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Éditorial

L’Inconscient, quel souci !

Psychanalyse et Inconscient : L’Éternel combat !

Date de mise en ligne : samedi 11 décembre 2004

Auteur : Jean-Yves RAFFORT

Mots-clés : ,

« L’homme est continuellement habité par le souci » (Heidegger).

Quel souci que la psychanalyse ! À peine évoque t-on son étude, sa pratique en tant qu’analyste ou analysant, que la cacophonie du conscient, jamais très loin, nous éloigne d’elle. Nous n’en voulons pas (de l’inconscient) !

L’étude de l’inconscient nous fait peur. Nous faisons porter des chapeaux invraisemblables à Freud, Lacan et autres. Nous leur prêtons des idées, des paroles, bref des signifiants qui, au-delà des concepts établis, forment comme une résonance à notre inconscient mais peut-être pas au leur, s’ils pouvaient encore en avoir le « souci ».

En effet, si Freud a établi un cadre à ses théories, rien ne nous permet de penser qu’il en a formulé ses frontières. Ou, plus sûrement, ces frontières n’étaient que le reflet instantané de sa parole. Citons simplement pour exemple la position de Freud sur la féminité : « Si vous voulez en savoir plus sur la féminité, écrit-t-il en 1933, interrogez vos propres expériences de vie, ou adressez-vous aux poètes, ou bien attendez que la science puisse vous donner des renseignements plus approfondis et plus cohérents ».

Ferenczi, par sa manière de pratiquer la psychanalyse, est sorti à maintes reprises du « cadre », du « cache » du maître ; en en référant à Freud, ce dernier note simplement cette manière « chevaleresque » de pratiquer l’analyse. De même, Lacan, dont les écrits peuvent être interprétés à l’infini et sans aucune certitude d’y atteindre une quelconque sorte d’irréfutabilité, décida finalement de dissoudre son école : non pas dans le but de ne pas laisser d’héritage, mais parce que la fin de sa vie signifiait la fin de son œuvre et qu’il ne s’agit pas de copier l’expression d’un inconscient disparu et unique.

L’inconscient est unique dans ce qu’il a d’extraordinaire. Il n’est ni le corps, ni l’esprit, il est avant la physique. Et parce qu’il n’est pas codifiable, il n’a pas de limite. Cette liberté absolue dont il jouit nous fait peur et, par là, nous incite à la plus grande prudence. Ne pas chercher trop loin ce qui le constitue de peur de recevoir en retour comme la malédiction. C’est cette ignorance qu’il nous faut préserver. Cette prudence, cette peur diffuse a pour conséquence directe de nous dicter, lorsque l’on n’y prend garde, un retour vers le conscient alors que le seul sujet qui nous intéresse est l’inconscient.

Certains psychanalystes de renom s’y font prendre sans même sans s’en rendre compte. Paul-Laurent Assoun nous en fournit quelques exemples typiques dans son article sur la psychanalyse : « Crise passagère, crise infinie ? », paru dans le numéro hors série du Nouvel Observateur [1].

Ce texte reprend souvent avec brio les principales thèses freudiennes et amène assez justement l’évènement de la naissance de la psychanalyse par « une faillite explicative de la psychiatrie » et « une défaillance épistémique de la psychologie ». Juste peut-être, mais incomplet. Nous pouvons surtout dire que la psychanalyse est née parce qu’elle traite de ce qui est absent dans la psychiatrie et la psychologie. Elle traite du souffle vital, de ce feu froid qui nous sera toujours inaccessible. Il est presque inutile d’utiliser la raison et le symbolique pour la décrire, tant elle est plus du domaine du ressenti de ce souffle que du domaine du mot. La psychanalyse diffère autant de la psychologie que le mot de la parole. Tenter de les situer sur le même plan est vain. Mettre de la parole, être contradictoire, mentir pour dire la vérité, assurer que l’impossible est possible, sont peut-être là les formulations les moins éloignées du domaine de l’inconscient.

Quelques lignes plus loin P.-L. Assoun nous explique que « la psychanalyse veut donner à la psychiatrie le fondement psychologique manquant » (p. 13). Je ne suis pas sûr que la psychanalyse veuille quoi que ce soit à la psychologie ou à la psychiatrie. Elle se suffit à elle-même. Elle n’est pas intéressée par les questions conscientes et, notamment, celles liées à la morale. Or, P.-L. Assoun examine la psychanalyse à la lumière de la triple question réactivée de Kant :
 Que peut-elle savoir ?
 Comment peut-elle guérir ?
 Que peut-on en espérer ?

Il exprime par-là une tendance forte à rester sur le plan du conscient. Ainsi, écrit-il : « Les analyses n’en finissent pas... » Ce qui ne peut être noté que du côté du conscient, l’inconscient n’ayant pas de temps chronologique.

Cette triple question reprise par P.-L. Assoun reflète une question qui se rapporte à la morale et à la conduite de la conscience. L’inconscient, lui, ne demande à ne rien savoir, sur rien d’ailleurs, et n’aspire qu’à la jouissance, partielle mais absolue.

En conclusion, on pourrait dire que tout ceci est une question de malentendus. À mêler les considérations conscientes aux considérations inconscientes, on en arrive à mélanger thérapie avec cure analytique, cerveau avec psyché, etc.

Certains psychanalystes, d’ailleurs, n’insistent plus assez sur la dimension du conflit qui caractérise la relation du conscient avec l’inconscient. Peut-être n’y a-t-il pas plus résistants que les psychanalystes eux-mêmes ?

En 1920, dans Journal, Kafka écrivait déjà :
 « Il a deux adversaires. Le premier le presse par-derrière depuis les origines. Le deuxième l’empêche d’avancer. Il se bat avec les deux. » [2] Éternel combat !

Notes

[1P.-L. Assoun, « Crise passagère, crise infinie ? », Nouvel Observateur, Hors série n° 56, octobre novembre 2004, « La psychanalyse en procès », p. 12-15.

[2Franz Kafka, Journal, traduction Marthe Robert, Grasset, 1956.

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