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Sainte Thérèse d’Avila

Le chemin de la perfection - Chapitre I

Traduction de M. Arnauld d’Andilly

Date de mise en ligne : dimanche 26 juin 2005

Avant-propos de la Sainte

Les sœurs de ce monastère de Saint Joseph D’Avila sachant que le père présenté Dominique Bagnez religieux de l’ordre du glorieux St Dominique, qui est à présent mon confesseur, m’a permis d’écrire de l’oraison, elles ont crû que je le pourrais faire utilement, à cause que j’ai traité sur ce sujet avec plusieurs personnes fort spirituelles et fort saintes, et m’ont tant pressée de leur en dire quelque chose que je me suis résolue de leur obéir, parce que le grand amour qu’elles me portent leur fera mieux recevoir ce qui leur viendra de moi, quelque imparfait et mal écrit qu’il puisse être, que des livres dont le style est excellent, et qui ont été faits par des hommes fort savants en cette matière. Je mets ma confiance en leurs prières, qui pourront peut-être obtenir de Dieu que me donnant de quoi leur donner, je dirai quelque chose d’utile touchant la manière de vivre qui se pratique en cette maison. Que si je rencontre mal, le Père Bagnez qui sera le premier qui le verra le corrigera ou le brûlera.

Ainsi je ne perdrai rien pour avoir obéi à ces servantes de Dieu : et elles connaîtront ce que je puis de moi-même lors que sa grâce ne m’assiste pas. Mon dessein est d’enseigner des remèdes pour de légères tentations excitées par le démon, dont les personnes religieuses ne tiennent compte à cause qu’elles ne les croient pas considérables ; et de traiter aussi d’autres points selon que notre seigneur m’en donnera l’intelligence, et que je pourrai m’en souvenir. Car ne sachant ce que j’ai à dire, je ne saurais le dire par ordre : et je crois que c’est le meilleur de n’en point garder, puisque c’est déjà un si grand renversement de l’ordre que j’entreprenne d’écrire sur un tel sujet.

J’implore l’assistance de Dieu, afin que je me conforme entièrement à sa sainte volonté. C’est à quoi tendent tous mes désirs, encore que mes actions n’y répondent pas. Mais au moins je ne manque pas d’affection et d’ardeur pour aider de tout mon pouvoir mes chères sœurs à s’avancer de plus en plus dans le service de Dieu.

Cet amour que j’ai pour elles étant joint à mon âge et à mon expérience de ce qui se passe dans quelques maisons religieuses, fera peut-être qu’en de petites choses je rencontrerai mieux que les savants, à cause qu’ayant d’autres occupations plus importantes, et étant des personnes fortes ils ne tiennent pas grand compte de ces imperfections qui paraissent n’être rien en elles-mêmes, et ne considèrent pas que les femmes étant faibles tout est capable de leur nuire.

Joint aussi que les artifices dont le démon se sert contre des religieuses si étroitement renfermées sont en grand nombre, parce qu’il sait qu’il a besoin de nouvelles armes pour les combattre. Et comme je m’en suis si mal défendue, étant aussi mauvaise que je suis, je souhaiterais que mes sœurs profitassent de mes fautes.

Je ne dirai rien que je n’aie reconnu par expérience, ou dans moi, ou dans les autres. Et quoi que m’ayant été ordonné depuis peu de jours d’écrire une relation de ma vie, j’y aie aussi mis quelques avis touchant l’oraison ; néanmoins parce que mon confesseur ne voudra peut-être pas que vous la voyiez maintenant, j’en redirai ici quelque chose, et y en ajouterai d’autres qui me paraîtront nécessaires.

Notre seigneur veuille s’il lui plaît m’assister, comme je l’en ai déjà prié, et faire réussir à sa plus grande gloire tout ce que j’écris.

CHAPITRE 1

Des raisons qui ont porté la sainte à établir une observance si étroite dans le monastère de St Joseph D’Avila.

Lorsque l’on commença de fonder ce monastère pour les raisons que j’ai écrites dans la relation de ma vie, et ensuite de quelques merveilles par lesquelles notre seigneur fit connaître qu’il devait être beaucoup servi en cette maison, mon dessein n’était pas que l’on y pratiquât tant d’austérités extérieures, ni qu’elle fussent sans revenu. Je désirais au contraire que s’il eusse été possible rien n’y manquât de toutes les choses nécessaires, agissant en cela comme une personne lâche et imparfaite, quoi que j’y fusse plutôt portée par une bonne intention que par le désir d’une vie plus molle et plus relâchée.

Ayant appris en ce même temps les troubles de France, le ravage qu’y faisaient les hérétiques, et combien cette malheureuse secte s’y fortifiait de jour en jour, j’en fus si vivement touchée que comme si j’eusse pu quelque chose, ou eusse moi-même été quelque chose, je pleurais en la présence de Dieu, et le priais de remédier à un si grand mal. Il me semblait que j’aurais donné mille vies pour sauver une seule de ce grand nombre âmes qui se perdaient dans ce royaume. Mais voyant que je n’étais qu’une femme, et encore si mauvaise et très-incapable de rendre à mon Dieu le service que je désirais, je crus, comme je le crois encore, que puisqu’il a tant d’ennemis et si peu d’amis, je devais travailler de tout mon pouvoir à faire que ces derniers fussent bons. Ainsi je me résolus de faire ce qui dépendait de moi pour pratiquer les conseils évangéliques avec la plus grande perfection que je pourrais, et tacher de porter ce petit nombre de religieuses qui sont ici à faire la même chose. Dans ce dessein je me confiai en la grande bonté de Dieu qui ne manque jamais d’assister ceux qui renoncent à tout pour l’amour de lui, j’espérai que ces bonnes filles étant telles que mon désir se les figurait, mes défauts seraient couverts par leurs vertus, et je crus que nous pourrions contenter Dieu en quelque chose en nous occupant toutes à prier pour les prédicateurs, pour les défenseurs de l’église, et pour les hommes savants qui soutiennent sa querelle, puis qu’ainsi nous ferions ce qui serait en notre puissance pour secourir notre maître, que ces traîtres qui lui sont redevables de tant de bien-faits traitent avec une telle indignité, qu’il semble qu’ils le voudraient crucifier encore, et ne lui laisser aucun lieu où il puisse reposer sa tête.

O mon rédempteur, comment puis-je entrer dans ce discours sans me sentir déchirer le cœur ? Quels sont maintenant les chrétiens ! Faut-il que vous n’ayez point de plus grands ennemis que ceux que vous choisissez pour vos amis, que vous comblez de plus de faveurs, parmi lesquels vous vivez, et à qui vous vous communiquez par les sacrements ? Et ne se contentent-ils pas de tant de tourments que vous avez soufferts pour l’amour d’eux ? Certes mon Dieu, celui qui quitte aujourd’hui le monde ne quitte rien. Car que pouvons-nous attendre des hommes, puisqu’ils ont si peu de fidélité pour vous même ? Méritons-nous qu’ils en aient davantage pour nous que pour vous ? Et leur avons-nous fait plus de bien que vous ne leur en avez fait, pour espérer qu’ils nous aiment plus qu’ils ne vous aiment ?

Que pouvons-nous donc attendre du monde, nous qui par la miséricorde de Dieu avons été tirées du milieu de cet air si contagieux et si mortel ? Car qui peut douter que ces personnes ne soient déjà sous la puissance du démon ? Elles sont dignes de ce châtiment, puisque leurs œuvres l’ont mérité ; et il est bien raisonnable que leurs délices et leurs faux plaisirs aient pour récompense un feu éternel. Qu’ils jouissent donc, puisqu’ils le veulent, de ce fruit malheureux de leurs actions. J’avoue toutefois que je ne puis voir tant d’âmes se perdre sans en être outrée de douleur. Je sais que pour celles qui sont déjà perdues il n’y a plus de remède. Mais je souhaiterais qu’au moins il ne s’en perdit pas davantage.

O mes filles en Jésus-Christ, aidez-moi à prier notre seigneur de vouloir remédier à un si grand mal. C’est pour ce sujet que nous sommes ici assemblées : c’est l’objet de notre vocation : c’est le juste sujet de nos larmes : c’est à quoi nous devons nous occuper : c’est où doivent tendre tous nos désirs : c’est ce que nous devons sans cesse demander à Dieu, et non pas nous employer à ce qui regarde les affaires séculières. Car je confesse que je me ris, ou plutôt que je m’afflige de voir ce que quelques personnes viennent recommander avec tant d’instance à nos prières, jusque à désirer même que nous demandions pour eux à Dieu de l’argent et des revenus : au lieu que je voudrais au contraire le prier de leur faire la grâce de fouler aux pieds toutes ces choses. Je veux croire que leur intention n’est pas mauvaise, et on se laisse aller à ce qu’ils souhaitent : mais je tiens pour certain que Dieu ne m’exauce jamais en de semblables occasions. Toute la chrétienté est en feu : ces malheureux hérétiques veulent, pour le dire ainsi, condamner une seconde fois Jésus-Christ, puis qu’ils suscitent contre lui mille faux témoins, et travaillent à renverser son église : et nous perdrons le temps en des demandes qui, si Dieu nous les accordait, ne serviraient peut-être qu’à fermer à une âme la porte du ciel.

Non certes, mes soeurs, ce n’est pas ici le temps de traiter avec Dieu pour des affaires si peu importantes : et s’il ne fallait avoir quelque égard à la faiblesse des hommes qui cherchent en tout de la consolation qu’il serait bon de leur donner si nous le pouvions, je serais fort aise que chacun sut que ce n’est pas pour de semblables intérêts que l’on doit prier Dieu avec tant d’ardeur dans le monastère de St Joseph D’Avila.

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