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Andrew Lang

ANDREW LANG
D’après l’Avant-propos d’Émile Blémond aux Études traditionnistes de Andrew Lang, Vol. VI, traduit par Henry Carnoy, Édition J. Maisonneuve, Paris, 1890.

M. Andrew Lang est un des écrivains contemporains qui ont contribué le plus puissamment à rectifier et à développer les études traditionnistes dans la Grande-Bretagne.

Né en 1844, dans le district rural de Selkirk, en Écosse, il y prit, dès son enfance, le goût des contes et des chants populaire, si nombreux en ce pittoresque pays illustré par Walter Scott.

« Les soirs d’été, dit-il dans l’introduction d’un de ses ouvrages, quand la tombée de la nuit arrêtait nos parties de cricket, nous aimions, à nous rassembler près des granges et à nous raconter des histoires. Un de nous en avait une collection extraordinaire ; je suis certain qu’elle provenait tout entière de la tradition orale. Quelques vieilles dames de ma famille nous amusaient par d’anciens récits ; et nous dévorions avec passion de petites brochures à deux sous, contenant chacune un conte et une grossière gravure sur bois. »

Il commença ses études classiques à l’Académie d’Edimbourg, les continua à Saint-Léonard’s Hall, Université de Saint-André, puis au Balliol-College d’Oxford, pour les terminer comme Fellow au Merton-College en 1868. Avec cette éducation forte et complète, il consacra sa vie à la littérature. Caractère indépendant et actif, intelligence ouverte et lucide, cerveau encyclopédique, il entra solidement armé dans la carrière militante du journalisme. Là, il pouvait évoluer à l’aise, se maintenir en contact direct avec le public, exposer au grand jour des idées neuves, exercer une franche et utile influence sur l’esprit du siècle. Dans les tentatives les plus diverses, il obtint les plus légitimes succès. Poète et penseur, érudit et polémiste, il fut bientôt classé au premier rang.

Ses traductions d’Homère, de Théocrite, de Bion et de Moschus, montrent, avec un charme singulier, combien l’antiquité classique lui est familière, quel sens juste il a de la beauté grecque et des moyens de l’interpréter en langage moderne. Parmi les oeuvres qui ont consacré sa réputation de poète original, il faut citer les Ballads and Lyrics of old France, les Ballades in blue China, l’exquise et humoristique Helen of Troy, enfin les Rhymes à la mode dont mainte page est une merveille de grâce légère, de sentiment juste et délicat.

Au milieu de ses travaux de littérature artistique, l’inspiration ingénue des inconscients avait toujours eu pour lui un attrait particulier. Cette sympathie passionnée pour le Folklore et la Mythologie est sensible dans toutes ses productions, et semble la note dominante de son tempérament d’écrivain. C’est surtout comme traditionniste qu’il est universellement connu ; il doit ses travaux sur l’esprit populaire sa véritable popularité. De ses nombreuses études, publiées d’abord à la Saturday Review, il a fait ultérieurement des livres d’une haute valeur documentaire et critique : Custom and Myth, Myth, Ritual and Religion, et l’essai intitulé Mythology, qui a été si bien traduit en français par M. Léon Parmentier, avec une remarquable notice de M. Charles Michel, professeur à la Faculté des Lettres de Gand. M. Lang, en bibliophile consommé, a reproduit, d’autre part, la première édition des Contes de Perrault, et a restitué une ancienne interprétation anglaise du roman d’Apulée : Marriage of Cupid and Psyche. Pour chacune de ces deux dernières publications, il a écrit une préface, qui, à elle seule, formerait un ouvrage complet et de tous points recommandable. N’oublions pas la belle édition d’Aucassin et Nicolette qu’il a fait paraître à Londres en 1887.

Alliant une intelligence claire et logique au tempérament positif et pratique de la race anglo-saxonne, M. Lang se distingue par de hautes aptitudes à l’analyse et à la synthèse, dons peu communs en Angleterre, qui tiennent plutôt à notre terroir français. II possède à la fois les qualités maîtresses de l’artiste et du savant il manie avec une égale autorité les éléments concrets et les abstractions.

C’est grâce à cette double faculté, qu’il a pu ouvrir de si vastes horizons à l’étude du Folklore, lui donner une impulsion si énergique, l’organiser d’une façon définitive, et lui assurer, en dehors de tout exclusivisme, toute la force probante que comporte la plus large méthode expérimentale, résumée en idées générales d’une simplicité souveraine et d’une irrésistible clarté. Pour une telle oeuvre, pour une oeuvre tout ensemble si complexe et si homogène, il fallait un ouvrier selon la formule du bon Térence, un homme à qui rien d’humain ne fût étranger. M. Lang se rapproche à souhait de cet idéal : aussi a-t-il compris et fait comprendre admirablement ce qu’il y a d’essentielle et universelle humanité en la tradition de tous les pays et de tous les siècles. Précisons le rôle qu’il a joué dans l’évolution si rapide d’une science toute neuve encore.

Les anciens ont expliqué les fables populaires de deux façons : 1° Suivant le système allégorique, qui, par une interprétation plus ou moins arbitraire, découvrait dans chaque fable un symbole ; 2° suivant le système historique ou système d’Evhémère, qui ne voyait dans les aventures des dieux, demi-dieux et héros, que de l’histoire transformée en légende. Avec un peu de complaisance et d’ingéniosité, on expliquait ainsi toute la mythologie, mais sans que jamais l’explication fût bien justifiée. Les deux systèmes, également empiriques, laissaient un libre champ à la fantaisie individuelle des interprétateurs, de telle sorte qu’à une parcelle de vérité ils devaient mêler presque toujours des accumulations d’erreurs.

De nos jours, ces deux systèmes, renouvelés par la science, ont donné naissance, le premier à l’école philologique dont le protagoniste est M. Max Mül1er ; la seconde, au néo-évhérnérisme de M. Herbert Spencer.

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M. Lang eut vite reconnu que ces systèmes ne pouvaient justifier les ressemblances si frappantes entre les fables de tant de peuples, qui diffèrent radicalement par la race et par le langage. Il y aurait folie à admettre des confusions de sens identiques en tant de langues diverses ? Il fallait chercher autre part une solution du problème traditionniste, qui se pose ainsi : comment naissent les mythes ? pourquoi se ressemblent-ils dans tous les cycles ? à quoi tient l’élément absurde et irrationnel qu’on y retrouve constamment ?

Après de longues et consciencieuses investigations, M. Lang trouva la solution cherchée, et formula, en s’appuyant sur les preuves les plus substantielles, la méthode anthropologique. Suivant cette méthode, « un mythe est l’explication naturelle et nécessaire d’un phénomène par l’intelligence d’un homme primitif ; et la mythologie est la fausse science des peuples chez qui la vraie science est encore impossible ». C’est dans la condition intellectuelle, dans le psychologie de l’humanité originelle, qu’il faut chercher l’explication de l’énigme.

Les idées qui font l’essence de cette méthode, ne sont pas étrangères à la France. Dès le commencement du XVIIIe siècle, le missionnaire Laffittau, en décrivant Les Mœurs des sauvages, signalait la persistance d’un élément barbare dans la mythologie grecque. Quelques années plus tard, de Brosses, dans son traité Du culte des dieux fétiches, expliquait l’adoration des animaux en Égypte comme le legs à un peuple civilisé d’idées et de pratiques propres à d’anciennes tribus sauvages, et aujourd’hui encore observées chez les nègres.

En 1872, Emile Burnouf, dans son beau livre sur La Science des Religions, posa les principes de la méthode anthropologique avec une hauteur de vues et une ampleur de style, qui ne laissaient rien à désirer. Dès lors il résumait là, en traits lumineux, les lois qui « montrent comme naturels des faits naguères incompréhensibles, expliquent les formules obscures des rituels, donnent une valeur historique et réelle aux pratiques en apparence les plus insensées. » Et il définissait, avec une précision pittoresque, ce que l’on appelle aujourd’hui (le mot a fait fortune) des survivances : « Certains rites, disait-il, certaines croyances, après avoir été parties essentielles d’un culte, s’en sont peu à peu séparés, et ont continué à vivre isolément dans les traditions et les usages populaires. On sait quel parti les frères Grimm ont su tirer des traditions recueillies par eux dans une partie de l’Allemagne, et quelle lumière la connaissance de l’Inde a déjà répandue sur elles. De tels faits, très nombreux dans toutes les contrées de la terre, sont, pour la science, pareils à ces blocs de pierre que les géologues nomment erratiques, et qui, du milieu des terrains d’une autre nature, attestent un ancien état de choses dont ils sont parfois les uniques témoins. »

Et, réduisant à leur stricte valeur les déductions des étymologistes, il montrait que, pour les recherches mythologiques, le véritable problème ne consiste pas à retrouver dans une langue plus ou moins ancienne la signification radicale du nom d’une divinité : « S’en tenir là, c’est ne voir que la superficie des choses. Reste à savoir comment les hommes ont pu opérer cette transformation d’un mot en un dieu. Pour cela, il faut avoir d’abord l’idée de divinité, et préalablement l’idée de force. Les hommes ont dû concevoir les dieux avant de leur donner des noms. Le mot est le signe du fait, et non le fait lui-même. »

M. Burnouf arrivait ainsi à cette conclusion : « La religion est la première forme de la science. »

M. Lang a fait avec ces données un corps de doctrine destiné, non plus seulement à diriger les travaux supérieurs de la Science des Religions, mais encore à élucider toutes les énigmes du Folklore, à coordonner tous les résultats de l’enquête universelle entreprise par les traditionnistes. Comme Darwin compléta et couronna l’œuvre de Lamarck et de Geoffroy Saint-Hilaire, il a développé et mûri, dans la science des choses populaires, la grande idée anthropologique. Il a consacré sur ce point les théories vraies, en apportant à l’appui un nombre considérable de documents probants et de faits décisifs.

Sans nier ce que contiennent d’accidentellement heureux et de partiellement vrai les affirmations des étymologistes et des évhéméristes, dont il a simplement combattu l’étroite intolérance, il a contrôlé l’étude comparée des mots et des langues par l’étude comparée des hommes et des peuples. C’est ainsi qu’il a pu rectifier d’un oeil sûr les erreurs de l’esprit de système. Il a prouvé qu’on ne saurait localiser dans une seule race et dans un seul pays, l’origine du langage et de la mythologie. Il a démontré que la similitude des épisodes et la coïncidence des idées dans les fables les plus diverses, ne peuvent la plupart du temps, être attribuées à la diffusion progressive d’une seule et même invention originelle, à des emprunts successifs de populations à populations. Avec lui, on a reconnu que les phénomènes de la linguistique sont simplement les signes des phénomènes correspondants de la pensée, et que les analogies flagrantes de tous les cycles légendaires entre eux proviennent des circonstances analogues dans lesquelles ils se sont fatalement produits. Sortis du même moule, variés par les mêmes procédés, ne devaient-ils pas avoir tous un même air de famille. D’où vient l’élément absurde et grossier qu’on trouve dans les fables des nations les plus délicates, et qu’on retrouve dans les superstitions des peuplades les plus rudes, chez les Athéniens antiques et chez les Hottentots de notre temps ; d’où émanent toutes ces monstruosités farouches et obscènes, si ce n’est d’un même état d’âme, inférieur et antérieur à la civilisation ? Ces symptômes caractérisent les débuts de la période symbolique, qui précède invariablement l’âge de la science expérimentale. Jadis les Égyptiens prirent le feu pour une bête vivante ; et hier encore un Boschiman a vu le Vent en personne ; il a voulu lancer une pierre au Vent, mais le Vent s’est sauvé sur la colline prochaine.

Grâce à M. Lang, on peut affirmer hardiment la loi suivante : ce qui nous semble irrationnel dans les croyances des nations civilisées, fit partie pour leurs aïeux barbares, et fait partie encore pour les sauvages nos contemporains, d’un ordre d’idées tenu par ceux-ci comme par ceux-là pour parfaitement rationnel.

Les plus sceptiques ne peuvent garder la moindre incertitude devant ce fait flagrant : que les différentes phases par où a passé la culture intellectuelle de l’homme sont encore représentées par certaines populations sur la terre, qu’une partie de l’humanité crée toujours des mythes, et que nous pouvons étudier sur le vif le développement de ces mythes, constater les lois de leur évolution. Chez les sauvages, et jusqu’à un certain point chez nos propres enfants, la science du Folklore reconnaît, observe et signale les procédés génésiaques de l’intelligence humaine, comme l’embryogénie a retrouvé au cours de la gestation utérine les transformations successives et les progrès réguliers de la vie organique dans l’univers. Désormais, l’on sait plus pertinemment à quoi s’en tenir sur la naissance des dieux que sur l’enfantement des hommes.

Sous l’impulsion ferme et judicieuse d’Andrew Lang, la science des traditions, longtemps rejetée de Charybde en Scylla, a donc définitivement doublé les deux écueils qui la menaçaient : niaiserie réactionnaire d’un côté, pédantisme doctrinaire de l’autre ; et elle a gagné le large, où elle peut librement suivre sa voie.

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En lisant l’oeuvre d’Andrew Lang, on verra avec quelle puissance la Tradition peut éclairer certains côtés de la nature humaine et certains points de l’histoire. On y pressentira la conciliation future de l’instinct religieux et de la faculté scientifique, qui tous deux ont pour origine l’idée de cause. Les mythologies sont les rêves enfantins de l’intelligence en bas âge, les aventureux romans de la pensée juvénile, les synthèses prématurées de l’univers. Mais la science est arrivée chez nous à l’âge mûr. La vie n’est plus un songe ; elle est devenue une réalité logique, un déterminisme, une force, un rythme, une harmonie. Les religions de l’avenir consacreront hautement le Vrai par l’illustration symbolique de son identité avec le Bien et le Beau.

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