Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Séminaires psychanalytiques > L’objet vide sans concept

Zen et Psychanalyse

L’objet vide sans concept

Conférence du mercredi 6 avril 2011

Date de mise en ligne : mardi 19 juillet 2011

Auteur : Guy MASSAT

Mots-clés : ,

Guy Massat, « l’objet vide sans concept », Conférence Zen et Psychanalyse du mercredi 6 avril 2011.

Le Zen et la Psychanalyse

Le zen et la psychanalyse, le et la. Il est dit dans la Prajna Paramita, que la suprême la sagesse du vide se trouve condensée dans la lettre A, préfixe sanscrit négatif. (Voir la lettre « a » dans la Prajna Paramita). L’étymologie de la lettre A est « vache ». Le et là, l’œuf et la vache ? Les vaches ne font pas des œufs. L’œuf est là pourtant. L’œuf est l’a ou l’œuf est las ? Quand il est las il se casse. « L’homme est une omelette », « il lomelise », dit Lacan (Joyce le Symptôme).

En chinois il n’y a pas d’article défini. On dirait donc « Zen psychanalyse ». Il n’y a même pas de conjonction de coordination, pas de « et ». Mais en français nous pourrions entendre (en étant indépendants de l’écriture, c’est-à-dire conformément au Tchan) « et » comme « est » du verbe être. Ce qui changerait complètement le sens de la proposition. L’un serait l’autre et inversement. On pourrait aussi entendre « hait » du verbe haïr. Le zen haïrait donc la psychanalyse et l’autre le lui rendrait bien. On pourrait aussi entendre « haie » qui désigne une barrière de séparation, désignant deux champs de parole qui ne devraient pas communiquer. La langue chinoise ne connaît pas ces subtilités ou plutôt elle les absorbe. L’inconscient de tous les individus est d’ailleurs structuré comme la langue chinoise, qui est pour ainsi dire sans grammaire. La phonétique tenant place prépondérante et générant continuellement des équivoques.

Le mot inconscient, Unbewusst en allemand, Lacan le traduit phonétiquement en français par « une bévue ». Une bévue c’est une erreur. C’est une erreur vis-à-vis de la vérité ontologique certes, erreurs, lapsus et actes manqués, mais en fait, c’est-à-dire dans la perspective du temps, c’est une erreur qui parle d’une dimension de la vérité plus réelle que la vérité du semblant (le principe d’identité, l’être statique). Toute erreur est un discours réussi. « L’interprétation n’a pas plus à être vraie que fausse ; elle a à être juste », explique Lacan (J. Lacan, « C’est à la lecture de Freud… », Cahiers Cistre, 3, 9-17, 1977).

Il y a trois métiers impossibles, disait Freud, « éduquer, gouverner, psychanalyser ». C’est que l’analyste n’est pas un programmateur d’ordinateur. Le premier sens du mot grec analyse est « libération ». La psychanalyse libère l’inconscient. Elle ne l’éduque pas. Le non-être ne s’éduque pas, ne se gouverne pas, ne se programme pas. C’est ce que soutiennent aussi les maîtres de Tchan avec leur sarcasmes, leurs coups de pieds, leurs torsions du nez et leurs koans absurdes.

« Le Tchan est une transmission spéciale en dehors des écritures et ne se soumet pas au langage ordinaire. » Le zen c’est l’éveil abrupt au non-être, autrement dit à l’inconscient. C’est pourquoi Lacan ouvre son séminaire en 1953 à Sainte Anne par l’éloge du Zen. L’écrivain japonais Akutagawa, dont la mère était folle, est passé à la postérité avec son livre Rashomon qui illustre le non-être de toute réalité, selon le zen, ou encore le « rien n’existe de tout ce qui est » des sophistes, ou l’inconscient de la psychanalyse.

« Toute biographie est impossible » affirmait Freud se référant à l’inconscient. Rashomon relate le récit d’un crime perpétré lors d’une guerre civile au Xe siècle (la grande période du Zen). Les juges interrogent les témoins du crime qui ont curieusement une version totalement différente les uns des autres. On interroge alors le criminel lequel rapporte une version contraire à celles des témoins. On fait alors appel à un chaman qui interroge le fantôme de la victime. La victime relate alors une toute autre histoire qui n’a rien de commun avec les témoins ni avec la victime. L’inconscient n’est qu’une cascade d’interprétations impermanente. Les faits ne sont jamais que des points de vue sans objectivité. Il n’y a pas de point de vue de tous les points de vue possibles. C’est cela « le non-être antérieur » du Zen et de la psychanalyse. À ne pas confondre avec le non-être de la philosophie qui consiste à nier l’être en faveur d’un être plus être que l’être. Pour la philosophie la négation de l’être n’est qu’une affirmation détournée de l’être puisque pour nier l’être il faut selon elle d’abord qu’il y ait de l’être.

« Le chien a-t-il la nature de Bouddha ? demande-t-on au Maître de Tchan Yu men. Celui-ci répond : 無, qui se prononce Wu en chinois et Mu en japonais. Il n’y a pas de oui et de non dans ces langues mais on peut se servir de Wu, qui signifie rien, pour dire non. La plupart des traducteurs occidentaux traduisent Wu par non pour interpréter la réponse de Yumen. Cela satisfait le sens de leur logique de considérer que le Bouddha n’a pas la nature d’un chien ni le chien la nature de Bouddha. C’est conforme au principe d’identité : le Bouddha est Bouddha et le chien est le chien. Personne ne confond. Mais du point de vue du Tchan, c’est-à-dire du non-être, le Bouddha n’est pas le Bouddha, et le chien n’est pas le chien. C’est même ce qui s’appelle l’éveil. A n’égale pas A. « Ceci n’est pas une pipe » disait Magritte. Preuve en est que nous pouvons appeler un chien Bouddha et traiter le Bouddha de chien. Ni le chien ni le Bouddha ne s’en indigneront. Il n’y a que ceux qui n’acceptent pas le contradictoire qui se sentiront blessés. Lacan enseigne, avec son nœud borroméen, à distinguer le cynique de la canaille. Les deux mots se réfèrent au chien mais si on ne sait faire la distinction entre chien et chien, on se révèlera débile. Le cynisme, disait Nietzsche « est ce qui peut être atteint de plus haut sur terre ».

On raconte qu’un américain instruit par des livres de la doctrine bouddhiste, visitait un temple Zen. Cet américain avait compris que le Bouddha enseignait qu’il ne fallait croire ni aux rites ni aux cérémonies ni respecter de simples statues. Quand le moine qui l’accompagnait passa devant une statue de Bouddha il s’inclina très respectueusement et invita l’américain à faire de même. Celui-ci refusa en disant que le Bouddhisme consistait justement, selon Bouddha lui-même, à ne pas suivre de rituels ni à respecter des statues qui ne sont que des bouts de bois. C’est tout à fait exact approuva le moine. C’est même là l’essentiel. C’est pourquoi je m’incline avec le plus grand respect devant les représentations de celui qui a expliqué ça et nous a libérés par l’impermanence des illusions de l’identité. Constatons ici que le Zen manie le contradictoire. Du coup le nihil negativum, « l’objet vide sans concept » de la table des divisions du rien, selon Kant (Critique de la Raison pure, p. 249) est parfaitement recevable dans cette ultra-dimension. Bien qu’il soit opposé à la raison ordinaire comme à toute possibilité puisqu’en apparence ce concept se détruit lui-même, il se justifie en tant que libération.

Il y a un non-être antérieur à l’être, un néant qui n’est pas la négation de l’être, mais pour ainsi dire son soutien : N, non, E, être, Ant, antérieur, néant. « Pourquoi est-il difficile de traduire Nonsense (anglais) par non-sens (français) ? Pourquoi la dimension positive de nonsense n’est-elle pas, du moins jusqu’à récemment, intégrable au français ou à l’allemand ? » (Barbara Cassin, Vocabulaire européen des philosophies, p. 859, Le Robert). Dans les gong’an des maîtres chinois du Tchan, ou koan en japonais, le nonsense est traditionnellement utilisé. Pourquoi ? Parce qu’il va plus vite et frappe plus directement que la raison. Il dévoile le Réel et fait plus forte impression que la vérité ontique du semblant.

Le Réel désigne l’inconscient qui signifie « le vide sans fond et rien de sacré » de Bodhidharma, « le concept vide sans objet » de Kant (à qui Lacan reproche de faire « un si médiocre usage » de ce cette définition) (Séminaire IX, leçon du 28 février 1962), le « rien et pas même rien » de Gorgias, le « ni sens ni non-sens » des sophistes et des sceptique et l’épochè de Pyrrhon. L’inconscient est la « grande voie » ou la « grande voix » : l’un est l’autre se disent. On peu traduire le sin sin Ming, un des premiers traité connu du Tchan dont l’auteur est le troisième patriarche, nommé Seng tsan, mort au VIIe siècle, non pas comme on le voit généralement par : Inscription (ming) de l’esprit de foi (sin sin), mais comme transcription de la « pulsation temporelle » sin sin. Il n’y a qu’à regarder les caractères. Ce qui donne « la grande voix est simple il suffit de ne pas choisir » (c’est-à-dire de pratiquer l’épochè, l’extinction, le nirvana du jugement, l’Unbewusst).

Voir en ligne : Pourquoi n’y a-t-il rien et non pas quelque chose ?

Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise