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Les Signifiants de la Psychanalyse

Phallique

Stade ou phase phallique

Date de mise en ligne : samedi 6 décembre 2003

Auteur : Christophe BORMANS

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Selon Freud, la phase phallique signe le troisième temps du développement de la fonction sexuelle, dans lequel les enfants, fille ou garçon, vont devoir se détacher respectivement du clitoris et du pénis. Précisons que ces organes sont tout d’abord investis de la même manière par le petit garçon ou la petite fille, c’est-à-dire comme un pénis, du moins comme son symbole. Ils adoptent tous les deux « l’hypothèse de l’universalité du pénis » dit Freud (Abrégé, p. 15). Le petit garçon se met à manipuler son pénis tout en s’adonnant à diverses rêveries fantasmatiques, tandis que la petite fille, elle, s’imagine pouvoir rivaliser avec le petit garçon sur la base de son propre organe, le clitoris :

« Le clitoris joue d’ailleurs chez la toute petite fille le rôle du pénis, il est le siège d’une excitabilité particulière, l’organe qui procure la satisfaction auto-érotique. La transformation de la petite fille en femme est caractérisée principalement par le fait que cette sensibilité se déplace en temps voulu et totalement du clitoris à l’entrée du vagin. Dans les cas d’anesthésie dite sexuelle des femmes, le clitoris conserve intacte sa sensibilité » (Introduction à la psychanalyse, p 297).

C’est précisément à l’intersection de ces deux fantasmes, masculin et féminin, que l’on retrouve ce que l’on appelle le phallus imaginaire, que l’un et l’autre devront abandonner :

« Déjà, lors de l’apogée du développement sexuel infantile, une sorte d’organisation génitale s’était instituée, dans laquelle toutefois seul l’appareil génital masculin jouait un rôle, celui de la femme demeurant non-découvert (ce qu’on appelle le primat phallique). L’opposition entre les sexes ne s’exprimait alors pas encore en termes de masculin ou féminin, mais dans les termes : possesseur d’un pénis ou castré » (Freud par lui-même, p.62).

C’est précisément à cette phase ou stade d’organisation infantile, qu’intervient le complexe de castration, lequel va inciter le petit garçon tout comme la petite fille à abandonner la masturbation infantile. À l’inverse, tout refus de la castration vise à préserver cette phase, ce stade, ce mode de jouissance dans ce qu’il a de caractéristique.

Afin de mieux saisir le caractère de symbole que Freud entend donner au phallus et afin de mettre en évidence les caractéristiques inconscientes de la phase phallique, il peut être judicieux de se plonger dans l’analyse de ses motifs tels qu’ils sont présentés dans les mythes ou les contes. Le plus illustre d’entre eux est sans aucun doute le mythe de Dionysos, le Dieu grec de la vigne, du vin et du délire extatique ou mystique, que l’on appelle aussi Bacchus.

Dionysos ou le culte du Phallus

Bien que sa légende soit complexe, l’origine de Dionysos est elle parfaitement bien définie si l’on sait la faire remonter au désir de sa mère.

L’histoire de Dionysos commence en effet avec l’histoire du désir de sa propre mère : Sémélé. Originaire de Béotie, Sémélé, qui était la fille de Cadmos et d’Harmonie, apprend un jour que Zeus avait eu pour elle un véritable « coup de foudre ». Sémélé fait alors comprendre au dieu qu’il lui faut d’abord la séduire. Zeus s’exécute et, en voulant lui montrer toute sa puissance, la foudroie littéralement. Sémélé, incapable de supporter la fulgurance de ses éclairs, tombe brûlée par les foudres de son amant.

Les sœurs de Sémélé, jalouses, font alors courir la rumeur selon laquelle leur sœur n’aurait finalement eu qu’un vulgaire amant, mais qu’elle se serait vantée d’avoir obtenu les faveurs du dieu des dieux. C’est pour cette raison que Zeus, pour la punir d’avoir raconté cette histoire abracadabrante, l’aurait foudroyée.

Ce n’était-là que pure calomnie, puisque de cette rencontre, certes fulgurante et mortifère, eut tout de même le temps d’être conçu un enfant. Lorsque sa mère meurt, l’enfant est encore dans son sein, et sa conception n’en est qu’au sixième mois.

Désirant sauver l’enfant, Zeus s’empresse de l’arracher du ventre de sa mère, pour le coudre aussitôt dans sa cuisse et le faire ainsi parvenir à son terme. Trois mois après, Zeus le sort de sa cuisse vivant, et en parfaite santé. Ainsi sortit de la cuisse de Zeus, l’enfant est appelé Dionysos, car il est le dieu « deux fois né ».

Cependant, la femme de Zeus, Héra, est jalouse de cet enfant adultérin et cherche à le perdre. Pour déjouer ses plans, Zeus confie l’enfant à Hermès, qui le donne lui-même à élever à des parents d’adoption, non sans leur avoir expressément prescrit de travestir Dionysos, c’est-à-dire de l’habiller en fille, pour dérouter les complots d’Héra.

Déjouant tous les plans de son mari, Héra retrouve tout de même les parents adoptifs de Dionysos et les frappe de folie. Zeus a tout juste le temps de transformer son fils en chevreau et, pour le sauver, l’éloigne définitivement de Grèce, le donnant à élever aux nymphes africaines, dans le pays appelé Nysa. C’est là que Dionysos va grandir et découvrir la vigne et son usage.

Toujours poursuivi par Héra, celle-ci le retrouve une nouvelle fois et réussi à le frapper de folie. Dionysos commence alors à errer au travers de l’Egypte, de la Syrie, de l’Asie et de la Phrygie, où il est finalement accueilli par la déesse Cybèle, qui le purifie et l’initie aux rites de son culte.

Délivré de sa démence, il part pour la Thrace et l’Inde, où il commence à conquérir les foules par ses enchantements et sa puissance mystique. C’est là qu’il commence à se faire accompagner par son cortège triomphal : le char traîné par des panthères et orné de pampres et de lierre, les Silènes et les Bacchantes, les Satyres, ainsi que d’autres divinités comme Priape (dieu de Lampsaque). Sur son passage, les femmes sont saisies d’un délire mystique : elles hurlent et mugissent des rituels en parcourant la campagne, se disent être transformées en vaches, vont jusqu’à dévorer leurs propres enfants.

Sa puissance sur terre étant désormais reconnue, Dionysos revient en Grèce et peut alors être élevé au rang de dieu. Mais au lieu de cela, il émet un dernier désir terrestre : il souhaite descendre dans les Enfers chercher l’ombre de sa mère Sémélé, afin de la laver de la calomnie et lui rendre la vie. Passant par le lac de Lerne, ce lac sans fond sensé directement conduire au monde infernal, Dionysos rencontre finalement Hadès et lui demande d’épargner sa mère.

Ce dernier désir faillit lui coûter cher, puisque Hadès ne consent à relâcher Sémélé, qu’à la seule condition que Dionysos lui donne en échange l’un des objets les plus précieux qu’il a en sa possession. Dionysos cède le myrte, l’une de ses plantes favorites (dont les initiés aux mystères de Dionysos avait pris pour habitude de se couronner le front).

Après cet échange libérateur, Dionysos peut monter sur l’Olympe, et faire de sa mère ressuscitée une immortelle rebâptisée pour l’occasion Thyoné, qui selon Diodore de Sicile, était le nom donné à la terre par les anciens [1].

Identification phallique et formations de l’inconscient

Au regard de ce mythe, l’on comprend mieux ce que Freud donnait à entendre lorsqu’il souhaitait qualifier de stade phallique, la phase située entre 3 et 5 ans durant laquelle l’enfant, après s’être successivement détaché du sein et des fèces, s’accroche non pas tant à l’organe en lui-même, le pénis, qu’à son symbole imaginaire : le phallus.

Dans le mythe, sont particulièrement bien mises en évidence les formations de l’inconscient caractéristiques de cette phase :
 L’importance cruciale, pour l’enfant, du désir inconscient de la mère, ainsi que le caractère mortifère de ce désir, ressenti comme incestueux dans l’inconscient.
 L’expression courante « être sorti de la cuisse de Jupiter » (c’est-à-dire le Zeus romain) n’exprime pas tant ici l’orgueil conscient, que le narcissisme inconscient, c’est-à-dire l’identification à la puissance sexuelle qui l’a engendré, en l’occurrence celle de Zeus. Cela se retrouve facilement par métonymie, c’est-à-dire par déplacement, eu égard à la proximité de la cuisse et des parties génitales. Dans le même ordre d’idée, se font entendre les fantasmes d’auto-engendrement et de scène primitive, notamment par la mise en scène de la conception de l’enfant.
 La double naissance, qu’exprime le nom même de Dionysos, se rencontre souvent dans les rêves et les fantasmes inconscients caractéristiques de ce stade.
 Le goût du travestissement vient ici signifier le refus de la différence des sexes, c’est-à-dire le refus de la castration symbolique.
 Les bénéfices secondaires de la fixation au stade phallique et aux fantasmes auxquels il est associé, loin d’être négligeables, sont parmi les plus importants. Dionysos est en effet, outre le dieu du vin, celui de l’inspiration et du génie. Ses cortèges et célébrations (les bacchanales) sont les ancêtres des carnavals masqués et donnèrent naissance à la représentation théâtrale (comédie, tragédie, drame satyrique, etc.). En outre, Dionysos représente la fécondité, et les cérémonies bachiques sont de véritables orgies représentant la puissance sexuelle et sa mise en scène.
 Ces bénéfices secondaires sont cependant largement contrebalancés par la tourmente, personnifiée par « la mauvaise mère » Héra, qui persécute l’enfant, lequel frôle très souvent la folie et la démence.

Tous ces motifs du mythe représentent autant de formations de l’inconscient qui marque la prévalence du stade phallique dans le développement de la fonction sexuelle. La libido s’écoule sans détour, comme le figure certaines peintures sur lesquelles on peut voir Bacchus uriner en même temps qu’il boit. Ça rentre d’un côté (la bouche) pour sortir immédiatement de l’autre (l’urètre). La jouissance coule sans dérivation, sans détour, au travers du corps du petit Bacchus, lequel se fait littéralement objet de sa propre jouissance.

Vers la castration symbolique

Dans la pièce de Sophocle, Œdipe roi, le cœur des vieillards de Thèbes est également conquis par la puissance phallique qui semble se dégager du héros qui a délivré la ville, à tel point qu’il se demande si ce n’est pas Bacchus lui-même qui est à l’origine de sa conception :

« Ô enfant, quelle fille des Bienheureux t’a conçu, s’étant unie à Pan qui erre sur les montagnes, ou à Loxias ? car celui-ci se plait sur les sommets boisés. Est-ce le Roi Kyllène, ou le Dieu Bacchus, qui habite les hautes montagnes, qui t’a reçu de quelqu’une des Nymphes de l’Hélicon avec lesquelles il a coutume de jouer ? » (Sophocle, Œdipe roi, Scène X).

Cependant, dans le mythe œdipien, le héros Œdipe paye cher sa sortie, puisqu’il la paye de la castration dans le réel : il se crève les yeux. Le mythe de Bacchus offre une voie plus symbolique.

Car Dionysos doit lui aussi, en quelque sorte, sortir de son propre mythe (ou stade) - même si celui-ci est extatique -, puisqu’il tend à se confondre avec la pulsion d’autodestruction, où l’éternel retour du même amène Dionysos à toujours se plonger plus profond dans un lac qui n’a pourtant pas de fond (le lac de Lernes). C’est l’enfer. Mais à la différence d’Œdipe, c’est par un échange symbolique, que Dionysos arrive à se sortir de cette pulsion infernale et monter enfin dans l’Olympe. S’il n’en cède pas pour autant le thyrse, cette longue hampe ornée de lierre qui est son insigne ordinaire, Dionysos ne retrouve la paix olympienne qu’après avoir cédé symboliquement le myrte, cet arbrisseau épineux et feuillu dont les fruits (comme les myrtilles), se présentant généralement par grappe. Nous avons déjà-là, le motif inconscient qui signe l’acceptation de la castration symbolique freudienne, voie ouverte vers la métaphore lacanienne :

« Car le phallus, comme nous l’avons montré ailleurs, est le signifiant de la perte même que le sujet subit par le morcellement du signifiant, et nulle part la fonction de contrepartie où un objet est entraîné dans la subordination du désir à la dialectique symbolique, n’apparaît de façon plus décisive » (Jacques LACAN, À la mémoire d’Ernst Jones : sur sa théorie du symbolisme, 1959).

P.-S.

 Logo de l’article : Leonard de Vinci, Bacchus, Venise, Accademy Gallery (détail).

Notes

[1Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, III, 62, Traditions grecques de Dionysos.

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