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L’inconscient et le Livre noir (IV)

Les douze travaux d’Oedipe et le triangle Beauté-Désir-Parole

Texte de l’intervention au Café « Lounge Bar » (26 janvier 2006)

Date de mise en ligne : samedi 18 février 2006

Auteur : Guy MASSAT

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Texte de l’intervention de Guy Massat au Café le « Lounge Bar » (1, bd de la Bastille), le jeudi 26 janvier 2006.

Bon... nous allons commencer... Ce qu’il y a de plus difficile, c’est toujours le commencement. Car, curieusement, pour peu que nous laissions parler la sonorité des mots, « commencement » sonne de la même manière que « comme on se ment » comme si... le commencement entraînait à son insu inévitablement avec lui la nécessité du mensonge. En effet, où commence le commencement ? Qu’il y avait-il avant le commencement ? Rien, affirme le conscient, en tout cas, rien qui nous intéresse ou quelque chose dont nous ne voulons rien savoir et que nous qualifions de « rien ». « Rien » est un mot commode dont la commodité réside en son absence de sens. Mais c’est une artificielle absence de sens. Rien n’a aucun sens, dit-on, parce qu’il n’a pas le sens convenu qui interdit tous les autres sens. Rien est donc ce signifiant qu’on dit dépourvu de sens pour qu’il autorise par là même l’utilisation de n’importe quel sens. C’est grâce à lui, par exemple, que nous avons le fameux mètre étalon, ou n’importe quelle mesure, que ce soit le pied de Charlemagne ou la coudée de quelque roi du passé. La mesure n’a pas de mesure mais c’est le sans mesure qui autorise toutes les mesures. Rien est un signifiant inépuisable. Alors, qu’y avait-il avant avant ? et avant avant avant ? Il y a toujours une espèce d’avant qu’on refoule obligatoirement par une sorte de « meurtre du père », dirons-nous pour marquer la violence de l’affaire, ou, si vous préférez qu’on s’en tienne au pur champ du langage, par quelque métaphore ou quelque métonymie.

Les savants nous disent que l’univers a commencé il y a 14 milliards d’années. Avant il n’y aurait eu rien : ni espace ni matière ni temps chronologique. Quelques générations avant, rappelons-nous, il y avait un évêque anglais, qui, après de rigoureux calculs sur la Bible, démontrait que le monde avait commencé il y a 5235 années, un jeudi, quelque chose comme ça. Jeudi c’était bien trouvé parce qu’en français ça sonne comme « je dis ». C’est que tout commencement physique ou symbolique est toujours arbitraire.

Il est arbitraire par l’arbitraire de la parole qui est l’arbitraire du signe, premier principe du langage démontré par Saussure inaugurant la linguistique moderne. Donc dès qu’on parle de commencement on ment nécessairement, dans la mesure où l’on est obligé de mettre de côté ce qui ne nous intéresse pas et ce dont nous ne voulons rien savoir.

Par exemple comment se ment Saint Augustin, avec tout le respect qu’on lui doit ? Il nous dit qu’on ne peut savoir quand a commencé le monde puisque c’est Dieu qui a créé le temps. Mais ce qu’il dit, en feignant de ne pas savoir qu’il le dit, c’est que tout cela n’est que du langage, du langage qui s’adresse aux croyants, à partir desquels s’est fondé un monde qui leur semble le meilleur des mondes possibles. Ce qui prouve bien que le mensonge n’est pas dépourvu de qualités. Le mensonge est un dit. Et Lacan nous faire remarquer : « qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ». Du coup le mensonge peut se montrer plus crédible que n’importe quelle vérité ; en tout cas, il peut être plus confortable que la vérité. On arrête le flux du langage et on créée un monde qui nous semble préférable à tout autre. Ainsi les mots parlent et peuvent favoriser les mensonges savants ou ordinaires. Alors, toute foi ne serait-elle qu’une mauvaise foi ? Ne pouvons-nous parler sans mentir d’une manière ou d’une autre ? Ou sont-ce les mots qui nous lisent, les mots qui nous disent et les mots qui nous mentent ?

L’être est un effet de langage, assure Lacan. « La lettre volée, nous fait-il remarquer, c’est, dans le texte d’Egard Poe, “the parloined letter” ce qui signifie “la lettre mise de côté” et que Baudelaire a traduit par “La lettre volée” » (Écrits, p. 29).

Quand Freud fait référence au corps, c’est faute de mieux. À son époque la matière existait encore. On avait pas trouvé la désubstantialisation de l’univers physique. Bien que cette ouverture semble être occultée par certains, tous, nous en vivons les conséquences avec nos portables et nos ordinateurs. Il ne peut y avoir nulle part de commencement en dehors de la parole. Le passé est infini, vertigineusement infini et l’avenir aussi. Le présent est incalculable puisqu’il est impossible de calculer tout ce qui arrive au même moment donné. La parole renvoie donc à la parole. La parole est le temps et le temps est parole. C’est aussi ce que soutient encore Saussure en nous montrant que le signifiant qui se déroule nécessairement dans le temps possède toutes les caractéristiques du temps. Dire, étymologiquement, c’est montrer, ça vient du grec diké qui signifie justice. Le langage n’a ses racines que dans le langage, c’est un tore comme l’inconscient qui se reboucle sur lui-même. Si l’on dit toujours autre chose que ce que l’on énonce c’est parce que toute parole s’adresse à un autre, lequel modifie, déforme ou inverse ce que l’on dit. Cette autre chose que nous disons en parlant relève donc de celui a qui on s’adresse, fusse nous-même. « Le style c’est l’homme », dit Lacan en reprenant Buffon, et il ajoute : « le style c’est l’homme à qui on s’adresse ». Et qui est l’homme auquel on s’adresse ? Cet homme ne se réduit qu’à du langage. La parole est donc un nœud. « Nœud dont le trajet se ferme sur son redoublement inversé ». Vous trouverez ça dans l’ouverture des Écrits.

Qu’est-ce que l’inconscient ?

L’inconscient est une syntaxe, la syntaxe du temps, une syntaxe très spéciale, une syntaxe en mouvement brownien qui nous constitue et dont notre conscience n’est qu’une réaction. C’est cet inconscient qui est l’objet de la psychanalyse. Cet inconscient est l’invention de Freud. Vous vous souvenez des citations que nous avions présentées :

« L’inconscient freudien, dit Lacan, n’a rien à faire avec les formes dites de l’inconscient qui l’ont précédé » (Les quatre concepts, p. 26)

« Il est indispensable de cesser de surestimer la conscience, nous dit Freud » (L’interprétation des rêves, p.520)

« Les activités de pensée les plus compliquées et les plus parfaites peuvent se dérouler sans que la conscience y prenne part » (Idem, p. 504).

Nous pouvons en conclure que tous les concepts de la psychanalyse n’ont de sens que dans la dimension de l’inconscient, c’est-à-dire du langage. La séparation entre le langage inconscient et le langage conscient est ce qui caractérise la psychanalyse. Dès que nous l’oublions nous dérapons, nous faisons une mauvaise lecture des œuvres de Freud et de Lacan et de stupides interprétations comme il y en a tant, spécialement dans le Livre noir.

Qu’est-ce qui sépare l’inconscient du conscient ?

C’est la libido, le désir, symbolisé par le phallus. Entre l’inconscient et le conscient il y a le « in », non pas dans un sens locatif ou négatif, mais dans le sens de phonème. Un phonème est constitué d’une voyelle et d’une consonne : « In ». C’est un signifiant.

« L’S1, l’essaim, signifiant-maître est ce qui assure l’unité de la copulation du sujet avec le savoir », nous dit Lacan dans Encore (p.130).

La dernière fois nous avons abordé l’Œdipe. L’Œdipe, encore une fois, se déroule dans l’inconscient et ne relève donc que du langage. Dans le conscient l’Œdipe ne présente guère d’intérêt. En effet, quiconque dans son introspection consciente la plus rigoureuse peut témoigner qu’il n’a jamais voulu « tuer son père ni épouser sa mère » au sens propre.

L’Œdipe est un mythe, ce n’est pas, comme le disent étourdiment certains, une légende. Une légende est un fait historique transformé et embellie par l’imagination. Le mythe, lui, est un mouvement éternel qui n’a jamais eu lieu nulle part et qui se manifeste en chacun de nous d’une manière à chaque fois différente. La mythologie n’est faite que de mots transformés en situations et individus mythiques. C’est ce qu’affirmaient déjà au temps de Freud les spécialistes de la mythologie. Le mot mythologie est composé de deux mots grecs muthos et logos qui signifient tout deux paroles.

Vous vous souvenez ce que signifie le mot Œdipe : il est double, d’une part on peut le faire venir de oîdos pous, pieds gonflés, c’est-à-dire mouvement (pieds) gonflés par le désir, et d’autre part on peut le référer à oïda, qui signifie « je sais ». Quand nous disons « je sais », nous disons Œdipe. Et ce qui nous fait marcher c’est le désir. Œdipe c’est le désir et le savoir.

Je vous propose donc d’aborder ce soir le mythe d’Œdipe d’une manière nouvelle, c’est-à-dire, divisé en douze étapes. Vous pourrez constater, comme je l’espère, que chacune de ces étapes correspond à des moments essentiels de votre propre histoire.

Ces douze étapes forment pour ainsi dire une sorte de chemin de croix de toute existence. Mais vous pouvez aussi les voir comme une figuration des douze travaux d’Hercule, ou comme votre Odyssée personnelle ou, peut-être encore comme une sorte de zodiaque.

Donc, premièrement il y a l’abandon (qui n’a jamais éprouvé d’une manière ou d’une autre ce sentiment douloureux ?)

Deuxièmement, il y a le sauvetage (qui n’a jamais été sauvé d’une mauvaise situation par quelqu’un de généreux ?)

En trois nous avons le doute (qui n’a jamais connu le doute de sa condition ?)

En quatre nous avons le refus de Delphes (qui n’a jamais voulu refuser son destin ?)

Cinquièmement le meurtre du père (qui n’a jamais trahi son père symbolique, réel ou imaginaire ?)

Sixième étape nous trouvons l’examen de la sphinge (qui n’a jamais eu à passer un examen essentiel où son existence était en jeu ?)

Septièmement le mauvais mariage (qui n’a jamais fait de mauvais mariage, en tout cas de mauvaises associations qui au début semblaient intéressantes et qui se sont révélées tragiques ?)

En huit nous avons la progéniture ou la production (qui n’a jamais rien produit, enfants réels ou métaphoriques ?)

En neuf nous avons l’adversité (« La peste tombe sur Thèbes », qui n’a jamais été confronté douloureusement à des circonstances tragiques ?)

En dix nous avons la culpabilité (qui ne s’est jamais trouvé responsable et coupable de choses qu’il n’avait pas même pas imaginées ?)

En onze nous avons l’étape de la mort (qui n’est jamais mort métaphoriquement, qui n’a pas traversé dans sa vie des morts plus mortes que la mort ? De fait, chacun meurt et connaît la mort dans sa vie même un grand nombre de fois.)

En douze, enfin, c’est la prospérité (la fin de l’Œdipe c’est la prospérité intérieure, intime, la félicité inconsciente. C’est que la prospérité matérielle ou intellectuelle n’entraînent pas forcément la satisfaction vitale, alors que la fin de l’Œdipe autorise toutes les possibilités)

Revoyons tout ça un peu plus en détail.

Premier moment : Œdipe est abandonné dans une forêt au milieu de bêtes fauves, les pieds liés, c’est-à-dire sans pouvoir fuir.

Chacun n’a-t-il pas vécu un pareil sentiment de détresse, d’abandon et d’angoisse ? Qui ne s’est pas senti comme le Petit Poucet pleurant : « Où sont mes parents » ?) Avec peu d’effort vous trouverez que vous avez vécu cette situation un grand nombre de fois, bien que leurs figurations soient à chaque fois très différentes. Rappelez vous, par exemple, votre premier jour à la maternelle ! Et si cela vous semble puéril, bien que ça ne le soit pas quand on le vit, et que vous aspiriez à des événements d’une élévation plus noble, vous n’avez qu’à méditer sur la « déréliction », concept philosophique qui signifie l’abandon en grec : pourquoi cette planète ? D’où vient-elle et dans quel but ? Personne n’a de réponse. Parce qu’il n’y en a pas. La déréliction c’est le fait que nous soyons jetés dans le monde, abandonnés de tout, sans lumière ni secours à attendre de quelque puissance supérieure, inférieure, ou autre. Et nous pouvons encore considérer avec effroi que nous sommes abandonnés dans le langage. Que veulent dire tous ces mots que nous ne comprenons pas ?

L’abandon, ce premier temps de l’Œdipe, chacun en fait, en a fait, ou en fera l’expérience.

Deuxième temps : Œdipe est recueilli par le roi de Corinthe, Polybe et la reine Péribée.

Qui n’a pas été sauvé par quelque puissance généreuse à un moment ou un autre de son existence ? Qui n’a pas éprouvé ce sentiment de réassurance, de reconnaissance ? À la maternelle, une gentille maîtresse, nous a pris par la main, nous a installé à une table, nous donné notre goûter etc., c’était la reine Péribée ou Polybe, les souverains de Corinthe, en personne, et à bien y regarder nous en avons connus bien d’autres. Au milieu des mots inconnus voilà que surgit un sens. Les mots ne trouvent-ils leur sens, en quelque sorte, qu’en synchronie avec quelque roi et reine de Corinthe ?

Troisième temps : Œdipe doute de lui-même.

Qui n’a jamais douter de lui-même ? Suis-je un animal, un végétal ou une simple chose ? Suis-je un enfant trouvé sorti de nulle part et, en profondeur, de quel sexe ?) Qui n’a pas éprouvé ce sentiment d’angoisse ? Qui sont nos parents ? Pourquoi sont-ce ceux-là et pas d’autres et pourquoi a-t-on des parents ? Quand on conçoit l’absence de raison par les quelles nous avons été jetés dans ce monde nous mesurons notre insignifiance.

Qui suis-je se demande le langage ? Quel mot, quel sens ? À quel mot à quel sens pourrais-je m’arrêter ? Et l’oracle (la bouche solennelle du vide) lui dit : tu es soumis au langage à ses métaphores et ses métonymies.

Evidemment « tuer son père » est une métaphore pour l’inconscient. Et « épouser sa mère » est une métonymie. Réduit que nous sommes au langage, nous sommes toujours obligés soit de changer le signifiant et de garder le signifié, c’est la métaphore, soit de garder le signifiant et de changer le sens, c’est la métonymie. C’est ce qui s’opère continuellement dès que nous parlons. Tu es ton propre désir qui décide seul des mots et de leur sens. Voilà ce que signifie dans l’inconscient « tuer son père » et « épouser sa mère ». Ce qui n’a rien à voir avec le meurtre et l’inceste dans la réalité.

Quatrième temps : Œdipe refoule l’inconscient.

Qui n’a jamais eu le sentiment angoissant de ne rien comprendre à ce qu’on lui dit, ou qu’il se dit à lui-même ? Qui n’a jamais eu envie de refouler le destin qu’on lui propose ? Qui n’a pas eu envie de partir ailleurs faire fortune, qui n’a pas utilisé le mensonge que permet le langage pour changer sa condition ? Comme si nous étions le maître des mots !

Cinquième temps : Œdipe tue son père.

Nous avons vu que « tuer son père » ne veut pas dire « tuer son père », mais qu’il s’agit d’une métaphore puisque nous ne sommes que du langage. Cela veut dire, changer de signifiant, changer de mot. Le contraire, changer de sens en gardant le même mot, c’est la métonymie. Nous remarquerons qu’en toute rigueur, ce qu’est la métaphore pour certains peut être considérée comme une métonymie pour d’autres. Il y a toujours un peu de métonymie dans la métaphore et inversement. L’essentiel c’est de voir que dès qu’on parle, soit nous changeons de mots en faveur du sens soit nous changeons le sens en faveur du mot.

C’est en refoulant le langage inconscient qu’Œdipe « tue son père ». Et ce que nous refoulons nous le vivons.

Sixième temps : Œdipe répond au Sphinx.

Qui n’a jamais fait cette expérience étrange de répondre juste sans connaître pour autant le sens profond de ce qu’il disait ? Un jour peut-être vous rencontrerez un sphinx qui vous demandera « qu’est-ce que la psychanalyse ? » En tout cas, si nous n’étions pas confrontés à des questions vitales comment accéderions-nous au langage ? Vous vous souvenez de la réponse d’Œdipe, il répond juste sans savoir le sens caché de sa réponse : 4,2,3 qui est un processus logique :
 1) On se compte dans le compte, on se compte dans le triangle parental, on s’identifie à ce que l’on perçoit, on s’intègre au cadre, ce qui fait quatre.
 2) Adulte enfin on accède à la logique binaire, ou c’est blanc ou c’est non-blanc. On invente l’ordinateur.
 3) Enfin on intègre le message, le scytale de l’inconscient, le bâton des messages de l’inconscient, figuré par la canne du vieillard.

Ce sixième temps est celui où nous traversons des situations dont la réponse implique notre vie et notre mort et où nous réussissions sans trop savoir comment.

Septième temps : Œdipe devient roi de Thèbes et épouse sa mère.

Qui n’a pas eu de réussite satisfaisante bien que fondée sur quelque erreur fondamentale ? Toute parole est habitée par d’autres paroles que nous jugeons impures et que nous refoulons dans l’acte de parler. La parole qui commande est royale mais elle refoule nécessairement des sens qui feront retour. Jocaste représente, en quelque sorte, la langue pure et Œdipe la langue de la rue. D’abord Jocaste ne veut pas d’Œdipe, elle est une aristocrate et Œdipe un va-nu-pieds. Mais Œdipe montre qu’il est ce qu’il est par ses mérites tandis que la reine ne doit sa place qu’à sa naissance. Les deux langues finissent pas s’accoupler. Œdipe épouse Jocaste et devient roi de Thèbes. Qui n’a pas fait de tragiques associations dans sa vie, et même de mauvais mariages ?

Huitième temps : Œdipe fait quatre enfants à sa mère.

Qui n’a pas eu de progénitures ou quelques rejetons aux destins tragiques ? Ce sont ce que Freud appelle « les rejetons du refoulé ». La psychanalyse en sait quelque chose, elle est riche en rejetons dénaturés qui finissent en tragédie comme les enfants d’Œdipe. Qui pourrait dire qu’il n’a rien produit dans sa vie ?

Neuvième temps : La peste tombe sur Thèbes.

Que veut dire « la peste tombe sur Thèbes » ? En français, ça tombe comme une allitération : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? La peste tombe sur Thèbes. La peste tombe sur ta maison. La peste tombe sans cesse sur notre maison... Qui ne s’est confronté à de mauvaises conjonctures dissociatives ? Qui n’a pas vécu « la peste tombé sur Thèbes », comme si la vie n’était qu’une succession de mauvaises rencontres ?

Dixième temps : Coupable Œdipe découvre qu’il a tué son père et épousé sa mère.

Qui ne sait dévoilé à lui-même comme imposteur ayant commis le contraire de ce qu’il souhaitait ? Qui n’a pas été victime de son propre langage ? Qui n’a pas découvert en lui-même un jardin secret qui pue le fumier ? C’est ça le langage. Qui ne s’est pas découvert coupable et responsable de choses qu’il n’imaginait même pas ? N’y a-t-il pas de quoi se crever les yeux et partir mendier sur les routes ?

Onzième temps : La mort à Colone.

Œdipe meurt à Colone, faubourg d’Athènes, (comme Mozart dans un faubourg de Vienne). Nous mourrons toujours dans quelque coin perdu du langage quand nous nous apercevons que nous avons été plus sourd qu’un sourd, plus aveugle qu’un aveugle, plus muet qu’un muet, bref, plus rien que rien. Car, nous sommes sans raison ni but, sans forme et sans nom. Nous constatons, pour peu que nous cessions de mentir à nous-mêmes, que sommes sans raison ni but, que rien ni personne ne nous attend. Nous sommes également sans forme puisque notre forme change sans cesse depuis le spermatozoïde que nous avons été, en pensant que le fœtus, l’enfant, puis le cadavre et la poussière que nous deviendrons sans qu’aucune de ces étapes ne possèdent de forme stable et définitive. Nous sommes par ailleurs sans nom puisque les noms qu’on nous donne ne sont pas les nôtres mais ceux des autres. Bref nous pouvons faire sans mourir l’expérience de la mort.

Douzième temps : La prospérité.

L’oracle avait annoncé que le lieu où mourrait Œdipe connaîtrait une prospérité sans pareille. Aussi les cités faisaient-elle leur possible pour qu’Œdipe vienne finir ses jours en leurs murs. Corinthe rappelait qu’elle avait prit soin de lui quand il était enfant et qu’elle l’avait élevé. Thèbes rappelait qu’il avait été roi et qu’il appartenait à la ligné de Cadmos le fondateur de la ville. Mais Œdipe choisit de mourir dans le faubourg d’Athènes, à Colone. Colone en français sonne comme colonne. Et la colonne est un symbole ascensionnel, comme le signifiant maître qui marque l’affirmation de la parole. « Colonnes, dit Paul Valéry, filles du nombre d’or, Portes des lois du ciel. Elles marchent dans le temps... et leurs corps éclatants ont des pas ineffables... » (Cantique des Colonnes).

Là ou mourra Œdipe se sera la prospérité. C’est ce que Freud appelle la sortie de l’Œdipe, la fin du conflit névrotique, la sortie du fantasme, l’accès à la parole de l’inconscient, à sa scytale, pourrait-on dire. L’accès au langage de l’inconscient est la fin de l’analyse et la prospérité de l’analysant.

L’oracle se réalisa comme on peut le constater puisqu’Athènes connut une prospérité sans pareille. Elle inventa la philosophie, les principes des sciences, la démocratie, la liberté, les arts et d’une certaine manière la psychanalyse.

« Si la psychanalyse éclaire les faits de la sexualité, nous dit Lacan, ce n’est pas en les attaquant dans leur réalité ni dans l’expérience biologique » (Interview dans L’Express, 31 mai 1957).

La sexualité dans l’inconscient ne relève que de la parole. La névrose est une maladie qui parle. Dans toute parole il y a des mots qui veulent faire retour et qui, relativement à elle, lui semblent obscènes c’est-à-dire incestueux. Ce n’est pas une histoire de corps parce que le corps est la partie matérielle des êtres animés, c’est-à-dire du conscient, et que nous sommes ici dans l’inconscient.

« Si la psychanalyse éclaire les faits de la sexualité, ce n’est pas en les attaquant dans leur réalité ni dans l’expérience biologique ».

Qu’est ce que la Loi de l’interdit de l’inceste ?

S’agit-il de l’article 161 de notre code civil selon lequel :
 « Le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels. »

Ou l’article 162 :
 « Le mariage est prohibé entre le frère et la sœur légitimes ou naturels » ou le 163 :
 « Le mariage est prohibés entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu, que la parenté soit légitime ou naturelle ».

Évidemment pas. Comme vous pouvez le remarquer, dans notre code civil ce qui est interdit c’est le mariage et non pas l’inceste. En fait, en France, comme en Espagne et au Portugal l’inceste n’est pas une infraction. Ce qui est puni par la loi c’est la violence faite à un mineur aggravée s’il s’agit d’un parent. Mais l’inceste entre adultes consentants n’est pas interdit.

Chez les pharaons on pouvait épouser sa sœur et pas seulement avoir des relations avec elle. Les lois changent selon les circonstances. Il y a aujourd’hui des pays qui autorisent le mariage homosexuel, etc.

Alors qu’est-ce que la loi de l’interdiction de l’inceste en psychanalyse, si ce n’est pas une loi sociale ? Est-ce un impératif, un commandement que l’esprit se donne à lui-même ? Selon Kant il n’y a qu’un seul impératif catégorique fondamental dont vous connaissez la formule :
 « Agis toujours d’après une maxime telle que tu puisse vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. »

Mais Freud différencie l’esprit, c’est-à-dire le conscient, d’avec l’inconscient. La maxime de Kant concerne donc l’esprit et non pas l’inconscient, alors qu’est-ce que cette loi absolue de l’interdit de l’inceste ? C’est la loi du langage. Il n’y a qu’une seule loi c’est celle du langage. Or toute parole veut son identité, elle veut un sens et interdit les autres sens qu’elle considère comme impurs, obscènes, c’est-à-dire incestueux. Si je dis concupiscence, je ne dis pas con, culs et pisse, bien que tout ces mots obscènes sonnent dans concupiscence. Toute parole est entre dite, par d’autres paroles qu’elle s’interdit comme impures, c’est-à-dire incestueuses à sa propre identité. Il n’y a pour l’inconscient d’autre loi que la parole et cette loi est absolue : voilà ce qu’est l’interdit de l’inceste.

Cette loi ne découle pas des lois sociales ou morales. C’est exactement le contraire, ce sont les lois sociales et morales qui découlent du langage.

L’Œdipe n’a pas de corps parce que le corps est la matérialité des êtres vivants et que la parole inconsciente n’a pas de matérialité. L’Œdipe n’a pas d’œil, pas d’oreille, pas de nez, pas de corps, pas d’esprit, parce que l’Œdipe n’est que du langage et que la loi du langage c’est la loi de l’interdit de l’inceste. Loi indispensable au langage inconscient.

Pulsions, polémos, paroles

La dernière fois nous avons abordé les pulsions. Pulsion, pulsation, poussée ont la même étymologie : Polemos, le conflit. Nous avions souligné que la pensée de Freud était basée sur le conflit et que jamais il n’était revenu sur ce point. Nous avions, à ce propos, invoqué le fragment 53 d’Héraclite :

« Polemos (le conflit) est le père de toute chose, de tout ce qui existe il est le maître. Des uns il fait des dieux et les porte à la lumière, des autres il fait des hommes. De certains il fait des esclaves et d’autres des libérés. »

Nous savons aujourd’hui que le vide est une poussée, donc un conflit. Chaque mot est une poussée et toute poussée est un mot, en tout cas d’une certaine manière.

« La théorie des pulsions, dit Freud, est notre mythologie. Les pulsions sont des être mythiques formidables dans leur imprécision. Nous ne pouvons dans notre travail faire abstraction de ces êtres mythiques un seul instant et cependant nous ne sommes jamais certains de les voir nettement. Elles nous frappent par leur plasticité, leur capacité de changer leurs buts et par leur faculté à se faire représenter » (Nouvelles conférences, p. 129).

Si la théorie des pulsions est notre mythologie cette théorie relève essentiellement de la parole : muthos et logos, sont, encore une fois, deux mots qui signifient parole. Parole dans la parole, langage dans le langage.

Ainsi l’inconscient est-il un langage qui habite toutes les langues et ce langage contient lui-même d’autres langages qui contiennent eux-mêmes d’autres langages, etc., jusqu’à un chaos de langage sans qu’il y est de métalangage, c’est-à-dire un langage qui dominerait tous les autres. Langage des hommes, langage des animaux, langage des végétaux, langage des minéraux, langage des feux, langage des eaux, langages des matières, langage des vents, langage du vide et chaos des langages. Tout ne se réduit qu’au langage dans l’inconscient comme dans le conscient.

C’est donc dans « Pulsions et destins des pulsions » que nous pouvons mesurer tout le génie de Freud. Pour cela il suffit de comprendre la « pulsion » comme étant le langage de l’inconscient.

La pulsion, soutient Freud, peut être :
 Active ou passive, de même que les verbes qui peuvent être actifs ou passifs.
 Elle peut être refoulée par une autre poussée, comme un mot peut être refoulé par un autre.
 Elle peut se retourner sur elle-même comme un mot qui s’affirme être lui-même et rien d’autre, comme dans une tautologie.
 Elle peut se renverser en son contraire comme ces mots qui peuvent signifier le contraire de ce qu’ils expriment, comme quand on dit que le silence parle ou qu’on pratique l’ironie.
 Elle peut se sublimer, c’est-à-dire dépasser toutes les autres, comme le font certains mots dans des circonstances particulières, comme quand on trouve ce que l’on cherchait.

Qu’est-ce que la psychanalyse et pourquoi Freud a-t-il choisi ce mot ?

Psychanalyse est composé de deux mots grecs prestigieux ; analyse, analusis en grec, qui non seulement signifie analyse mais tout d’abord libération, et de Psyché qui signifie « souffle vital », c’est-à-dire parole. Le mythe de Psyché, c’est le mythe de la parole en tant que souffle vital. Si vous interrogez des psys, soit psychiatres, psychologues, psychanalystes, vous pourrez constater qu’il ne savent pas grand chose du mythe de Psyché. Ils pratiquent une forme de métonymie. Ils utilisent le mot « psy » mais en lui donnant d’autres sens.

Les mythes sont comme les rêves : il y a le contenu manifeste et le contenu latent. C’est le contenu latent qui nous intéresse.

Pour le contenu manifeste on peut se reporter à L’âne d’or ou les Métamorphoses d’Apulée, auteur berbère du 5ème siècle qui écrivait en latin et qui a merveilleusement rassemblés les différentes mythes de Psyché.

Le récit d’Apulée est une bonne interprétation des versions mythologiques milésiennes qui l’ont précédé concernant le fameux triangle Aphrodite, Eros et Psyché.

Voici la présentation des personnages de ce triangle aussi conflictuel que celui d’Œdipe et qu’on appelle le mythe de Psyché.

Aphrodite

Il n’y a pas de matière, nous l’avons vu, il n’y a que des phénomènes qui ne se montrent que pour disparaître. Aphrodite figure cette beauté des choses qui ne font qu’apparaître. Elle est issue de la castration d’Ouranos, l’espace, par Chronos le temps. Aphrodite est donc en ce sens toujours contemporaine. Quand Chronos eut castré son père Ouranos, du sperme céleste tomba dans la mer et devint l’écume éphémère dont est faite la beauté du monde. Pourquoi la beauté, pourquoi Aphrodite serait-elle jalouse de Psyché, la parole ?

Comprenons que la Beauté qui ne fait qu’apparaître peut être envieuse de la parole qui, bien que mortelle, peut conserver le passé et le transmettre à l’avenir. Dans ce récit mythologique nous voyons aussi que la Beauté peut être trahie par le désir, par l’Amour, par Eros. Il est vrai que ce n’est pas parce qu’on est beau qu’on ne peut pas être trahi.

Eros

Eros, le désir, l’amour est « le plus beau des dieux immortels. Celui qui rompt les membres », nous dit Hésiode. Eros représente la motion d’amour, la force libidinale dans sa double fonction de déliaison (lysimélis) et de liaison. Il est la force qui unit tous les êtres. C’est lui qui « dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir. » C’est donc lui qui apporte la paix.

Dans cette version du mythe et pour pathétiser le conflit Eros est le fils d’Aphrodite. C’est le désir comme fils de la beauté.

Psyché

Psyché c’est le souffle vital, c’est-à-dire la parole. Voici donc les conflits du mythe, figurés par le triangle ou le nœud (un nœud ou un triangle c’est topologiquement la même chose) : Aphrodite, Psyché, Eros, ou, la Beauté, le Désir et la Parole, triangle qui nous concerne tous.

« Il était une fois, nous rapporte Apulée, un roi et une reine qui avait trois filles, toutes trois fort belles... ». De ces trois filles nous ne connaissons que le nom de Psyché, la parole, les deux autres sœurs sont aussi anonymes, que des paroles non exprimées. Tout le monde venait voir Psyché parce que la parole raconte toutes sortes d’histoires du passé, du présent et de l’avenir. Si bien qu’un jour Aphrodite, la beauté, devint jalouse de la parole. Ce qui ne fait qu’apparaître peut jalouser ce par quoi le choses perdurent. Comme le faisait remarquer Racine à une jeune marquise : « vous ne passerez pour belle qu’autant que je l’aurais dit ».

Aphrodite chargea son fils Eros de lui lancer une flèche qui la rendrait amoureuse d’un monstre. Qu’est-ce qu’un monstre et pourquoi ce projet ?

Un monstre est l’alliance de deux ou plusieurs espèces différentes, comme la chimère, avec sa tête de chèvre, son corps de lion, sa queue de serpent et ses ailes d’oiseau de proie. La parole en effet peut se mettre aux service de quelque chimère, ce qui la discrédite au yeux de la raison et de la conscience ordinaire. Un monstre c’est aussi une proposition contradictoire, ce que peut soutenir la parole. Elle peut dire qu’une chose peut être et ne pas être en même temps et sous le même rapport. Elle peut mentir. Elle peut se disqualifier dans des prétéritions, c’est-à-dire prétendre qu’elle ne parlera pas d’une chose pour mieux attirer l’attention sur elle.

Exemple : « je ne vous dirai pas que les auteurs du Livre noir sont des crétins absolus plus morts que des cadavres parce je suis poli, en fait, ça ne me regarde pas », etc.

Donc le projet d’Aphrodite semble parfait pour se débarrasser de la parole : Il suffit de l’engager dans le contradictoire. Alors il n’y aura plus personne pour lui trouver de l’intérêt. Comme dit Pontalis : « il ne faut pas accorder trop d’importance au langage ».

Mais là intervient un coup de théâtre qui va modifier ce projet. Eros en voyant Psyché en tombe éperdument amoureux. Le Désir qui est fils et amoureux de la Beauté devient ici amoureux de la Parole. Peut-on rester fidèle au désir de sa mère et en même temps la contredire ? Eros trouva la solution : « Moi, le plus beau des dieux immortels, se dit-il, je me ferai aussi invisible que le zéro et je dirai que je suis un monstre, le monstre du contradictoire ! »

Aussitôt un oracle se fait entendre au roi et à la reine : « votre fille Psyché a été choisie par un monstre qui veut l’épouser sous peine des plus terribles conséquences pour votre royaume. Conduisez la sur un montagne en tenue de mariée et il viendra la chercher ».

Les parents désolés, affligés, attristés se conformèrent à l’oracle pour sauver leur royaume. Ils parèrent leur fille de la plus chatouillante des robes de mariée et la conduisirent à l’endroit indiqué, mais en une procession qui ressemblait plus à un cortège funèbre qu’à une hyménée. Là, un vent mystérieux enleva Psyché et la transporta dans les airs jusqu’à un palais d’or, de marbre et de mosaïques de pierres précieuses. Aux alentours il n’y avait que des jardins, des jets d’eau et des fleurs. Des voix lui annoncèrent qu’elle était ici chez elle, que tout lui appartenait et qu’elle pouvait demander ce qu’elle voulait à l’exception de voir son mari.

Son mari ne la rejoindrait dans sa couche que la nuit venue et repartirait avant que le soleil ne se lève.

Le temps passa et Psyché vivait très heureuse en son palais jusqu’à ce que ses sœurs ne viennent la voir. Psyché les combla de cadeaux, de bijoux et de perles, mais comme elles n’étaient pas très subtiles voici ce qu’elles conseillèrent à Psyché après leur troisième visite : « Nous avons appris de source certaine que ton mari est un horrible serpent dont le corps se recourbe en innombrables replis, dont le cou et gonflé d’un sang venimeux et don la gueule s’ouvre comme un gouffre immense. Rappelle-toi l’oracle qui t’a livrée aux embrassements d’un tel monstre. Prépare une arme à deux tranchants et d’une lampe bien fournie et quand ton mari dormira soulève le drap, vois et frappe sans hésiter le monstre. Aussitôt que par sa mort tu auras opéré ta délivrance, nous serons à tes côtés. Nous t’emmènerons avec nous, sans oublier toutes ces richesses, et nous te trouverons un époux qui appartiennent à l’humanité. »

Une nuit, après bien des hésitations, Psyché se soumet aux mauvais conseils de ses sœurs. Elle soulève le drap, dresse sa lampe et pointe son couteau persuadé de découvrir un horrible monstre et ce qu’elle voit c’est « le plus beau des dieux immortels ». Elle en tombe immédiatement amoureuse. Mais sous l’effet de la surprise elle a lâché sa lampe qui tombe sur Eros et le brûle cruellement. Dans son sursaut Eros se blesse encore à une des flèches de son arc. Malheureuse, s’écrie-t-il, vous avez transgressé notre accord. Vous ne deviez jamais me voir. Nous ne pouvons maintenant que craindre la colère d’Aphrodite. En effet le deux amants se trouvent aussitôt séparés. Eros gagna une retraite où soigner ses blessures. Sa mère lui fit des reproches cinglants : « Est-ce le cas que vous faites des ordres d’une mère ? Pourquoi au lieu de livrer mon ennemie à un monstre avez-vous osé lui prodiguer vos caresses et entretenir un amour défendu ? Sachez que je peux avoir un autre fils qui vous remplacera... » Quant à Psyché elle fut poursuivie par Aphrodite qui, grâce à Hermès, parvint à l’attraper et à la mettre en servitude dans son château avec ses deux autres servantes : Inquiétude et Tristesse. Aphrodite soumit notamment Psyché à quatre épreuves qui sont les quatre épreuves de la parole.

Le tri des graines : « Tu vois cet énorme mélange de graines diverses ? Tu va les trier, séparer chaque espèce et en faire autant de tas ». Trier est une des capacité de la parole, c’est ce qu’on appelle l’analyse.

Les fils de la toison d’or : « Va, et fais en sorte de me rapporter sans délais des fils de la toison d’or ». Ces fils d’or sont, métaphoriquement, ce qui assure l’inspiration des artistes et qui favorisent la complicité entre les gens et les esprits de toute les époques. La toison d’or c’est encore la lumière qui nous fait apparaître le monde. La parole peut avoir la faculté de tisser ce genre de fils d’or.

L’eau du Styx : Proférer un serment sur l’eau du Styx c’est le rendre irrévocable. Styx était une nymphe qui aida Zeus lors de sa guerre contre Chronos et les Titans. Pour la remercier il la transforma en fleuve protecteur de la vérité. Ces dans ses eaux que Déméter baigna le jeune Achille pour le rendre invincible. La parole peut être comme l’eau du Styx protectrice de la vérité. Combien de fois avons nous juré par le Styx : demain je serai vertueux et ça n’a rien donné. Ce n’est pas pour rien que le Styx et ses neuf bouches se trouvent dans les profondeurs les plus profondes de nous-mêmes, à savoir aux enfers, ce qui désigne ce qu’il y a de plus de plus profond, l’inconscient.

L’eau de jouvence : Psyché fut chargée d’aller aux enfers chercher de l’eau de jouvence. C’est que certaines formes de parole ont le pouvoir de nous rajeunir et de nous redonner de la force. Mais aller aux enfers et surtout pouvoir en sortir est très difficile. Psyché y parvient. Après beaucoup de difficultés elle obtint d’Hadès et de Proserpine un flacon de cette eau vivifiante. Épuisée, sur la route du retour, elle ouvrit le flacon et le sentit pour se redonner de la force mais elle s’endormit aussitôt.

Eros qui s’était guéri de ses blessures (qui ne s’est pas guéri d’une blessure faite à son désir ?) cherchait Psyché désespérément ; quand il l’aperçut endormie sur le bord de la route, il l’enleva, la porta dans l’Olympe et s’adressant à Zeus, le souverain suprême des dieux et des hommes (la vie), il expliqua toute son histoire.

La vie qui est toujours en fin de compte favorable aux amours apaisa la colère et les malheurs d’Aphrodite qui avait beaucoup souffert de la Parole, Psyché, et du désir, Eros. Mais grâce à Zeus elle transforma son envie en gratitude. Zeus fit boire à Psyché l’ambroisie qui rend immortel :
 « Psyché, ordonna Zeus, sois immortelle. Eros et toi, qu’un nœud indestructible vous unisse à jamais ». Et aussitôt se déploya une splendide cérémonie de noces. Sur le lit d’honneur, on pouvait voir Eros tenant Psyché dans ses bras, et dans la même attitude Zeus et Héra. Venaient ensuite tous les dieux chacun selon son rang. L’ambroisie circulait servie par Dionysos lui même. Héphaistos s’était chargé de la cuisine. Les Heures semaient partout des roses. Les Grâces répandaient des parfums. Les Muses faisaient entendre leur voix mélodieuse. Apollon chanta en s’accompagnant de sa lyre et les jolis pieds d’Aphrodite dessinèrent une gracieuse danse réglée sur ces accords divins. Tout le monde était réconcilié. Eros triomphant est bien la force qui unit tous les êtres.

Psyché et Eros, enfin adultes, formèrent dès lors le couple le plus unis de toute la mythologie. On rapporte qu’ils eurent un enfant qu’ils appelèrent Edoné, c’est-à-dire la volupté.

Dans ce mythe nous avons rencontré les malheurs de la Beauté, les malheurs du Désir et les malheurs de la Parole. Bien sûr la Parole est en tête d’affiche, c’est normal sinon on ne pourrait pas raconter l’histoire. Mais nous voyons aussi les malheurs de la Beauté trahie par la Parole et par le Désir. Et les malheurs du Désir qui n’arrive pas à concilier la Beauté et la Parole. Mais, par la force du Désir et les pouvoirs de Zeus (la vie) les trois destins finissent par se réconcilier. C’est la fin de l’analyse.

Le triangle Beauté, Désir, Parole est pareil à celui de l’Œdipe Père, Mère, Enfant. Pour les psychanalystes qui se servent du nœud borroméen dans leur écoute, il y en a parmi nous, nous ferons remarquer que ces deux triangles peuvent illustrer les deux graphes du borroméen, RSI. Il y a une beauté, réelle, imaginaire et symbolique, un désir, réel, imaginaire et symbolique, une parole réelle, imaginaire et symbolique de même qu’il y a un père, une mère, un enfant, RSI.

En conclusion et pour soutenir que tout est langage, il importe de se placer dans la perspective du devenir et non pas dans la perspective de l’être qui est celle du conscient. L’inconscient est ce langage qui modifie la fonction de la chose que nous sommes et de ses comportements.

La prochaine fois nous aborderons le Narcissisme.

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