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Psychanalyse et Mythologie (VI)

Chaos

Texte de l’intervention au Cercle Psychanalytique de Paris (29 mars 2007)

Date de mise en ligne : samedi 7 avril 2007

Auteur : Guy MASSAT

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Guy Massat, « Chaos », sixième séance du séminaire « Psychanalyse et Mythologie » au Cercle psychanalytique de Paris, le jeudi 29 mars 2007.

Chaos

Psychanalyse est un mot grec. C’est Freud qui l’a choisi en 1895. C’est ce que nous apprend Lacan, contre d’autres qui soutiennent des dates plus tardives. De toute façon c’est un mot parfait pour désigner l’analyse de l’inconscient, l’analyse du devenir, du devenir involontaire, l’analyse de ce « logos de la psyché qui s’accroît de lui-même », comme l’énonce si admirablement Héraclite. Vous vous souvenez du premier fragment où il dit, en analyste : « j’isole les mots pour mettre à jour ce qu’ils renferment. »

L’inconscient est cette dimension du vide : le devenir involontaire, le logos héraclitéen qui parle en chacun de nous et auquel tout analysant doit s’affronter tout au long de la cure psychanalytique qui le fait devenir. Mais nous disons bien l’inconscient et non pas la conscience. Pourquoi ? Peut-on se passer de la conscience ? Pouvons-nous vivre sans conscience ? La philosophie nous dit que nous ne sommes que par conscience d’être. Mais cette affirmation semble un peu légère si l’on considère que les grandes questions existentielles n’ont pas, non jamais eu et n’auront jamais de réponse : qui sommes-nous, où sommes-nous, quand sommes-nous, pourquoi, dans quel but ? N’est-il pas plus juste de dire que nous vivons inconsciemment ? De toute manière, la précision appartient à l’inconscient et non à la conscience.

Par ailleurs, chose étonnante, en grec, le mot conscience n’existe pas. Le Vocabulaire européen des philosophies, qui est un ouvrage contemporains et sérieux, nous le rappelle. Voici ce que son auteur Barbara Cassin écrit à propos de la conscience :

« On dit que les Grecs ne connaissent pas la conscience. De fait, il n’y a pas de mot grec pour conscience, mais une grande variété de termes et d’expressions sur lesquels conscience est projeté et qui renvoient tantôt à un rapport à soi, tantôt à un jugement moral, tantôt à une perception, opérant souvent des croisements ou des dérivations entre plusieurs de ces acceptions » (p. 261).

Et la philosophe, Barbara Cassin, s’y connaît. Le mot utilisé pour traduire le mot conscience est généralement sunaisthésis, suneidos. Mais ce terme déborde si largement le cadre de notre définition de la conscience, en tant que propriété principale de l’esprit, qu’il ne peut en toute rigueur être retenu. La conscience se définie comme étant la « connaissance réfléchie, et soi disant exacte, que l’esprit a de lui-même ». La conscience c’est avoir conscience qu’on a conscience. C’est un processus tautologique fermé sur lui-même, un épiphénomène. Or Sunaisthésis, utilisé pour conscience, peut plus exactement désigner l’inconscient puisqu’il exprime l’action de percevoir une chose en même temps qu’une autre comme dans une double vue. Le mot français cénesthésie, qui résonne comme le sunaisthésis grec, désigne d’ailleurs dans les langues européennes l’impression générale d’aise ou de malaise résultant d’un ensemble de sensations non spécifiques, non définis, non identifiables. Ce n’est pas à strictement parler l’inconscient de Freud et de Lacan, mais cependant, c’est très exactement le pré-conscient auquel beaucoup d’auteurs réduisent, un peu trop rapidement, l’inconscient. Si la langue grecque n’a pas de mot pour dire conscience, qui est un arrêt, un enfermement, n’est-ce pas parce qu’elle favorise avant tout la mobilité ouverte, le trou, l’instabilité de l’inconscient ?

Unbewusste est le mot allemand par lequel Freud désigne l’inconscient, et c’est phonétiquement, en français, comme l’a montré Lacan, « une bévue », c’est-à-dire une erreur, une méprise :

« Unbewusst, je traduis ça, comme ça, dit Lacan, aux Journées de l’École Française de Psychanalyse en 1976, par une sorte d’homophonie. C’est très bizarre, et pourtant c’est une méthode de traduire, après tout, comme une autre. Supposez que quelqu’un entende le mot Unbewusste répété 66 fois et qu’il ait ce qu’on appelle une oreille française. Si ça lui est seriné bien sûr, pas avant, il traduira par une bévue. D’où mon titre, où je me sers du « du » partitif, et je dis qu’il y a de l’une bévue. »

Cela dit, que l’Unbewusste signifie une bévue ne nous autorise pas pour autant à en déduire que l’inconscient est une erreur. C’est tout le contraire. L’inconscient n’est une erreur que pour les hystériques de l’être, les hystériques du statique, les hystériques de la matière et les obsessionnels du conscient et du toujours plus de conscience, c’est-à-dire de culpabilité. Ainsi, pourrait-on penser de l’inconscient qu’il est malade parce qu’il ne se manifeste que par des lapsus, des actes manqués, des symptômes. Et l’on espérerait, légitimement, que nos méthodes conscientes de contrôle et de coercition pourraient nous en guérir. Or qu’est-ce que la maladie ? La maladie est un refoulement, un oubli, un mensonge qui consiste à figer la conscience en un présent statique et angoissant. Il s’agit là d’un déni du devenir de l’inconscient. En réalité l’inconscient n’est pas une maladie. C’est très précisément le contraire, il est notre force et notre vitalité. D’ailleurs l’inconscient n’est jamais malade, il travaille tout le temps comme le devenir, il est infatigable et juste, il donne la rapidité de jugement et d’exécution, la bonne mémoire, la bonne humeur, le bon appétit et il ne dort jamais. Ce sont les malades obsessionnels du conscient qui le refoulent et veulent le tenir à l’écart. Ils sont tout étonnés et ne comprennent pas quand l’inconscient fait son retour qu’il soit pareil aux plus effroyables des typhons. Ce n’est pourtant que justice.

Bien sûr, il y a la vérité de la souffrance et des souffrants. La plainte est une constante dans le monde. Ce sont ceux qui se plaignent qui demandent à consulter. Mais devant l’effort de se raconter, ils reculent souvent comme s’ils préféraient rester dans le bénéfice secondaire de leur plainte. C’est qu’il y a deux sortes de souffrants. Nous sommes à nous-mêmes deux sortes de souffrants. C’est ce qu’avait bien diagnostiqué Nietzsche, dans son Gai Savoir (p. 360). Il nous dit :

« Pour les uns la souffrance vient d’une surabondance de vie ; ils réclament un art dionysiaque, et veulent, concrète ou abstraite, une vision tragique de la vie ; les autres souffrent au contraire d’un appauvrissement de cette vie ; ils demandent à l’art et à la connaissance, le repos, le silence, la mer d’huile, l’oubli, quitte pour cela à utiliser l’ivresse, les frénésies, l’étourdissement, la folie. »

C’est un choix. Donc, Nietzsche fait remarquer qu’il y a deux types de souffrance, deux types en nous de souffrance : une souffrance saine, apte à l’analyse de la parole, et une souffrance morbide qui dénie toute analyse en faveur du statique. La souffrance saine est une souffrance qui reconnaît la vie, le devenir, l’inconscient dans leurs complexités, et leurs richesses, fussent-elles tragiques. La souffrance morbide, névrotique, elle, se caractérise par le refoulement, le rejet, et tente même la forclusion de l’inconscient.

Donc la santé n’est pas, comme on dit dans une perspective statique, donc fausse, le contraire de la maladie. Elle se définie dans l’inconscient non pas comme un état, mais comme le processus dynamique de dépassement des oppositions statiques : santé-maladie. La conscience réfléchie est, elle, une maladie, un affaiblissement, dans la mesure où elle rend malade tout ce qu’elle voit, arrête et pétrifie, tel l’œil de la Méduse, tout ce qu’elle regarde. C’est l’exigence de vérité statique qui déprime, parce que c’est une volonté de réduire les signifiants au profit d’un seul sens, d’un sens qui serait le bon sens ! Ce qui est, dit Lacan, dans Télévision, le sommet du ridicule : « C’est le sommet du comique… dit-il, c’est là que toute psychothérapie, quelle qu’elle soit, tourne court, non qu’elle n’exerce pas quelque bien, mais qui ramène au pire » (Télévision, p. 19). Et par effet de refoulement sinon de justice. Comme disait Epictète : « Si nous sommes malades, c’est de notre faute ». L’inconscient, précise Lacan, est « la pulsation temporelle » (Les quatre concepts). L’inconscient c’est le devenir même, comme le vide, nommé Chaos dans la mythologie.

Qu’est-ce que Chaos ? Qui est Chaos ? Qu’avons-nous à voir avec Chaos ? Sommes-nous Chaos derrière nos apparences ? Chaos, nous l’entendons homophoniquement comme le K.O de Knock-out. C’est le knock-out de toutes les soi disant maîtrises, de toutes les mesures de la logique formelle. C’est que Chaos, nous dit Grimal, avec tous les hellénistes, désigne « le vide primordial, antérieur à la création ».

C’est-à-dire que le vide est pour les Grecs de la mythologie, l’origine, la faille, la fente, le trou et l’abîme des choses. C’est lui qui engendre Erèbe, le sombre, et simultanément sa sœur, Nyx, la Nuit ; lesquels enfantent à leur tour Héméra, le jour et Ether, l’air. C’est-à-dire que la lumière et tout ce qui respire ne sont devenus et ne deviennent ce qu’ils sont, comme toute chose, que par Chaos, le vide. Si quelques fois, comme on peut le lire, Chaos est donné comme le fils du temps (Chronos) et le frère de l’air (Ether), ne vous y trompez pas, ce n’est que pour mieux mettre en évidence sa structure de devenir et sa pulsation respiratoire.

C’est Hésiode qui dans sa Théogonie personnifie Chaos. Que signifie Théogonie ? Théos veut dire « ce qui apparaît ». La Théogonie c’est ce qui génère les apparences. Dans sa Théogonie Hésiode personnifie Chaos en lui conférant la paternité et la conduite de toutes choses. Remarquons que plus tard, le poète Virgile racontera qu’Enée, le troyen, descendant aux enfers pour adresser une prière à ses ancêtres, ne manque pas d’y rencontrer Chaos, l’origine des choses.

Le mot Chaos dérive du verbe grec kao, kaino, signifiant être béant, s’ouvrir, ouvrir la bouche… parler, être en expansion. Il relève de chéo, verser, répandre, tomber ; marquant, dans ce cas, la force tourbillonnante de la parole. Chaos est donc le vide mais nous devons bien comprendre, bien voir, bien sentir, bien penser, que ce n’est pas le vide opposé au plein d’une perspective statique. Le vide est au contraire ce qui s’oppose au statique, c’est-à-dire le devenir involontaire à quoi résistent conscience, matière et substance qui en sont tout à la fois issues et soumises. Le vide n’est pas le manque de plein. Le vide n’est pas le creux du vase. Le vide est ce qui permet à la fois de remplir le vase et en même temps d’expulser le contenu du vase. Sans le vide pas de mouvement possible, pas de transvaluation des valeurs ni de transformation de la maladie en santé, de la pauvreté en richesse, en bref, pas d’expansion. Nous verrons que cette conception du vide est fort semblable au vide de la physique quantique.

Le célèbre poète Ovide identifia le Chaos des Grecs au Janus des Romains. Le dieu Janus est d’origine indo-européenne, il est le dieu des commencements et des ouvertures, dieu des clefs, des transitions et des passages. Il marque le passage des trois hypostases du temps, passé, présent avenir, le passage d’un moment à un autre, d’un regard à un autre, d’une sensation à une autre, etc. Il est représenté généralement par un double profil. Mais nous remarquerons que le double profil engendre une face supplémentaire. Comme une double vue, une bévue, devient une triple vue dès qu’on s’en sert. Dans l’inconscient, dans le devenir, c’est le trois qui anime le deux. Nous trouvons des triples visages chez les Celtes. Dans la civilisation de Mohenjo-Daro (le mont de la mort) dans la vallée de l’Indus, qui remonte à 5000 ans av. J.-C., nous trouvons un sceau d’argile où figure un personnage assis en posture bouddhique, soit 2500 ans avant Bouddha, avec trois visages. Les spécialistes le nomment Siva. Mais quelque part, pour peu que nous prenions la perspective du devenir au sérieux, nous sommes tous autant que nous sommes, ce monstre, ce montreur, à trois têtes. Pourquoi ? Parce que le réel-présent que nous sommes s’absorbe continuellement à la fois dans le passé et dans l’avenir. De plus, nous pouvons considérer encore que Janus est un point topologique, c’est-à-dire un nœud, le nœud premier ou le premier nœud qui de son mouvement engendre le nœud trivial.

Ainsi Chaos, le vide, le devenir s’exprime-t-il par condensation et déplacement. Qu’est-ce que « condensation et déplacement » ? Vous aurez reconnu ici les deux termes par lesquels Freud décrit la dynamique de l’inconscient. Lacan, en ramenant toute chose au langage, identifiera la condensation à la métaphore et la métonymie, au désir. La métaphore consiste à utiliser d’autres mots et garder le même sens. La métonymie c’est le contraire, elle consiste à garder le même mot pour exprimer des sens différents.

Donc, Chaos et sa parole engendrent non seulement les choses mais les accompagnent jusqu’à leur fin, tout en conduisant leurs métamorphoses.
 « La parole elle-même, nous dit Heidegger dans Acheminement vers la parole, n’est autre que l’abîme », c’est-à-dire, en grec, Chaos.
 « Le vide, nous dit Lacan dans … Ou pire est la seule façon d’attraper quelque chose par le langage ».

Il s’agit donc dans ce muthos-logos qu’est la mythologie « d’isoler les mots et de mettre à jour ce qu’ils renferment », comme le propose Héraclite (frag. 1) parce que les mots sont comme les rêves : ils ont un contenu manifeste et un contenu latent. Dans La Sciences des rêves (p. 399) Freud nous assure, à la manière d’Héraclite que « dans l’inconscient toute pensée est liée à son contraire ».

Le mot mythologie est souvent traduit par « légende ». Ce qui est un contre sens, dans la mesure où la légende est une histoire vraie mais embellie par le récit qu’on en fait tandis que, comme l’a si bien défini l’empereur Julien l’apostat (360) : « le mythe est un événement éternellement vrai qui n’a jamais réellement eu lieu nulle part » ; et dont nous ne sommes, en quelque sorte, selon un concept psychanalytique, Vorstellungsrepresantanz, que les représentants-représentatifs. Un peu comme dans ces films où pour protéger l’anonymat des personnes réelles (ici les héros et les dieux de la mythologie) on utilise des acteurs (c’est-à-dire de simples quidams comme nous-mêmes).

C’est Hésiode qui nous parle le mieux de Chaos :
 « Etoi men protista Chaos genet », nous dit-il. (Hésiode, Vers 116, Théogonie)

Je vous l’écris en grec et en français. Vous allez voir pourquoi…

Qu’est-ce que veut dire « Etoi men protista Chaos génet » ? Cela signifie, selon la traduction du grand helléniste, Paul Mazon (1874-1955) — membre de l’académie, spécialiste d’Eschyle, de Sophocle, d’Homère et d’Hésiode — cela signifie :
 « Donc, avant tout fut abîme ».

Vous regardez en haut : c’est sans fond. Vous regardez en bas : c’est sans fond. Vous regardez à gauche : c’est sans fond. Vous regardez à droite : c’est sans fond. Vous regardez le temps c’est sans fond. Partout c’est l’abîme.

Cette traduction, élégante et savante, cache cependant l’essentiel. Elle évite, elle voile, au profit de l’être statique, la conception du devenir des Grecs du VIIIe s. av. J.-C. Elle fait croire que si Chaos fut c’est qu’il n’est plus ! Qu’il n’y a que le cosmos qui triomphe, avec son ordre soi disant universel et son totalitarisme. Pourtant comme le soutient Héraclite en même temps qu’Hésiode : « le plus bel ordre du monde n’est jamais qu’un tas d’ordure répandue au hasard » (frag. 124). Souvenons-nous aussi du mot de Lacan sur le cosmos : « Il n’y a pas de cosmonautes parce qu’il n’y a pas de cosmos ». Ce qui ahurissait les Russes, si fiers de leurs cosmonautes, car ils entendaient par là : il n’y a pas plus de cosmos que d’ordre idéologique.

Ces remarques nous engagent donc à visiter notre phrase, ce cent-seizième vers de la Théogonie, d’un peu plus près. Les premiers mots « Etoi men », Paul Mazon les traduit par la conjonction de conséquence « donc ». Cependant, ce premier mot Etoi, ne veut pas dire donc, il veut dire « en vérité » et « men », marque, encore aujourd’hui, « ce qui est certain ». D’où nous pouvons traduire : « En vérité, ce qui est certain… » Qu’est-ce qui est certain ? C’est protista. Protista signifie « en premier lieu ». Ce qui est certain, en vérité, c’est qu’en premier lieu… Chaos génet. Génet, Paul Mazon le traduit, par « fut », du verbe être. Il en a le droit. Car Génet, à l’époque d’Hésiode, ne signifiait pas « naquit », du verbe naître, comme certains le traduisent encore. (Ce qui montre qu’en bons civilisés ils mettent le conscient avant l’inconscient comme à la manière de Sartre qui place l’être avant le néant). Mais, en bon hélléniste, Paul Mazon, lui, n’ignore pas que Genet vient de Gignomai. Chantraine, le grand philologue, nous apprend que ce terme, avant de signifier « naître », avait signifié « être ». Mais bien avant encore, au temps d’Homère et d’Hésiode, Chantraine nous précise qu’il voulait dire « devenir ». Donc, contre Paul Mazon nous pouvons traduire « génet » par « devenir ». Ce qui nous donne une traduction plus conforme aux temps et à l’esprit de l’époque d’Hésiode et d’Homère. La voici :
 « En vérité, ce qui est certain, c’est que tout d’abord, le vide devint ».

Que le devenir, le devenir involontaire soit le vide, que le vide devienne avant toutes choses est une conception si évidente pour les Grecs de cette époque qu’il semble inutile à Hésiode de s’y attarder. En ce temps là Héraclite, le penseur du devenir, était la référence générale. Héraclite, qui avait dédié son livre sur le devenir à Artémis, et qui l’avait déposé dans son temple afin que quiconque puisse le consulter, dominait de sa phusis, de sa pensée dynamique, la culture hellénique. Il n’y avait donc pas lieu pour Hésiode d’insister sur la question du devenir et du vide :
 « En vérité ce qui est certain c’est que tout d’abord le vide devint ».

Mais probablement vous ai-je quelque peu perdu dans les méandres de cette controverse philologique. Alors, je propose de nous autoriser, à la manière de Lacan avec son Unbewusste qu’il traduit, d’une langue à l’autre, une bévue, de visiter, dans ses dimensions phonétiques, la phrase fondatrice de la Théogonie. Nous montrerons par là que nous savons tuer notre père, (pas notre père mais le sens), et épouser notre mère, (pas notre mère, mais le son). C’est-à-dire donc que nous sommes sorti de l’Œdipe : nous savons passer du sens au son et du son au sens. Ainsi, Etoi men : on peut l’entendre comme « Et toi-même ». C’est presque écrit comme ça, au tableau. Et Protista comme « prothèse ». Voilà, « la langue étrange erre », langue étrange qui erre d’une langue à l’autre. Ce qui nous donne : « Et toi-même, prothèse qui gène (génet) le Chaos », c’est-à-dire le vide en devenir, à la manière dont Valéry disait que le soleil est un défaut dans la perfection du non-être, quelles sont tes prétentions ? « Ne veux-tu rien savoir, enchaîne Lacan, du destin que te fait l’inconscient ? » (Lacan, Télévision, p. 67). Si tout devient il ne peut rien y avoir d’autre que du vide. En même temps, si le vide devient il lui est nécessaire de devenir ce qu’il n’est pas, à savoir des choses plus ou moins statiques. Pourtant ces prothèses qui lui sont contraires ne peuvent le vaincre. Car le devenir devient son propre retour. C’est pourquoi le monde est en expansion.

C’est donc le Chaos qui cause dès le commencement. Dans le devenir le contradictoire est possible, toute identité est liée à son contraire. On peut être et n’être pas en même temps et sous le même rapport. Nous avons tous expérimenté ça en rêve. Ainsi, non seulement je peux être A et en même temps non-A, ou encore, je peux être ce qu’il y a entre A et non A, c’est-à-dire justement un nouage dynamique et plastique impossible à saisir par le conscient. Les nœuds que produit dans son mouvement le devenir involontaire lui font obstacles, le ralentissent, mais ils lui servent d’appui pour augmenter sa puissance et ne jamais s’arrêter.

Dans la science des rêves Freud nous dit que dans l’inconscient toute pensée est liée à son contraire. On voit ce que Aristote penserait de Freud, lui qui disait déjà à propos d’Héraclite : « Comment accorder le moindre crédit à celui qui affirme pour commencer que tout est aussi bien faux que vrai » (Métaphysique, T. 8, 102 a). C’est à partir d’Aristote que la logique formelle deviendra l’axe de toute la culture occidentale. Il faudra attendre quelque deux millénaires pour que l’inconscient où règne le contradictoire soit de nouveau, et scientifiquement, repris au sérieux. Mais, nous dit Nietzsche : « Il n’y a pas lieu, de s’étonner qu’il faille quelques millénaires pour reprendre les choses où elles en étaient, quelques millénaires, c’est bien peu de choses ! » (frag. Posthumes X). Ces Grecs pré-platoniciens, pré-parménidéens, pré-aristotéliciens, ces Grecs du devenir, « brillent, dit Nietzsche, d’un éclat plus grand que jamais ».

Nous allons donc poursuivre en présentant ce grand poète qu’est Hésiode, un des plus grands poètes grecs de l’Antiquité, dont on peut dire qu’il représente, d’une certaine manière, comme Héraclite ou Antiphon et quelques autres, la dimension la plus vivante de la psychanalyse.

On sait peu de choses sur la vie d’Hésiode. Il est né au milieu du VIIIe s. av. JC à Ascra en Béotie. Les habitants originaires de cette région, la Béotie, passaient pour ignorants et sans esprit, d’où le mot « béotien » qualificatif péjoratif qui est encore utilisé de nos jours. Or la langue béotienne se caractérisait justement par une orthographe phonétique.

Hésiode, se disait paysan, mais il était poète. Son père était marin. On sait que sa vie fut marquée par le différent qui l’opposa à Persès, son frère, au sujet de l’héritage paternel. Ce différent est rapporté dans Les Travaux et les Jours. Nous savons surtout qu’un jour, il traversa le bras de mer qui le séparait de l’île d’Eubée pour se rendre à Chalcis, riche ville minière qui avait organisé un grand concours de poésie. C’est Hésiode qui obtint le premier prix à l’unanimité sur des centaines de concurrents. Il reçut en témoignage de cette victoire un trépied à doubles anses. Le trépied à double anse nous introduit à l’agalma en tant que concept psychanalytique désignant « l’objet partiel ». Agalma désignait aussi le trépied sur lequel se tenaient les Pythies pour dire leurs oracles. Agalma vient de agalmein, « parer », « honorer ». Lacan le rapproche des racines de agaomai, admirer, et d’aglaé, la « brillante ». C’est dans son séminaire sur le Transfert (1960) que Lacan introduit la notion d’agalma en psychanalyse (pp. 163-177). Il ne nous parle pas spécialement du trépied mais le trépied fait partie des objets de transmission que sont les agalma, tel, par exemple, le trépied des sept sages, le collier d’Harmonie, la toison d’or, ou l’anneau de Minos. C’est « l’agalma » qui permet à Lacan d’illustrer la question du transfert du sujet inconscient à l’objet de son désir.

L’objet du désir n’est pas cet objet rond et totalisant, semblable à un souverain bien, dont la présence le comblerait et dont l’absence le frustrerait comme dans un contexte dualiste et statique. Ce n’est pas un objet totalisant mais un objet partiel qui fait ouverture. C’est la situation de l’objet petit a, lequel justement est ce qui cause en faisant parler le désir. C’est-à-dire que la relation d’objet n’est pensable dans le devenir qu’à partir d’une relation à trois : sujet, objet et transfert. D’où le trépied. La notion d’agalma jouera un rôle important dans « la passe » lacanienne. Quant au trépied offert à Hésiode il marquait son passage à la dignité d’aède. L’aède désignait le poète relatant les aventures et les exploits des dieux et des héros. Sans doute que le nœud borroméen que je vous montre à chaque fois dans ce séminaire, avait aussi, chez les Viking, une fonction d’agalma. Mais d’où Hésiode, tenait-il sa science de la mythologie ? Il nous le dit lui-même ce sont les muses qui lui ont raconté la mythologie.

Mais qu’est-ce alors qu’une Muse ? Le mot se dit en grec Moussa qui signifie chant et parole persuasive. Les muses sont en toute rigueur la musique, l’homophonie des paroles. Donc, la mythologie, le muthos-logos, l’art de la parole, muthos, dans la parole, logos, est enseigné par l’homophonie musicale des paroles, autrement dit par ce que Lacan nous apprend du signifiant. Les neuf muses sont filles de Zeus (la vie) et de Mnémosyne (la mémoire). En voici l’histoire : Après sa victoire sur les Titans, Zeus se rendit en Macédoine pour y rencontrer la Titane Mnémosyne, déesse de la mémoire qui a, entre autres pouvoirs, la capacité d’inverser et de contrôler le déroulement du temps.

Les Titanes comme Mnémosyne sont les sœurs des Titans mais elles n’ont pas pris les armes contre Zeus et ne furent donc pas envoyées au Tartare, c’est-à-dire au pire des enfers, comme leurs frères, les Titans. Zeus passa neuf nuits magiques avec Mnémosyne, la déesse de la mémoire, et après ces neuf nuits avec Zeus, Mnémosyne mit au monde les neuf muses : Calliope, l’éloquence, Clio, l’histoire, Erato, la poésie érotique, Euterpe, la musique, Melpomène, la tragédie, Polymnie, la symphonie, Terpsichore, la danse, Thalie, la comédie, Uranie, l’astronomie. Les muses représentent les neuf dimensions que peuvent prendre les paroles.

Ainsi les paroles peuvent-elles être éloquentes comme Calliope, historiques comme Clio, érotiques comme Erato, musicales comme Euterpe, tragiques comme Melponème, harmonieuses comme Polymnie, dansantes comme Terspichore, théâtrales comme Thalie, énormes et astronomiques comme Uranie.

« Ce sont donc les muses, dit Hésiode, qui, à Hésiode (il se nomme lui-même), apprirent un jour ce chant magnifique, alors qu’il gardait sereinement ses moutons au pied de l’Hélicon » (L’Hélicon est la montagne où se trouve la vallée des Muses). Mais quels moutons pouvait bien garder le berger Hésiode ? Sinon les moutons du devenir involontaire que sont les nuages et l’écume des vagues. Et voici, poursuit-il, les premiers mots que les déesses m’adressèrent :

« Bergers, habitants des campagnes, dirent les paroles qui parlent, tristes opprobres de la terre, vous qui n’êtes que des ventres, apprenez que nous savons conter des mensonges tout pareils aux réalités ; mais nous savons aussi, lorsque nous le voulons, proclamer des vérités… Ainsi parlèrent les filles du grand Zeus, et pour bâton [pour signifiant, pour scytale] elles m’offrirent un superbe rameau par elles détaché d’un laurier florissant. Puis elles m’inspirèrent des accents divins pour que je glorifie ce qui sera et ce qui fut, cependant qu’elles m’ordonnaient de célébrer la race des Bienheureux toujours vivants, et tout d’abord elles-mêmes au commencement ainsi qu’à la fin de chacun de mes chants » (35).

Puis, s’adressant aux sonorités des paroles que sont les Muses, Hésiode leur demanda :

« Contez-moi ces choses, ô muses habitantes de l’Olympe [l’Olympe est ce qu’il y a de plus élevé], en commençant par le début, et, de tout cela, dites-moi ce qui fut en premier » (115).

Et les muses lui dirent :
 « En vérité, ce qui est certain, c’est que tout d’abord le vide devint »…

Mine de rien, cette phrase des Muses ou d’Hésiode, nous conduit étonnamment, dans notre époque, scientifique et technique, jusqu’au « mur de Planck ».

Nous trouvons, en effet, dans la physique quantique des notions contradictoires qui ressemblent fort à celles qui régissent l’inconscient, la mythologie et la grande poésie.

Le mur de Planck

Max Planck est le physicien allemand qui, en 1900, (date à laquelle Freud publie, sans grand succès, sa Science des rêves), a défini les quanta en se fondant sur la discontinuité de l’énergie. Sa théorie est à la base de toute la physique moderne et de la technologie qui nous entoure. Le « mur de Planck » est un mur temporel qui désigne l’instant, dans la création de l’univers, à partir duquel toutes les théories physiques, tous nos systèmes de mesures s’effondrent. La connaissance humaine fondée sur la logique formelle s’arrête là, devant ce mur. Ce mur temporel est noté par Planck, 10 puissance -44 secondes. Ce mur est l’échec de la conscience et de toutes mesures. Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable Madame la conscience. Qu’y a t il au pied de mur ? Comme à la base de la plupart des murs, il y a des plinthes. Mais ici ce sont, par homophonie bien sûr, les plaintes angoissées de la conscience, de la bonne conscience dans ses revendications de l’ordre, de la mesure et de la raison.

Dans « Les résonances de l’interprétation et le temps du sujet » Lacan cite un poème d’Antoine Tudal (Écrits, p. 289) qui place la conscience de l’homme face à ce mur des résistances à l’inconscient, des résistances au vide, des résistances au devenir. Voici ce poème :

Entre l’homme et l’amour,
Il y a la femme,
Entre l’homme et la femme,
Il y a un monde,
Entre l’homme et le monde,
Il y a un mur.

Il y a donc un mur entre le conscient et l’inconscient. Un mur sans porte, sans trou, qu’on ne peut passer que par « le sans porte » ou comme disent les Chinois : « la porte du rien ». Un mur de résistances derrière lequel oeuvre tranquillement la non-matière, l’énergie noire, le vide dynamique et plastique de toutes les potentialités de l’inconscient : Chaos en personne.

C’est que ce « mur de Planck » rappelle encore un autre mur : le Pi-kouan de Bodhidharma.

Le fondateur du Zen, Bodhidharma, pour qui le Réel est « un vide sans fond sans rien de sacré » basait sa doctrine sur le vide et l’impermanence des choses. Il était appelé à son époque « l’ascète qui regarde le mur ». Or en chinois « mur » se dit Pi-kouan mais le caractère Pi-kouan signifie aussi le « vide ». C’est-à-dire que le vide a deux faces, semblable au conscient et à l’inconscient. Soit il peut être comparé à un mur au-delà duquel on ne peut rien savoir, du point de vue conscient, comme le mur de Planck, soit il représente le devenir, le vide et l’inconscient.

Bodhidharma avec son wu-nien, son non penser, qu’on peut assimiler à l’inconscient, possédait un regard qui allait de l’autre côté du mur jouissant du vide qu’est le devenir. On raconte pourtant qu’un jour Bodhidharma s’endormit. Alors il s’arracha les paupières et les jeta au hasard derrière son épaule. Là où ses paupières tombèrent se mit alors à pousser l’arbre à thé.

Aujourd’hui le vide est conçu par les physiciens comme réservoir potentiel d’univers. C’est, d’une certaine manière, le vide de l’inconscient. L’inconscient, en effet, est pareil à un réservoir, mais un réservoir sans limites, potentiel de satisfaction, de richesse et d’abondance. On peut tout en tirer sans jamais l’épuiser.

Niels Bohr (1885-1962), fondateur de la mécanique quantique a démontré l’énergie du point zéro, c’est-à-dire l’énergie du vide. Bohr a eu son prix Nobel en démontrant que les niveaux d’énergie d’un atome sur lesquels tournent les électrons sont au nombre de sept, chiffre évoquant la gamme sonore. « Si la mécanique quantique et vraie, disait Einstein, le monde est fou », c’est-à-dire, plus exactement, le monde, le réel, est inconscient.

Le physicien hollandais Hendrik Casimir a démontré en 1948 que le vide est une poussée, semblable à la pulsion continue de Freud, contenant une quantité énorme d’énergie qu’on appelle en physique « l’effet Casimir » et en psychanalyse l’inconscient.

Les physiciens soutiennent que les constituants ultimes de l’univers peuvent, d’une certaine façon, communiquer entre eux en ignorants les distances qui les séparent. Ainsi « l’effet papillon » fait partie intégrale de la réalité physique quantique. Dans cette réalité quantique il se passe des choses qui ressemblent à des rêves, par exemple le simple battement d’ailes d’un paillon perdu dans une campagne Chinoise est la cause directe d’un typhon gigantesque dévastant toutes les pleines du Texas. Ce genre de phénomènes est impossible dans notre réalité consciente. Mais dans l’inconscient le battement d’ailes d’un papillon, c’est-à-dire le passage dessus dessous dans un croisement de phonèmes, peut avoir les mêmes conséquences tragiques, ou au contraire bénéfiques, à savoir nous ouvrir les portes de l’Olympe, de la richesse et du bonheur. Il n’y a pas d’espace tel que le nôtre dans l’inconscient, nous dit Freud, comme nous le montrent les rêves où la logique des lieux n’est pas géométrique mais topologique.

Voici ce que dit à propos de l’électron Jean-Pierre Pharabod de l’Ecole Polytechnique dans son ouvrage Le Cantique des Quantiques qui a pour sous titre « Le monde existe-t-il ? ». Il compare l’électron au poisson soluble d’André Breton. Ce poisson soluble se dissout dès qu’on le plonge dans la mer. Jamais un pêcheur péchant un poisson dans la mer n’ira penser que le poisson avant de mordre n’était qu’une sorte de potentialité de poisson occupant tout l’océan. L’électron lui est tout à fait semblable à ce poisson soluble. Quand un électron apparaît on pense qu’il se déplaçait déjà quelque part, comme le poisson dans la mer. Or il n’en est rien. Avant d’apparaître et d’interagir l’électron occupait, en quelque sorte, tout le lac, avec une probabilité plus ou moins grande d’être détecté en tel ou tel endroit où il était plus dilué et d’autres où il était plus concentré. Un tel poisson « quantique » qui, comme l’électron, ne se concrétise que lorsqu’il est pris, ne correspond à rien de ce que avons l’habitude dans le monde conscient. Le rêve serait-il donc plus réel que la réalité ?

Dans La physique moderne et ses théories Le Pr Artur March nous explique que : « les électrons n’ont pas de substance… Cette dématérialisation de la particule élémentaire est un trait hautement caractéristique de la physique actuelle. La physique en arrive ainsi à extirper la matière morte de sa représentation du monde, pour la remplacer par un jeu vivant de formes… La désubstantialisation de l’univers physique, influera sans nul doute et de manière décisive sur ce que la vision du monde est appelée à devenir. Il est évident, en effet, qu’une physique qui n’admet plus la matière, mais seulement des ondes, ne s’accommode plus de l’esprit matérialiste (ou idéologique), qui a sous-tendu au cours des siècles les conceptions relatives à la Nature ».

Donc l’électron, comme l’inconscient, n’a pas de substance et pourtant toute notre civilisation technologique est basée sur l’électron comme toutes nos existences sur l’inconscient. La physique quantique des particules atomiques, sub-atomiques et des électrons, etc., est la physique de l’infiniment petit et de l’infiniment rapide. Toutes nos mesures logiques du conscient s’y perdent. Mais cet infiniment petit semble curieusement se rabouter à l’infini de l’inconscient.

En effet, ils ont en commun la négation du principe de non- contradiction, d’identité et de tiers exclu. C’est-à-dire la négation de la logique formelle. Les physiciens ne nous disent-ils pas qu’à ces échelles de l’invisible à l’œil nu, ou au microscope électronique, ces particules sont la fois des particules et des ondes. Or une onde et une particule sont le contraire l’une de l’autre, comme A et non-A.

Pour Newton la lumière était faite de petits grains de lumière. Pour Huygens, au contraire elle était simplement une onde. La physique quantique va montrer qu’ils avaient tous deux raison. Les calculs et les expériences que l’on peut faire à partir de l’hypothèse ondulatoire sont aussi exacts que les calculs et les expériences que l’on peut faire à partir des corpuscules ou grains de lumière. Ce qui est parfaitement contradictoire.

Dans ce monde de l’infiniment rapide, on ne peut pas localiser une particule-onde, la suivre, savoir où elle est, comment se comporte-t-elle, à aucun instant. Elle peut être, comme notre poisson soluble, comme dans un rêve, à la fois ici et ailleurs, maintenant, passée ou à venir.

Le principe d’incertitude d’Heisenberg nous dit que nous n’avons aucun moyen d’observer cette onde-particule car toute tentative d’observation de l’infiniment petit et rapide perturbe l’infiniment petit et rapide lui-même. De même que nous ne pouvons pas être, en toute rigueur, conscient de l’inconscient sans qu’il passe immédiatement ailleurs. Pour Heseinberg l’univers a émergé à partir de rien car nous devons considérer le rien comme l’instabilité elle-même, à savoir, le devenir, le vide, le Chaos. Rien se dit « Mu » en Chinois.

Voici ce qu’écrit l’astrophysicien du CEA, Michel Cassé, dans son ouvrage du Vide et de la Création :

« Le vide [c’est-à-dire pour nous Chaos] assure au monde l’unité de son fonctionnement. Il est l’essence originelle de tous les corps. Il crée la matière et les forces qui s’exercent sur la matière ; Il crée l’inertie, la masse qui résiste aux forces. Il est par là, la source des trois principes, matériel, dynamique et inertiel » (p. 135).

Bravo Hésiode ! Bravo le Chaos !

« Ainsi, poursuit ce physicien, l’histoire du monde débute par la déchirure du vide » (p. 169).

Ce qui résonne bien, vous l’entendez, avec le vers d’Hésiode donné par les Muses :
 « En vérité, ce qui est certain c’est que le vide devint. »

S’il n’y a pas de substance, s’il n’y a pas de matière, s’il n’y a pas de chose, s’il n’y a pas d’être, s’il n’y a que du temps, c’est-à-dire du devenir quelles peuvent bien être les conséquences ? Ce que nous croyions être n’était que du devenir, de la parole, du vide, du Chaos. Eh bien avec ce devenir, cette parole, ce vide ce Chaos, nous pouvons produire, créer, former tout ce qu’on voudra. Ce que le langage avait fait, le langage l’a défait. Et ce qu’il a défait il peut le refaire autrement.

La science ne nous a pas attendu pour cela. En Angleterre, en Russie, en France il existe des réacteurs à fusion nucléaire. Ils portent le nom russe de Tokamak (acronyme de production par fusion nucléaire). Ce sont des réacteurs qui, pour faire court, peuvent produire de nouveaux atomes, de nouvelles substances, de nouvelles matières. Certes, c’est complexe, mais c’est en cours. Voilà ce que permet le langage du vide, le langage de Chaos, le langage de l’inconscient.

Vous conviendrez qu’en choisissant ce mot grec « psychanalyse » Freud a ouvert du même coup les portes les plus inattendues du langage.

P.-S.

Le prochain séminaire aura lieu le jeudi 26 avril 2007 à 20h 30 :
 Narcisse et les douze dieux de l’Olympe.

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