en nous efforçant de lui montrer l’absence de tout caractère coupable ni honteux, et en insistant sur sa peur du châtiment, de l’enfer, etc. Puis nous lui montrons le plus clairement possible le pourquoi de ses obsessions et leur mécanisme.
Dans les semaines qui suivent, la mère nous écrit qu’une amélioration étonnante s’est produite, et qu’à part quelques incidents (émotion à l’occasion d’une piqûre de mouche), l’état de son fils n’est plus comparable à ce qu’il était avant notre intervention.
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Cette dernière observation a le grand intérêt de nous montrer sur le vif, comme nous le faisions pressentir ci‑dessus, la genèse d’une névrose obsessionnelle.
La période d’invasion de la névrose commence le jour où entre dans le psychisme du malade la notion que la masturbation est à bannir. Entre la force de la pulsion interdite et l’effort conscient de répression, une lutte s’engage. Et cette lutte s’engage à cet âge même que M. Odier [7] nous signale comme particulièrement important pour la genèse de la névrose obsessionnelle. Toutefois, tant que l’instance morale naissante (surmoi en formation) petit maintenir la lutte sur le terrain pleinement conscient, et sans déguisement, l’on n’est pas encore entré dans la névrose.
Mais très vite l’instance morale encore imparfaitement formée laisse en quelque sorte glisser dans l’inconscient une partie du sentiment de culpabilité, qui se transforme en besoin de punition. La peur du châtiment s’accentue, et prend texte de la leçon de l’instituteur sur les maladies microbiennes pour se déguiser : le malade a peur de la mort, mais il donne comme cause consciente à cette peur les nuisances microbienne, et prend contre elles des mesures de défense qui tendent vers le cérémonial obsédant.
Après deux mois d’un pareil état, le conflit atteint son plus haut période ; le jour de la première communion, on peut considérer qu’on entre dans la période d’état de la maladie, savoir la névrose obsessionnelle proprement dite : en effet, la répression n’a plus lieu de s’exercer ; le refoulement a fait disparaître toute la sexualité dans l’inconscient, de sorte que Paul ne ressent plus aucune sollicitation érotique. Mais si la « représentation », la substance du péché, est ainsi bannie du conscient, l’affect obsédant persiste dans le psychisme sous forme de compulsion obsessionnelle [8], et le jeune garçon se voit forcé de se laver les mains à tout bout de champ. Il y a d’ailleurs lieu de remarquer que c’est sur les mains, outil de la masturbation, que la compulsion au lavage s’est finalement localisée [9].
À cet égard il convient d’ailleurs de faire observer que l’état névrotique dont nous venons d’essayer d’indiquer sommairement la genèse, n’a sans doute pu se développer, que par superposition à un noyau infantile profond, qui s’est trouvé sensibilisé par les circonstances et qu’une psychanalyse seule aurait pu mettre en évidence. Le refoulement effectué à l’occasion de l’acte de la communion nous autorise à croire que, selon toute vraisemblance, cet acte trouvait, au plus profond de l’inconscient du sujet, un écho, une résonance particulièrement forte, dans une situation oedipienne mal liquidée. Avant la période d’invasion par laquelle nous avons commencé notre petit résumé du cas a donc dû exister une période d’incubation.
Quoi qu’il en soit, notre entretien thérapeutique, bien qu’unique, parait avoir étouffé la jeune névrose au sortir même de l’œuf.
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Nous voulions montrer que cliniquement, il est quelquefois possible de faire bénéficier les malades des connaissances psychanalytiques de leur médecin, même au cours d’interventions psychothérapiques n’ayant pas par elles‑mêmes les caractères de la méthode thérapeutique proprement psychanalytique. Nous espérons que la lecture des deux observations ci-dessus aura rendu plausible cette opinion.
C’est surtout chez les enfants, parce que plongés dans les conflits névrosants actuels ou encore tout proches de ceux‑ci, que l’on pourra, dans certains cas, arriver à de bons résultats par de pareils entretiens psychothérapiques, uniques ou peu nombreux, d’inspiration psychanalytique. Mais il faudrait se garder de croire que ce procédé simple pût convenir à tous les malades. À chaque cas concret convient en médecine son traitement particulier, que le clinicien essaie d’adapter le mieux possible à la situation telle qu’il la voit. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que pareil entretien thérapeutique, même couronné de succès, ne donnera pas, pour l’avenir, des garanties aussi solides que le pourrait faire une psychanalyse en règle. En particulier, en ce qui concerne le jeune Paul, celui de nous deux qui l’a soigné et guéri pense ne pas pouvoir préjuger de l’avenir du malade ; il croit que l’évolution mentale de cet enfant demande toujours une surveillance attentive, tant parentale que médicale.