« Depuis le début, avant même la constitution d’un mouvement psychanalytique orthodoxe, elle a toujours suscité de la haine - que je distingue de la nécessité d’une position critique. On dirait que cette doctrine touche à quelque chose de si essentiel - la subjectivité humaine, l’inconscient, ce qui nous échappe - qu’elle déclenche des réactions démesurées. Elle a d’abord été qualifiée d’obscénité par l’Eglise catholique et les puritains, parce qu’elle parlait de la sexualité infantile. Dans les querelles nationalistes, elle a successivement été traitée de “science boche” par les Français, sous prétexte qu’elle échappait au caractère latin, alors que les Scandinaves la qualifiaient de “science latine”, inventée à Vienne, la ville décadente de Freud, et donc dégénérée. Les nazis l’ont ensuite désignée comme “science juive” ou “judéo-bolchevique”. Puis elle a été décrétée “science bourgeoise” par les staliniens après 1949, et “idéologie américaine” dans le contexte de la guerre froide (...). À partir des années 1960, le relais de la haine de Freud est repris par les scientistes, qui accusent la psychanalyse d’être non pas une science bourgeoise ou juive, mais une fausse science, une illusion religieuse dont Freud serait le nouveau messie » (Elisabeth Roudinesco, Lexpress.fr).