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Édito

L’OEdipe petit nègre

Des enfants battent le « On » !

Date de mise en ligne : samedi 19 novembre 2005

Auteur : Christophe BORMANS

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« L’Œdipe petit nègre » parce qu’on ne veut rien en savoir de cet Œdipe. Juste ce qu’il y a d’imprimé de manière quasi-indé(lé)bile sur le papier glacé de nos manuels de psychologie... ou dans les journaux ou magazines du même nom ; bref, du « petit nègre ». Un con-pillage de journaliste [1] ou de soi-disant « professionnel » ne souhaitant qu’une seule chose : ne pas y toucher, le refouler du mieux qu’il peut jusqu’aux plus lointains tréfonds de l’inconscient, cet Œdipe ; mais le Ça n’est pas un Çac.

Quand je dis « On » - « On » ne veut rien en savoir de cet Œdipe -, celui qui s’est quelque peu frotté au réel aura compris qu’il s’agit-là, bien sur, d’un fantasme - dont je ne suis pas exempt d’ailleurs - et qu’il s’agit, justement, d’en sortir de ce fantasme - de ce « On ».

Des enfants battent le « On »

« On » : comme dans le fameux « On bat un enfant ». Or aujourd’hui, c’est l’inverse. Ce sont des enfants qui battent... Et il semble-là qu’il n’y ait plus grand monde pour savoir y faire avec Freud. Parce qu’une fois qu’on a bien récité sa leçon de « psy » apprise par cœur dans les manuels, on ne sait plus vraiment quoi en faire du bon vieux docteur : il ne nous nourrit plus ; il ne nous soigne plus ; bref, « On a avalé la ba-balle ! », selon la tirade du Dr Vétérinaire Jean Carmet, dans le film de Francis Weber : « Les fugitifs ».

Alors éventuellement, « On » se retourne du coté du « Livre noir » ; du coté aussi bête qu’obscur, non pas de la force que du forçage. Et on n’y voit comme dans le cul d’un nègre là-dedans, c’est le cas de le dire ! Ou alors, « On » en revient à ce qu’on a appris en cours, à l’Université : et là, les fameuses « Banlieues » redeviennent rapidement ce qu’elles n’auraient jamais du cessé d’être : de la sociologie, de l’économie, de la « nouvelle économie psychique » même, enfin tout ce qu’on veut, mais surtout plus d’Œdipe, encore moins d’inconscient. Ça doit être du symbolique non troué qu’on doit bien avoir rangé-là quelque part, on ne sait plus où, mais « On » va retrouver...

Alors qu’est-ce qu’ils battent ces enfants ? Parce con a mal appris sa leçon - « Ein kind wird geschlagen » - ; parce que Freud l’a écrit très clairement : le propre du fantasme est d’être réversible, interchangeable, c’est-à-dire de passer du dessus au dessous ni vu ni connu - comme la barbe du capitaine « ad hoc ». Mais ça, c’est vrai que c’est plus difficile, parce qu’il faut l’avoir tout de même éprouvé.

Donc, ces enfants, ils sont comme vous et moi, ils essayent de sortir du fantasme, mais ils ont toutes les peines du monde pour y arriver. Alors ils battent justement ce « On » ; c’est-à-dire qu’ils tapent, frappent : à proprement parler, geschlagen, c’est frapper... Mais sur quoi frappent-ils ? À l’acmé du fantasme, l’enfant est frappé « à l’école », « sur le popo tout nu », nous dit Freud, voir sur son « wiwimacher », comme disait le petit Hans. C’est donc en toute logique - inconsciente - que ces enfants vont frapper ces objets : voitures, écoles, monuments ou bâtiments publics - objets corporels, car objets du « corps social » comme on dit, objets corporels du « On » :

« L’inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c’est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée ; le plus souvent déjà elle est écrite ailleurs. À savoir :
 dans les monuments : et ceci est mon corps, c’est-à-dire le noyau hystérique de la névrose où le symptôme hystérique montre la structure d’un langage et se déchiffre comme une inscription qui, une fois recueillie, peut sans perte grave être détruite
 » (Jacques Lacan, « Fonction et champ du langage et de la parole en psychanalyse », Écrits, Seuil, p.. 259).

Et dans ce déchaînement sadique sur les objets corporels du « On » se donne à entendre toute la violence masochiste du fantasme sexuel inconscient. Comme l’écrit Frans Tassigny, « à chaque voiture incendiée dans Paris, c’est “le petit a” » qui sexe-prime.

Mais pour faire court, « On » peut dire que ces enfants frappent sur ceux qui colportent ce « On », qui prennent la parole sans dire « Je ». Et dieu sait qu’il y en a toute une tripoté, que la liste est longue. Cantonnons-nous au « On » qui colporte « La » psychanalyse sans jamais avoir osé demander quelque chose au réel de l’inconscient.

Psy-Pride

On en a eu un exemple avec BHL lors de la grande parade - la Psy-pride, pourrait-on dire - organisée par JAM : « Avec Freud et Lacan, pour les Lumières » [2]. Mais BHL ne va pas nous dire qu’il ne sait pas que, ce qu’il appelle les « Lumières », ne sont que des vessies ? Que c’était juste une bande de paranoïaques « mytheux » qui voulait juste se refaire le monde [3] - comme tout le monde ! -, alors que dans le même temps, Ji-Ji Rousseau pleurait encore sa mère ou Mlle Lambercier ou je ne sais qui ! Mais non, il recommence la semaine dernière à nous faire croire quelque chose... Quoi ? Je ne sais pas :

« Ce vers de Virgile que Freud place en exergue de “La science des rêves” : “Flectere si nequeo Superos, Acheronta movebo” - si je ne peux fléchir les dieux, je saurai émouvoir le fleuve des ombres. C’est tout cela, la psychanalyse. Et ce n’est, en même temps, que cela. Avis aux amateurs du “Livre noir” » [4].

Après, ça part sur Lacan, puis sur tout et sur rien : c’est du Francis Lalanne la guitare en moins ! Le couplet est toujours le même : « Malgré les mutins tout réussira ! », et « On » ne semble pas entendre poindre au loin, la répétition quelque peu modernisée de l’étrange et familier refrain révolutionnaire : Ca... Caillera ! Caillera ! Caillera ! Les « Lumières » à la lanterne !

Au moins ces soi-disantes « Cailleras » nous éparpillent un peu de dawa dans cet univers si bien huilé qu’on appelle la réalité sociale ; réalité qui ne respire pas - puisqu’elle n’est faite d’autres choses que d’aspirations : au confort, à l’harmonie, à la tranquillité, etc. ; bref, autant de compromis névrotiques - comme le rappelait Cyro Marcos Da Sylva dans son article sur la notion de « naturel » dans le droit. Pour s’en convaincre définitivement, il suffisait de lire la double page consacrée à Jean-Louis Servan-Schreiber dans le Parisien de la semaine dernière, où il nous vantait les mérites de toutes sortes de bonheurs stéréotypés plus navrants les uns que les autres.

Non plus tant « malaise », mais bien - comme le précisait justement Lacan dans Télévision - « symptôme dans la civilisation » !

Et puisqu’il était question, dans le bloc-note, d’explication de texte, pourquoi ne pas plutôt se coller à cette phrase de Lacan, tirée de la préface à L’Éveil du printemps de F. Wedekind :
 « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend » (J. Lacan, préface à L’Éveil du printemps, In F. Wedekind, Théâtre, pages 9-12. NRF, Paris, 1974).

Enfin, cette fois, BHL situait Freud du coté des « ombres », et non plus des « Lumières »... C’est déjà ça de gagner ! Shadows and dust...

L’ivre noir

Ombres et poussière... Pour ce qui est de la poussière, qu’« On » aille peut-être pousser un peu plus loin que l’exergue, et y déchiffrer, dans cette Traumdeutung, le rêve dit des Knödel. Pour ce qui est des ombres, celle du « Livre noir » semble s’étendre sur nos planchers, pour ne pas parler ici de plate-bandes. Mais quand les dits auteurs aurons un jour compris qu’il s’agit d’une plate-bande de moebius, ils s’arrêterons peut-être de tourner en rond.

« On » veut régler son compte à Freud. Certes, mais d’une part il est déjà mort, et de l’autre, ce serait tout de même beaucoup plus amusant de l’exécuter à l’aune de sa propre théorie. C’est d’ailleurs ce à quoi pensent s’essayer Mikkel Borch-Jacobsen et ses acolytes. Seulement Borch-Jacobsen se trompe : il ne dénonce pas tant les arguments de Freud, que ceux d’une théorie soi-disant psychanalytique qu’il a appris je ne sais pas où - de je ne sais quel « On » justement -, et à laquelle il apporte désormais sa propre contribution. D’ailleurs tout le livre ne dénonce que ça : des théories pseudo-psychanalytiques, qui ne sont en fait que des relectures de psychiatres ayant entendu parler de psychanalyse... Certains s’y sont reconnus, tant pis pour eux !

On y énonce la soi-disante homophobie de Freud et, dans le même temps, sa bévue dans un livre sur Léonard de Vinci, où Freud hisse justement l’homosexualité de ce dernier au rang du sublime :

« Lorsque la recherche médicale de l’âme, qui d’ordinaire se contente d’un matériel humain médiocre, aborde l’un des Grands du genre humain, elle n’obéit pas pour autant aux motifs qui lui sont si fréquemment imputés par les profanes. Elle ne tend pas “à noircir ce qui rayonne, ni à traîner le sublime dans la poussière” » (S. Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Œuvres complètes, volume X, PUF, Paris, 1993, pp. 79-164).

Ces quelques lignes - les premières de l’ouvrage - que Freud emprunte lui-même à Schiller, pour peut-être faire en sorte que les profanes auteurs de ce « Livre noir » aillent se faire réfléchir ailleurs, bien qu’ils semblent définitivement « perdus pour la science » selon l’expression si bien consacrée ici.

On veut tuer Freud mais il est déjà mort ; alors « On » tourne en rond. Pourquoi ? Parce que maintenant qu’il est mort - et que l’on croit que « On » l’a tué - il s’agirait justement de le bouffer : c’est ça, la théorie de Freud sur le meurtre du père !

Mais là, il ne semble plus y avoir grand monde. On a peur de le bouffer tout cru, justement, ce cadavre du bon vieux docteur. Alors on le regarde, ce cadavre, là, juste sous nos yeux, et on dit : ça sent pas bon... J’en veux pas... J’ai pas faim... Comme quand on a cinq ans devant le plat de rognons qui nous répugne, « On » ne sait pas pourquoi... Eh bien « On » ira chez le psychanalyste pour le savoir, et il s’agira de demander la permission de se lever du divan avant d’avoir tout fini : « mange ton dasein » ! Et la fin de l’analyse, précisément, c’est là où il faut mettre les bouchées doubles...

« On » connaît l’histoire que raconte personne dans le film du même nom : la morale y était que parfois, il vaut mieux être bien au chaud dans la merde, plutôt que de se faire bouffer tout cru. Dans l’inconscient, c’est l’inverse.

Ulysse s’y était essayé avec le Cyclope, pour ma part, si la psychanalyse avait besoin d’un slogan publicitaire, je proposerai celui-ci :
 Vous en avez marre d’être comme tout le monde ?
 Vous voulez enfin être quelqu’un ?
 Faites une analyse...
... Ne soyez plus personne !

De la peste à la grippe a-V’hier

Alors devant cet empire du « On » (et du « n’On » d’ailleurs, comme en mai dernier), ce sont, en attendant que quelques-uns se décident à dire « Je », les Banlieues qui nous réveillent.

« Enfant en danger, enfant dangereux » : tel était le titre du colloque, de la rencontre franco-brésilienne de droit et psychanalyse, que nous annoncions il n’y a pas un mois sur le site. Mais on se demande toujours en danger de quoi ?

Il n’y a pas six mois - au début de l’année -, nous publiions un livre, intitulé : « Psychologie de la violence ». Violence du livre d’abord : commande d’un Œdi(p)teur en quête de bonnes ventes, qui n’escomptait sûrement pas que ça dise pourquoi, mais bien que ça pète ! C’est chose faite ! Pour ma part, j’essayai d’y lire comment l’Œdipe se fait entendre dans ce que l’on nomme à juste titre le problème des « Banlieues » [5] - du lieu de la mise au ban. J’y soutenais une réponse à la sempiternelle question que l’on pose à la psychanalyse : certes, l’imaginaire sociale - la société, la civilisation - a peut-être évoluée, certes la symbolique juridique et économique s’est peut-être modifiée, mais l’inconscient, lui, le réel, c’est ce qui revient toujours à la même place ! Pour preuve, dans le rôle aujourd’hui de la Sphinge, les gardiens de la place, justement, comme les appelle Dembo Goumane. Ceux qu’on appelle les « Dit-leurs » ont justement ce rôle d’interrogation que la Sphinge occupait aux abords - c’est-à-dire, déjà, à la banlieue - de la cité Thébaine. Si Sarkozy s’y prend pour Œdipe - veut tuer son Chirac de père pour épouser la Reine-Mère-patrie -, c’est son problème : une fois qu’il se sera crevé les yeux, « Ça ira » mieux ! Au moins, lui se confronte à la Sphinge !

La simple dénonciation d’une société narcissique, voir narcissisée, ne change rien. Par qui ? Les magasins et les magazines ? Certes, les émeutiers, c’est comme les louveteaux, ça aime la meute ! Mais qu’« On » relise plutôt « La psychologie de la foule » freudienne, en essayant cette fois peut-être d’y entendre quelque chose de cet objet a. Narcissisme peut-être : mais il s’agit tout de même de ne pas confondre la Sphinge et l’Haine-igme ; quant à la peste, elle aussi revient toujours à la même place, puisqu’elle est déjà là, annoncée, menaçant de nouveau de se répandre en cette pandémie moderne.

L’Œdipe, est, pour la plupart d’entre-nous du petit nègre : on n’y comprend rien, même s’il est, bien sûr, toujours possible de faire semblant. C’est forclore l’inconscient qui nous croque à pleine dents nuit et jour, Night and day comme l’écrivait ce nègre-blanc de Cole Porter, homosexuel à ses heures, qui avait, lui, quelque appréhension de l’automaton ; quelque chose qui nous croque nos mythe-haines, c’est-à-dire notre narcissisme peut-être. C’est bien pour cela qu’à « L’Œdipe petit nègre », l’inconscient répond du tac au tac : « Morsure le nihil » !

Notes

[1Chaque psychanalyste, - pour peu qu’il ait un site internet -, est sans cesse dérangé par ces coups de téléphone intempestifs de soit-disant journaliste qui veulent savoir ce que le « psy » en pense, pour savoir ce qu’il peut en penser lui-même. Le coup de téléphone ne doit pas durer plus de cinq minutes et le souci principal de votre interlocuteur, on apprend vite à le connaître : surtout se faire confirmer ce qu’il croyait avoir compris - c’est-à-dire son « petit nègre » à lui !
Une anecdote à la fois comique et navrante : à l’époque de l’assassinat d’une femme par un homme qui sortait tout droit d’un asile psychiatrique, je reçois un coup de téléphone d’un de ces journalistes. Le ton est bien sur péremptoire : il voulait parler à Monsieur Ballé... Ballet ? Je lui dit que ça doit être une erreur, qu’il s’est trompé de numéro... Pourtant il me demande : « Je ne suis pas à l’association de psychanalystes ? » « -Si, mais je ne connais pas ce nom là ! » « -... Il est psychiatre... et s’intéresse à la question des troubles mentaux... Il a écrit des articles sur votre site... » « - Ah ! Benjamin Ball !... Mais il est mort il y a longtemps mon vieux ! »
Le gars - dont c’est le métier de lire et d’écrire - n’avait pas vu le sous-titre qui donnait la date de publication du dit article : 1888 ! Qui plus est, en survolant l’article, il n’avait même pas reconnu le style bien caractéristique car quelque peu ampoulé des littérateurs du XIXe siècle ! Navrant !

[2Bernard-Henri Lévy, « Avec Freud et Lacan, pour les Lumières », LePoint.fr (http://www.lepoint.fr/edito/document.html?did=138498).

[3Cf. sur ce point notre article dans le dernier numéro de la revue MédiaMorphoses : « Les médias nous psychanalysent-ils ? » (MédiaMorphoses n° 14 : « Peut-on psychanalyser les médias ? », Ina-Armand Colin, Paris, septembre 2005).

[4Bernard-Henri Lévy, « Suite dans les idées », LePoint.fr (http://www.lepoint.fr/edito/document.html?did=170098).

[5« "Quel est l’être... ?” Œdipe face à l’énigme de la violence », Psychologie de la violence, Studyrama, Paris, 2005, pp. 128-144.

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