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Dr Rayneau

Perversions sexuelles : cas du sieur A…

Annales médico-psychologiques (1895)

Date de mise en ligne : lundi 9 juillet 2007

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Dr Rayneau, « Rapport sur l’état mental du sieur A… Inculpé d’outrages aux mœurs. Perversions sexuelles. — Exhibitionnisme », Annales médico-psychologiques, 8e série, t. I, 53e année, Éd. G. Masson, Paris, 1895, pp. 387-393.

Médecine légale
RAPPORT SUR L’ÉTAT MENTAL DU SIEUR A…
INCULPÉ D’OUTRAGES AUX MŒURS
PERVERSIONS SEXUELLES. — EXHIBITIONNISME

Je soussigné, médecin eu chef du quartier des Aliénés des hospices d’Orléans, commis par réquisitoire de M. le Procureur de la République près le Tribunal de première instance d’Orléans en date du 4 janvier 1865, à l’effet de constater l’état mental du nommé A…, inculpé d’outrages à la pudeur, de dire s’il jouit on nom de la plénitude de ses facultés mentales et s’il est responsable des actes qu’il a commis, après avoir prêté serment, pris connaissance du dossier, visité à plusieurs reprises l’inculpé, soit à son domicile, soit en le faisant venir dans mon cabinet, et m’être entouré de tous les renseignements de nature à m’éclairer, ai consigné dans le présent rapport les résultats de mon examen.

Le nommé A…, cantonnier, est âgé de soixante-dix ans. Une information a été ouverte contre lui à la suite d’une dénonciation par lettre anonyme, l’accusant d’exhiber ses organes génitaux et de se masturber devant des enfants qui allaient à l’école. Onze enfants ont été entendus et ont affirmé, avoir été témoins des faits reprochés à l’inculpé. Ce dernier, interrogé à son tour, ne cherche pas à se disculper, il avoue tout sans réticences, il reconnaît qu’il a mal agi ; mais il ajoute que sa passion est plus forte que sa volonté et qu’aussitôt qu’il a commis un acte de cette nature, il en éprouve un profond regret.

La répétition fréquente de ces exhibitions a paru étrange chez un homme de cet âge et motivé son examen mental.

Pour que cette étude soit complète, il est nécessaire de remonter aux antécédents d’A… et de rechercher ce qui, dans le passé, peut éclairer le présent, et de voir si nous nous trouvons en présence de pratiques vicieuses ou, au contraire, de déviations d’ordre pathologique.

Le père d’A…, mort à soixante-dix-neuf ans, aurait été atteint pendant sept ans d’une affection nerveuse. Sa mère, très nerveuse, était sujette aux migraines.

Une soeur est morte d’une attaque d’apoplexie.

Quant à lui, il semble fort bien constitué ; malgré son âge avancé, il est encore très robuste. Jusqu’à quarante et un ans, il n’avait jamais été malade. À cette époque, il a été atteint d’une tumeur blanche de la cheville pour laquelle on lui a amputé la jambe. Depuis, il a toujours été fort bien portant. L’examen mental, tout d’abord, ne révèle rien de particulier. A… répond fort nettement à toutes les questions qu’on lui pose ; sa mémoire est intacte, et il raconte avec les plus grands détails les diverses phases de son existence.

Étant donnés les faits particuliers qui lui sont reprochés, nous avons pensé qu’on découvrirait peut-être chez cet individu quelque aberration ou perversion du sens génital. En dirigeant notre interrogatoire dans ce sens, nous avons constaté une particularité fort intéressante à ce point de vue.

A… a commencé à s’onaniser vers l’âge de douze ans ; depuis il n’a jamais cessé. Dès cette époque, il éprouva un phénomène singulier, c’était une excitation génitale particulière, suivie d’érection, dès qu’il apercevait un mouchoir ; aussi ne pouvait-il en voir à sécher sans avoir immédiatement envie de les dérober ; il était alors enfant de choeur et se réfugiait dans le clocher de l’église pour se masturber avec des mouchoirs volés qu’il y avait cachés.

Tous les mouchoirs ne lui convenaient pas également, il préférait ceux à carreaux blancs et noirs, violets ou rayés. II ne peut donner les raisons de cette préférence ; mais il s’arrêtait toujours à ces mêmes couleurs, dédaignant absolument les autres.

À quinze ans, il commence à avoir des rapports avec les femmes ; il parvient à pratiquer le coït, mais cet acte normal offre pour lui peu d’attraits ; il cherche surtout à dérober les mouchoirs des femmes qu’il fréquente pour se masturber ensuite avec. Soldat à vingt ans, il conserve les mêmes habitudes.

Il raconte que, plusieurs fois, il s’était trouvé impuissant au moment des approches sexuelles, et qu’il lui suffisait d’évoquer le mouchoir pour retrouver sa vigueur.

Une fois marié, ses habitudes n’ont point changé.

Sa femme nous raconte que, bien souvent, il était impuissant et que, bien qu’il eût d’assez violents désirs, il ne pouvait arriver à pratiquer le coït. Mais s’il se recouvrait la verge d’un mouchoir, l’érection se produisait aussitôt, et il pouvait pratiquer ses devoirs conjugaux avec le concours de ce revêtement bizarre.

A… avoue que les approches sexuelles ont toujours offert pour lui fort peu d’attraits, qu’il recherchait surtout la vue des nudités féminines, qu’il lui arrivait souvent de placer un mouchoir entre les jambes de sa femme ou de ses maîtresses et qu’ensuite, il se masturbait dedans.

À chaque instant, sa femme lui reproche les vols de mouchoirs qu’il commet pour satisfaire ses habitudes bizarres, mais il recommence toujours. Il en possède toujours deux ou trois sur lui ; il en a un dans lequel sa verge est enveloppée ; il en a d’autres dans ses poches. Un de ces mouchoirs à carreaux blancs et noirs est le préféré ; il le recherche exclusivement pour cet usage et le cache soigneusement à sa femme ; il le lave lui-même quand il est trop maculé de sperme, tandis que, pour les autres, il abandonne volontiers ce soin à sa ménagère.

Étant jeune, A… s’enivrait assez fréquemment, mais cela lui arrivait le dimanche et par occasions : il n’a jamais été un dipsomane dans l’acception du mot.

Aujourd’hui encore, quand il aperçoit nu mouchoir à sécher sur une haie, l’érection se produit immédiatement, et il n’a de tranquillité que lorsqu’il a pu le dérober et se masturber dedans.

Des faits de ce genre sont assez fréquents et ont été rapportés par différents auteurs.

Un individu, par exemple, recherche les clous de souliers de femme : il achète des bottines exprès pour contempler les clous qui sont dessous, il les approche de l’extrémité de sa verge et cet acte suffit pour provoquer chez lui l’érection, puis l’éjaculation.

Un autre ne peut entrer en érection que devant un bonnet de nuit : la première nuit de ses noces, il est impuissant et ne parvient à accomplir ses devoirs conjugaux qu’en évoquant la tète d’une vieille femme ridée, couverte d’un bonnet de nuit.

Un autre enfin se sent attiré par les tabliers blancs ; il ne peut s’empêcher d’en voler et s’en sert pour pratiquer l’onanisme, puis il les replace dans les lieux où il les a pris, ou bien il les jette ou les laisse chez lui dans un coin. Quand il aperçoit un homme on une femme avec un tablier blanc, il les suit, ne tenant aucun compte du sexe, le tablier seul offrant tout l’attrait ; cette vue suffit pour provoquer l’éjaculation.

Depuis quatre ou cinq ans, nous voyons s’opérer chez A… une transformation notable. L’âge est venu et l’impuissance augmente. Il a toujours des idées, dit-il, mais bien souvent il ne peut arriver à un résultat. L’excitation produite par le mouchoir ne suffit plus à réveiller ses sens endormis, et alors il cherche autre chose, et c’est en s’exhibant aux enfants ou en les découvrant, qu’il parvient à retrouver sa vigueur perdue, et à se procurer des sensations voluptueuses ; la vue des fillettes éveille principalement chez lui des désirs lubriques. Il résiste d’abord à ses idées malsaines, mais il finit par succomber ; il n’a plus seulement de la perversion sexuelle : il devient exhibitionniste.

C’est alors qu’il commet les actes qui lui sont reprochés actuellement. De la déposition des différents témoins il résulte principalement qu’il a appelé ces enfants pour se masturber devant eux, leur présence, à ce moment, provoquant chez lui une exaltation particulière.

II ne semble pas démontré qu’il ait voulu réellement abuser de la fille D… ; il s’en défend du reste, et avoue au contraire qu’il aurait plutôt voulu relever ses jupons afin de s’exciter. « Aurais-je voulu le faire, dit-il, que je n’aurais pas pu y arriver. »

A…, ainsi qu’on vient de le voir, présente donc une perversion étrange du sens génésique ; s’ensuit-il qu’il soit absolument irresponsable ? Nous ne le pensons pas.

Pour qu’un individu soit irresponsable d’un acte, ii faut que cet acte ait été commis sous l’influence d’une impulsion angoissante, impérieuse et absolument irrésistible, comme chez l’épileptique, par exemple, ou comme chez certains dégénérés héréditaires.

Dans d’autres cas, l’acte délictueux est commis, non pas sous l’influence d’une impulsion, mais il résulte de l’affaiblissement des facultés mentales (démence) et, dans ces cas, le délit est tellement niais, ridicule, inconscient, qu’il porte en lui-même le caractère de la déchéance des facultés. Alors l’aliéné ne prend aucune précaution pour se cacher, et semble choisir pour l’accomplissement de son projet, le moment où il ne peut manquer d’être pris.

C’est le cas, par exemple, cité par l’éminent aliéniste Magnan, de ce dégénéré héréditaire, surpris par un contrôleur à. la station d’omnibus de l’Étoile, frottant sa verge sur la robe d’une dame qui attendait son tour pour monter en voiture. Honteux, désolé, il s’empresse d’avouer tout au commissaire ; il pleure, se lamente, raconte qu’il avait longtemps résisté, mais qu’à la vue d’une dame dont le derrière était très saillant, il avait été comme ébloui et ne savait plus ce qu’il faisait.

On peut citer encore le cas de cette femme qui, se promenant aux Buttes-Chaumont, glisse, et se blesse légèrement à la cuisse. Elle s’assied sur le bord d’un trottoir, relève tranquillement sa robe pour se panser : deux sergents de ville l’interpellent ; elle leur répond en riant : « Mettez-y votre nez », et se découvre entièrement. C’était une paralytique générale. Devant le tribunal elle avoue tout, et raconte, dans son inconscience, la bonne farce qu’elle a faite aux sergents de ville.

J’ai cité à dessein ces deux exemples, parce qu’il s’agit d’exhibitionnistes dans les deux cas ; mais, tandis que le premier a cédé à une impulsion irrésistible, la seconde a agi avec inconscience ; son acte porte le cachet de la démence, elle se trouve fort étonnée qu’on lui reproche son exhibition impudique.

Si nous mettons les actes commis par A… en parallèle avec ceux qui précèdent, nous voyons qu’ils ont un cachet différent, tout en étant de même nature.

Chez lui, la perversion de l’appétit sexuel n’apparaît pas tellement obsédante et pressante, qu’il n’ait pu la réfréner par la volonté.

Les précautions, dont il s’est toujours entouré pour cacher ses habitudes, montrent qu’il avait assez d’empire sur lui pour dissimuler.

Lorsqu’il se livrait à ses exhibitions, il choisissait toujours le moment où les enfants étaient seuls ; il cherchait à les entraîner dans le bois, pour échapper aux regards indiscrets, on pénétrait chez eux, quand il savait les parents absents.

Lorsqu’il est allé chez la fille D…, il s’est sauvé dès qu’il s’est aperçu qu’un autre enfant, couché dans un lit voisin, et dont il ne soupçonnait pas la présence, avait vu ses mouvements.

Quel contraste avec le frotteur cité précédemment, qui n’hésite pas à accomplir son acte en plein jour, à une station d’omnibus ! quelle différence aussi avec la démence de cette paralytique, s’exhibant sans comprendre qu’elle commet ainsi un outrage aux moeurs !

C’est pourquoi je suis amené à formuler les conclusions suivantes :

CONCLUSIONS :
 1° A… n’est pas un aliéné, c’est un névropathe atteint, depuis sa jeunesse, de perversion sexuelle ;
 2" Ii avait au moment où il commit les actes qui lui sont reprochés, conscience du caractère délictueux de son exhibition, mais il y était incité par une obsession ;
 3° Cette obsession n’a certainement pas été suffisante pour annihiler sa volonté, mais elle a eu pour effet de la diminuer ;
 4° Sa responsabilité est donc atténuée.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article du Dr Rayneau, « Rapport sur l’état mental du sieur A… Inculpé d’outrages aux mœurs. Perversions sexuelles. — Exhibitionnisme », Annales médico-psychologiques, 8e série, t. I, 53e année, Éd. G. Masson, Paris, 1895, pp. 387-393.

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