« Ma cyberidentité excède mon moi "réel". Notre identité sociale, la personne que nous prétendons être dans nos rapports sociaux, est déjà un "masque", elle présuppose déjà le refoulement de nos pulsions inadmissibles. Or, c’est précisément lorsque ce n’est "qu’un jeu", lorsque les normes réglementant nos échanges "réels" sont temporairement suspendues, que nous pouvons nous permettre de laisser apparaître ces attitudes refoulées.
Prenons l’exemple classique de l’individu timide et impuissant qui adopte l’identité d’un meurtrier sadique et d’un séducteur irrésistible quand il participe à un jeu interactif sur Internet. Il est bien trop simple de ne voir dans cette identité qu’un simple supplément imaginaire, une échappatoire temporaire à l’impuissance dont il souffre dans la réalité. L’idée est plutôt que le fait de savoir que le jeu interactif dans le cyberespace "n’est qu’un jeu" l’autorise à "montrer son vrai moi", à faire des choses qu’il n’aurait jamais accomplies dans ses interactions réelles : la vérité sur cette personne est exprimée sous la forme d’une fiction. Le fait même que je perçoive mon image virtuelle comme un simple jeu m’autorise à lever les obstacles habituels qui m’empêchent de laisser s’exprimer mon "côté obscur" » (Slavoj Zizek, LeMonde.fr).