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La Paranoïa Schreber

D. P. Schreber : Re-pères nez-crocs-logiques

Juillet 1894 - Avril 1911

Date de mise en ligne : samedi 13 septembre 2003

Auteur : Christophe BORMANS

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Ce tableau constitue la seconde partie, résuméé, de la seconde séance du séminaire sur « La Paranoïa Schreber ». Cette séance avait consisté en un exposé chronologique du cas du Président SCHREBER.

Dates Repères chronologiques
29 juin 1894 Le 29 juin 1894, le Président SCHREBER est transféré au Sonnenstein (près de Pirna, Saxe), à la clinique du docteur Weber (conseiller médical privé et directeur de l’asile), laquelle lui est désignée par les voix comme « Citadelle du diable » :

« Un jour - ce devait être le 29 juin 1894, je l’appris par la suite - , je fus transféré (après un séjour de huit à quinze jours en tout) de la clinique de Pierson, la "cuisine du diable", à l’asile provincial où je me trouve actuellement, le Sonnenstein, près de Pirna. Les raisons m’en sont inconnues ; [...]. Avant de partir, je pris un bain chaud - le seul de tout mon séjour à la clinique du docteur Pierson - puis je montai dans la voiture (comme à l’arrivée) et me rendis, accompagné de l’"huissier de la cour d’appel", en gare de Coswig où, après avoir bu une tasse de café, je partis en chemin de fer pour Pirna via Dresde, sans changer de voiture de train.
[...] Dresde que nous avions traversée comme de Dresde "la fossile". Une voiture me conduisit de la gare de Pirna à l’asile, en empruntant une rue assez cahoteuse. Ce n’est que plus d’un an après que je me rendis compte qu’il s’agissait là de Pirna, et de ce que c’était au Sonnenstein que j’avais été conduit ; j’en pris conscience le jour où je vis aux murs du "Musée" (grand salon) de l’asile, où je n’avais que rarement eu l’occasion de me rendre, les portraits des anciens rois de Saxe. À l’époque de mon arrivée, les voix désignaient mon séjour sous le nom de "citadelle du diable" » (chap. IX).

Là, deux chambres lui sont attribuées, celle (n° 28) au premier étage de l’aile (donnant sur l’Elbe) et la chambre à coucher attenante.
Début Juillet C’est là que sa femme revient. Lorsqu’il la voit pour la première fois, il est « pétrifié ».
 À l’occasion de son 52e anniversaire, cependant, le 25 juillet 1894, sa femme lui apporte un poème dont on a jamais retrouvé l’auteur : il sera dit poème de la femme de SCHREBER (La calme paix de Dieu).
Fin Juillet 1894 Ariman, Ormuzd et dissolution des Royaumes divins antérieurs
Les Dieux inférieur et supérieur lui sont pour la première fois désignés par les voix qui lui parlent sous les noms d’Ariman et Ormuzd, au début de juillet 1894, à peu près à la fin de la première semaine de son séjour à la « citadelle du Diable ». Cette date coïncide également avec la dissolution du « Royaume divin antérieur » (les « vestibules du ciel »), avec lequel il avait été auparavant en relation (depuis la mi-mars 1894, environ, cf. chap. I). À cette même époque également, les âmes de Flechsig et von W. (« âmes examinées ») cédent à l’émotion et suspendent leur « opposition sarcastique » contre « la toute-puissance de Dieu ».

Lorsque les Royaumes postérieurs de Dieu apparurent eux-mêmes sur scène (Ariman et Ormuzd), SCHREBER voit des « phénomènes lumineux » d’une grande « magnificence », afin qu’il puisse voir Ariman (de nuit), « non pas en rêve, mais alors qu’il est « bien éveillé », précise-t-il, et Ormuzd, en plein jour et « plusieurs jours de suite », alors qu’il stationne dans le jardin de la clinique. Le phénomène lumineux, précise SCHREBER, occupait un sixième ou un huitième de « l’espace visible du ciel » et était hautement aveuglant.
{{}} Vision d’Ariman
{{}} « Dans la nuit - et pour autant que je m’en souvienne - une unique nuit, le Dieu inférieur (Ariman) apparut. [...] L’impression que j’en reçus ne fut pas la crainte mais l’admiration devant le grandiose et le sublime ; et c’est pourquoi malgré les insultes contenues dans les mots [1], l’effet produit sur mes nerfs fut bienfaisant, en sorte que bientôt les âmes examinées qui s’étaient tenues à l’écart effrayées osèrent s’avancer à nouveau, je ne pus m’empêcher d’exprimer à plusieurs reprises mes sentiments par les mots "Ô combien pure" à l’adresse de la gloire des rayons divins, - et "Ô combien triviales" à l’adresse des âmes examinées. De surcroît, les rayons divins lisaient mes pensées non point en les falsifiant, comme cela a été le cas depuis lors sans exception, mais correctement [...]. Je retirai de l’ensemble une impression reposante et tombai dans le sommeil » (chap. X).

C’est au cours des deux ou trois jours suivant, qu’en « pleine lumière diurne », au cours de ses « stations dans le jardin », SCHREBER put voir le Dieu supérieur, Ormuzd. Puis le soleil reprend sa forme « normale » qu’il gardera désormais sans interruption :

« Si l’afflux de rayons divins s’était poursuivi sans entraves comme cela s’était produit pendant les journées dont je viens de parler, et pendant les nuits qui y succédèrent, ma guérison aurait pu, j’en ai la conviction, intervenir très rapidement, et également l’éviration concomitante à la fécondation. Or, on ne souhaitait ni l’une ni l’autre chose, et l’on partait toujours de l’idée fallacieuse qu’il serait à tout moment possible de se dégager promptement de la force d’attraction de mes nerfs par la voie du "laisser en plan" » (chap. X).
Été 1894 Au cours de l’été 1894, SCHREBER remarque des « légères traces de peste brune » sur son corps (chap. VII).
Août 1894 Le plan de contre-attaque de SCHREBER
{{}} SCHREBER a « en tête », « d’attirer » à lui les « âmes examinées », « dans le dessein de provoquer leur anéantissement définitif ». Il part de l’idée « tout à fait rigoureuse », dit-il, que l’élimination de la totalité de ces âmes impures, qui « s’interposent » entre lui et « la toute-puissance de Dieu », permettrait au sommeil de rayon de lui assurer « un sommeil totalement réparateur » pour ses « nerfs » et, partant sa guérison (cette solution du conflit étant « conforme à l’ordre de l’univers »). Sinon, il faut nécessairement envisager l’éviration dans le « but de créer des êtres humains nouveaux » (chap. IX).
Fin 1894 SCHREBER mène une « existence » uniforme. En dehors des promenades (tous les jours avant et après le déjeuner), il reste, toute la journée, immobile sur une chaise, devant sa table. Cette « passivité absolue », cette « immobilité totale », il la considère « comme une obligation religieuse » qui lui est imposée par les exigences des rayons : « pas le moindre mouvement », telle est la consigne que les voix lui répète à longueur de journée : « Je devais me comporter comme un cadavre ». Dans ces conditions, tout « bruit » (paroles ou « n’importe quelle autre manifestation de vie » dit-il), est nécessairement un miracle, ou « perturbation » qu’il ressent « péniblement » (chap. X).
Début 1895 Carpe diem
{{}} « En 1895, écrira SCHREBER, j’en étais encore à me demander si je ne me trouvais pas sur Phobos satellite de la planète Mars dont le nom avait été cité une fois par les voix à une occasion quelconque, et si la lune que je voyais souvent dans le ciel à cette époque n’était pas plutôt en réalité Mars, qui est la planète principale autour de laquelle justement Phobos gravite » (chap. V).

Néanmoins, un changement sensible est observable par SCHREBER lui-même. Après avoir constaté qu’avec tous ses « efforts emplis de la joie du sacrifice pour soutenir Dieu dans la lutte contre les "âmes examinées" », il n’était pas arrivé « à grand-chose d’essentiel », il se met alors à considérer sa situation « avec beaucoup plus de détachement », s’efforce « d’écarter le souci de l’avenir » et se laisse « tout simplement vivre ».
 Début de 1895, il recommence à fumer le cigare.
 Même si « la force d’attraction » de ses « nerfs surexcités » continue de persister « malgré le changement de ses dispositions naturelles », il ne se sent plus aussi « malheureux » qu’auparavant.
 Ce changement de disposition n’est observable que pour SCHREBER lui-même. Autour de lui, les infirmiers ne semblent pas, quant à eux, constater de changement et « le traitement » que l’on continue de lui réserver lui semble indigne : « on parut avoir totalement oublié mon état et la position professionnelle élevée dont j’avais été investi par le passé ».
 Il se souvient cependant du « carpe diem » d’Horace : « Je me suis tu et j’ai enduré », dit-il (chap. X).
{{}} L’Orthopédie
{{}} La psychose du Président Schreber peut se comprendre d’une façon très simple, comme un appel délirant à la métaphore paternelle. En ce sens, Daniel Paul SCHREBER connaît, durant sa seconde maladie, une véritable orthopédie :
 transformations des parties génitales (rétraction, ramollissement et liquéfaction du membre viril ), évulsion des poils (barbe, moustache) ; transformation de la stature tout entière (réduction de la taille corporelle, tassement des vertèbres et de la substance osseuse). Ce « miracle » est dû au Dieu inférieur, Ariman, qui prononçait alors cette phrase : « Et si je vous faisais un peu plus petit ? »
 SCHREBER avait en effet l’impression, voire la conviction, d’avoir rapetissé « de six à huit centimètres », la taille de son corps se rapprochant de celle « d’un corps de femme ».
 Multiples, dit-il, étaient « les miracles qui accablaient les organes internes de la cage thoracique et de la cavité abdominale » (cœur, poumons, larynx, estomac, etc.).
 Ses côtes furent détruites passagèrement, puis restaurées quelque temps après.
 « Miracles » de « l’oppression thoracique » (plusieurs douzaines de fois, « toute la cage thoracique se trouvait alors comprimée, en sorte que l’état de suffocation provoqué par la détresse respiratoire se communiquait à tout le corps »).
 « J’ai vécu, dit-il, à plusieurs reprises, pendant un temps plus ou moins long, sans estomac ».
 Il en va de même d’autres organes : œsophage, intestins, larynx, cordon spermatique, bas-ventre, tête (nerfs, calotte crânienne, moelle épinière, etc.), muscles, yeux (muscles des paupières, miracles « d’ouverture et de fermeture des paupières », qui étaient le fait des « petits hommes »).
 La période durant laquelle ces « petits hommes » ou « petits diables » se manifestèrent est cependant relativement courte. Le moment de leur disparition coïncide également avec « l’avènement des Royaumes divins postérieurs ».
 Le « miracle du derrière » : « les dernières vertèbres étaient prises par une sorte de nécrose osseuse couchée ou assise. Le but était de me rendre impossible la position couchée ou assise » (chap XI).
{{}} Le Sexuel
{{}} La « conceptions des âmes », écrit SCHREBER, « faisait une large place aux rapports entre les sexes, à leurs goûts et à leurs occupations respectives. C’est ainsi, par exemple, que le lit, le miroir à main et le râteau passaient pour être d’essence féminine, tandis que la chaise cannée et la bêche participaient du masculin ; parmi les jeux, le jeu d’échecs étaient plutôt masculin, le jeu de dames féminin, etc.

Les âmes étaient instruites avec précision de ce qu’au lit, l’homme se tient sur le côté, la femme sur le dos (en quelque sorte au titre du "parti qui a le dessous", et n’échoit-il pas en permanence aux femmes une position homologue de celle qui est la leur dans le coït ?) ; moi qui par le passé n’avait jamais noté ce trait, c’est aux âmes que, de première main, je dois l’avoir relevé. D’après ce que là-dessus je peux lire dans la Gymnastique médicale de chambre de mon père (23e édition, p. 102), les médecins eux-mêmes ne semblent pas s’en être avisés [...] » (chap. XII).

L’existence de SCHREBER devient, selon lui, de plus en plus supportable. Il commence à pouvoir se « livrer à certaines activités suivies », bien qu’il se refuse encore à entamer une correspondance avec sa famille. Il commence à jouer aux échecs (avec d’autres patients ou infirmiers) et à jouer du piano. À cette époque (début 1895), on lui installe même un petit piano dans sa chambre, destiné à son « usage exclusif », dit-il. Bien entendu, l’on dépêche tout de même quelques « miracles » ou difficultés pour y faire obstacle : paralysie des doigts, changement de la direction des yeux pour qu’il ne puisse pas voir les notes justes, déplacement des doigts sur des touches fausses, accélération du tempo en déclenchant trop tôt ses articulations, etc. « Le piano lui-même était la cible de miracles, et les cordes cassaient de façon réitérée » : « en 1897, c’est à un total de pas moins de quatre-vingt-six marks que s’éleva la facture pour cordes cassées » (chap. XII).

Novembre 1895 L’Impossible
{{}} « Le mois de novembre 1895 marque un tournant capital dans l’histoire de ma vie », écrit SCHREBER en introduction du treizième chapitre de ses Mémoires.

Que s’est-il passé ? Daniel Paul SCHREBER a alors 53 ans, c’est-à-dire l’âge de son père le mois de sa mort.
 SCHREBER se met à « cultiver » le culte de la féminité : « depuis lors, écrit-il, c’est en plaine conscience que j’ai inscrit sur mes étendards le culte de la féminité » (chapitre XIII).
 En ce sens, l’idée d’une rédemption est réaffirmée d’une manière nouvelle.
 Mais surtout, SCHREBER se réconcilie avec lui-même en admettant l’impossible du père :

« J’ai moi-même formulé à plusieurs reprises, dans des notes écrites depuis déjà assez longtemps, cette idée que Dieu ne peut pas s’instruire de l’expérience : "Tout effort pour tenter d’exercer ailleurs une action éducative doit être abandonné comme voué à l’échec", et chaque jour qui passe depuis cette époque m’a confirmé l’exactitude de cette façon de voire " (chap. XIII).

C’est ce que Freud immortalisera sous ses trois impossibles, dont l’impossible d’éduquer, et que Lacan pointera de ses quatre discours. C’est cet « impossible », qui est reconnu par SCHREBER en ce mois de novembre 1895 : l’orthopédie est inopérante [2].
Fin 1895 En dehors des « événements » ou « revirements » de novembre 1895, il se produit encore quelques changements, que SCHREBER qualifie lui-même « d’importance mineure » : changement « au ciel » et « dans la conjoncture », les uns à la même date, les autres un an ou deux après.
Curieusement, cependant, c’est à cette époque du revirement, que SCHREBER est justement « placé sous tutelle provisoire », ce qu’il n’apprendra « par hasard » dit-il, que 4 ans plus tard, en 1899.
Noël 1895 SCHREBER note que c’est, pour la première fois, à l’occasion de la fête de famille à laquelle il assiste chez le directeur de l’asile, à Noël 1895 (à l’occasion des étrennes), qu’il commençe à « soumettre au crible de la critique » ses thèses concernant les « images humaines bâclées à la six-quatre-deux », les « malices » et autres prodiges. Il commence alors « à adopter des conceptions nouvelles s’écartant sensiblement » de ses « idées premières ».
À la même époque, il reçoit une lettre de sa belle-sœur, portant le cachet postal du lieu d’expédition, Cologne, laquelle lui laisse l’impression d’inquiétante étrangeté.
Car aussitôt, surgit cette difficulté nouvelle : comment parvenir à concilier ces démentis avec ses impressions antérieures ? « Cette difficulté persiste, écrira SCHREBER en 1900, et je dois avouer que je me trouve là devant une énigme non résolue, et probablement impossible pour qui que ce soit ».
Début 1896 Son « immobilité » cesse en partie et sa vie quotidienne devient moins uniforme : au piano (sa « collection de partitions s’enrichissait grâce aux présents » que lui faisaient ses proches) et aux échecs, viennent désormais s’ajouter la lecture et l’écriture.
 Pour la lecture, bien sûr, SCHREBER ne choisit pas n’importe quel auteur : il s’agit Émile Kraepelin (1856 - 1926), la sommité psychiatrique de l’époque, qui vient de publier un manuel sur la paranoïa.
 En ce qui concerne l’écriture, au début 1896, il n’a encore à sa disposition que « quelques crayons de couleur », auxquels viendront s’ajouter par la suite « quelques autres menus objets d’écriture » (agenda, gomme, etc.). SCHREBER jette sur le papier « quelques notes », lesquelles consistent tout d’abord en la « transcription sans ordre » de « quelques idées » et de quelques « mots repères ».
Mai 1896 « L’époque où je couchais en cellule (1896-1898) »
{{}} À partir de mai 1896, SCHREBER va passer ses nuits, non pas dans la chambre qu’on lui a attribuée avec son salon particulier attenant, mais « dans l’une ou l’autre des cellules destinées aux déments, au rez-de-chaussée et au premier étage de l’aile ronde ». Cela va durer pendant deux ans et demi, de mai 1896 jusqu’en décembre 1898 :

« À l’époque où je couchais en cellule (1896-1898), je passais la plupart des nuits plusieurs heures hors de mon lit frappant des poings contre les volets fermés ; après que les volets eurent été enlevés, je restais devant la fenêtre ouverte, vêtu seulement d’une chemise, par une température de moins huit à moins dix degrés Réaumur, grelottant de tout mon corps (d’autant plus que le froid naturel était encore abaissé par un miracle de froid) ; d’autre fois, tandis que j’allais à tâtons dans la cellule complètement obscure, les volets étaient clos, on m’envoyait un miracle qui me faisait cogner la tête contre la voûte basse - et cependant je trouvais toujours ces mésaventures plus supportables que de rester au lit, chose qui m’était tout simplement intolérable lorsque je n’arrivais pas à dormir » (chap. IX, note 63).

Si « les raisons d’une pareille mesure » lui « demeurent, aujourd’hui encore, impénétrables » (écrivait-il en 1900), il reconnaît cependant qu’il y eut une bonne douzaine d’« éclats », entre les autres patients et lui-même, ainsi que des « voies de fait » de sa part sur des infirmiers. Bien entendu, il a soigneusement noté tous ces incidents, dont il prend bien soin de préciser qu’il en a toujours été la « victime ». Le dernier en date semble se produire le 5 mars 1898, mais ce n’est qu’en décembre 1898, qu’il pourra à nouveau dormir dans sa chambre.
 En fait, le problème majeur est qu’il ne dort toujours que très peu (son sommeil « dépend exclusivement des configurations de la conjoncture céleste », comme il dit) :

« Comme cela ressort de ce qui a été dit précédemment, mon sommeil dépend exclusivement des configurations de la conjoncture céleste : dès que Dieu se retire trop loin, ce qui, en règle, se produit à intervalles réguliers pour la demi-journée ou pour quelques heures, le sommeil devient pour moi purement et simplement impossible. Quand dès lors, il me faut rester éveillé, le papotage insane des voix engendre dans ma tête des tortures spirituelles véritablement intolérables » (chap. XIV).
10 mai 1896 Le 10 mai 1896, il voit par ses fenêtres, un cortège d’enfants qui passe dans une rue du faubourg de Pirna, célébrant le vingt-cinquième anniversaire de la Paix de Francfort. C’est à ce moment précis qu’il abandonne définitivement ses thèses concernant les « images humaines bâclées à la six-quatre-deux », et c’est probablement à cette époque également, que les restes des « vestibules du ciel » se présentent sous la forme d’espèces « d’oiseaux miraculeux » (chap. XV).
Août 1896 En août 1896, SCHREBER se décide à se faire complétement raser la moustache (chap. XIV).
Début 1897 À partir de l’année 1897, il commence « à tenir un véritable journal en ordre » intitulé « Ma vie », dans lequel il consigne toutes ses « impressions ». Simultanément, il conçoit un plan pour ses « Mémoires » et fait ses premiers essais de « brouillon » :

« Celui qui s’intéresserait de plus près à ce brouillon - sténographié -, nous dit-il, y trouvera bien d’autres développements que je n’ai pas repris dans mes Mémoires, et qui pourront donner au lecteur l’indication de ce que le contenu des révélations que j’aies eues a été infiniment plus riche que ce que je j’ai pu en présenter dans le cadre limité de ces Mémoires » (chap. XIV.
Automne 1897 En automne 1897, SCHREBER commence à consigner dans des carnets spéciaux (carnets B, C et I), des « considérations » ou « petites études », dont le but immédiat est « d’élucider » pour lui-même « les données en cause ». Nous émettrons l’hypothèse que c’est là son « autoanalyse » (chap. XIII), tandis que ses « Mémoires d’un névropathe » sont bien destinées au grand public, et doivent permettre d’exposer au lecteur la « cosmogonie » schreberienne. C’est au cours de ces notes, qu’il en vient à écrire cette sentance relevée plus haut : « Tout effort pour tenter d’exercer ailleurs une action éducative doit être abandonné comme voué à l’échec ». Cette phrase est d’autant plus cruciale, que SCHREBER la cite entre guillemets : SCHREBER s’entend.

C’est du reste au cours de cette année 1897, que « l’âme de von W. finit par disparaître complètement » et que « l’âme de Flechsig » devient un « misérable reliquat », subsistant toujours, certes, mais « arrimé quelque part » et ayant « perdu toute intelligence supérieure » (chap. XIV). L’expertise médico-légale du docteur Weber vient du reste confirmé que l’année 1897 signe le véritable tournant de la maladie du Président SCHREBER (annexes).
1897-1898 L’Autoanalyse
{{}} Il est donc pour le moins singulier de faire remarquer que ce que l’on peut appeller « l’autoanalyse » de SCHREBER, entammée en 1897 lorsqu’il commence à consigner dans des carnets spéciaux des « notes » dans le but immédiat « d’élucider » pour lui-même « les données en cause », coïncide exactement - et quasiment jour pour jour -, avec le début de l’autoanalyse de Freud, laquelle se déroule sur le même mode, c’est-à-dire par un système de « notes » :

« J’espère que tu redeviendras maintenant pour longtemps ce que tu as toujours été et que je pourrai continuer à faire de toi mon bienveillant public. Tu sais que, sans cela, je ne serais pas capable de travailler. Si tu es d’accord, je ferai comme la dernière fois, je t’enverrai toutes les notes que j’ai prises, en te priant de me les renvoyer quand je te les redemanderai » (Sigmund FREUD, Lettre à Wilhelm Fliess [16 mai 1897], La Naissance de la Psychanalyse, PUF, Paris, 1956, p. 177).

À ceci près, qu’il y a une différence de taille entre l’autoanalyse de FREUD et celle de SCHREBER : c’est que l’adresse du discours de Freud n’est « pas-tout » le monde, mais son « bienveillant public » (Fliess), tandis que le discours de SCHREBER n’a pas encore d’adresse, ou s’adresse pour le moment à « tout » le monde. Cependant, à l’automne 1899, SCHREBER apprend « par hasard » qu’il avait été « placé sous tutelle provisoire » dès la fin 1895. Il prend alors l’initiative, en automne 1899, de s’adresser aux « juridictions compétentes », afin qu’elles lèvent cette tutelle.
Octobre 1899 Le 8 octobre 1899, SCHREBER décide de rendre visite à son curateur, M. le Président du tribunal d’instance Schmidt, afin de lui transmettre un exposé dans lequel il se plaint qu’on ne l’ait autorisé aucune fois en cinq ans, à sortir de l’enceinte de l’asile, même pour une petite promenade, comme cela était pourtant accordé à nombre de patients. Il adresse également cet exposé au Dr Weber par une lettre du 27 novembre 1899.
Décembre 1899 Un rapport d’expertise médico-légale est établi « par l’administration du présent asile », comme le dit SCHREBER, c’est-à-dire qu’il est signé de la main du Docteur Weber, Médecin de l’hôpital du Land et Médecin près le tribunal. Il est daté du 9 décembre 1899 et s’oppose à la levée de l’interdiction (Annexe A).
1900 SCHREBER écrit un petit mémoire juridique sur la question de savoir à quelles conditions les malades mentaux peuvent être maintenus dans des asiles publics contre leur volonté. Il cherche à faire publier ce mémoire dans une revue, mais celui-ci est refusé par toutes celles auxquelles il s’adresse. Il envisage alors, « au cas où » ses « Mémoires » serait publiées, de faire figurer le dit mémoire en annexe (Appendice : « À quelles conditions une personnes jugée aliénée peut-elle être maintenue dans un établissement hospitalier contre sa volonté ? »).
Janvier 1900 Les auditions en forme, prévues par les textes, ont lieu en janvier 1900.
Mars 1900 Le 13 mars 1900, la décision formelle de maintien de la tutelle est rendue par le tribunal cantonal de première instance de Dresde. SCHREBER est très surpris par cette décision qui va à l’encontre de son attente et, immédiatement, attaque cette décision.
 Le 24 mars 1900, il adresse à l’administration de l’asile une première série de « représentations » (un mémoire) où il expose « quelques-uns des points de vue les plus importants », à partir desquels il a « l’intention d’introduire un recours en mainlevée de l’interdiction ». Ce premier mémoire, « première série de représentations » est suivit, deux jours plus tard, d’une seconde série (datée du 26 mars), puis d’une « troisième série de représentations », quatre jours plus tard, en date du 30 mars (chap. XXI). SCHREBER, prenant comme point de départ la différence des sexes, conteste tout simplement le statut scientifique de la neurologie. C’est à cette occasion qu’il déclarera cette phrase désormais célèbre - maintes fois reprise par Freud -, et où l’on sent toute la détresse, tout le désespoir d’un SCHREBER qui souhaite qu’enfin, on le laisse tranquille :
« Peu d’hommes ont été élevés dans des principes moraux plus sévères que je ne le fus, et peu se seront imposé autant que je le fis, je peux le dire, et notamment dans leur vie sexuelle, une retenue aussi conforme à ces mêmes principes » (chap. XXI).
Pâques 1900 SCHREBER est enfin autorisé à venir manger à la table familiale du Dr Weber pour la première fois, et se voit proposer dans la continuité une excursion hors de l’asile en voiture. Il précisera dans l’exposé de ses moyens d’appel, qu’à son avis, « tout cela aurait été parfaitement possible depuis le début de 1897 au moins » (Annexe C).
Juin 1900 Nouvelle demande d’expertise médico-légale.
Septembre 1900 SCHREBER termine d’écrire ses mémoires en septembre 1900 et recommence à sortir : il effectue quotidiennement des promenades et va à l’église à l’asile.
Octobre 1900 En octobre, SCHREBER commence à faire « de petites et grandes sorties à Pirna et dans les environs ». Il va plusieurs fois au théâtre et effectue même un voyage à Dresde pour aller voir sa femme, avec laquelle il passe quelques heures l’après-midi.
 Il s’adresse à l’éditeur Fredrecih Fleischer à Leipzig, en vue de la publication de ses Mémoires. (Annexe C).
 Si les miracles continuent à s’acharner contre lui et à le poursuivre inlassablement, écrit-il en octobre 1900, c’est toutefois « leur caractère de plaisanteries relativement innocentes qui à la longue prévaut ». « Curieusement » et « de surcroît » dit-il, cela se produit surtout au cours de visites de sa femme et de sa belle-sœur : « par exemple, lorsque je suis en train de boire un chocolat avec elles, des tâches de cacao adviennent par truchement de miracles, sur ma bouche, mes mains, la nappe, ma serviette, et ma femme (ou ma belle-sœur) ne manque jamais de faire, naturellement sur un ton de douce réprimande, quelque remarque à propos de ces saletés » (Compléments, première série).
Novembre 1900 Le 5 novembre 1900, il reçoit une lettre de l’éditeur Friedrich Fleischer à Leipzig, contenant « la promesse non dissimulée » écrit-il, que dès la levée de son interdiction, « il ne me ménagera pas son concours pour la publication des Mémoires » (Annexe C).
 Le 28 novembre 1900, une seconde expertise du médecin de l’asile (médecin de district) Weber est effectuée. Celui-ci relève que « depuis neuf mois », le Président SCHREBER est l’hôte quotidien de sa table familiale. Si le comportement global semble satisfaisant, il note cependant l’inquiétante étrangeté d’accès d’humeurs passagers du patient :

« Ainsi lui arriva-t-il plus d’une fois d’introduire un sujet de conversation qui justement venait de faire l’objet de la discussion. Cet air de préoccupation intérieure se marque clairement dans tout l’être du patient - tantôt il fixe son regard droit devant lui et tantôt il s’agite, inquiet, sur sa chaise, fait des grimaces singulières, se racle la gorge plus ou moins bruyamment, se prend le visage et s’affaire à se relever les paupières que, selon lui les "miracles" s’acharnent à refermer : autrement dit, elles se fermeraient malgré lui. Très souvent, manifestement, c’est au prix des plus grands efforts qu’il se retient d’émettre les "accents de hurleurs" et, dès qu’il quitte la table, on l’entend pousser des cris inarticulés sur le chemin de sa chambre » (Annexe B).

Bien que le docteur Weber rend hommage à la sagesse de SCHREBER « à l’égard de l’éditeur de son père », notamment « en ce quiconcernela gestion des droits de la famille », il s’inquiète néanmoins grandement du « vœu pressant » émis par SCHREBER, de vouloir « faire imprimer ses Mémoires » et « de leur donner la plus grande diffusion » (Annexe B).
 Le 2 décembre 1900, effectivement, SCHREBER reçoit une nouvelle lettre de l’éditeur Friedrich Fleischer à Leipzig, qui réaffirme son intention de la publication des Mémoires dès la levée de son interdiction (Annexe C).
Février 1901 Le 4 février 1901, SCHREBER persiste et adresse à la direction de l’asile de nouvelles « représentations » pour l’informer qu’il se propose de livrer ses Mémoires à la publication et qu’il « espère y parvenir après avoir obtenu la mainlevée de l’interdiction » qui le frappe.
Avril 1901 Le 15 avril 1901, par jugement du tribunal du Land de Dresde, la décision au procès en mainlevée de l’interdiction tourne, en première instance, au désavantage de SCHREBER.
Mai 1900 En mai 1900, SCHREBER n’a toujours pas pris connaissance des attendus et ne sait pas s’il va saisir en appel les instances supérieures. Il a tout de même, à ce moment, « la ferme conviction » qu’il finira, « fût-ce de haute lutte » précise-t-il à obtenir la levée de l’interdiction et du même coup, son « élargissement » de l’asile (Compléments, première série, VI).
Juin 1901 En juin 1901, SCHREBER fait des excursions : il gravit des petites collines (Posberg, Bärenstein, etc.) et se baigne dans l’Elbe, d’abord dans le bassin des non-nageurs, puis là où il n’a pas pied, « en baignade libre permise aux seuls nageurs confirmés » (Compléments, première série, IV).
 Les symptômes de sa maladie deviennent tout à fait « transitoires » :
« Au saut du lit, apparaissent des symptômes de paralysie dans le haut du corps (omoplates, etc.) et dans le haut des cuisses, symptômes pas particulièrement douloureux mais toutefois si intenses que tout d’abord je suis tout à fait contracté et que je peux à peine marcher droit. Ces symptômes, toutefois, comme tout ce qui relève des miracles, sont tout à fait transitoires ; en règle, il me suffit de faire quelques pas pour retrouver ma façon de marcher normale » (Compléments, première série, IV).
Juillet 1901 Été 1901, sa mère et sa sœur projettent de venir passer leurs vacances à Wehlen, dans les environs de Pirna. SCHREBER s’occupe lui-même des arrangements nécessaires à leur installation « de façon fort judicieuse » notera le Dr Weber. Pendant plusieurs semaines, il leur rend visite tous les jours et reste avec elles la plus grande partie de la journée.
 C’est à cette occasion, qu’il « apparut que la présence d’un infirmier, sans parler des frais non négligeables qu’elle occasionnait, précise le Dr Weber, n’était pas opportune » et « aurait pu, même, pour des raisons faciles à comprendre, constituer une gêne ».
On abandonne donc les mesures de sécurité prises à l’égard de SCHREBER, et il rend désormais visite à sa mère et sa sœur, seul, sans infirmier. Après leur départ, on ne revient pas sur cette liberté.
Depuis cette date, SCHREBER visite régulièrement, soit seul, soit en compagnie de quelque autre patient qu’il invite, tous les lieux remarquables de la région. Il se déplace aussi bien à pied, qu’en bateau ou en train, et se rend dans des lieux publics (magasins, églises, théâtres, concerts), le tout, sans être escorté d’un infirmier de l’asile et, en outre, la plupart du temps, muni d’une petite somme d’argent liquide (Annexe C). Il va souvent à Dresde pour assister à des audiences du tribunal, pour rendre visite à sa femme, et pour faire quelques emplettes (féminines).
Juillet 1901 On fait l’essai de ne plus lui administrer des somnifères pour quelques nuits. L’essai a pour résultat que, pendant ces nuits, il n’a pas du tout dormi, ou très peu. SCHREBER doit désormais se rendre à l’évidence : « Je dois à présent compter avec ceci qu’il est possible, ou même vraisemblable, que je ne puisse pour le moment me passer de somnifères ». Mais précise-t-il, cela ne change en rien sa « conception fondamentale », selon laquelle son sommeil dépend d’abord de la nécessité du « rassemblement » autour de lui « de tous les rayons » (Annexe C). Le Dr Weber en prend son parti, et ne lui prescrit quasiment plus de médicaments pour ses troubles du sommeil (Annexe D).
Décembre 1901 Le 23 décembre 1901 une nouvelle ordonnance d’instruction de la première chambre civile de la cour d’appel du Royaume ordonne une nouvelle expertise sur l’état mental de M. le docteur SCHREBER président de chambre.
Janvier 1902 Le 14 janvier, c’est encore une fois le docteur Weber qui est à nouveau commis pour l’expertise.
Mars 1902 À la fin du mois de mars 1902, le docteur Weber autorise SCHREBER à se rendre une semaine chez sa sœur qui l’avait invité à Leipzig. Le voyage se déroule de manière tout à fait satisfaisante. SCHREBER rentre à l’asile le 4 avril 1902, autrement dit la veille de la remise de l’expertise par le docteur Weber (Annexe D).
 Depuis le début de l’année, en outre, on avait mis chaque mois à la disposition de SCHREBER, cinquante marks pour couvrir ses frais de voyage et ses « menus besoins ». On observe que SCHREBER dépense avec ordre : il ne gaspille pas son argent (il ne s’est jamais retrouvé à court) et on n’a pas l’impression non plus, d’une parcimonie particulière. Il pèse chaque dépense, évite les choses coûteuses et n’achète rien de superflu, mis à part des « colifichets féminins » (Annexe E, Motifs du jugement).
Avril 1902 Le 5 avril 1902, le Dr Weber produit sa nouvelle expertise, laquelle se conclue par cette phrase : « En les conditions actuelles, il y a toutes les raisons de supposer qu’il n’interviendra plus désormais de changements notables dans l’état mental du requérant, ou de dégradations de cet état mental, et les inquiétudes pour l’avenir ne pèsent plus aussi lourdement que par le passé dans l’appréciation de la situation d’ensemble ».
 SCHREBER comparaîtra personnellement à l’audience de la cour d’appel et prendra personnellement la parole à l’instance. Vu la nouvelle expertise et, étant donné que c’était au ministère public de prouver que l’état de SHREBER nécessitait le maintien de sa tutelle, le tour est joué :

« Comme le requérant en émet à bon droit la réserve, sa capacité ne peut lui être retirée sur la base de la seule inquiétude qu’on formule que ses idées délirantes ne le conduisent, dans un domaine ou l’autre, à poser des actes irréfléchis. Selon le Code, il convient, bien plutôt, d’établir positivement qu’il est dans l’incapacité de s’occuper de ses affaires par suite de l’aliénation mentale (art. 61 du Code civil). La preuve qu’il en est bien ainsi incombe à celui qui requiert l’interdiction. Si la preuve ne peut être apportée à l’encontre du plaignant, et si l’enquête requise conformément à l’art. 653 du Code de procédure civile n’a pu parvenir à établir de façon certaine et indubitable l’état mental du patient, l’interdiction ne saurait être maintenu » (Annexe E, Motifs du Jugement).

En outre, SCHREBER a su démontrer qu’il est parfaitement de gérer ses affaires de fortune (lesquelles consistent pour une moitié en participations immobiliaires et, pour l’autre, en part de droits d’auteurs) :
 « Il est hors de doute que le requérant est en mesure d’appliquer ses facultés raisonnables à la gestion de ses propres biens et de ceux de sa femme. [...]. Justement, tout récemment, le requérant a apporté la preuve brillante de sa capacité en ce domaine quand, après la faillite de l’éditeur de la Gymnastique de chambre de son père, il traita la question, éminemment difficile, de la poursuite de l’exploitation commerciale de cet ouvrage, dans un rapport établi à la demande de la famille, avec une telle acuité, une telle clarté, une telle compréhension de la situation de fait, que ses proches n’ont fait aucune difficulté à suivre ses propositions. Ceci, comme en atteste authentiquement son beau-frère Jung (p. 41, 43 des actes de tutelle). L’épisode ne témoigne pas simplement de la qualification technique de M. Schreber à s’occuper de telles affaires en général, il prouve en même temps qu’il ne manque ni d’intérêt ni de goût pour consacrer au règlement de ses affaires d’argent l’attention qui leur convient » (Annexe E, Motifs du Jugement).
Juillet 1902 Sur appel du requérant et par réforme du jugement de la septième chambre civile du tribunal de Dresde rendu le 13 avril 1901, l’interdiction prononcée par le tribunal simple de Dresde le 13 mars 1900 est levée, le 14 juillet 1902, par le jugement de la cour d’appel royale de Dresde (les frais de procédure, y compris ceux de l’instance en appel, sont à la charge de l’État) :

« La cour d’appel a, là-dessus, acquis la conviction que dans tous les domaines de l’existence évoqués ici - et ce sont les plus importants, ceux à la réglementation ordonnée desquels pourvoient les dispositions légales -, le requérant est à la hauteur des exigences de la vie courante. De toute façon, rien là-contre n’a pu être produit, qui y objecte, et son ne saurait tenir pour établi que par suite de son délire le requérant ne soit pas capable de veiller de façon adéquate à la gestion de ses intérêts. Ce qui doit conduire à prendre en considératiion le recours par lui introduit et à infirmer la mesure d’interdiction qui frappait le requérant, cela sans qu’il soit nécessaire d’introduire ses nouvelles propositions d’amener à l’audience des témoignages probants (art. 672 du Code de procédure civile).

Les frais au procès sont à la charge de l’État (art. 673 du Code de procédure civile).

Rédigé à Dresde le 26 juillet 1902 » (Annexe E).

Octobre 1902 SCHREBER rédige la deuxième série de compléments à ses Mémoires. Il note que le « ralentissement » des voix s’accentue toujours plus, ce qui rend les paroles qu’elles prononcent de moins en moins intelligibles pour lui. Les miracles deviennent toujours plus « anodins ». Par contre, des « douleurs osseuses aiguës » (en particuliers dans les membres inférieurs), ainsi que des « maux de tête », persistent. SCHREBER affirme dormir normalement pour son âge. En ce qui concerne les crises de hurlements, il semble avoir trouvé une parade en comptant : « Tant que je continu à compter, il n’y a pas de risque que se déclare une crise de hurlements » (Compléments, deuxième série). En outre, lorsqu’il contrôle les hurlements, cela « suffit à faire revenir » Dieu sur « l’erreur qui est la sienne » et à cesser de le « prendre pour un imbécile ».
 Dans la continuité, SCHREBER rédige l’avant-propos de ses Mémoires.
1903 Au début de l’année 1903, SCHREBER se retire avec sa femme dans une maison qu’il a fait construire à Dresde. Ils décident tous deux d’adopter une jeune fille âgée de 13 ans : Fridoline.
 En mars 1903, il rédige sa Lettre ouverte au professeur Flechsig, avant d’envoyer son manuscrit à l’imprimeur. Ses Mémoires d’un névropathe sont publiées chez Oswald MUTZE à Leipzig.
1907 La mère de SCHREBER meurt en mai 1907 à l’âge de 92 ans.
 Le 14 novembre 1907, sa femme a une attaque d’apoplexie et devient aphasique. Treize jours après SCHREBER est de nouveau admis à l’asile psychiatrique de Leipzig (Dosen). Il y restera jusqu’à sa mort, le 14 avril 1911.

P.-S.

Référence bibliographique :
 Daniel Paul SCHREBER, Mémoires d’un névropathe [1903], traduit de l’Allemand par Paul DUQUENNE & Nicole SELS, Seuil, Paris, 1975.

Notes

[1« Luder », traduit en français par « Carogne » par N. Sels et P. Duquenne.

[2Rappelons que « Orthopédie » vient de la racine indo-européenne « pu », qui veut dire « enfant », ou petit d’un animal. En Sanscrit, « pu-tràh », signifie « fils ». En Grec pais-dos, pour pawis (enfant), d’où « paideuô » : élever, éduquer. En Français : ortho-pédie ; encyclo-pédie ; pédagogue.

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