« Chaque fois que le patient apporte une généralité quelconque, soit une locution, soit une affirmation abstraite, il faut lui demander les associations particulières qui lui viennent à l’idée à propos de cette généralité. Cette question m’est devenue si familière que je la pose dès que le sujet en est arrivé à se perdre dans des remarques générales. La tendance à passer du général au particulier et toujours davantage au particulier est d’ailleurs le propre de la psychanalyse. Elle seule aboutit à la reconstitution aussi complète que possible de la vie du malade, à combler ses amnésies névrotiques. Il est donc tout à fait erroné de favoriser le penchant qu’a le malade à généraliser et de subordonner trop tôt les observations sur lui‑même à une thèse générale quelconque. La véritable psychanalyse laisse peu de place aux généralités morales et philosophiques. Elle est une suite ininterrompue d’observations concrètes.
Le moyen réellement approprié pour amener l’analyse du fait éloigné et sans importance aux réalités immédiates et essentielles est l’emploi de l’expression “par exemple”.
Une jeune malade m’en apporta la confirmation par un rêve. Le voici : “J’ai mal aux dents et une joue enflée ; je sais que tout cela ne guérira qu’à la condition que Monsieur X. (mon ancien fiancé) s’y frotte. Pour que la chose soit possible il me faut obtenir l’autorisation d’une dame. De fait, elle me donne cette autorisation et Monsieur X. me frotte la joue avec la main. Une dent en jaillit comme si elle avait poussée à l’instant même et avait été la cause de la douleur.”
Second fragment de rêve : “Ma mère s’informe auprès de moi sur la manière de procéder en psychanalyse. Je lui dis : On s’étend et on rapporte ce qui vous vient à l’esprit. — Mais que dit‑on alors ? me demande ma mère. — Mais précisément tout, tout, sans exception, ce qui vous vient à l’idée. — Mais qu’est‑ce qui vous vient à l’idée, insiste‑t‑elle. — Toutes sortes d’idées, mêmes les plus saugrenues. — Quoi donc, par exemple ? — Par exemple d’avoir rêvé que le médecin vous a embrassé et… — Cette phrase resta inachevée et je me réveillai.”
Je ne vais pas entrer dans le détail de l’interprétation et je ferai simplement remarquer qu’il s’agit ici d’un rêve dont la deuxième partie interprète la première. Cette interprétation se fait tout à fait méthodiquement. La mère qui prend visiblement la place de l’analyste, ne se contente pas de généralités par lesquelles le sujet espère pouvoir se tirer d’affaire. À sa question de savoir ce qui lui vient par exemple à l’idée, aucune réponse de sa fille ne lui paraît satisfaisante, si ce n’est celle qui donne l’unique interprétation sexuelle possible au rêve. » (Sandor Ferenczi, Sur la technique psychanalytique).