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Gheorghe MARINESCO (1863-1938)

Refoulement et Censure

Introduction à la psychanalyse. Exposé des théories de Freud. Section III

Date de mise en ligne : samedi 7 août 2004

Mots-clés :

III. - Refoulement et Censure

C’est à Freud que revient le mérite d’avoir étudié la notion de répression ou de refoulement et d’en avoir fait la pierre angulaire d’une doctrine psychologique intéressante et très riche en aperçus nouveaux. Il a insisté principalement dans ses mémoires et dans le livre qui vient de paraître en français sur l’origine infantile et la nature sexuelle des appétits et des désirs réprimés et refoulés dans l’inconscient. Il s’est efforcé de démontrer que le refoulement commence déjà dans les premières années de la vie, sous l’influence morale de l’entourage ; par le fait de l’éducation et de la censure de la conscience, il s’est constitué par une sorte d’habitude automatique qui aboutissait à l’amnésie, chez l’adulte, de la plupart des souvenirs infantiles. L’amnésie infantile nous rend compte de ce fait que nous ne savons de notre enfance que fort peu de choses au point de vue affectif et que les événements qui ont eu le plus d’influence sur notre développement psychique ultérieur et notre constitution mentale définitive (événements sexuels, premières manifestations des tendances érotiques) ne peuvent être découverts que par une recherche rétrospective laborieuse et détournée, caractéristique de la méthode de Freud.

Selon Freud, l’image indésirable est refoulée, dans l’instant où elle occupait le domaine de la conscience claire, étant douée d’une charge émotive. Le coefficient émotif de l’image, que Freud dénomme affect, a été assimilé à une charge d’ordre physique et quantitatif, et comparé à la charge électrique d’une bouteille de Leyde. Lorsque la bouteille se brise, la disparition du réservoir isolant n’entraîne pas celle de la charge électrique qu’il contenait. Cette charge ne se perd pas, elle se transporte dans le milieu environnant dans d’autres objets. Par un transport semblable, l’affect de l’image refoulée passe de celle-ci, à travers le milieu psychique, sur d’autres processus mentaux et peut ainsi modifier, dans un sens ou dans l’autre, la charge affective des images et des représentations nouvelles, qui se succéderont devant la conscience du sujet.

Ainsi donc, à la base et comme une condition nécessaire de toute notre activité mentale, apparaît le processus fondamental du refoulement psychique, qui préside à notre vie quotidienne et se révèle comme le mécanisme régulateur de l’esprit à l’état de santé comme à l’état de maladie. À l’état de santé, l’aspect de l’image refoulée suit, au cours de ses transferts, des voies simples ; à l’état de maladie, il suit des voies détournées, compliquées et crée, par ses déviations dans le domaine de la cérébration inconsciente, des malaises, des souffrances, de l’anxiété et des troubles d’autant plus graves, que le sujet offre à des manifestations morbides, du fait de son hérédité défectueuse et de son équilibre constitutionnel émotif, une moindre résistance.

Grâce à la vigilance continue d’une “censure” établie au seuil de la conscience, l’esprit semble n’admettre, dans le domaine de ses représentations et de son activité, que des images agréables ou utiles... Cette répression des images pénibles, par sa constance et sa célérité, est devenue une fonction automatique et par conséquent inconsciente. Ce refoulement s’applique non seulement aux secrets personnels de la vie intérieure de chacun de nous, mais aussi aux jugements défavorables que nous formulons sur autrui et que, nous ne pouvons exprimer sous peine de rendre impossible toute fréquentation, et de détruire les bienfaisantes illusions sur lesquelles reposent l’esprit d’altruisme, d’indulgence réciproque, d’entraide et de solidarité qui est la base de la vie collective des sociétés.

L’éducation de l’enfance consiste surtout dans l’apprentissage du refoulement des images et des désirs que les parents et les maîtres estiment nuisibles à la formation du jeune sujet.

La nature égoïste et impérieuse des tendances infantiles nécessite, de la part de l’entourage, des efforts continuels de répression de ces inclinations instinctives, l’inspiration de tendances contraires, altruistes, et l’orientation de l’âme infantile vers un état d’affectivité d’ordre utile, bienfaisant et élevé. Ce sont les effets de cette éducation première que Freud dénomme la “sublimation” des tendances infantiles.

La sublimation, c’est-à-dire la dérivation de l’énergie sexuelle sur l’activité psychique, qui en est ainsi considérablement augmentée et renforcée. La sublimation se manifeste spécialement dans la culture dés beaux-arts et dans les travaux de la science. L’art nous offre souvent les produits d’un mélange de l’artiste, du perverti et du névrosé. Iwan Bloch appelle avec plus de raison, semble-t-il, “équivalents sexuels”, les manifestations artistiques et scientifiques dérivées de l’énergie sexuelle que Freud a réunies sous la dénomination du “sublimation”.

Dupré et Trepsat remarquent à juste raison que le refoulement des images mentales est un fait ; sans ce refoulement conscient ou inconscient, nous serions incapables d’appliquer notre attention sur un point déterminé et de mener une vie intellectuelle cohérente, continue et pratiquement utile. Aussi passons-nous notre existence, surtout durant le sommeil, à refouler des représentations mentales et des souvenirs gênants. L’image refoulée est ainsi momentanément oubliée, rejetée hors de la conscience et remplacée par de nouvelles images, auxquelles, dans la clarté de la conscience, s’appliquent l’attention, l’intelligence et la volonté.

Ce travail de frénation et de remplacement des tendances primitives aboutit progressivement à de telles modifications du psychisme infantile, que celui-ci, incessamment refoulé et rejeté dans l’inconscient, s’estompe chez la plupart des adultes, dans un oubli plus ou moins complet et dans l’amnésie du cadre objectif et des événements de la première et parfois de la seconde enfance.

Mais si l’élément représentatif sombre ainsi dans une sorte d’oubli physiologique, par contre, comme le démontre Bergson, tous les éléments émotifs de notre passé, tous les ébranlements affectifs de notre enfance se condensent en un faisceau de tendances qui, combinées aux influences de notre hérédité, forment notre constitution, notre caractère, et déterminent, au cours de notre développement ultérieur, la formule de notre personnalité.

La sublimation des tendances primitives se réalise d’ailleurs fort imparfaitement chez certains sujets, suivant les conditions de l’éducation et surtout suivant les variétés de leurs aptitudes héréditaires, de leur constitution native, du degré de leur développement intellectuel et moral, de l’existence ou de l’absence des perversions instinctives, etc.

Les degrés de l’inhibition et de la maîtrise de soi sont à l’âge adulte, très variables suivant les individus. Lorsque la répression psychique est mal assurée, l’imperfection du refoulement des images et des représentations inutiles détermine, chez certains débiles, chez les distraits, les inattentifs, une véritable incapacité d’adaptation à la réalité. Le conflit des pensées subconscientes et des perceptions objectives, des souvenirs et des espoirs, du sentiment et des actes, dévie le courant normal des associations d’idées et s’oppose à l’exactitude de l’observation et à la continuité du travail utile. Chez de tels sujets, le subconscient se révèle sans cesse sous forme d’oublis, de lapsus, de fausses reconnaissances, d’incorrection des actes, de bizarreries dans les propos et la conduite.

La notion de refoulement a trouvé en Bergson un illustre défenseur, qui a résumé dans quelques phrases, avec un bonheur et une simplicité sans pareils, le long développement de la littérature freudique et exprimé la vérité psychologique :

“Ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre enfance est là, penché sur le présent qui va s’y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors. Le mécanisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité dans l’inconscient et pour n’introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l’action qui se prépare, à donner enfin un travail utile. Tout au plus, des souvenirs de luxe arrivent-ils, parla porte entrebâillée, à passer en contrebande. Ceux-là, messagers de l’inconscient, nous avertissent de ce que nous traînons derrière nous sans le savoir. Mais lors même que nous n’en aurions pas l’idée distincte, nous sentirons vaguement que notre passé nous reste présent. Que sommes-nous en effet ? Qu’est-ce que notre caractère, sinon la condensation de l’histoire que nous avons vécue depuis notre enfance, avant notre naissance même, puisque nous apportons avec nous des dispositions prénatales ? Sans doute nous ne pensons qu’avec une petite partie de notre passé, mais c’est avec notre passé tout entier, y compris notre courbure d’âme originelle, que nous désirons, voulons, agissons. Notre passé se manifeste donc intégralement à nous par sa poussée et sous forme de tendance, quoiqu’une faible part seulement en devienne représentation.”

Voir en ligne : Section IV. - Les rêves et leur symbolisme

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