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Sophie Morgenstern

La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’Hygiène mentale

Revue Française de Psychanalyse (1930)

Date de mise en ligne : dimanche 26 février 2012

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Sophie Morgenstern, « La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’Hygiène mentale », Revue Française de Psychanalyse, 4e année, T. IV, n° 1, Éd. G. Doin et Cie, 1930, pp. 136-162.

La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’Hygiène mentale [1]
Par Sophie Morgenstern

Depuis qu’on s’occupe davantage de l’enfant, on commence à comprendre les difficultés à travers lesquelles il passe dans son développement, même dans les conditions les plus normales ; Oon envisage plus les dangers de la puberté, ceux du passage à l’âge adulte.

Les recherches de Freud nous ont montré que les conflits de l’adulte névrosé avaient leur origine dans l’aberration de l’évolution sexuelle durant la plus petite enfance, et que beaucoup de ces névrosés avaient traversé un premier accès morbide dans leur enfance. Freud dit que beaucoup de névroses infantiles passent inaperçues dans l’entourage.

L’évolution normale de la libido (force sexuelle dans le sens le plus vaste) va, par le stade de la perversité polymorphe, de l’auto-érotisme (oral, sadique‑anal et phallique), à celui du complexe d’Œdipe (sentiment positif pour la mère et sentiment négatif pour le père chez le garçon, l’inverse chez la fille) ; ce complexe oedipien disparaît chez l’enfant normal qui, après une phase latente, atteinte entre cinq ou six ans à peu près, en arrive lors de la puberté au dernier stade de son évolution, celui du plein hétéro‑érotisme (amour sexuel pour un être du sexe opposé).

Chez l’enfant névrosé, cette évolution ne se produit pas sans accroc ; il y a des arrêts de l’évolution libidinale, l’enfant reste fixé à celui de ses parents de sexe opposé au sien, avec des sentiments de haine pour celui de son propre sexe c’est la situation du complexe oedipien non résolu. Cette situation crée des sentiments de culpabilité chez l’enfant vis‑à‑vis de ses parents, empêche la marche normale de son évolution intellectuelle et souvent même son adaptation sociale. L’enfant trouble la vie de la famille et devient intenable à l’école ; ses troubles névrotiques entraînent souvent le diagnostic faux d’arriération intellectuelle.

Parfois, un enfant qui a atteint le stade latent de son évolution libidinale sans aucun trouble, régresse, sous l’influence d’un traumatisme affectif (naissance d’un frère ou d’une soeur, remariage de la mère ou du père, discorde entre les parents), à un stade libidinal antérieur ; on peut voir alors une éruption d’actes antisociaux ou asociaux qui ne sont que des extériorisations symboliques de la phase sadique‑anale ou même pré-sadique‑orale, ou bien des obsessions, des phobies, ou bien de la dépression, ou même des idées de suicide ; c’est‑à-dire que l’enfant vous offre le tableau du sentiment de culpabilité lié au complexe d’Œdipe non résolu. Dans ces cas, la psychanalyse a un très vaste terrain de travail : c’est grâce à elle que l’enfant arrive à comprendre son comportement et à se débarrasser de ses symptômes morbides.

La psychanalyse de ces cas nous fournit aussi un matériel scientifique très riche, en nous permettant de voir les névroses in statu nascendi.

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L’enfant vit, dans sa plus jeune enfance, sous l’empire du principe de plaisir. C’est le but de l’éducation de lui apprendre l’adaptation à la réalité, c’est‑à‑dire le sacrifice du principe de jouissance à celui de réalité. Tandis que l’enfant normal se plie à cette nécessité et trouve même une nouvelle source de plaisir dans la sublimation, l’enfant névrosé subit plusieurs écarts et accrocs dans cette évolution et n’arrive pas à faire cette adaptation ; ou bien, ayant déjà accompli une grande partie de l’évolution, il subit une régression au moment d’une nouvelle difficulté et retourne à une phase libidinale antérieure.

La névrose infantile représente, ainsi que celle de l’adulte, un conflit entre les trois facteurs suivants l’inconscient instinctif (le ça ou soi), le moi (le conscient) et le surmoi (ce moi idéal que l’individu se crée au cours de son développement et que constituent les directives morales qui doivent dominer les tendances instinctives). La psychanalyse délivre les tendances instinctives du refoulement, et les rapproche ainsi du surmoi ; elle arrive à reconstruire le trauma psychique infantile. Dès que le surmoi exerce une influence sur les tendances instinctives, la critique consciente permet de faire un triage de ces tendances, en dirigeant une partie sur la voie de la sublimation, une autre sur celle de la réalisation. Pour arriver à cette situation analytique, il faut que l’individu ait atteint, par une évolution intellectuelle et morale, un niveau assez haut pour avoir un jugement indépendant. Chez l’enfant, la névrose est basée sur le même conflit, mais le rapport entre le moi et le surmoi de l’enfant a un caractère tout à fait différent de celui de l’adulte ; son jugement est encore tout à fait dépendant de la personne qui représente pour lui, dans le moment donné, le surmoi. Le surmoi de l’enfant a encore une forme réelle et se trouve représenté par les parents, les professeurs, tous ces êtres qui lui paraissent des êtres sans défauts, et les symboles de toutes les vertus. Un surmoi pareil est très fragile et n’à pas la stabilité de ce surmoi aux qualités morales que l’individu obtient en apprenant la valeur des abstractions.

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À côté des troubles profonds de la névrose, nous avons heureusement plus souvent l’occasion d’observer des enfants atteints de troubles passagers provoqués soit par le sentiment de culpabilité que cause la masturbation, soit par la naissance d’un frère ou d’une sœur ; les troubles morbides sont, en ce dernier cas, éveillés chez l’enfant par sa jalousie de « roi détrôné » ou par l’activation du complexe d’Œdipe, ou même par le mystère dont les adultes entourent la naissance d’un être nouveau. Nous avons souvent réussi dans ces cas à faire disparaître les troubles névrotiques (dépression, colères, trouble de la parole) en quelques séances. Suivant les cas respectivement indiqués plus haut, nous donnions à l’enfant l’explication de son onanisme et des peurs mal fondées que lui avaient causées les menaces insensées des parents ou des bonnes, ou bien nous lui décrivions le vrai processus de la naissance, ainsi que les origines de sa jalousie, de ses symptômes maladifs, lorsque cela était à portée de sa compréhension. En même temps, nous donnions les indications de comportement aux parents et nous essayions de leur faire comprendre le tort qu’ils faisaient aux enfants par leurs menaces et la sotte pruderie quant au vrai processus des actes biologiques.

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Nous voudrions, dans ce travail, montrer le chemin tortueux et sinueux que nous sommes souvent obligés de prendre, pour le traitement psychanalytique des enfants, ainsi que le but de ce traitement, qui tend à améliorer ou à supprimer les conflits familiaux créés par la névrose infantile et l’incompréhension que les patents ou même les éducateurs montrent souvent à son sujet. Nous essayons d’atteindre ce but en prenant contact avec les parents pour leur faire comprendre l’origine de ces conflits, et obtenir ainsi leur aide dans le traitement de l’enfant, ou pour leur donner des conseils de comportement vis‑à‑vis de l’enfant névrosé. Nous sommes parfois obligée de séparer l’enfant de ses parents en le plaçant pour la durée du traitement entre les mains de personnes qualifiées ou en le gardant pendant ce temps dans la station d’observation de la clinique de neuro‑psychiatrie infantile de M. Heuyer. Ce dernier moyen ne peut être employé qu’avec les garçons, faute d’une station d’observation pour les filles dans cette clinique.

Cette question de la conservation de l’enfant dans sa famille ou de la séparation d’avec la famille mérite d’être examinée d’assez près. La conception de l’influence du milieu sur l’enfant et du résultat que le changement de milieu peut avoir à lui seul sur les troubles dont il souffre ne nous satisfait pas : un enfant n’est pas une pâte à modeler qui prenne la forme du moule dans lequel on l’a mis, même plusieurs années. Le changement de milieu peut calmer l’enfant, lui donner de nouvelles habitudes, mais il ne résout pas les conflits psychologiques dont le comportement asocial ou bizarre de l’enfant n’est que le symbole.

Le but du traitement psychanalytique est au contraire de garder l’enfant dans sa famille et de profiter des conflits qui se produisent au cours du traitement pour lui faire comprendre l’origine et le but de ses symptômes morbides. Selon nous, la séparation de l’enfant de sa famille n’est indiquée que dans le cas où les parents sont incapables de s’occuper de leurs enfants et créent un milieu impropre à tout travail thérapeutique (parents bourreaux, parents débiles, parents névrosés, sans aucune compréhension de l’état morbide de l’enfant).

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On a discuté la question de savoir si l’on devait appliquer le traitement psychanalytique aux enfants névrosés seulement, aux enfants atteints de troubles du caractère, ou bien à tous les enfants. Mélanie Klein et ses adeptes prétendent que la psychanalyse devrait compléter toute éducation et que les enfants devraient tous lui être soumis avant l’âge scolaire, à titre de mesure prophylactique contre les troubles névrotiques. Les défenseurs de l’autre point de vue soutiennent que la psychanalyse ne doit être exercée que sur l’enfant névrosé, présentant des troubles du caractère, des difficultés dans son adaptation à la réalité, car il est très important pour l’efficacité d’une psychanalyse qu’il existe une tension, un frottement entre les tendances instinctives de l’enfant et son surmoi. Chez l’enfant en bas‑âge, le surmoi n’est pas encore formé, le refoulement n’existe presque pas. Cet avis est partagé par Anna Freud, Mary Chadwick, E. Pichon, l’auteur de ce travail et beaucoup d’autres psychanalystes qui s’occupent de psychanalyse infantile. M. Meng [2] montre une très grande réserve à l’égard de la psychanalyse infantile : il propose de faire l’analyse des parents, ce qui serait selon lui le meilleur moyen d’éviter la névrose chez l’enfant. C’est un procédé que préconisera tout psychanalyste expérimenté, mais c’est un but actuellement encore inaccessible.

Une autre question importante est celle de la psychanalyse des pervers.

Freud a défini la perversion comme étant le négatif de la névrose. Ne refoulant pas leurs désirs instinctifs, les pervers ne devraient pas produire de symptômes névrotiques.

Actuellement, nous voyons naître de nouvelles conceptions, d’après lesquelles le pervers commet des actes criminels du fait d’un sentiment exagéré de culpabilité, il recherche de cette manière la punition, la satisfaction morale de son sentiment de culpabilité.

Une psychanalyse approfondie pourrait guérir ces pervers de leur sentiment exagéré de culpabilité.

Je suis obligée de dire que l’expérience me manque quant à cette catégorie d’enfants ou d’adolescents. Les quelques pervers adolescents que j’ai pu examiner ne montraient aucune compréhension du traitement psychanalytique ; d’autre étaient plutôt des névrosés dont les actes criminels n’étaient que des symptômes névrotiques.

Dans les cas de conflits familiaux, soit de haine familiale entre fils et père, fille et mère, soit de présence d’un beau‑père ou d’une belle‑mère dans la famille, soit de jalousie ou de discorde entre enfants (après la mort du père, etc., etc.), des conseils psychanalytiques donnés aux parents et quelques séances avec l’enfant ou l’adolescent suffisent en général pour résoudre le conflit.

Les exemples,que nous nous permettons d’ajouter préciseront les origines et le traitement de cas plus compliqués et invétérés, ainsi que de cas frustes qui relèvent de l’hygiène mentale.

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On peut distinguer dans les névroses des enfants, comme dans celles des adultes la névrose d’anxiété avec des phobies, la névrose d’obsession avec des doutes et des scrupules, quelquefois les deux associées, et enfin les troubles névrotiques de nature plutôt passagère, provoqués par la naissance d’une petite soeur ou d’un petit frère, du fait de la jalousie ainsi que de la curiosité concernant l’origine des enfants, ou par le sentiment de culpabilité que provoque la masturbation.

Le plus souvent, les enfants présentant des névroses manifestes ne sont confiés aux psychanalystes qu’après des années de maladie et après l’échec de divers autres traitements. Ce sont donc a priori des cas très difficiles, mais même alors une psychanalyse suivie donne de bons résultats.

Il ne faut pas oublier que l’enfant a appris à apprécier les avantages de sa maladie, dont le plus grand est l’esclavage des parents qu’il tient sous la menace de la reproduction des symptômes. Les cas que voici me paraissent très instructifs.

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A) Un garçon de quatorze ans, très intelligent, était obsédé par des idées sexuelles : il ne pouvait pas ne pas penser à du linge ensanglanté, à des organes sexuels, à des scènes de castration, à des hommes et à des femmes nus.

Cet enfant a passé à l’âge de douze ans par une crise d’idées obsédantes concernant la mort de son père, par un amour étrange pour une compagne de classe et par des idées tristes dues à la peur des suites de la masturbation à laquelle il s’adonnait depuis sa plus petite enfance d’une façon exagérée.

Après l’aveu fait à ses parents, il se calma, et, au bout d’un mois ii était arrivé à se débarrasser de toutes ses idées obsédantes et tristes.

La névrose pour laquelle sa mère l’amena à notre clinique avait déjà duré six mois et eut un caractère très grave. L’enfant était très tourmenté par ses idées obsédantes.

En voyant un cercueil ou une grosse pierre il pensait irrésistiblement à la mort de son père. À table, il ne voulait pas manger des plats auxquels son père avait touché, craignant la contamination. Un couteau entre lui et son père lui faisait peur.

Avec sa mère il était affectueux, même trop ; il voulait tout le temps l’embrasser et la caresser, mais en même temps il l’insultait et la mordait.

Un rêve qui se répétait souvent lui faisait très peur il se voyait dans une pièce très vaste où il n’y avait d’autre sortie qu’un tout petit trou par lequel une souris aurait à peine pu passer. (Cela nous rappelle le rêve de la naissance.) Quelquefois la sortie était assez grande, mais dès qu’il s’en approchait, elle devenait de plus en plus petite.

Il passait son temps à observer ses obsessions comme des images cinématographiques sur un écran, et il les racontait à sa mère. Il pleurait souvent, tourmenté qu’il était par le sentiment de culpabilité. Sa mère vint avec lui de l’étranger pour le placer dans une maison de santé.

Nous avons séparé cet enfant de sa mère en le plaçant dans la clinique de neuro‑psychiatrie infantile ; et nous avons commencé le traitement psychanalytique.

Au début, l’enfant fut très hostile au traitement et ne me montra que des sentiments négatifs. Mais, au fur et à mesure que le traitement progressait, le malade se mit à parler avec plus de facilité de ses idées morbides et à fournir un matériel très riche.

En parlant de sa première crise, il raconta que la peur de la masturbation était le noyau de tous ses troubles d’alors.

Jusqu’à ce qu’on lui ait fait peur des suites de cette habitude il pensait « qu’il le faisait devant Dieu et pour Dieu ». En se touchant, il se préparait une carrière en tant qu’inventeur, voulant être seul avec son invention… S’il avait continué à se toucher, il aurait pu arriver à être poète ou inventeur.

Le cauchemar de la grande chambre avec la petite ouverture, il l’interpréta de la manière suivante : La grande chambre, le grand espace c’est l’organe féminin, où l’enfant se trouve avant la naissance ; la petite ouverture c’est l’ouverture par laquelle l’enfant nait.

Il se voit prisonnier dans cet organe. La sortie se ferme, si l’enfant veut en sortir avant le terme. Les entraves qui l’empêchent de sortir de la chambre c’est son père qui se change en planches qui se rapprochent.

En parlant des souvenirs de sa plus petite enfance, le malade dit :

« Les enfants observent beaucoup plus que les adultes lie croient… Beaucoup de choses se gravent dans la mémoire du petit enfant. »

Le linge souillé de sang le fit penser au supplice que son père faisait subir à sa mère. Il pense « que seulement les femmes mariées ont la perte de sang, parce qu’elle ne peut se produire qu’après l’union corporelle entre l’homme et la femme ».

Dans une de ses obsessions, il a vu son père boire l’eau d’un verre dans lequel trempait le linge ensanglanté de sa mère.

Son père boit ce liquide pour montrer l’union corporelle qu’il y a entre l’homme et la femme, son père boit le sang qui coule de l’organe sexuel de la femme. L’enfant dit qu’il savait tout sans savoir.

Cette image rappelle le symbolisme des rites et des croyances des peuples primitifs.

L’enfant raconte qu’il a couché dans le lit de ses parents jusqu’à l’âge de six ou sept ans. Quand on lui demandait jusqu’à quel âge il voudrait coucher avec sa mère, il répondait : « Jusqu’à quarante ans ».

Quand son père ne rentrait pas à l’heure convenue, il avait des regrets affreux, car il pensait que son désir s’était accompli et qu’il était lui la cause de la mort de son père.

Une fois, quand il tenait un canif dans ses mains, il eut le sentiment qu’il devait tuer son père.

Il dit qu’il voulait la mort de son père à cause de l’affront que sa mère avait subi de la part de celui‑ci : « Tuer son père est un acte de générosité, un acte de justice ».

Quand il a pensé à l’époque où il serait aussi grand que son père, il a pensé qu’il aurait alors un organe sexuel aussi grand que celui de son père.

Le serrement de coeur qui le tourmentait souvent au cours de sa névrose, il l’interprétait comme un remords pour la pensée qu’il avait eu de tuer son père, « il payait la méchanceté d’avoir voulu tuer son père ».

Le bien que lui fait le traitement psychanalytique provient de ce que « je le laisse s’unir avec sa mère pour lui prendre la curiosité : il satisfera la curiosité avec la même femme qui avait éveillé en lui la curiosité. La source qui l’a fait souffrir tarira sa souffrance ».

Il pense que dans ce traitement le côté sexuel joue le rôle principal et qu’il faudrait élucider les problèmes de cet ordre, qui sont ceux qui l’ont fait le plus souffrir.

La maladie l’oblige à penser, elle laissera un bon vestige : quand il sera guéri, il continuera à penser.

Le début de la névrose de ce malade s’était manifestée par un besoin très exagéré de poser des questions. Ce symptôme nous confirme ce que l’enfant nous a dit au cours du traitement : savoir qu’il a souffert à cause des choses sexuelles sur lesquelles il n’a pas été renseigné et qu’il savait sans les savoir.

Le complexe d’Œdipe et le complexe de castration se placent d’emblée au centre de cette névrose, et la dominent entièrement.

Le sentiment de culpabilité est très prononcé et paralyse toute activité de l’enfant qui cherche un appui dans le surmoi représenté pour lui par sa psychanalyste. Nous en trouvons la confirmation dans le passage suivant d’une lettre qu’au lycée, dans son étude, il a écrite à sa psychanalyste : « En tous cas, j’ai espoir que vous serez assez gentille pour me recevoir mardi à 7 heures ; vous me rendrez le plus heureux enfant du monde. Recevez‑moi, c’est tout ce que je vous demande. »

Le passage de la vie isolée du malade à celle de la collectivité de l’école était une épreuve très dure pour cet enfant plongé dans le narcissisme du névrosé obsédé.

Au cours du traitement, surtout vers la fin, l’enfant fut de plus en plus délivré de ses troubles. Déjà la possibilité de suivre le cours au lycée était pour lui une grande preuve de l’amélioration de son état.

Le changement tranchant de sa mentalité se montrait dans son attitude vis‑à‑vis de ses parents. Lors de ses visites chez sa mère son amour filial prenait de plus en plus un caractère normal, il avait perdu sa teinte purement sexuelle ; l’enfant n’avait plus le besoin des attouchements physiques, et il arriva même à rendre service à sa mère, chose qu’il refusait catégoriquement avant le traitement.

L’enfant s’aperçut lui‑même du grand changement qui s’était produit en lui. Il m’en parla avec enthousiasme après l’arrivée de son père à Paris, dont il avait été séparé depuis huit mois.

Il était allé à la rencontre de celui‑ci avec appréhension et avait été très étonné qu’aucun sentiment de haine ni de gêne ne l’eut envahi en sa présence.

Après trois mois de traitement, l’enfant a pu entrer comme externe dans un lycée où il a même remporté des prix ; après neuf mois de psychanalyse, il était guéri et est reparti avec ses parents. Cet enfant est devenu un jeune homme bien portant, sans aucun trouble psychique ; nous avons de temps en temps de ses nouvelles. Le complexe d’Œdipe et celui de castration, évidents dans la symptomatologie, étaient les pivots autour desquels tournait toute la névrose.

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B) Un autre garçon de quinze‑ans, celui‑la très chétif, d’une intelligence moyenne, était atteint d’une névrose d’obsession depuis plusieurs années. Il ne voulait coucher que dans la chambre voisine de celle où couchaient ses parents, pleurait quand ses parents sortaient, prenait des colères contre son‑père. Avant de se doucher, il accomplissait des cérémonies qui duraient plus d’une heure : le drap et l’oreiller devaient être mis d’une façon spéciale, la prière devait être répétée tant de fois. Il en était de même pour ses devoirs. Toute sa journée se passait à prendre des précautions contre ses phobies et ses obsessions. C’est grâce à ces rites qu’il arrivait à supporter la vie. C’était un garçon fixé à sa mère, avec une haine énorme contre son père.

Au cours de la psychanalyse, qui fut très compliquée et pénible, quelquefois même très dramatique, l’enfant produisit un matériel très riche et intéressant qui confirma pleinement mon diagnostic de complexe d’Œdipe et de complexe de castration non résolus, doublés de sentiments d’infériorité vis‑à‑vis de son père, type de bel homme. Cette analyse a duré dix mois et a donné le meilleur résultat, seulement la dissolution du transfert que l’enfant avait fait sur sa psychanalyste a été assez pénible.

Dans la même catégorie, avec des symptômes quelquefois plus atténués, il faut placer les fillettes qui ont peur de s’endormir si la porte séparant leur chambre à coucher de celle de leurs parents n’est pas entr’ouverte la nuit. Cette peur est souvent accompagnée de dépression ou de phobies et d’obsessions.

Dans ces cas, une psychanalyse suivie, ou quelquefois quelques séances d’élucidation seulement font disparaître les symptômes.

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En ce qui concerne les enfants présentant des troubles névrotiques causés par la naissance d’un petit frère ou d’une petite soeur et par la peur des suites de la masturbation, je citerai les exemples suivants :

C) Un garçon de sept ans et demi, très intelligent, très doux, avait complètement changé de caractère depuis la naissance de sa petite soeur, qui elle avait vingt mois quand la mère amena l’enfant à la consultation. Il était devenu coléreux, piquait des rages dans lesquelles il devenait très pâle, très jaloux de sa petite soeur qu’il aimait pourtant beaucoup. Il faisait les réflexions suivantes : « On n’aime qu’elle, on n’embrasse qu’elle, ce n’est plus pareil depuis qu’elle est là. » Il avait des idées de suicide à propos de la mort d’un petit camarade d’école, il avait dit : « Si seulement j’étais à sa place ! » Il avait demandé un jour une corde pour se pendre, il avait voulu se jeter par la fenêtre, s’était sauvé un jour et avait menacé de se noyer.

Cet enfant réclamait depuis l’âge de trois ans une petite soeur. Dès qu’on lui eut dit, au début de la grossesse de sa mère, qu’il aurait une soeur pour le nouvel an, il commença à s’intéresser à la question de la provenance des enfants. Il demanda à accompagner sa mère quand elle alla acheter la layette, parce qu’elle lui avait dit qu’elle allait choisir la petite soeur dans les grands magasins.

Au cours de l’examen, l’enfant me fait part de tous les détails qu’on lui a racontés au moment de la naissance de sa petite soeur. Il me fait comprendre qu’il n’a pas cru que sa maman était couchée parce qu’elle était tombée dans l’escalier. Un camarade lui a dit que les enfants croissaient dans la jambe de leur mère. Il me dit aussi qu’il ne voulait pas que sa petite soeur le quittât, mais qu’il se sentait mieux en classe qu’à la maison.

Il oblige sa mère à mettre son lit aussi près du sien que le lit de sa petite soeur. Il a été très impressionné par la mention que sa mère a faite en parlant à son père d’une dame morte des suites de couches. Sa mère dit alors qu’il aurait mieux valu que l’enfant fût mort plutôt que la mère. (Elle ne savait pas que l’enfant, occupé de ses devoirs, écoutait la conversation.) L’enfant s’est retourné avec colère et lui a dit : « Est-ce que tu voudrais donner à quelqu’un la petite Jacqueline ? Tu n’as pas le droit de le faire, elle est à moi, tu l’as achetée pour moi. » Dans ce cas, la naissance de la petite soeur a engendré un conflit profond chez l’enfant. Il voudrait que sa soeur mourût, qu’elle ne fût pas là ; mais, d’autre part, il l’aime, il voudrait qu’elle fût son enfant et celui de sa mère. Chez cet enfant, le surmoi est déjà assez organisé pour le faire souffrir de ces idées coupables ; il voudrait donc mourir pour se punir de ces idées.

C’est là un de ces cas où les explications nettes et véridiques, au moment de la naissance du nouvel enfant, auraient pu éviter les troubles névrotiques. Quelques séances psychanalytiques, ou même une simple élucidation par les parents, auraient pu guérir l’enfant. Mais dans ce cas le père a interdit qu’on parlât à l’enfant de la naissance des enfants, de ces « choses si sales ».

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D) Une fillette de sept ans, dont la mère est divorcée et remariée avec un homme plus jeune qu’elle, a, depuis la naissance d’un petit frère, peur de mourir. Elle ne s’endort pas si la porte entre sa chambre et la chambre à coucher de sa mère et de son beau‑père n’est pas ouverte. La nuit, elle se réveille, pleure et demande à coucher avec eux. Elle aime son petit frère et ne veut le laisser soigner par personne d’autre qu’elle. Elle découpe les faire‑part de décès des journaux et les pose sur le lit de sa mère. Elle est très affectueuse avec son beau‑père.

Ici le conflit est très évident : l’enfant voudrait que le petit frère fût à elle et à son beau‑père, elle souhaite la mort de sa mère, elle a peur de mourir parce qu’elle se croit coupable et attend sa punition. Le symbolisme des faire‑part de décès posés sur le lit de sa mère est d’une naïveté touchante.

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E) Un enfant de sept ans et demi, très intelligent, souvent premier en classe, a commencé brusquement, sans autres troubles, à avoir des arrêts de la parole : il dit qu’il a les mots dans la tête mais qu’il ne peut pas les prononcer ; il parle mieux avec ses camarades qu’avec ses parents.

L’enfant a une petite soeur de trois ans ; dès le moment de la naissance de celle‑ci, il s’est beaucoup intéressé à la question de savoir comment les enfants viennent au monde. L’enfant se souvint au cours de ma consultation qu’il avait commencé à avoir des arrêts dès qu’il avait pris l’habitude de répéter : « Eh ben ! eh ben ! », comme la maîtresse « le faisait ». Mais cette habitude, il l’a prise depuis une leçon au cours de laquelle la maîtresse leur montra des images de fleurs, leur raconta comment on plantait les fleurs, leur dit qu’on jetait les petits grains dans la terre, qu’on les arrosait. Depuis, il ramassait des graines et les plantait dans un pot. Ensuite, il commença à demander à sa mère comment les enfants venaient au inonde, si on les semait comme les fleurs ou si on les couvait comme les poussins, et comment elle-même était venue au monde. Pour cet enfant, l’élucidation de ces problèmes et les conseils donnés à la mère ont suffi à résoudre le conflit.

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Comme exemple du tort que peut faire aux enfants la peur des suites de la masturbation, je voudrais citer les cas suivants :

F) Une enfant de huit ans, chétive, intelligente, nous fut amenée par son père, instituteur dans une école primaire, parce qu’elle se masturbait et y entraînait les autres enfants. La fillette raconte que toutes les fois que ses parents l’attrapent pour s’être touchée, ils la mettent au pain sec, ou lui font apprendre un chapitre du catéchisme. Elle a souvent tellement peur de l’avoir fait qu’elle s’en accuse sans raison. (Le père me le confirme.) L’enfant ne comprend pas ce que ses parents veulent d’elle, car elle ne le fait pas exprès. Sa figure contractée, son expression de peur parlent un langage expressif. Le père, auquel nous donnons des explications et le conseil d’éclairer l’enfant au lieu de commencer par lui faire peur, est très indigné de notre façon de voir ces choses.

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G) Un petit garçon de sept ans, très intelligent, très espiègle, élevé par des tantes et une grand-mère (sa mère est morte), toutes trois très croyantes et pratiquantes, a, depuis sa dernière confession, une peur affreuse d’avoir commis un péché mortel, car son confesseur lui a dit qu’il ne serait pas admis à la communion s’il continuait à se toucher. Depuis, l’enfant est obsédé par l’idée dé s’être touché. Aller au cabinet l’effraie, et pourtant il y retourne tout le temps. Chaque fois qu’il en sort, il a peur de s’être touché. La tante qui accompagne l’enfant ne veut pas le faire soigner par la psychanalyse, ayant entendu dire que c’était un traitement antireligieux.

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Les cas de jalousie infantile sont quelquefois d’un raffinement psychologique surprenant.

H) Une petite fille de cinq ans, élevée dans un orphelinat, est devenue triste depuis l’entrée d’une autre petite fille. Elle était jusqu’alors la seule petite parmi les grandes. Elle ne mange presque plus et, au bout de quelques jours, montre une jalousie excessive. Elle demande qu’on éloigne l’autre petite fille, dit qu’elle la tuera. Un jour, elle se jette sur l’enfant et essaie en effet de l’étrangler. La nuit suivante (les soeurs l’observaient de très près et ont mi un mannequin à la place de la fillette dans le lit de l’autre fillette), elle se lève, s’approche du lit de l’autre enfant et sort tout d’un coup un couteau qu’elle avait caché le jour dans son lit ; elle essaya de trancher la gorge à l’enfant (en réalité au mannequin), et se mit à crier quand elle crut avoir tué l’enfant. Les soeurs arrêtent son geste et lui demandent ce qu’elle voulait faire. Elle répond qu’elle voulait tuer l’autre petite fille. Les soeurs isolèrent cette enfant malade de l’autre enfant. La petite malade fut amenée par elles à la clinique de neuro-psychiatrie infantile et me fut confiée pour un traitement psychanalytique. Les soeurs l’amenaient régulièrement pour les séances. La jalousie contre la fillette rivale était une jalousie écran ; l’enfant fut guérie après une série de séances.

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Très souvent, les parents nous amènent des enfants qui montrent en même temps de la haine et de l’amour pour un des parents ou pour les deux.

I) Un grand garçon de seize ans, très poli avec les étrangers et avec ses camarades, est très grossier avec ses parents. Il nous dit qu’il lui suffit d’entendre la voix de sa mère pour devenir enragé. Il ne voudrait pas se séparer de ses parents, tant il les aime, mais il ne peut pas rester avec eux sans se disputer. Il éveille ses parents, s’il les trouve couchés à sa rentrée, en leur reprochant de se coucher aussi tôt, ou bien il fait marcher le soir la T. S. F. pour empêcher ses parents de dormir.

J) Une fillette de onze ans, très gentille avec les personnes étrangères, est insupportable à la maison, pique des crises de colère, crie et déchire. Elle dit qu’elle n’a à se plaindre de rien à la maison, qu’elle aime ses parents, ne voudrait pas se séparer d’eux, mais qu’elle a en même temps de la haine contre eux et ne peut pas faire ce que lui demande sa maman.

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Tous ces cas nous montrent quel bien la psychanalyse pourrait faire aux parents et surtout aux enfants. Combien de conflits familiaux pourraient être évités si l’on pouvait faire comprendre aux parents l’origine de ces conflits !

Une clinique psychanalytique aurait pu faire du bien à tous ces enfants et parents victimes de la méconnaissance des causes. Des psychanalyses suivies, des conseils dans cet esprit donnés aux parents, pourraient devenir des moyens de premier ordre dans l’hygiène mentale.

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Depuis mon dernier travail à ce sujet (« La psychanalyse infantile », Hygiène mentale, n° 6, 1928), j’ai eu l’occasion d’étudier plus d’une cinquantaine de cas et de vérifier l’efficacité du traitement chez quelques malades guéris depuis plus de deux ans.

La plupart des enfants présentant des troubles névrotiques profonds ont des parents divorcés, séparés, ou vivant dans une grande discorde. Ces enfants se trouvent dans un conflit continuel ; il y a une lutte permanente entre leurs tendances, une discordance dans leur surmoi qui passe de l’identification avec un des parents à celle avec l’autre, et se trouve obligé d’adorer ce qu’il abhorrait et d’abhorrer ce qu’il adorait.

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K) Un garçon de treize ans, avec des tics très graves de la figure et du corps qui ont commencé à l’âge de huit ans, quand sa mère avait quitté le père, nous fut amené à la consultation par le père qui voulait se débarrasser de l’enfant malade qui le gênait. Le père vivait en ce moment avec une jeune femme.

L’enfant, qui aime le milieu familial, était très malheureux dans la pension où son père l’avait placé quelque temps après la séparation de sa femme.

Dans le nouveau milieu, l’enfant n’était non plus heureux.

Au cours de quelques séances (l’enfant venait très irrégulièrement au traitement et l’interrompit après une dizaine de séances, ayant trouvé un travail payé) il nous a montre toute la détresse de son existence depuis sa plus jeune enfance.

À l’âge de trois ans, il avait déjà assisté aux scènes violentes entre ses parents ; un peu plus tard, il a vu son père guetter avec un revolver en main à la porte de l’appartement la rentrée de sa femme.

À cette époque, l’enfant aimait sa mère beaucoup plus que son père, qui était marin et ne passait avec sa famille que quelques mois par an.

Au cours du traitement, l’enfant se souvint que sa mère rencontrait son ami en accompagnant l’enfant de l’école à la maison et qu’elle tâchait de disposer favorablement l’enfant envers cet homme.

Après des scènes violentes, la mère avait plusieurs fois quitté la maison, en emmenant l’enfant. La mère était partie définitivement, l’enfant demeure quelque temps avec le père.

C’est alors qu’il commença à en vouloir à sa mère d’avoir quitté le foyer familial, et depuis il n’a plus d’autre sentiment que celui de la haine contre elle.

À cette époque de sa vie, il a eu beaucoup de pitié et d’amour pour son père.

Le plaisir de vivre de nouveau en famille est troublé par la présence de la nouvelle femme pour laquelle il n’a pas un sentiment très défini.

Consciemment, il lui est très reconnaissant pour les soins qu’elle lui donne, mais dans ses rêves il assiste à son enterrement et il est très étonné de la voir revenir du tombeau souriante et jeune à la maison. En racontant ce rêve, il ajoute « .Ce n’est pas pour maman que je l’ai rêvé, c’était pour cette dame. ».

Après une amélioration sensible, les tics sont revenus sous une forme très aiguë, après que l’enfant a vu un film dans lequel le père et le fils sont des héros dans deux camps ennemis, et se combattent sans savoir qu’ils sont père et fils.

Le court récit des symptômes morbides de ce petit malade montre suffisamment les conflits créés par lés différentes identifications de son surmoi.

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Une autre catégorie d’enfants névrosés sont des orphelins de père, élevés par leur mère sans l’appui d’un homme qui puisse remplacer le père disparu. Ces enfants deviennent souvent, surtout les garçons vivant uniquement dans la compagnie des femmes, des tyrans ; ils s’imaginent prendre la place du chef de famille grâce à la faiblesse de leur mère, ils ne connaissent souvent d’autre principe que celui de plaisir et n’arrivent pas à s’adapter à la réalité, à faire les sacrifices indispensables à cette évolution. Ces enfants se heurtent aux difficultés de la réalité et la fuite dans la névrose leur est souvent le meilleur moyen de se soustraire à ces difficultés.

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La forme de la névrose est conforme au caractère, au tempérament de l’enfant, malgré que l’un et l’autre ne soient pas encore fixés définitivement avant la puberté ; il y a même, comme l’a bien mentionné Bleuler dans son travail sur la schizoïdie et la synthonie, un changement de caractère fréquent à cette époque.

Le type schizoïde présentera plutôt des traits paranoïaques avec obsessions et phobies, parfois associés à une dépression ; le cycloïde ne manquera pas de fournir les traits de la surexcitation (loquacité, préoccupation perpétuelle) ; l’épileptoïde manifestera une viscosité, une ténacité, un attachement aux détails, aux objets, ergotera.

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Malgré la différence des caractères et des tempéraments des petits malades, et même malgré les différentes formes de la névrose infantile, qu’il s’agisse des obsessions, des phobies ou de l’anxiété, les complexes que nous trouvons à la base de ces névroses montrent une uniformité incroyable. Le complexe d’Œdipe dominant leur pensée, ils rattachent les faits les plus divers à ce problème. Deux de mes malades l’exprimaient presque par les mêmes images : le malade A rencontrant un homme portant une grosse pierre, pensait que son père était mort et que cette pierre serait posée sur son tombeau ; le malade B voit dans un rêve son père malade, changeant de figure et couvert d’une grosse pierre. Le même malade se voit dans une rêverie touchant de sa main l’anus de sa mère pour empêcher les matières d’en sortir ; parce qu’il ne veut pas que d’autres enfants naissent de sa mère. Un garçon retient ses matières, ne les laisse partir que « boule à boule », comme il dit lui-même, et considère ces boules comme ses enfants à lui ; il leur parle comme « à des poupées noires ». La signification symbolique des matières fécales comme représentants des enfants se retrouve chez la plupart des enfants. Il en est de même pour l’idée de la mère phallique ; presque tous les garçons ont l’idée que la mère possède un pénis. Le garçon B, de quinze ans, défendait encore la théorie du phallus maternel.

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L) Un garçon de sept ans, ayant des troubles névrotiques profonds, s’intéressait énormément au « petit bout » de sa mère. L’idée que le coït est un acte de cruauté et de brutalité se retrouve chez tous les enfants qui arrivent à en parler. Le petit garçon de sept ans (L), qui était très fixé à sa mère, arrachait avec un plaisir frénétique les membres de ses poupées, et se montrait rayonnant après ces actes de brutalité.

Le garçon A nous en parle dans son obsession du linge ensanglanté.

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En nous rendant compte de la diversité des types morbides de nos petits névrosés, de la constellation familiale, du fait que ce n’est pas de son propre gré que l’enfant vient suivre le traitement psychanalytique, et surtout du fait qu’il n’a pas encore atteint la formation de sa personnalité avec le mécanisme du surmoi bien organisée, les refoulements acquis, nous comprendrons les difficultés particulières de la tâche de la psychanalyse infantile. C’est un domaine nouveau, une science en état d’élaboration, sans les avantages des directives de la psychanalyse de l’adulte pour laquelle notre maître viennois nous a facilité la tâche d’une manière admirable.

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Les moyens techniques de l’analyse infantile sont bien différents de ceux de l’analyse de l’adulte. Autant que les circonstances nous le permettent, nous profitons des associations libres et de l’interprétation des rêves, mais jusqu’à l’âge de dix ou douze ans, même chez l’enfant intelligent, les associations libres sont difficiles à obtenir ; nous sommes obligés de nous aider de la technique du dessin, du modelage, et surtout du jeu. Celui‑ci est notre aide souverain ; le choix d’un jeu, la manière dont l’enfant s’y prend nous donne des renseignements précieux sur le mécanisme de son inconscient, sur ses préoccupations maladives, et nous dévoilent souvent le conflit de son inconscient.

M) Tel enfant de cinq ans et demi dont les parents vivent séparés bégaye depuis ce temps. Il ne bégaye pas quand il se trouve en compagnie de son père. Or, il s’amuse avec les animaux en bois qu’il place deux par deux, en choisissant un animal mâle et un autre femelle.

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N) Tel garçon de huit ans, très intelligent, avec incontinence des, matières, construit pendant les séances des tours d’une hauteur extraordinaire, dessine des scènes dans lesquelles les moyens de locomotion et des hommes pourvus de bâtons énormes jouent le rôle principal.

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G) Tel garçon de quinze ans, avec surexcitation et préoccupations sexuelles sadiques‑anales, dessinait au début du traitement des scènes de torture d’une cruauté extraordinaire. Grâce aux interprétations qu’il trouve lui‑même et que la psychanalyse lui donne, il s’apaise et commence à dessiner des paysages et des scènes plus paisibles.

Que le jeu soit le moyen magistral pour entrer dans le mystère de la névrose infantile, toutes les personnes qui s’occupent de la psychanalyse infantile s’y accordent : Anna Freud, qui nous a donné les premières fondations de la technique de la psychanalyse infantile, Mary Chadwick, qui, par son don intuitif, doublé d’études approfondies, rend des services énormes à cette nouvelle science, Mélanie Klein, qui a une très grande expérience et qui est très intrépide dans ses conclusions théoriques, enfin l’auteur même de ce travail, nous nous servons toutes du jeu dans nos analyses d’enfants.

La question principale est celle‑ci comment se servir de ce moyen ? II y a deux possibilités : laisser faire l’enfant, en dirigeant son jeu sans qu’il s’en aperçoive et en gardant pour nous la plupart des conclusions, et en n’attirant que de temps en temps l’attention de l’enfant sur tel détail, en lui donnant l’interprétation psychanalytique seulement lorsqu’il est assez préparé par le traitement pour le comprendre ; ou bien interpréter pour le petit malade chacun des gestes qu’il fait, en lui en expliquant le sens symbolique, qui nous est familier du fait des analyses d’adultes.

Anna Freud, Mary Chadwick et l’auteur de ce travail appliquons la première méthode de traitement par le jeu, c’est‑à‑dire la méthode qui utilise la décharge affective par le jeu, suivie de l’interprétation psychanalytique si l’enfant en montre la curiosité et peut la comprendre. Mélanie Klein et ses adeptes préconisent la seconde méthode.

J’ai été très étonnée en lisant, dans le travail de Miss Searl (La fuite dans la réalité) [3], le passage où elle dit qu’elle a donné à un enfant de trois ans, qui voulait absolument connaître le fonctionnement de son poêle électrique, l’explication suivante, quand le moment lui parut venu : « … Je lui expliquai que son désir de savoir comment il (ce poêle) fonctionne n’était que le désir de savoir comment le pénis de son père travaille pendant la nuit dans sa mère. »

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Le psychanalyste avisé sait que le désir de l’enfant de tout savoir, de tout connaître, que sa manie très fatigante pour l’entourage de poser des questions sans fin n’exprime rien d’autre que sa curiosité des questions sexuelles. Ce déguisement lui permet de satisfaire d’une façon détournée cette curiosité, si mal comprise par les adultes.

Mais, même en connaissant l’origine de cette curiosité infantile, nous ne rendons aucun service à l’éducation sexuelle de l’enfant si nous lui donnons des détails sur la vie sexuelle qu’il ne nous demande pas encore à savoir et qu’il n’est pas encore capable d’assimiler. Même par une psychanalyse assidue, on n’arrive pas à faire comprendre à un enfant de trois ans les détails de la vie sexuelle dont Miss Searl parle dans son travail.

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La technique de la psychanalyse infantile a deux points très importants en commun avec la psychanalyse de l’adulte, ce sont le transfert et la résistance, ces deux pivots autour desquels tourne notre travail. De l’équilibre de ces deux agents dépend le progrès ou l’arrêt du traitement, et c’est le mérite du psychanalyste d’user habilement de ces deux moteurs. Il ne faut pas oublier que le psychanalyste ne se trouve pas seulement en présence de la résistance de l’enfant, mais aussi en présence de celle de l’entourage. Pour combattre cette résistance, nous manquons souvent de moyens. Je ne puis pas oublier ce cas relaté ci‑dessus (C), où l’enfant arriva à des idées de suicide, tant il était tourmenté par la question de l’origine des enfants, et où le père nous interdit de lui donner des explications qu’il demandait. Il faut se demander dans des cas pareils si le psychanalyste n’a pas le droit d’administrer les éclaircissements utiles, comme il ferait de tout autre médicament efficace.

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Le cas suivant nous montre quelle influence néfaste peut avoir sur l’enfant le manque de compréhension psychologique des parents :

F) Un garçon de quinze ans nous est amené pour des accès de colère contre son père et de petits vols d’argent. Ce garçon travaillait consciencieusement et livrait sa paye à ses parents qui ne lui accordaient presque pas d’argent de poche. L’enfant qui était un fumeur acharné et qui aimait offrir des cigarettes à ses camarades gardait l’argent destiné à ses trajets en métro pour acheter des cigarettes. Dès que le père l’eut appris, il supprima à l’enfant l’argent pour le métro. L’enfant se procura alors de l’argent en trichant sur ses fiches de repas. Le père l’apprit et le priva du repas du midi. Après cette deuxième privation l’enfant commit un vol : alors le père lui coupa les cheveux ras et raconta à ses supérieurs et à ses camarades la raison de cette punition. À l’occasion de cette punition, l’enfant se débattit et donna des coups de pieds. Ce garçon ne pouvait pas mettre la paire de chaussures qui lui plaisait sans le consentement de son père. Seul avec l’enfant, le père était gentil avec lui, mais, en présence de la mère de l’enfant, il devenait jaloux et éclatait. L’enfant avait raison en nous disant : « Aussi bizarre que tout cela paraisse, c’est ainsi. » Ce cas nous paraît le type classique de l’indication à traiter psychanalytiquement le père, comme le préconise Meng.

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Les fils de l’inconscient infantile sont plus accessibles que ceux de l’adulte, l’inconscient n’ayant pas encore acquis toutes les couches qu’il a chez l’adulte, mais il nous manque chez l’enfant l’appui de la faculté de sublimation, qu’il acquiert si difficilement et qui existe chez la plupart des névrosés adultes.

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Il semble qu’il soit plus facile d’obtenir le transfert chez l’enfant que chez l’adulte, mais le transfert chez l’enfant s’obtient principalement par des moyens matériels qui, pour la plupart, sont interdits dans le traitement. Je voudrais citer un cas qui me paraît très instructif à ce sujet.

Q) Je faisais l’analyse d’un garçon de dix ans souffrant de symptômes névrotiques suivants : il appliquait de temps en temps, sans aucune raison, et sans montrer un moment avant l’acte aucun signe d’énervement, des gifles très énergiques à son entourage, lançant aussi dans les mêmes conditions durant le repas son assiette à la tête de ses convives. Cet enfant, orgueilleux, de caractère très renfermé, souffrait de sa situation familiale : son père, pour lequel il avait une assez grande affection avait quitté sa mère quand l’enfant avait deux ans. Il connaissait à peine son père, n’osait parler de cette question à personne, ne montrait aucune affection pour sa mère et n’était en bons termes qu’avec une tante de sa mère : c’était l’unique personne de la famille qu’il ne giflât pas, mais aussi l’unique personne à laquelle il osât parler de son père. Placé dans notre clinique et confié à mes soins, il continua à donner des gifles aux soignantes, aux enfants, aux professeurs. Pour ma personne il fit une exception, et ne m’a jamais touchée, même aux moments de ses plus grandes colères contre moi. Au début du traitement, il me tournait le dos et me marquait une très grande hostilité. Au cours du traitement, il devint de plus en plus confiant, mais le transfert ne se faisait qu’avec de grandes difficultés. Il trouvait du plaisir à me raconter ses rêves et à écouter mes interprétations. Un moment vint où, depuis quelques jours, il faisait allusion à des rêves sales qu’il refusait de me raconter. Je lui dis qu’il ne pourrait pas guérir s’il n’arrivait pas à me raconter ces rêves. À ce moment, près de trois semaines s’étaient écoulées depuis la dernière gifle. Deux jours après, l’enfant recommença à gifler et à lancer des assiettes : cette nouvelle régression lui était, comme les précédentes, très pénible. À la troisième séance après ces événements, il me raconta spontanément ses rêves « sales », et me confirma dans l’opinion que c’était le refoulement de ces rêves qui le poussait aux actes agressifs. Au cours de cette séance, le chef de service, le Docteur Heuyer, vint dans le cabinet de la psychanalyste. L’enfant prit tout de suite l’attitude de culpabilité qu’il montrait toujours après ses actes agressifs : il se laissa tomber par terre, se mit à genoux avec la tête baissée. Je profitai de cette occasion pour lui parler de son conflit familial en lui disant que le docteur Heuyer représentait pour lui son père. Il ne voulait pas accepter cette interprétation et me fit une grande scène de colère, avec des coups de poing dans les vitres, des malédictions contre son séjour chez nous ; des mots hargneux contre moi. Je le laissai faire, sans lui adresser la parole, sans faire attention à lui. Il éclata en sanglots. Alors, je lui passai la main sur la tête et je l’encourageai à me raconter son chagrin. Il ne voulait ni ne pouvait parler, mais sa colère disparut. Il me quitta en sanglotant. Le lendemain, il vint, gai, content, et me raconta le rêve suivant qu’il prétendit au début de la séance avoir rêvé un an auparavant : « Une vieille dame vivait seule dans son appartement ; elle avait un lavabo dans lequel elle se débarbouillait tous les jours et elle lui parlait comme à un ami. Le lavabo la comprenait. Un jour, elle est partie chez sa soeur et, en rentrant, elle savait qu’elle allait mourir. Elle écrivit une lettre à sa soeur et prit congé pour toujours du lavabo. Le lavabo en avait un grand chagrin il se mit à pleurer à chaudes larmes ; l’eau coulait du lavabo goutte à goutte et inonda tout l’appartement. Quand la soeur de la dame arriva, elle la trouva morte et la pièce inondée, mais elle ne comprit pas le chagrin du lavabo. »

Quand il eut fini son récit, il me dit plusieurs fois qu’il voyait que je ne croyais pas qu’il eût eu ce rêve. Je lui répondis que je croyais bien à ce rêve, que dans les rêves une table se met très bien à parler, un lit à danser, et que la vieille dame de ce rêve, c’était moi et le lavabo lui‑même. D’une part, il serait content que je mourusse, car je ne l’ennuierais plus ainsi avec le traitement, mais, d’autre part, ma mort lui ferait de la peine, car il a du sentiment pour moi : nous en avons la preuve dans les chaudes larmes du lavabo.

Il accepta cette interprétation et ajouta, qu’il était à présent persuadé d’avoir eu ce rêve la nuit précédente. Quand la séance fut fini, il ne voulut pas partir, me demandant de le garder encore un moment. Jusqu’à cette séance‑là, il se dépêchait de partir. Le lendemain de cette séance, il m’offrit des bonbons, le transfert était fait et le traitement fit ensuite de grands progrès.

Cet exemple montre que, chez l’enfant, la provocation d’une décharge affective peut favoriser l’accès aux couches plus profondes de son inconscient. Chez l’enfant, le sentiment. qu’il se trouve en présence de quelqu’un qui comprend ses conflits est l’aide la plus grande dans la création du transfert. Dans le cas d’un petit garçon de neuf ans (R), qui ne parlait à personne depuis six mois quand j’ai commencé son traitement, et qui me fit comprendre son complexe d’Œdipe et celui de la castration par des dessins, le transfert a joué le rôle principal dans la guérison.

Le cas mérite encore d’être spécialement mentionné, car il nous a révélé quelle prise sur toute la personnalité de l’enfant exerce le complexe d’Œdipe et celui de la castration, et dans quelles couches profondes de son inconscient ils sont gardés.

Le sentiment de culpabilité ayant condamné cet enfant à un mutisme complet, il n’avait pas d’autres moyens pour exprimer son grief vis‑à‑vis de ses parents que le dessin.

La technique de cette psychanalyse n’était que le dessin, et il nous a fallu plusieurs mois d’un travail continu et assidu, pendant lequel l’enfant avait produit des centaines de dessins parmi lesquels beaucoup avaient une grande valeur psychanalytique, pour pénétrer dans la couche profonde de son inconscient, où dormaient ses plus précieux, mais aussi les plus dangereux complexes.

Sans être infiuencé par une parole de la part de sa psychanalyste, l’enfant produit dans ses dessins les plus importants de ses secrets : la peur de la castration et la peur de l’homme pourvu dans son dessin d’un double pénis qui fait une opération douloureuse à la femme..

Il n’est pas difficile de découvrir sous le décor de deux chirurgiens qui coupent les bras à l’enfant, ainsi que tous le décor du chirurgien qui fait une opération au ventre de la malade, son père et sa mère.

Pour obtenir la guérison complète de cet enfant, il nous a fallu arriver à lui faire exprimer encore toutes ses fixations au stade sadique‑anal de son érotisme.

Seulement, après cette catharsis profonde, l’enfant avait retrouvé l’équilibre entre son ça (soi) et son surmoi, et pouvait extérioriser ses sentiments pour son père, qu’il avait traité dans sa névrose comme son pire ennemi.

L’enfant a pu rentrer dans la famille et mène depuis une vie normale.

CONCLUSIONS

Après avoir essayé de montrer quels sont les conflits de l’enfance, quel est le rôle du transfert et de la résistance dans leur traitement, et par quels moyens techniques on peut réaliser ce traitement, je voudrais attirer l’attention sur le rôle des notions psychanalytiques chez les parents et les éducateurs.

Dans beaucoup de cas de névroses infantiles, la psychanalyse des parents pourrait rendre un service très précieux, mais il n’est pas toujours possible aux parents de faire le sacrifice que demande une psychanalyse approfondie qui pourrait être utile à leurs enfants.

Les parents et les éducateurs pourraient éviter mainte névrose aux enfants s’ils connaissaient au moins les directives et les conceptions psychanalytiques de la psychologie humaine. Par l’éducation sexuelle, la vraie connaissance de la signification de l’onanisme infantile, du rôle que joue une évolution normale de la sexualité pour l’avenir de chaque individu, les parents et les éducateurs pourraient rendre un service énorme à l’hygiène mentale de leur pays. C’est ici que s’ouvre un grand champ de travail : il faudrait organiser des cours d’enseignement psychanalytique pour parents et éducateurs, et ce sont surtout des cliniques pédiatriques dans lesquelles la psychanalyse des enfants s’exercerait, qui pourraient devenir un foyer d’enseignement par lequel on pourrait démontrer aux auditeurs tout le mal que subissent les enfants entre les mains de parent et d’éducateurs non renseignés sur les conflits de l’évolution libidinale. Il faut espérer qu’avec le temps, nous pourrons créer une clinique psychanalytique où des médecins et des psychogogues s’occuperont exclusivement de psychanalyse.

C’est l’avis de Freud que, dans l’état actuel de la civilisation, ou tant de renoncements pénibles sont imposés à l’homme dès l’enfance, l’analyse infantile deviendrait une nécessité.

Les enfants ne peuvent que profiter si des psychologues scientifiquement formés et éclairés, c’est‑à‑dire des psychanalystes, deviennent les directeurs de leur conscience.

Il n’est peut‑être pas trop audacieux de dire que l’enseignement psychanalytique, d’une part, et la psychanalyse infantile, d’autre part, pourraient avoir un effet prophylactique contre les psychoses. En étudiant les psychoses chez les adultes, nous apprenons dans la plupart des cas, que les malades étaient atteints déjà dans l’enfance, et surtout à l’époque de la puberté, de traits bizarres, d’un manque d’affectivité, qu’ils étaient très renfermés, inaccessibles. Il est très probable que beaucoup de ces malades ont passé par une crise névrotique dans l’enfance ou dans la puberté. À cette période de leur vie, leurs conflits psychologiques se trouvaient, encore dans une couche de l’inconscient plus accessible qu’à l’âge adulte. À cette époque, une psychanalyse aurait eu plus de chances de réussir et de préserver l’individu de la psychose dans l’avenir.

Nous ne sommes qu’au début d’un grand travail nouveau, et nous ferons bien d’amasser nos observations psychanalytiques et de les vérifier beaucoup plus tard, comme Freud l’a fit pour le petit Hans, analysé à l’âge de cinq ans et se trouvant en pleine santé morale à vingt ans.

Je me permets de rappeler le cas d’un enfant guéri par moi au moyen de la psychanalyse d’un mutisme psychogène, il y a trois as, et qui se porte moralement admirablement bien. Les troubles du comportement de cet enfant (R) étaient si graves au début du traitement qu’il était question de l’interner dans un asile. Un autre malade de quatorze ans (A), avait des obsessions et des phobies avec un comportement à ce point sadique vis‑à‑vis de sa mère qu’on envisagea son internement dans une maison de santé. Il a pu suivre l’école après trois mois de traitement psychanalytique et a été guéri après neuf mois de traitement. Depuis sa guérison, en été 1927, ce garçon est dans un très bon état moral ; il a terminé ses études et veut faire un apprentissage commercial.

Les grandes difficultés de la psychanalyse infantile ne nous empêchent pas de prévoir son grand avenir et d’apprécier le rôle qu’elle joue dans l’hygiène mentale et dans la prophylaxie des maladies mentales.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article original de Sophie Morgenstern, « La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’Hygiène mentale », Revue Française de Psychanalyse, 4e année, T. IV, n° 1, Éd. G. Doin et Cie, 1930, pp. 136-162.

Notes

[1Rapport fait à la 5e Conférence des Psychanalystes de langue française, à Paris, en juin 1030.

[2Rédacteur de le Revue de Pédagogie Psychanalytique (Zeitschrift für psychoanalytische Paedagogik).

[3Searl : « Flucht in die Realität » (Zeitschrift für Psychoanalyse, Bd XV, N° 2‑3).

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