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Lacan, l’Inconscient et les Mathématiques

Il eût phallus

Histoire d’une érection

Date de mise en ligne : samedi 11 décembre 2004

Auteur : Agnès SOFIYANA

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La dernière fois, j’avais essayé d’illustrer la manière dont l’identification (moïque) au phallus (qui est absent au lieu de la mère et inaugure la castration maternelle) accomplit une parade à l’interdit de l’inceste oedipien : en réalisant simultanément les deux séquences contradictoires du complexe d’Œdipe. D’une part, la jouissance incestueuse (je jouis d’être ce qui manque à maman parce que je comble son désir, ce faisant, je suis dans le désir du désir de l’Autre) d’autre part la non transgression de la loi de l’interdit (dans le respect de la Loi) font de l’identification au phallus un acte (au sens signifiant) de copule et lient de manière incompréhensible les deux faces du fantasme, comme on le fait lorsqu’on accompagne d’un trait la surface unilatère du ruban de Möbius.

EN GUISE DE PRELIMINAIRES

Le 22.02.67, Lacan reprend une phrase qu’il a écrite dans l’article La signification du phallus [1] : « le phallus comme signifiant donne la raison du désir, dans l’acception où le terme est employé comme moyenne et extrême raison de la division harmonique  » en développant ce qu’il appelle la moyenne et extrême raison l’année suivante dans La logique du fantasme.

Dans l’article La signification du phallus, cette phrase apparaît autant énigmatique qu’inopportune : inopportune car si elle est censé éclairer la signification du phallus pour celui qui la prononce, elle ne manque pas de nous laisser dans une expectative salivante et énigmatique d’autant plus que Lacan précise qu’il ne peut pas ici s’étendre sur le sujet, ce qui peut laisser croire à une complexité de l’argumentation qu’on ne peut balayer en deux-trois mots. Le temps qui lui est imparti pour parler n’est pas illimité, dit-il, et il doit avant tout faire des choix dans la collection de ce qu’il a à dire, afin d’être au mieux compris, au pire tenir éveillé un public de physiciens allemands, dont la patrie vient à peine de sortir d’une guerre apocalyptique.

Heureusement, Lacan nous donne quelques arguments ce 22.02.67, mais avant de le rejoindre sur le terrain épineux de la division harmonique, revenons sur la conférence qu’il a prononcée le 9 mai 1958 à Munich : La signification du phallus.

(1)

Lacan commence par dire que « le complexe de castration inconscient a une fonction de nœud » chez l’homme, auparavant petit garçon, mais qu’en est-il pour la femme, auparavant petite fille ?

La petite fille, primordialement, se représente la mère et le père avec une dominante imaginaire de l’attribut phallique, c’est à dire comme détenteur d’un phallus, faisant ainsi de la mère une mère phallique. Dans ce même temps, la jouissance masturbatoire (du clitoris promu à la fonction phallique) laisse la fillette ficelée dans une méconnaissance illusoire : elle croit détenir un phallus, à l’instar des deux représentants sexués.

Dans un deuxième temps, elle se découvre castrée, dépourvue de phallus, puis réalise qu’il y a aussi une castration de la mère (castration maternelle). Ce deuxième temps marque le commencement du complexe de castration : la fillette est confrontée au manque, au vide, au trou, au zéro et elle ne cessera de désirer combler ce trou, en particulier en cherchant à avoir ce qui peut la combler, à savoir un phallus, qu’elle sait être détenu par l’homme.

Cependant, Lacan précise que pour bien comprendre la fonction phallique, il ne s’agit pas réduire le phallus au rôle d’objet, ni de désigner les effets du complexe de castration par la naissance d’un symptôme ou par l’avènement d’un refoulement, encore moins par une aphanasis [2] liant le sujet à sa jouissance.

(2)

Lacan le soutient, « dans l’homme et par l’homme, ça parle  », et son macrocosme est tissé par les effets de sa relation à la parole. Il ajoute, en suivant Freud dans la « Traumdeutung », que

« Il s’agit de retrouver dans les lois qui régissent cette autre scène (eine andere Schauplatz) que Freud à propos des rêves désigne comme étant celle de l’inconscient, les effets qui se découvrent au niveau de la chaîne d’éléments matériellement instables qui constitue le langage : effets déterminés par le double jeu de la combinaison et de la substitution dans le signifiant, selon les deux versants générateurs du signifié que constituent la métonymie et la métaphore ; effets déterminants pour l’institution du sujet. A cette épreuve une topologie, au sens mathématique du terme, apparaît, sans laquelle on s’aperçoit bientôt qu’il est impossible de seulement noter la structure d’un symptôme au sens analytique du terme. » [3]

Ça parle donc, oui, et « Ça parle dans l’Autre » puisque la parole intervient dans toute relation à l’Autre et c’est dans cette parole qui a un sens (de l’un vers l’autre) que le sujet y trouve sa place en tant que signifiant (qui représente le sujet pour un autre signifiant).

Le phallus n’est pas un fantasme dans l’imaginaire, ni un objet (partiel, interne, bon ou mauvais), ni un organe (verge érigée ou clitoris gonflé) qu’il symbolise. Rien de tout cela, le phallus est signifiant.

(3)

Afin d’argumenter plus avant, Lacan aborde le rapport de la castration au désir, en explicitant d’abord sa relation à la demande, qui aliène le sujet à sa parole en tant que celle-ci lui revient du lieu de l’Autre sous forme inversée.

S’interrogeant sur la relation primordiale à la mère, il dit :

« La demande en soi porte sur autre chose que les satisfactions qu’elle appelle. Elle est demande d’une présence ou d’une absence. »

Cela évoque immédiatement le « fort/da » du petit fils de Freud et l’alternance des + et - dans l’introduction au séminaire sur la lettre volée [4], à partir de laquelle il avait construit les syntaxes successives dévoilant la cause symbolique qui ligote le sujet à la Loi.
La toute-puissance de la mère à satisfaire ou non à la demande du sujet infans crée ce privilège de l’Autre de pouvoir faire le don de ce qu’il n’a pas, c’est à dire d’aimer. La demande qui est demande d’amour est inconditionnée, c’est à dire que toute satisfaction de cette demande ne peut suffire à annuler la dite demande, car celle-ci tend asymptotiquement à présentifier ou absentifier l’Autre.

Réciproquement, s’il y a absence de satisfaction à la demande, cette absence est preuve d’un non-amour ou tout au moins preuve d’un doute, d’un questionnement quant à la véracité de la demande émise.

(4)

Lacan poursuit :

« A l’inconditionné de la demande, le désir substitue la condition "absolue" : cette condition dénoue en effet ce que la preuve d’amour a de rebelle à la satisfaction d’un besoin. »

En d’autres termes, la preuve d’amour ne suffit pas à apaiser l’enquête de preuves et la demande persiste et signe en se métamorphosant en un désir qui nie la demande originelle tout en la réitérant sans cesse, à notre insu.
Retenons que le désir est au-delà de la demande.

Lacan ajoute :

« C’est ainsi que le désir n’est ni l’appétit de la satisfaction, ni la demande d’amour, mais la différence qui résulte de la soustraction du premier à la seconde, le phénomène même de leur refente (Spaltung). »

On a envie d’écrire : Désir = Appétit - Demande ? C’est à dire que le désir est subordonné à la représentation d’un manque qui suscite une appétence, une aspiration à être ou à avoir, sans toutefois pouvoir synchroniser cette appétence à une demande visant à satisfaire le besoin de combler ce manque (à être, à avoir).

Cette appétence, motivée par la perte symbolique d’un objet imaginaire, produit [5] les scènes fantasmatiques.

C’est donc en toute cohérence que l’on peut articuler les écritures $<>D, qui dessine l’aliénation du sujet à sa demande (répétition de demande de preuves d’amour) ; $<>d, qui trace l’incomplétude du sujet produit par la coupure du signifiant cause du désir ; et $<>a, écriture de la structure du fantasme, dont les rouages amalgament le sujet avec sa relation à l’objet énigmatique a.

(5)

Alors qu’en est-il du rapport de la castration à ces notions de demande et de désir, en particulier dans la relation sexuelle, puisque c’est aussi là que se jouent les nouages de ces termes ? Lacan nous dit :

« On conçoit comment la relation sexuelle occupe ce champ clos du désir, et va y jouer son sort. C’est qu’il est le champ fait pour que s’y produise l’énigme que cette relation provoque dans le sujet, à la lui "signifier" doublement retour de la demande qu’elle suscite en demande sur le sujet du besoin ; ambiguïté présentifiée sur l’Autre en cause dans la preuve d’amour demandée. La béance de cette énigme avère ce qui la détermine, dans la formule la plus simple à la rendre patente, à savoir que le sujet comme l’Autre, pour chacun des partenaires de la relation, ne peuvent se suffire d’être sujets du besoin, ni objets de l’amour, mais qu’ils doivent tenir lieu de cause du désir. »

L’énigme de la relation sexuelle réside dans le fait que chacun des partenaires de la scène se trouve à l’endroit (lieu spatio-temporel), ou à l’envers, de la cause du désir de l’autre. Le sujet est alors inversé : dans « Je te désire », ‘te’ est une métonymie du mystérieux objet ‘a’ qui cause le fantasme du désir de JE.

Lacan insiste sur cette confusion des sentiments, sur cette escroquerie qui consiste à camoufler la béance de ce qu’on appelle le bonheur par la vertu du génital accompagnée de la tendresse : ce n’est pas toi qui cause mon désir, mais ce que tu sembles avoir qui pourrait combler mon manque, en d’autres termes, tu sembles détenir mon impossible complétude.

Gödel avait montré que toute théorie mathématique est vouée à supporter son incomplétude, Lacan nous dit que l’homme et la femme partagent le même sort, le même sortilège et il serait étonnant que Dieu n’y soit pour rien dans cette histoire ... Car, après tout, il paraît que nous partageons tous la même quête, celle de l’Eden qui ne serait accessible qu’à unir l’homme et la femme dans la fusion du UN, initiales de United Nude (nom attribué à cette collection de chaussures et bottes dessinées selon le ruban de Möbius) et qui peut être traduit par « union de nus » ... si ce n’est pas un appel au coït, ça ... ?

(6)

Lacan dit ensuite :

« Le phallus est le signifiant privilégié de cette marque où la part du logos se conjoint à l’avènement du désir. On peut dire que ce signifiant est choisi comme le plus saillant de ce qu’on peut attraper dans le réel de la copulation sexuelle, comme aussi le plus symbolique au sens littéral (typographique) de ce terme, puisqu’il y équivaut à la copule (logique). On peut dire aussi qu’il est par sa turgidité [6] l’image du flux vital en tant qu’il passe dans la génération. »

Le phallus est donc le signifiant du manque et non le manque lui-même. Il en est un signifiant inscriptible dans le nœud borroméen (Phallus imaginaire ; castration symbolique ; manque réel ?) et il signe, en tant que signature (poinçon ou sceau), la quête de complémentarité.

Vient alors la phrase ésotérique :

« Le phallus comme signifiant donne la raison du désir (dans l’acception où le terme est employé comme "moyenne et extrême raison" de la division harmonique). »

Il faut alors déployer le phallus dans une érection mathématique, comme algorithme dévoilant ce qui est voilé, c’est ce que je compte vous montrer par la suite.

Lacan ajoute :

« Que le phallus soit un signifiant, impose que ce soit à la place de l’Autre que le sujet y ait accès. »

Le signifiant phallique, en tant que signifiant, n’est accessible que par le retour inversé de la parole du lieu de l’Autre, retour qui inscrit le sujet dans un topos langagier où il peut reconnaître son propre désir comme désir du désir de l’Autre. De plus, le signifiant phallique représente le sujet pour un autre signifiant (au lieu de l’autre).

Ainsi, l’algorithme proposé dans le séminaire La logique du fantasme met en scène le sujet, l’Autre et l’objet ‘a’, développant de cette manière la dialectique de la demande d’amour et de l’épreuve du désir, en tant que quête de la complémentarité par le signifiant incommensurable.

(7)

Toujours dans La signification du phallus, Lacan continue d’approfondir la question de l’épreuve du désir de l’Autre en revenant à la castration de la mère antérieurement phallique.

« Si le désir de la mère est le phallus, l’enfant veut être le phallus pour le satisfaire. Ainsi la division immanente au désir se fait déjà sentir d’être éprouvée dans le désir de l’Autre, en ce qu’elle s’oppose déjà à ce que le sujet se satisfasse de présenter à l’Autre ce qu’il peut avoir de réel qui réponde à ce phallus, car ce qu’il a ne vaut pas mieux que ce qu’il n’a pas, [...]. »

Le désir est désir du désir de l’Autre, le désir de l’enfant est désir du désir de la mère, donc désir du phallus, d’être le phallus qui manque à la mère.

Puis :

« Disons que ces rapports [entre les sexes] tourneront autour d’un être et d’un avoir qui, de se rapporter à un signifiant, le phallus, ont l’effet contrarié de donner d’une part réalité au sujet dans ce signifiant, d’autre part d’irréaliser les relations à signifier. »

Ceci étant dit, Lacan peut en déduire, en ce qui concerne la mascarade de la rencontre sexuelle :

« Ceci par l’intervention d’un paraître qui se substitue à l’avoir, pour le protéger d’un côté, pour en masquer le manque dans l’autre, et qui a pour effet de projeter entièrement les manifestations idéales ou typiques du comportement de chacun des sexes, jusqu’à la limite de l’acte de la copulation, dans la comédie. ».

De quelle comédie Lacan nous parle-t-il ? De celle que jouent les amants lorsqu’ils projettent leurs corps dans la copulation dans l’espoir de jouir d’une complétude, ne serait-ce qu’éphémère ou provisoire.

DIVISION HARMONIQUE ET SIGNIFIANT PHALLIQUE

Revenons au séminaire sur La logique du fantasme.

Pourquoi Lacan utilise-t-il l’algorithme de la division en extrême et moyenne raison ?

Cette division fit la preuve de sa pertinence pendant 2500 ans, depuis Euclide jusqu’à Léonard de Vinci, qui dessina l’homme selon la divine proportion, en passant par Luca Pacioli, Botticelli ou Raphaël. L’utilisation de la divine proportion par ses adeptes successifs engendra bientôt le mythe de l’esthétisme absolue, qui vit son apogée sous la plume de Matila, prince Ghyka [7].

En 1970, le mathématicien anglais H.E. Huntley lui consacre un ouvrage scientifique intitulé The divine proportion : a study in mathematical beauty [8] devenu un best-seller et dont le titre semble être un hommage à l’ouvrage du même titre écrit par Luca Pacioli en 1498 [9].

Le nombre d’or a donc déjà une longue histoire derrière lui lorsque Lacan, en 1967, l’introduit de manière quasi-brutale dans le rapport sexuel - les fleurons de la pâquerettes, ainsi que ceux du tournesol, suivent des spirales équiangles dessinées à l’aide du nombre d’or, et s’il est vrai que les filles naissent dans les fleurs, alors il n’y a pas beaucoup à franchir pour conjecturer que le nombre d’or a quelque chose à voir avec la procréation ...

C’est le 22 février 1967 que Lacan parle pour la première fois de la division harmonique comme support du signifiant phallique. Faut-il comprendre que l’élaboration du signifiant phallique se construit selon un algorithme qui rappelle celui du nombre d’or ?

Pour répondre à cette question suivons Lacan : Il propose alors d’effectuer une coupure sur la double boucle, le huit intérieur, coupure qui sépare la ficelle en deux sous-ficelles qu’il appelle ‘a’ et ‘A’.

a &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 A
+----------------+------------------------------+

Sachant que le rapport du plus petit au plus grand est égal au rapport du plus grand à la somme des deux :

a/A = A/(a + A) à A/a = 1 + a/A

En posant A/a = x, on a l’équation x = 1/x + 1 qui équivaut à x^2 - x - 1 = 0,

dont les deux solutions sont phi’ = ½ (1 - rac(5)) et phi = ½ (1 + rac(5)), le nombre d’or.

Alors A/a = phi puisque phi’ est négatif et que A/a est positif (en tant que quotient de deux entités mesurables donc positives) et donc ne peuvent être égaux.
On a également les propriétés suivantes :

phi = 1/phi + 1 ; phi’ = 1 - phi et phi * phi’ = - 1

Et Lacan continue à composer avec cette écriture, ce que je vous avais exposé ici même et où, autant que Lacan lui-même, je m’étais emmêlé les pédales. Enfin, ce qui suit éclaire souvent ce qui précède. Ainsi la séance du 1er mars 1967 éclaire de ses faibles rayons celle du 22 février de la même année.

« Pour le garçon comme pour la fille, ce qu’il est comme produit, comme a, se confronte avec l’unité, idée de l’union de l’enfant à la mère. Dans cette confrontation, surgit le 1 - a qui apporte l’élément tiers qui fonctionne comme signe d’un manque, petite différence qui vient jouer un rôle capital dans ce qu’il en est de la conjonction sexuelle » (LdF, 01.03.67)

Le ‘1 - a’ apparaît : il est l’écriture de la conjonction sexuelle où le ‘a’, élément tiers, signifiant phallique, est soustrait, non pas parce qu’inexistant, mais parce que voilé.

Le chemin s’éclaire donc lorsqu’on lit la séance du 1er mars 1967, où Lacan poursuit sa réflexion : Il suffit de garder ‘a’ et de donner à l’autre portion de segment la valeur UN, avec cette consigne, que Lacan ne précise pas, de définir ‘a’ plus petit que UN.

a &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 &#160 1
+---------------+--------------------------------+

Dans ce cas, le rapport de moyenne et extrême raison s’écrit : a/1 = 1/(a+1)

C’est à dire : 1/a = (a + 1)/1 ou encore 1/a = phi.

Dans ce cas, on voit que le quotient de l’unité du couple par l’objet ‘a’ donne un phi, signifiant phallique incommensurable [10].

En effet, si l’on réitère le procédé qui consiste à reporter sur le segment ‘1’ le segment de longueur ‘a’, puis le segment de longueur ‘1-a’ sur le segment ‘a’, etc. c’est à dire le plus petit sur le plus grand, l’incommensurabilité du nombre d’or nous affirme que nous n’atteindrons jamais, sinon à l’infini, de point d’arrêt au procédé. Frustrant et presque impossible à s’imaginer, et pourtant cette limite infinie existe dans le réel.

Dans la séance du 22.02.67, il semble que Lacan utilise la lettre ‘a’, en général réservée à l’objet cause du désir, pour signifier le nombre d’or, c’est à dire, comme nous l’avons vu au début, le signifiant de l’objet ‘a’ et non l’objet lui-même.

Ainsi, nous pouvons écrire au lieu de ‘1 - a’ l’égalité mathématique phi’ = 1 - phi, où on définit le ‘1’ comme signifiant de l’unité du couple, l’Autre maternel, celui qui définit la première unité fondamentale, avant séparation et écriture de 1 = 1 + 1.

« 1 - phi » est donc la différence (et la soustraction) entre le phi et l’unité que représente l’union primordiale à la mère, on pourrait dire « l’union primordiale de la mère et de l’enfant auquel est soustrait le signifiant phallique » et cette soustraction équivaut à un autre incommensurable, cette fois négatif, phi’. Cette soustraction est aussi une différence, différence due à la présence ou absence du manque dans l’autre, que la conjonction sexuelle ne peut combler entièrement.
La quête de l’UN, unité du lien primaire mère-enfant, par la recherche du signifiant du manque dans l’autre par la conjonction sexuelle s’avère donc être une quête désespérée, et cet impossible atteinte de satisfaction crée le désir à partir de la demande.

Somme toute, la conjonction sexuelle ne donne jamais accès au signifiant phallique, parce qu’il n’est pas du tout là où l’on croît le trouver, dans la différence sexuelle.

Il termine son intervention du 22 février 1967 en disant :

« le rapport qu’a la prédominance du symbole phallique par rapport à la conjonction en tant qu’acte sexuel est celui qui donne à la fois la mesure du rapport de l’agent au patient et la mesure qui est la même de la pensée du couple telle qu’elle est dans le patient à ce qu’est le couple réel » (LdF, 22.02.67)

Ce que l’on est tenté d’écrire ainsi :

Phi - 1 = agent/patient = pensée /X (couple réel)

Enfin, considérons cette notion d’incommensurable du signifiant phallique : ce qu’il y a de surprenant et Lacan ne l’a pas exposé dans son séminaire, c’est que ‘phi’ peut se définir à l’aide d’une suite infinie, ou fraction continue, uniquement à l’aide de 1 et lui-même :

phi = 1/(1+ phi) = 1/(1+1/(1+ phi)))
et par suite, phi = 1/(1+1/(1+1/(1+1/(1+.........))))

Fascinant !(comme dirait Monsieur Spock)

Nous aurions pu également faire remarquer que le nombre d’or est la limite des quotients des termes consécutifs de la suite de Fibonacci, qui représente aussi le nombre d’individus d’une génération dans la prolifération des lapins. Mais ceci est une autre histoire ... sexuelle ?

Enfin et pour conclure, je ne vais pas vous le chanter mais vous le lire : ce sont les paroles d’un morceau d’un des derniers albums des Pink Floyd, intitulé “What do you want from me” et qui fait étrangement écho à l’énigme de la demande et du désir dans la relation sexuelle entre deux sujets sexués et désirants.

WHAT DO YOU WANT FROM ME - PINK FLOYD - THE DIVISION BELL, 1994 - LYRICS : DAVID GILMOUR & POLLY SAMSON

As you look around this room tonight
Settle in your seat and dim the lights
Do you want my blood do you want my tears
What do you want
What do you want from me
Should I sing until I can’t sing any more
Play these strings until my fingers are raw
You’re so hard to please
What do you want from me
Do you think I know something you don’t know
What do you want from me
If I don’t promise you the answers would you go
What do you want from me
Should I stand out in the rain
Do you want me to make a daisy chain for you
I’m not the one you need
What do you want from me
You can have anything you want
You can drift, you can dream, even walk on water
Anything you want
You can own everything you see
Sell your soul for complete control
Is that really what you need
You can lose yourself this night
See inside there is nothing to hide
Turn and face the light
What do you want from me ?

Notes

[11958, p. 693 des Ecrits, 1966

[2crainte de l’abolition totale de la capacité de jouir sexuellement, terme introduit par Ernest Jones

[3Lacan, La signification du phallus, 1958, Ecrits, 1966

[4in Ecrits, 1966

[5au sens chimique du terme, c’est à dire avec conservation de la matière

[6de ‘turgescence’, gonflement de l’organe par le sang, ce qui donne l’érection du pénis et du clitoris

[7Matila Ghyka (1881-1965). Ingénieur, docteur en droit et diplomate roumain, c’est en 1927 que Matila Ghyka explore la mathématique de la divine proportion, ou la section d’or, et l’appelle le nombre d’or

[8Explore les aspects esthétique, artistique, philosophique des figures géométriques liées au nombre d’or ; les notions mathématiques où le nombre d’or joue un rôle : suite de Fibonacci, spirale logarithmique, les coniques, le triangle de Pascal, etc ; et enfin les nombreux lieux de la nature où l’on retrouve ce nombre d’or

[9Luca Pacioli (1445-1514), mathématicien, ayant étudié la philosophe, la théologie deviendra moine franciscain. Originaire de Venise, il enseigna les mathématiques d’Euclide dans les grandes villes italiennes. Il écrivit en 1498 De divina proportione, dans lequel il détaille les treize effets du partage en extrême et moyenne raison.

[10Rappelons ce qu’est l’incommensurable, puisque ce terme va jouer par la suite son importance : Cela remonte à Euclide : sont dit commensurables deux grandeurs qui peuvent être exprimées dans la même unité de longueur, ou en d’autres termes, deux grandeurs qui sont multiples d’un même nombre entier. Pour deux grandeurs incommensurables, il est impossible de trouver un diviseur entier commun. L’incommensurabilité est également mise à jour dans le report d’une longueur sur une autre et ainsi de suite jusqu’à tomber sur un point d’arrêt. Un exemple de nombre incommensurable est bien sûr, le nombre d’or.

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