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Topologie lacanienne

Transe et extase - Les paupières de Bouddha

Leçon II (22 mars 2013)

Date de mise en ligne : dimanche 21 avril 2013

Auteur : Guy MASSAT

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Guy Massat, « Les paupières de Bouddha », Séminaire 2012-2013 : Topologie lacanienne, Leçon II, Paris, le 22 mars 2013.

Topologie lacanienne
(Leçon deux, 22 mars 2013)

Le nœud trivial

Nous sommes faits de passé de présent et d’avenir. L’inconscient c’est le temps et le temps ça parle. Le passé parle, le présent parle, l’avenir parle. Présent, passé, avenir sont inséparables et constituent le logos de notre système inconscient.

Ces trois dimensions (dit-mansion) relèvent de la parole et forment un nœud, le nœud premier que nous avons vu la dernière fois et que Freud appelle le « système inconscient », ou « ordre de l’inconscient » dans la terminologie lacanienne. Vous vous souvenez : Inconscient, préconscient, conscient. Ça, moi, surmoi, Réel, imaginaire, symbolique (chez Lacan), ou plus basiquement : inconscient, corps et esprit.

Qui, parmi les personnes qui étaient là la dernière fois, sait dessiner le nœud premier et peut venir en dessiner un au tableau ? Personne ne vient au à la grande déception de l’orateur. Bon, Répétez après moi :
 Inconscient, préconscient, conscient. Ça, moi, surmoi. Plus fort, encore plus fort…

Sans avoir ça pour réflexe vous resterez misérables quelle que soit le niveau de votre culture et confiture, ou de votre érudition psychologique, psychiatrique et psychanalytique. Sans la topologie vous confondrez l’inconscient avec le préconscient comme le fait la tradition philosophique et nombre de psychiatres, de psychologues et de psychanalystes plus savants et érudits les uns que les autres. Si l’on ordonnait le temps selon le nœud premier on dirait que le ça, l’inconscient, le Réel c’est l’avenir (au commencement tout était à venir) ; le moi, le corps, l’imaginaire seraient le présent et le surmoi, l’esprit, le symbolique seraient le passé.

Certes, le passé, le présent et l’avenir nous constituent, mais ce sont aussi de formidables voleurs (peut-être est-ce là l’origine de nos malhonnêtetés, des miennes comme des vôtres).

En tout cas le passé est un voleur. Il se présente même comme le roi des voleurs. Il vole tout dans le présent et le présent lui-même. Il avale aussi l’avenir et lui vole tout. Tout lui appartiendra. Parce que tout passe dans le passé et ça le fait grandir. Songez un peu à tout ce qu’il vous a pris… Il mange tout. C’est le plus grand des ogres.

Alors le présent proteste et revendique à son tour la couronne du roi des voleurs. Il prétend pouvoir exploiter le passé à sa guise car sans présent il n’y a pas de passé. Toute conscience du passé est un présent et il en fait de même avec l’avenir. De plus il peut les refouler l’un et l’autre, les oublier selon son plaisir. Comme l’exercice de kong fu pour augmenter la concentration (inspiration et écartement des bras pour écarter le passé et l’avenir).

Mais l’Avenir s’impose lui aussi comme prétendant au titre de roi des voleurs. Tout est toujours nouveau. Rien ne reste tel qu’il se présente. Sinon comme un mensonge, un fantasme. Le présent et le passé ne peuvent rien y faire, la vérité est à venir. Tout diffère. L’avenir est la différence en tant que telle. Tout ce que l’on croit être, avoir ou faire, il le vole en le rendant obsolète.

Nous sommes donc à la fois constitués et déchirés par de ces trois instances inséparables. Ces trois voleurs sont inséparables. Ils forment le nœud de la névrose comme disent Freud et Lacan. La névrose du système inconscient est le principe premier. (Il y avait à Vienne en hommage à Freud une statue représentant trois personnages luttant entre eux, figurant le ça, le moi et le surmoi. Je ne sais pas si elle existe toujours).

Comment en sortir ?

Le conte de Tomi Ungerer « Les trois brigands » illustre une fin heureuse à cette situation. Vous connaissez ? C’est l’histoire de trois brigands inséparables qui ne font rien d’autre que de dévaliser les voyageurs (ils figurent si l’on veut bien le ça, le moi et le surmoi). Ces trois méchants brigands entassent un trésor fabuleux qui ne cesse de croître. Mais un jour dans une diligence ils ne trouvent rien qu’une petite fille qui de plus est orpheline. Ils la prennent quand même, car elle est très jolie et l’ajoutent à leur trésor.

Un jour la petite fille qui ne manque pas d’esprit, leur fait remarquer qu’ils ne font rien de toutes leurs richesses. Ils pourraient pourtant s’en servir pour construire un beau château où on accueillerait tous les petits orphelins et orphelines du monde. Ce que firent les trois brigands. Chaque jour des orphelins arrivaient. Ils grandissaient, se mariaient, faisaient des enfants, construisaient des villages, des provinces, des pays. Bref des mondes…

L’inconscient ça parle et la parole peut tout et vous allez voir l’importance de notre nœud premier et comment il se transforme en nœud trivial. Comment par la parole on peut changer un dessus dessous, ce qui engendre trois sortes de nœud trivial. Celui du ça, celui du moi et celui du surmoi…

(Expérience de la face et du dos avec une feuille de papier, bande möbius et dessins au tableau)

Différence entre transe et extase

L’extase c’est littéralement se tenir hors de l’être. C’est le zéro, l’invention des bouddhistes par laquelle ils désignaient la dynamique du nirvana, le souffle du rien, le ça en mouvement et sans nom, ou, « la parole sans nom » du taoisme.

La transe est une sensation intense de bonheur mais aussi d’angoisse. Elle est représentée par les nœuds triviaux du moi et du surmoi. À la différence du ça sans nom, ils ont des noms. Ils sont identifiables : moi c’est moi, affirme le moi. Le surmoi c’est l’esprit qui impose ses lois. Les mots sont des torsions, c’est pourquoi ils sont aussi des maux. Les nœuds triviaux du moi et du surmoi sont en réalité des nœuds de möbius, c’est-à-dire un nœud à un croisement. Lacan les représente par une sorte de faux nœud en huit. En tout cas ils sont tordus par rapport au nœud trivial du ça qui, lui, ne l’est pas (dessins au tableau).

Dans le nœud trivial, O, le trou précède ses bords. Le trou est centrifuge et le bord centripète. Le trou est noir, c’est l’inconscient, et les bords sont lumineux. Mais on peut se demander comment le nœud trivial est-il un nœud, puisque le nœud se définit par ses croisements ? C’est que tout point du cercle est un nœud premier si resserré qu’on ne le voit pas. Le trou centrifuge et les bords centripètes forment une pulsation. C’est la pulsation du système inconscient.

Ainsi Lacan explique dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse : « Le système inconscient est une pulsation temporelle ». Ce n’est pas l’inconscient, le trou centrifuge, qui se répète, c’est le moi et le surmoi. Il y a la pulsion continue e les bords forment les pulsions partielles.

Le transfert relève de la transe. La transe c’est une sorte de transfert. Dans le mot transfert il y a trans. Il y a transe du corps et transe de l’esprit. Une exaltation du corps et une exaltation de l’esprit. Les transes s’expriment dans la peur et dans le plaisir. L’extase littéralement signifie hors de l’être, insaisissable, intransmissible, inconnaissable, hors du conscient.

L’ex-stase, c’est le ça de la sublimation. Le bébé est en extase. Souvenez-vous de vos extases, orales, anales, génitales. Plus facile, souvenez vous de vos transes sexuelles, de vos transes mentales, ou spirituelles. Elles se sont transformées en leurs contraires. La transe est transport auquel on s’abandonne, une sensation intense de bonheur mais qui est suivie de dépression, de frustration, d’angoisse ou de nostalgie (algie, c’est la souffrance en grec et nos c’est le retour). Mais si vous ne connaissiez la transe si vous ne voyiez pas votre souffrance, la répétition de vos malheur, vous ne pourriez trouver le nœud trivial du ça, que Lacan appelle le Réel et Freud l’inconscient en tant que tel, différend donc du « système inconscient » ou de « l’ordre de l’inconscient » de notre nœud premier. Si vous connaissez l’extase vous bénéficierez des transes par surcroît et sans les symptômes.

Transe du corps et transe de l’esprit sont produites par la torsion de l’objet petit a, α, écrit en grec. Lacan dessine le nœud trivial de la transe comme ça. (Dessins au tableau)

« Les paupières de Bouddha » selon Lacan

Le bouddhisme fait du nœud trivial (celui du ça) son emblème sacré. Le bouddhisme Chan interfère avec la psychanalyse selon Lacan sous les aspects suivants :

1/ le désir est illusion, car non seulement il n’y a pas d’objet extérieur mais du parlêtre (Lacan), et il n’y a pas de moi pour le bouddhisme (anatta en pali, non ego). Il n’y a pas de miroir. Les miroirs ne reflètent rien, donc plus de conflits avec l’Autre, ou qui que ce soit.

2/ Dào (la parole de l’inconscient), fait mon corps (le préconscient) et fait mon esprit (la conscience de…). Tel est le fondement du non-dualisme, c’est-à-dire du trialisme et de la transformation du nœud premier de la souffrance en nœuds trivial du bonheur.

3/ L’impassibilité de la face du Bouddha : « Les paupières de Bouddha » (Chapitre 16 du séminaire X, L’angoisse) correspond à un dépassement, le franchissement de l’angoisse.

Page 263, au chapitre « Les paupières de Bouddha » Lacan explique à propos d’une statue représentant Kwan yin, la déesse du vide :

« Vous pouvez remarquer qu’il n’y a pas d’ouverture de l’œil dans cette statue. Or les statues bouddhiques ont toujours un œil, on ne peut pas dire clos ou mi-clos car c’est une posture de l’œil qui ne s’obtient que par un apprentissage, à savoir une paupière baissée qui ne laisse passer qu’un fil blanc de l’œil au bord de la pupille ».

Elle n’est ni ouverte ni fermée.

(L’orateur, GM, termine en racontant l’importance des paupières dans l’histoire du Chan et sa propre myasthénie des paupières comme un processus de conversion hystérique, ou comme dit Lacan « un effet de signifiant »).

P.-S.

Prochaine conférence :
 Le nœud du fantasme

École Saint Roch (35, rue Saint Roch - 75001 Paris) :
 Salle Péguy (4e étage et demi)
 20 h
 Métro : Pyramide ou Tuilerie

Participation : 10 €
 Inscription : guymassat@live.fr

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