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La paranoïa Schreber

L’Homme « hors a »

Séance du 28 avril 2005

Date de mise en ligne : dimanche 10 juillet 2005

Auteur : Christophe BORMANS

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Avant-propos

Paul nous rapportait l’année dernière une certaine “Totémisation”, que dénonçait Éric Porge, une “Totémisation” dans les noms que Freud attribuait à ses cas : notamment « l’homme aux rats » et « l’homme aux loups ».

Peut-être, pourquoi pas ! Si cette “Totémisation” ne me convainc pas, il me paraît en tout cas judicieux de s’interroger, comme le fait Éric PORGE sur ces signifiants. Je le ferais ce soir sur l’homme aux rats.

Je le ferai donc dans le cadre de ce Séminaire sur la Psychose du Président SCHREBER, et je le ferai en commençant par vous faire remarquer (à l’encontre de la théorie de la « Totémisation ») que l’homme aux rats, hé bien il a bel et bien un prénom - un prénom que Freud lui attribue arbitrairement dans la narration du cas.

Seulement ce prénom, personne ne s’en souviens, et c’est curieux, parce qu’il n’est pas anodin. Alors je pose donc la question (devinette) - taillée sur mesure pour les amoureux du signifiant :

Quelle est le prénom que Freud donne à l’Homme aux rats, dans le cas du même nom ? Est-ce qu’il y a quelqu’un qui s’en souvient, est-ce que quelqu’un l’a noté ?

Hé bien ce prénom, que Freud lui attribue, c’est exactement le même que celui de Schreber : Paul.

On le sait par deux ou trois passages, vous le verrez certainement, au détour d’une de mes lectures de ce soir.

Alors pour la « Totémisation », vous repasserez ! Il se joue, dans ce cas de l’homme aux rats, comme dans celui de Schreber, quelque chose de beaucoup plus important que la « Totémisation ».

Qu’est-ce que le rat pour l’homme (pour l’homme aux rats, en l’occurrence) ? Éh bien la première réponse est évidente : un signifiant. Un signifiant, qui représente le sujet, appelons-le Paul, pour un autre signifiant.

Alors qu’est-ce qu’un rat ? Je pose la question...
 Réponse : un rongeur !

Voilà ! Il n’y a pas, avec l’Inconscient, à aller chercher midi à quatorze heure... (sauf pour l’Homme au Loups)
 L’Inconscient : c’est l’évidence ! disait un topologue ou nodologue bien connu d’un bon nombre d’entre-nous. Je dit « disais » parce qu’on ne l’entend plus... Alors ces rats, ils rongent, ils rongent l’homme aux rats.

Donc, avec ce rat - ces rats -, l’homme, Paul, nous dit une chose essentielle, cruciale, et sur laquelle on ne doit pas lâcher :
 C’est qu’il est rongé !

Voilà ! Mais rongé par quoi ? Bien sur, il y a le signifié, et toute cette histoire de capitaine et de binocle. Mais si ce n’était que ça, il n’y aurait pas à faire autant de simagrées.

Rongé par quoi donc ? Par un signifiant, donc par un réel, par un signifiant dans le réel !

C’est ce que l’on observe sur le nœud borroméen, lorsque qu’au croisement de l’imaginaire et du réel, le réel passe par-dessous l’imaginaire, et vient, en quelque sorte par ce rat - par ce signifiant dans le réel - vient “ronger” cet imaginaire.

C’est ce que Freud va, finalement, essayer d’écrire, je dis finalement parce que ce n’est pas évident tout de suite, lorsqu’il reçoit l’homme aux rats.

Car ce que fait Freud dans les cinq psychanalyse, ce n’est pas rien !

C’est tout à fait inhabituelle pour Freud, qui préfère de loin les conférences (fussent-elles imaginaires), les récits mythologique, les romans fantastiques, les pièces de théâtre, etc.

Ce que fait Freud dans les cinq psychanalyse, c’est une tentative d’écriture du réel, ouvrant la voie à celle de la topologie lacanienne.

Et ce n’est pas pour rien, que Lacan commencera ses séminaires par l’analyse de ces cinq cas - Et pas un ne manquera ! L’homme aux rats (première année de séminaire - 1951 - repris dans le mythe individuel du névrosé), l’homme aux loups (deuxième année de séminaire : 1952-1953), puis Dora (séminaire I et II) le Président Schreber (séminaire III), le petit Hans (séminaire IV).

Cinq psychanalyse donc qui ont quoi de particulier ? Quelque chose qui culmine dans le cas de l’homme aux rats et du petit Hans (les deux premiers que Freud ait rédigé) :
 C’est une tentative d’écriture topologique !

Freud est visiblement trop affecté par Dora pour en rendre compte sous une tentative d’écriture du réel : il se contentera, dans la lignée des Études sur l’hystérie avec Breuer, d’une présentation « classique ». De même, il connaît trop peu le Président Schreber, dont il souhaite avant tout faire un exemple - une ordalie ai-je dis - en vue de sa transmission (symbolique) de la théorie analytique.

Mais dans l’Homme aux loups, le petit Hans et l’Homme aux rats, il y a là, ces schémas :
 La Girafe au wiwimacher et la tête de cheval moustachue du petit Hans ; il y a également la topographie des lieux de la rampe de chargement de l’entrepôt : la rue du Viaduc et le chemin, le “trajet”, que Hans projette de suivre.
 Le dessin énigmatique de l’homme aux loups : arbre déployé sur lequel ne sont perchés - non pas des chats -, mais seulement cinq loups !

Il y a donc ces schémas - mais il conviendrait plutôt d’appeler ça une tentative de repérage d’une topologie de l’inconscient.

Car cette tentative d’écriture, je tenterai de vous le présenter ce soir, culmine avec le trajet du voyage de l’Homme aux rats courant après sa dette, trajet dont je m’étonne, que l’on ne l’est toujours pas pris pour ce qu’il est :
 “un signifiant topologique” - à savoir : une simple croix, autour de laquelle - c’est là le destin de l’Homme aux rats - notre homme tourne en rond.

Nulle part ailleurs que dans le cas de l’Homme aux rats, vous avez déjà, le nœud borroméen que Lacan n’aura plus qu’à cueillir, qu’à épingler du signifiant “bord” : car c’est vraiment tout ce qui compte dans cette appellation de bord-roméen : bord-romain, si vous voulez.

Et vous retrouver ici, non seulement l’énigme de la passion freudienne - nulle part aussi bien épinglée que par Gérard HADDAD dans Freud en Italie...

Vous avez donc le “bord-romain” de Freud et les fameux trois discours de Rome, après que Lacan ait échoué dans sa demande d’entrevue avec le Pape.

Le nœud borroméen n’est donc qu’un signifiant. Signifiant “inventé” par Lacan à partir de l’expérience - écrite par Freud - de l’Homme aux rats.

Retour sur Freud, Jung et la Zwang

Je vous ai déjà raconté dans quelles conditions Freud en vient à témoigner de l’Homme aux rats :
 Nous sommes en pleine passion avec Jung, qui le mène par le bout du nez... comme ces fameuse lunettes... - j’y reviendrai - ces fameuse lunettes que l’Homme aux rats cherche partout.

Nous sommes au premier Congrès de psychanalyse freudienne, à Salzbourg, nous sommes en 1908 (le 27 avril)... Bref, c’était hier !

Alors l’Homme aux rats, c’est d’abord avec cette fameuse Zwang que Freud va l’aborder. Zwang, donc contrainte ; on l’a vu avec Schreber. Est-ce pour autant spécifique ou commun à la névrose et/ou à la psychose ?

Dans la Zwang, il a cette idée de contrainte, certes, mais contrainte de quoi ?
 À penser ? À parler ? À associer, comme le dit C. Muller ?

Oui, certes, il y a tout cela dans la Zwang. Mais contrainte de quoi donc ?
 Contrainte à “faire” quelque chose. Quoi ? Là n’est pas vraiment la question à vrai dire.

Le « faire » quelque chose, ça nous suffit pour le moment. Pourquoi ? Parce que d’emblée, dans le cas de l’Homme aux rats, Freud s’empresse de comparer l’obsession à l’hystérie.

Et observons tout simplement - avec l’évidence - que l’idée de contrainte (Zwang) à faire quelque chose, marque bien d’abord et avant tout :
 une contrainte d’activité, laquelle s’oppose par conséquent à la passivité :
 activité de l’obsession, passivité de l’hystérique.

C’est ce que Freud avait noté d’emblée dans l’une de ses premières définitions de l’hystérie, qu’il nous donne dans l’article “L’hérédité et l’étiologie des névroses”, publié en 1896 :

« La névrose d’obsessions relève d’une cause spécifique très analogue à celle de l’hystérie. On y trouve aussi un événement sexuel précoce, arrivé avant l’âge de la puberté, duquel le souvenir devient actif pendant ou après cette époque, et les mêmes remarques et raisonnements exposés à l’occasion de l’hystérie pourront s’appliquer aux observations de l’autre névrose (six cas, dont trois purs). Il n’y a qu’une différence qui semble capitale. Nous avons trouvé au fond de l’étiologie hystérique un événement de passivité sexuelle, une expérience subie avec indifférence ou avec un petit peu de dépit ou d’effroi. Dans la névrose d’obsessions il s’agit au contraire d’un événement qui a fait plaisir, d’une agression sexuelle inspirée par le désir (en cas de garçon) ou d’une participation avec jouissance aux rapports sexuels (...) » (S. Freud, « L’hérédité et l’étiologie des névroses » [1896], Œuvres complètes, volume III, PUF, Paris, 1989, p. 120).

Et, un peu plus loin, Freud précise :

« L’importance de l’élément actif de la vie sexuelle pour la cause des obsessions comme la passivité sexuelle pour la pathogenèse de l’hystérie semble même dévoiler la raison de la connexion plus intime de l’hystérie avec le sexe féminin et de la préférence des hommes pour la névrose d’obsessions. » (S. Freud, « L’hérédité et l’étiologie des névroses » [1896], Œuvres complètes, volume III, PUF, Paris, 1989, p. 120).

« Passivité sexuelle en des temps pré-sexuels » ! « Telle donc l’étiologie spécifique de l’hystérie », entérine Freud, dans ses « Nouvelles remarques sur les névropsychoses-de-défense », la même année, en 1896 (Œuvres complètes, volume III : « Textes psychanalytiques divers », PUF, Paris, 1989, p. 124).

« Passivité sexuelle en des temps pré-sexuels » pour l’hystérie ; et, à l’inverse, on pourrait dire pour la névrose obsessionnelle : Activité sexuelle (intense) en des temps pré-sexuels !

C’est ce que Lacan reprendra en nous caricaturant l’obsession et l’hystérique dans ce superbe trait (je ne sais plus où c’est - si quelqu’un veut bien s’en rappeler - je cite de mémoire) :
 Ce que dit l’obsessionnel, c’est : “je fais tout et il ne m’arrive rien” ; tandis que l’hystérique ne cesse de nous dire : “je ne fais rien et pourtant tout m’arrive”.

« Activité sexuelle (intense) en des temps pré-sexuels » ! Telle est l’histoire infantile de l’Homme aux rats.

La sexualité infantile de l’Homme aux rats

« Intense », parce qu’il y avait dans son enfance, des personnes :
« ... des bonnes, qui me plaisaient beaucoup, dit-il, et que je désirais violemment voir nues ».

C’est, on le sait, d’abord sa première nounou, la fameuse madame Pierre (Fraulein Peter), puis, ensuite, la non moins fameuse Mlle Lina qui pressait les abcès qu’elle avait sur les fesses, le soir, avant de s’endormir : « Je guettais ce moment pour satisfaire ma curiosité », rapporte à Freud l’Homme aux rats.

Cette Mlle Lina, Paul-l’Homme aux rats l’aurait donc entendu dire ceci - vers 7, 8 ou 9 ans - :

« Avec le petit, on pourrait déjà faire ça, mais Paul (moi) est trop maladroit, il raterait certainement son coup. »

Elle avait 23 ans, cette demoiselle Lina, et elle avait déjà eu un enfant, le père finira par l’épouser : “de sorte que, maintenant, dit Paul à Freud, elle est “Frau Hofrat” (...). Je la rencontre encore souvent dans la rue. »

Frau Hofrat ! Ça insiste tout de même, vous ne trouver pas ?

Alors “Hofrat”, en allemand, c’est en effet un conseiller aulique, un “Conseil de cour”.

Voilà donc la teneur de la première séance. Et Freud de faire cette observation extraordinaire :

« Les phénomènes que notre patient nous décrit, dans la première séance, datant de sa 6 ou 7 année, ne sont pas seulement, comme il le croit, le début de sa maladie, c’est sa maladie même. » En d’autres termes, une névrose obsessionnelle.

Et quelle est l’obsession ? C’est un désir : « le désir de voir nue » (“des femmes qui lui plaisent”, rajoute Freud). C’est-là le Ça. Et la névrose s’organise en ce sens que le moi va commencer à lutter contre ce désir du Ça. Et c’est cette lutte, cette “révolte” (ce “mouvement de révolte”, dit Freud, contre la pulsion érotique), c’est ce conflit donc qui va être refoulé, de telle sorte que ce désir réapparaîtra sous la forme de la fameuse “jouissance ignorée”.

Vous allez me dire, la pulsion voyeuriste ! D’où les fameuses binocles ! Attendez un peu...

Car Freud nous dit :

« Nous avons ainsi une pulsion érotique et un mouvement de révolte contre elle ; un désir (pas encore obsessionnel) et une appréhension à lui opposée (ayant déjà le caractère obsessionnel) ; un affect pénible et une tendance à des actes de défense. C’est l’inventaire complet d’une névrose », dit Freud (p. 205).

Mais Freud ajoute aussitôt qu’il y a “quelque chose de plus” :
 « Une sorte de formation délirante » !

Délire, projection et trou dans le réel

En fait, Freud fait très précisément référence ici au fait que Paul-Homme aux rats, enfant, avait le pressentiment que ses parents connaîtraient ses pensées. En ce sens, précise Freud, “il les exprimerait [ses pensées] sans entendre lui-même ses paroles”.

Freud en conclue judicieusement la chose suivante :

« “Je dis mes pensées sans m’entendre”, cela sonne comme une projection à l’extérieur de notre propre hypothèse suivant laquelle on a des pensées sans le savoir ; il y a là comme une perception endopsychique du refoulé » (p. 205).

Et plus loin :

« ... Les caractères psychologiques de la névrose obsessionnelle. Comme je l’ai exposé plus haut (p. 226), le refoulement, dans cette maladie, s’effectue non pas par l’amnésie, mais par la disjonction des rapports de causalité, disjonction qui est une conséquence d’un retrait de l’affect. Ces rapports refoulés gardent une sorte de force capable d’avertir le sujet, force que j’ai comparée ailleurs à une perception endopsychique, de sorte que le malade introduit les rapports refoulés dans la réalité extérieure au moyen de la projection et là, ils témoignent de ce qui a été effacé dans le psychisme » (p. 250).

Observons dans le fait que Paul-Homme aux rats) exprimerait ses pensées sans entendre lui-même ses paroles, que nous sommes bien-là à l’opposé de ce qui vient à l’autre Paul (SCHREBER), qui lui, est contraint de penser par des paroles (des voix) qui ne sont pas à lui, mais pourtant, qu’il entend plus ou moins distinctement.

Pour Paul SCHREBER, en quelque sorte : « Ça parle clair dans le poste ! » Ce qui n’est pas le cas pour l’Homme aux rats.

Prenons un autre exemple :

« ... Il [l’Homme aux rats] fut obsédé par une compulsion à comprendre, qui le rendit insupportable aux siens. Il s’efforçait de comprendre exactement chaque syllabe de ce qu’on lui disait, comme si, sans cela, un trésor important allait lui échapper. Il demandait continuellement “Que viens-tu de dire ?” Et, lorsqu’on lui répétait la phrase, il prétendait avoir entendu d’abord autre chose et restait insatisfait. » (p. 222).

“Compulsion à comprendre” s’agissant de la névrose obsessionnelle, tandis que pour l’autre Paul, le psychotique, il s’agirait bien plutôt, vous en conviendrez avec moi, d’une compulsion à avoir tout compris !

Il y a bien une activité - l’élément actif dans les deux cas -, cependant : cette activité est dans le présent, voir dans le futur, pour l’obsessionnelle, elle est déjà dans le passé pour le paranoïaque (il a déjà tout compris).

• Pour Lacan : « ce qui est forclos du symbolique revient dans le réel ». C’est un peu court... la phrase exacte devrait-être :
 Ce qui est forclos dans le symbolique revient dans le réel par l’imaginaire.

• À suivre cette comparaison, il serait dans la droite ligne de ce qui vient d’être dit, que d’avancer que pour l’obsessionnel :
 Ce qui est forclos dans le réel revient dans le symbolique par l’intermédiaire de l’imaginaire.

De sorte qu’il serait logique d’en conclure, que ce qui pose un problème spécifique dans la névrose obsessionnel : c’est bien le réel.

Il y a là une sorte de “trou dans le réel”, qui revient dans le symbolique par l’imaginaire.

Qu’est-ce que ça veut dire un trou dans le réel ?

Le réel, donc, j’espère que nous tomberons d’accord pour dire que c’est le sexuel (le langage) : le réel, c’est le sexuel. Un trou dans le sexuel, qu’est-ce que ça peu bien vouloir dire, si le sexuel, précisément, c’est un trou. Est-ce que le réel est un trou, est-ce que le sexuel est un trou, et qu’est-ce que voudrait alors dire un trou dans le réel ?

Mais plutôt que d’aborder ça froidement, abordons le plutôt à l’aide de ce que Freud appelle « la grande appréhension obsédante », ce que tout le monde connaît : c’est l’histoire de l’acte manqué, de l’oubli du « lorgnon » et de toute l’histoire qui s’en suit.

Les grandes manœuvres

Vous connaissez ce que l’on appelle communément l’histoire de l’Homme aux rats - Paul la raconte à la troisième séance. D’emblée il annonce à Freud : « Je crois que je vais commencer, aujourd’hui, par vous raconter l’événement qui me poussa à venir vous consulter. »

Quelle est l’histoire ? Hé bien en plein mois d’août, notre Paul-Homme aux rats, qui est officier de réserve, avait été appelé à des manœuvres dans une ville : appelons la avec Freud : X. La routine !

Il avoue déjà être très tourmenté par des obsessions avant les manœuvres, et avoue également qu’en quelque sorte, ces manœuvres apaisèrent ses obsessions, vu l’intérêt qu’il prenait à s’y faire bien voir par les officiers de carrière.

Un jour, ils font tous une marche, autour d’une ville X, et, naturellement, les soldats effectuent, à un moment donné : une halte.

Au cours de cette halte, les discussion vont bon train, et un capitaine d’origine tchèque s’y distingue en “rat-content”... En racontant une petite histoire qu’il avait lu quelque part : il s’agit de la description d’un supplice pratiqué en Orient, lequel consiste en ce qu’on attache un prisonnier condamné, de telle manière qu’on puisse ensuite lui renverser sur les fesses un pot, dans lequel on avait pré-introduit des rats, rats qui n’ont ensuite de cesse, de s’enfoncer “dans l’anus”, complète Freud.

Histoire anodine, mais qui fait un effet bœuf - si je peux me permettre l’expression - à notre homme.

La halte prend fin : on s’apprête à repartir, et là, notre Homme aux rats s’aperçoit qu’il vient d’égarer son lorgnon. Il s’en aperçoit rapidement, mais il renonce à le chercher pour ne pas faire “retarder le départ”.

De retour à la caserne, il télégraphie immédiatement à son opticien à Vienne, et lui demande de lui envoyer un autre lorgnon par retour du courrier.

Le lendemain soir, c’est le capitaine en question qui lui remet le colis contenant le lorgnon, colis qui était bien arrivé contre remboursement, et le capitaine dit par la même occasion que c’est le lieutenant A qui en a payé le montant (3 couronnes 80) - l’Homme aux rats devant donc désormais, tout simplement rembourser ce fameux lieutenant A.

Mais au même moment, pendant que le capitaine était en train de lui parler, se forme dans la caboche de Paul-Homme aux rats ce que Freud appelle une “sanction” :
 Si il rend l’argent, “ça” arrivera : c’est-à-dire que le fameux supplice aux rats sera appliquer - “on appliquera” le supplice aux rats - à son père et à celle qu’on appelle “la dame”, sa “bien”-aimée.
 Et, en même temps, surgit “une sorte de serment”, pour combattre cette “sanction” : “Tu rendras les 3 couronnes 80 au lieutenant A” !

Là, vous voyez qu’il y a un “os”. C’est, en quelque sorte, le fameux os de Milou ou plutôt d’Idée fixe !

Alors que va-t-il faire, notre Homme aux rats, devant ce “double-blind”, ce “double-aveugle”, cette non-alternative ? Hé bien, il va tourner autour :

[Lecture du cas p. 208 et p. 209]

« Je ne serais pas surpris, écrit Freud, que le lecteur eût été incapable de suivre ce que je viens d’exposer. Le récit détaillé que me fit le patient des événements antérieurs à ces jours et de ses réactions à ces événements était lui-même rempli de contradictions internes et paraissait extrêmement confus » (p. 208).

Alors, après ça, notre Homme passe bien évidemment “une nuit épouvantable’ (une nuit à la Schreber) ; et monte un scénario :
 Le lendemain, le lieutenant A devait faire, en même temps que lui, une partie du chemin vers P..., la station de chemin de fer :

“Il aurait alors le temps de lui demander un service. Mais il n’en fit rien et laissa A... le quitter. Toutefois, il chargea son ordonnance d’aller annoncer à A... sa visite pour l’après-midi. Notre patient arriva à la gare à 9 h 30, y déposa ses bagages, fit toutes sortes d’emplettes dans la petite ville, se proposant de faire ensuite sa visite à A... Le village où se trouvait ce dernier était à une distance d’une heure environ en voiture de la ville de P... Le trajet en chemin de fer vers l’endroit où se trouvait le bureau de poste en question devait durer trois heures. Il croyait ainsi pouvoir, une fois son plan compliqué réalisé, revenir à temps à P... et y prendre le train du soir pour Vienne. [...] C’est pour cette raison qu’il acquiesça, lorsqu’un porteur, à la gare, lui demanda : “Pour le train de 10 heures, mon lieutenant ?” Il partit par conséquent à 10 heures, après avoir créé un fait accompli (...) qui le soulagea beaucoup. Il se procura aussi, chez un employé de wagon-restaurant, un ticket pour le déjeuner. Au premier arrêt du train, il lui vint à l’esprit qu’il avait encore le temps de descendre, d’attendre le train venant en direction inverse, d’aller à P... et à l’endroit où se trouvait le lieutenant A..., de faire avec celui-ci le trajet de trois heures vers l’endroit où était le bureau de poste, etc. Et ce n’est que la promesse donnée à l’employé d’aller déjeuner au wagon-restaurant qui le retint. Mais il n’abandonna pas son projet et en remit la réalisation au prochain arrêt du train. Cette réalisation, il la différait d’un arrêt à l’autre, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à une station où il lui sembla impossible de descendre, à cause de la présence, dans cette ville, de parents à lui. Ainsi, il résolut d’aller jusqu’à Vienne y retrouver son ami, de lui exposer la situation, et, suivant la décision de celui-ci, de retourner à P... par le train de nuit. [...] Arrivé à Vienne, il ne rencontra pas son ami dans le restaurant où il s’attendait à le trouver, n’arriva qu’à 11 heures du soir dans l’appartement de celui-ci et lui exposa son cas la nuit même. L’ami fut stupéfait de voir que mon patient doutât encore qu’il s’agît d’obsessions, le tranquillisa, de sorte que celui-ci passa une bonne nuit, et le lendemain matin alla avec lui envoyer les 3 couronnes 80 à destination du bureau de poste où était arrivé le colis contenant le lorgnon » (p. 209-210).

Car finalement : “les 3 couronnes 8o, il ne les devait à personne d’autre qu’à l’employée de la poste”, laquelle avait eu confiance en ce “lieutenant inconnu” et qui en avait avancé elle-même le montant.

Le capitaine cruel s’était trompé et Paul, de surcroît, devait bien le savoir : ce qui rend apparemment son comportement encore plus “absurde” dit Freud, qu’il ne le paraissait auparavant.

D’autant plus qu’il vient consulter Freud, dans le premier but (conscient) d’obtenir un “certificat” s’adressant au Lieutenant A, enjoignant celui-ci à accepter de lui les 3 couronnes 8o.

Mais arrivé au 19 de la Bergasse, il ne fut plus question de “certificat”, mais bien de le débarrasser de ses obsessions : “Docteur, débarrassez-moi de Ça !”

La solution, Freud en donnera une en 1909 ! C’est qu’il y avait anguille sous roche ! Une petite copine ! Et même deux :
 L’employée du bureau de poste, d’abord, qui avait fait des compliments sur notre Homme (ce qu’il avait en fait appris par l’intermédiaire d’un Lieutenant B).
 Et surtout : Au même endroit où se trouvait le bureau de poste, il y avait une Auberge ! Et qui dit une Auberge, dit un Aubergiste ! Et qui dit un Aubergiste, dit la fille de l’Aubergiste ! Qui avait - c’est le cas de le dire : “tapé dans l’œil” de notre Homme : Elle “lui avait fait beaucoup d’avances” dit Freud !

« [...] De sorte, dit Freud, qu’il s’était proposé d’y retourner après la fin des manœuvres et de tenter sa chance auprès d’elle. Or, l’employée de la poste devint alors une concurrente de la fille de l’aubergiste : il pouvait se demander, comme son père dans l’aventure qui aboutit au mariage, à laquelle des deux, après le service militaire, prodiguer ses bonnes grâces » (p. 237).

Car en effet, le père avait lui-même hésité à épouser la mère de Paul :

Une mère issue d’une riche famille - dans laquelle le père avait tout d’abord employé de maison - avait finit par épouser, délaissant par la même occasion une jeune fille d’une famille modeste, pauvre mais jolie, qu’il avait tout d’abord courtisé.

Le père ne devait donc sa “situation de fortune” (assez considérable, précise Freud), qu’à son mariage.

À la mort de son père, sa mère prévoit pour Paul-Homme aux rats, un mariage qui le mettrait « à l’abri du besoin » comme on dit, avec l’une des filles d’un de ses riches cousin, alors que lui-même aimait une dame (plus pauvre) avec laquelle, néanmoins, il s’était déjà pris une veste !

Voilà donc Paul-Homme aux rats face à la Sphinge :

“Devait-il rester fidèle à son amie pauvre ou bien suivre les traces de son père et épouser la jeune fille, belle, distinguée et riche, qu’on lui destinait ?”

« C’est ce conflit-là, dit Freud, conflit, au fond, entre son amour et la volonté persistante de son père, qu’il résolut en tombant malade ; ou, plus exactement, par la maladie, il échappa à la tâche de résoudre ce conflit dans la réalité », et notamment, en s’identifiant à son père, laquelle réactive l’ambivalence infantile.

Voilà la solution de tous ces voyages manqués, de toute ces pérégrinations entre Vienne et le Bureau de poste de Z.

La meilleure présentation de la solution, c’est celle que Freud donnera en 1923, dans une note de bas de page, où il trace le trajet autour duquel notre Homme aux rats tourne.

Voilà ! Mais si vous dessiner mal, comme moi, vous pouvez alors en conclure que Freud vient tout simplement de tracer la croix (la bannière c’est le rat - pour faire plaisir à Porge), la croix autour de laquelle l’Homme aux rats tourne. Ce qui, tout simplement, s’avère être un nœud borroméen.

Avec, l’objet a, la jouissance du Grand Autre, la jouissance phallique et le sens.

Mais ce nœud, il faut bien dire que l’Homme aux rats fait tout pour le contourner, alors qu’il souhaite aller à la poste de Z. Ce que je représenterai de cette manière, par une torsion de l’imaginaire : ici, qui se rabat en quelque sorte sur le Bureau de Poste de Z.

C’est, si vous voulez, ce que Freud pointe si bien dans la névrose obsessionnelle de l’Homme aux rats lorsqu’il parle :
• des “déplacements” dont le récit fait preuve,
• des “faux enchaînements”,
• d’une “inversion” des affects chez les obsédés (punition d’abord, et, à la fin, mention du désir coupable - cf. p. 221),
• d’une “annulation” d’actes compulsionnel par un autre (le premier temps étant annulé par le second) :

On reconnaît aisément dans tout ceci ce que Lacan pointe de la métonymie.

Et là, qu’observe-t-on ?

• Et bien on observe d’abord que s’il en reste un objet a, il y a désormais un non-objet a, ou ce que j’appellerai : un “Hors-a”, un trou dans l’objet a, qui me permettra désormais de parler, non pas de “Totémisation”, mais de “L’Homme-Hors-a” !

• Ensuite, observons que la même chose se produit dans le réel : c’est ce que je vous ai introduit tout à l’heure, en vous parlant en introduction, d’un trou dans le réel.

Trou dans le réel : ce qui revient dans le symbolique par l’intermédiaire de l’imaginaire. D’où le “pas de sens” (à la place du sens) de l’obsessionnel !

Je vous rappelle le fantasme - il s’énonce comme suit : « On fait en sorte... » (car Paul précise bien que le supplice se réalise de manière impersonnelle, c’est ce à quoi Freud reconnaît le fantasme), donc : « On fait en sorte que des rats s’enfoncent dans l’anus de la dame aimée par lui ».

Voilà comment s’énonce le fantasme. C’est le fantasme de « la dame subissant le supplice aux rats », voilà comment le dit Freud (p. 207). Et, corrélativement, le fantasme s’applique également à son père, ou plus exactement, au “père mort”, pourrait-on dire.

C’est là la « jouissance ignorée », les pensées qui le répugnent, qu’il ressent comme « étrangères », et qui se déroulent en lui avec « une rapidité extraordinaire » : c’est le hors temps du fantasme.

Hors temps du fantasme, qui se confirme par le fait que Paul pense que le supplice devait atteindre et frapper les personnes qui lui sont chères, « non seulement ici-bas, mais dans l’éternité, l’au-delà » (p. 209).

Alors voilà : il s’agit du fantasme. Le fantasme, on a l’habitude de le prendre comme un bouchon, mais il s’agit bien plutôt d’un trou. D’un trou dans le trou du réel, d’un trou dans le trou du sexuel.

Un trou dans le trou, n’est-ce pas, ça vous rappelle l’histoire que Lacan aimait à raconter, l’histoire qui faisait beaucoup rire Lacan, Perrier et Leclaire en allant à Zurich. C’est l’histoire d’un camion - n’est-ce pas, nous sommes pendant les manœuvres - un camion qui transporte un trou. Tout d’un coup, le camion passe sur une bosse, alors le trou tombe. Alors le camion essaie de reculer pour récupérer le trou : mais évidemment, en reculant, le camion tombe dans le trou !

Alors l’Homme aux rats, pour l’instant, il est dans le trou du trou... Un peu comme le Nom de Nom de Nom, n’est-ce pas ?

Alors Paul, peut-être qu’à tes trois ou quatre “y a pas”, tu pourrais en rajouter un de plus : “y a pas” de trou du trou ! Sauf dans le fantasme !

Et il n’y a que les nœuds qui puissent permettre de représenter un trou dans le trou. Et le comble - vous pouvez le constater très facilement - c’est qu’un trou dans le trou, ça a quand même des bords !

Alors il fait quand même arriver à savoir - a serrer - ce trou du trou. À savoir ce que c’est que ce “trou du trou” ! Et Freud nous y aide...

« L’inconscient, c’est l’Odium du peuple ! »

Par ce que le trou dans le réel, n’est-ce pas, c’est le langage, c’est le sexuel ! Alors qu’est-ce que ça peut bien être un trou dans le sexuel ? Un trou dans le trou du sexuel ?

Le trou dans le réel, bien entendu, c’est le délire.

Car, on le voit, le pauvre Paul est bien dans le Réel : Freud le décris comme très “tourmenté”, et fait un usage massif, dans l’étude du cas, du terme de “délire”, d’état de “stupeur”, etc.

Déjà, lors de la seconde séance, l’homme aux rats s’interrompt, se lève en demandant à Freud de le dispenser de la description des détails, allant même jusqu’à appeler Freud : “mon capitaine” !

Ce trou dans le réel, c’est par là que vont venir les fameux : “lampe”, “serviette”, “assiette”, etc.

Lorsque - étant petit - “il avait commis quelque méfait” nous dit Freud, et que son père l’avait “puni par des coups”.

Le petit Paul « se serait alors mis dans une rage terrible et aurait injurié son père pendant que celui-ci le châtiait. Mais, ne connaissant pas encore de jurons, l’enfant lui aurait crié toutes sortes de noms d’objets, tels que : “Toi lampe ! toi serviette ! toi assiette etc.” » (p. 233).

C’est par là, par la haine du père, que “ce trou se creuse”, si vous me permettez l’expression.

C’est par là ! Et plus précisément, il a “mérité” ce châtiment parce qu’il avait mordu quelqu’un ! Qui ? Et bien tout simplement la fameuse “bonne d’enfant” (p. 233) : était-ce Fraulein Peter ou la demoiselle Lina (“frau Hofrat”) ?

Curieux non ? Car on sait depuis le début, que c’est là l’objet premier de son désir. Alors, à l’instar de la Totémisation, on peut également l’appeler “l’Homme-mord-a”, ce Paul-là !

Bien sur, on connaît l’interprétation que Freud en donne, de ce signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant : Ratus - Spielratte

C’est d’abord un “hasard” dit Freud. C’est-là toute la tuchê de notre l’Homme aux rats dans toute cette l’automaton :

« Le hasard, qui peut contribuer à la formation d’un symptôme, comme les termes mêmes d’une phrase à la formation d’un mot d’esprit, avait voulu qu’une petite aventure de son père eût de commun avec les paroles du capitaine un élément important. Son père avait, un jour, perdu au jeu une petite somme d’argent dont il avait la garde en tant que sous-officier (se conduisant ainsi comme un Spielratte) [“rat de jeu”], et aurait eu de gros ennuis si un camarade ne la lui avait avancée. Après avoir quitté la carrière militaire et après être devenu un homme fortuné, il rechercha ce camarade serviable, mais ne le retrouva pas. Notre patient n’était même pas sûr qu’il eût jamais réussi à rembourser cet argent : le souvenir de ce péché de jeunesse de son père lui était désagréable, parce que son inconscient était plein de critique hostile à l’égard du caractère de celui-ci. Les paroles du capitaine : « Il faut que tu rendes au lieutenant A... les 3 couronnes 80 », étaient pour le fils comme une allusion à la dette que le père n’avait pas payée » (p. 236).

Spielratte ! Vous vous souvenez du jeu avec l’homme : Menschenspielerei ! Hé bien ce qui joue avec l’Homme, c’est bien ce rat, ce signifiant !

La racine latine “Re”, signifie “compter”. Ainsi “Ratus”, en latin, signifie d’abord “compter”, et également “juger”.

D’où vous avez “ratio” : compte ; mais aussi “raison” (rationare : raisonner, discourir). D’où également “ratiocinari” : calculer.

En français vous avez également : ratifier, raisonner, ratiociner.

En anglais, “rate” : taxe, taux, portion.

À l’inverse, “Irritus” (voyez la “rage”, la colère de l’Homme aux rats), “Irritus” veut dire : “qui ne compte pas”.

Dans ce “re” vous avez donc toute la ré-pétition de l’automaton de l’inconscient, et de l’Homme aux rats en particulier.

Avec ce rat, s’introduit donc le délire, mais par quel trou ? Dans le trou laissé, creusé par le refoulement (voir la forclusion dans le réel) de la haine du père, laquelle présente d’abord, un caractère sexuel.

« C’est dans le refoulement de la haine infantile contre son père que nous voyons le processus qui entraîna dans la névrose tous les conflits ultérieurs de sa vie » (p. 254).

« L’amour n’a pas éteint la haine, il n’a pu que la refouler dans l’inconscient », nous dit Freud “et là, assurée contre une destruction par l’action du conscient elle peut subsister et même croître” (p. 254).

Mais Freud de préciser également qu’une telle “haine”, “maintenue par l’amour dans l’inconscient, joue aussi un grand rôle dans la pathogenèse de l’hystérie et de la paranoïa”.

Et en retour, on assiste dans la névrose, comme en contre-coup, à une “inhibition de l’amour par la haine” (inconsciente qui refait surface) (p. 256).

Mais par quel trou passe ce rat ? Freud nous le dit in extremis, en conclusion du cas :

« J’aimerais en revenir à la vie instinctuelle des obsédés, pour faire une seule remarque encore. Notre patient était un flaireur qui, tel un chien, reconnaissait dans son enfance tout le monde d’après l’odeur, et pour qui, adulte, les sensations olfactives importaient davantage qu’à d’autres (1) - (1) J’ajouterai que, dans son enfance, il avait eu des tendances coprophiles très marquées. À rapprocher de son érotisme anal mentionné plus haut (précise Freud en note de bas de page 238). - J’ai trouvé des faits semblables chez d’autres névrosés, obsédés et hystériques, et j’ai appris à tenir compte, dans la genèse des névroses (2) - (2) Par exemple, dans certaines formes de fétichisme -, du rôle d’un plaisir olfactif disparu depuis l’enfance. D’une façon générale, on peut se demander si l’atrophie de l’odorat chez l’homme, consécutive à la station debout, et le refoulement organique du plaisir olfactif qui en résulte, ne joueraient pas un grand rôle dans la faculté de l’homme d’acquérir des névroses. On comprendrait ainsi qu’à mesure que s’élevait la civilisation de l’humanité, ce fût précisément la sexualité qui dût faire les frais du refoulement. Car l’on sait depuis longtemps combien est étroitement lié, dans l’organisation animale, l’instinct sexuel à l’odorat » (p. 260).

Si vous compléter cette remarque à l’aide de la fabuleuse note de bas de page de Malaise dans la civilisation, que je développe dans mon troisième article sur la Violence : “Quel est l’être ? Œdipe face à l’énigme de la violence”, vous comprendrez que par cette atrophie de l’odorat, nous avons peut-être - par là -, une saisie de ce trou dans le sexuel !

C’est par là, par ce que j’appellerai cet “a-trou-phi” - ou ce trou dans le réel - que s’engouffre, me semble-t-il, le rat de notre homme !

Je vous avais parlé, avec L. Israël, de l’ennui, à propos de la psychose de René comparée à celle de Schreber :
• L’ennui, je vous avait dit que ça vient de la racine latine odi : je hais !
D’où Odium : la haine ; et inodiare : l’ennui.

Et bien, cette racine est elle-même issue de la racine indo-européenne “OD” qui signifie odeur.

De ozo (qui donnera l’ozone français) en Grec ou (Od-yo) : sentir une odeur ; puis odor en latin, donc : odeur.

Odium, donc, la haine en latin, partageant cette racine indo-européenne Od : odeur.

L’ennui, c’est l’odeur refoulée, c’est-à-dire la haine.

Et maintenant, je vous prie de bien observer ce par quoi se déclenche la névrose, de Paul-Homme aux rats : car l’acte manqué durant les manœuvres, prend ici tout son sens - l’acte manqué concernant le lorgnon.

Pourquoi ? Parce que Freud parle tout d’abord du Lorgnon et de voyeurisme. Mais à l’époque, « Aff-le-Loup » n’était pas encore à la mode !

Les lunettes, on ne savait pas ce que c’était ! On appelait ça plutôt : un “Pince-nez”, ouais !

C’est le terme que Freud va ensuite utiliser (après celui de “Lorgnon”) (note de bas de p. 241).

Et dans ce “pince-nez”, il n’y a pas que Fliess qui est épinglé !

Dès lors, l’Haine-igme de l’acte manqué de ce pince-nez se donne à entendre pour ce qu’il serrait réellement : ce trou du trou !

La dette, comme l’argent, a bien une odeur : mais elle nous semble comme un trou dans le réel du sexuel, dans le réel du langage ; odeur qui, ma foi, comme Freud le suggère, semble précéder le langage comme véhicule, je dirai, du sexuel.

Alors pour terminer, je vous proposerai ce mot d’esprit qui en dit long sur ce que Freud pointe dans ce cas de l’Homme aux rats :
 L’inconscient, c’est l’Odium du peuple !

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