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L’a, fin de l’Art

Bathygraphie de la <I>Tuchè</I> ou le sur-saut du Toucher

La Pornographie, par les Mythes et limites

Date de mise en ligne : samedi 1er août 2009

Auteur : Aurélien MARION

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L’a, fin de l’Art :
la Pornographie, par les Mythes et limites

« Quand, [contre le pommier], elle s’est [épan]chée,
Elle a vu comme sa vulve était remarquable.
Elle s’est félicitée [qu’ell’ soit] remarquable.
Elle s’est regardée, encore regardée.
 
[…]
 
Inanna a dit :
[Sumériens d’ici], 
"[…] J’apporte l’attrait.
J’apporte l’art des
Femmes"
 
[…]
 
[Les Sumériens chantaient :] "Inanna, […] vous avez
Apporté avec vous norme et tremblement, les
Rapports sexuels, les baisers [au phallus], et
La prostitution." »
 
Extraits (arrangés selon rythmes, rimes et rites) du poème sumérien sur la déesse Inanna (a.k.a. Ishtar)

III. Bathygraphie de la Tuchè ou le sur-saut du Toucher.

« Qu’est-ce que le discours pornographique fait voir du désir du sujet au-delà des écartèlements pastels, des coulées de fluides, des évidences orificielles ? Que vient-on y trouver au point d’en subir assidûment l’envoûtement, d’en souhaiter le dépassement ? // L’image pornographique agit comme un bouleversement de la banalité, étrange remous des formes, récurrence de la typologie des actes. Il n’importe guère de voir à travers ce qui apparaît mais plutôt de sentir la manière dont notre présent reçoit cette empreinte de lave et de silence. Aucune distance ne convient à la circonscription de l’objet, si ce n’est l’analyse de la susceptibilité des corps sous l’emprise du champ visuel et des prothèses numériques. C’est là une des particularités des représentations picturales de laisser pantelante toute la capacité érectile ou turgescente de l’être debout, de s’éprouver dédoublé par l’image, parcouru du regard, de sentir l’œil échapper à la paupière, au prépuce, au capuchon clitoridien et à tous ses revêtements. Il faut penser la vie autonome de l’œil, son détachement temporaire de la structure opérationnelle qu’il dirige. Cette manière de souffrir avec toutes choses perçues. L’illusion tactile communiquée par le traitement de l’image, cette déportation de soi par cette soif du voir. » [1] La traversée de l’image propre à la pornographie est un jeu (détournement pulsionnel) mythologique où la prostituée s’appuyant sur la déesse Jouissance [2] peut dévoiler (débordement fantasmatique) son secret sexuant : la clé du bonheur de l’homme (comment faire l’Amour et toucher à l’orgasme) et le transcendantal de la féminité (sa “part-putain” [3] et la découverte en l’Autre d’un lieu [4] protecteur nécessaire au lien entre ses deux jouissances, à elle). Héritage, le secret pornographique nous hante, nous habite (improprement), il fait le spectre régulant la fréquence apparitionnelle [5] de tel ou tel visage, ou figure, dans nos fantasmes (c’est pourquoi il touche le reste de réel — il le mature —, dans le soutien des images). Le secret s’imprime en nous, par hasard, quoique l’artiste en ait conditionné l’accueil. La porn-star (actrice porno capitaliste) ne joue pas un rôle pour lier des images entre elles faisant histoire, « elle joue sa propre image — une image qui devient l’espace dramatique même du film. » [6] C’est pourquoi l’image pornographique, en tant que trace d’un acte réel (étreintes), dépend du jeu entre rien (cause des fantômes) et reste (cause du désir) : « l’histoire est dans le spectateur, dans son regard » [7] car « le cinéma porno, en dévoilant le corps de ses actrices, n’expose pas leur nudité réelle, mais une nouvelle image comme voile de cette nudité. » [8] Le spectateur met ainsi en scène ses fantasmes en fendant les voiles comme il déchirerait des peaux, selon ses pulsions et désirs.

La girlfriend (actrice porno occasionnelle) et la girl-next-door (actrice porno quelconque) présentifient leurs visages à la faveur d’un événement — pour la première —, d’une répétition — pour la seconde. Ici, l’image s’offre comme espace de gratuité “prosopophane” [9], travaillée fantomatiquement entre secrets et souvenirs. Dès lors, tant que l’érotisme (souvent “cause finale” chez les amateurs) ne voile pas la pornographie, « il n’y a pas de sujet de l’image : seulement une dispute d’ombres pour boire à toute la lumière disponible. » [10] La performeuse (artiste porno originale) fait déborder du secret au rythme sacré d’un plus-de-jouir [11] qui se crée, dans le toucher. L’image pornographique dépend ici du “Kaïros”, c’est-à-dire du moment propice (voulu) qui dé-jointe Kronos, anachronisant dans la contingence d’un dénouement borroméen, entre ouverture et revenance. Les lieux de l’Autre y transfusent mystiquement la part-putain, dans l’urgence d’un sur-saut. Ainsi, trois vectorialisations inconscientes sont discernables : dans le cas capitaliste, c’est la projection qui alimente les fantasmes ; dans le cas amateuriste, c’est l’identification qui ressource nos fantasmes ; dans le cas artiste, c’est la catharsis [12]. Mais, dans toute image pornographique, le point de regard du réalisateur joue de l’ob-scène, le point de toucher du spectateur met en pornographie, et, le point de fuite de la figure prostituée branche le litige (entre ob- et en-) à l’Autre, spectralement. Aristotéliciennement parlant, la mythologie peut donc être comprise (au moins métaphoriquement) comme “cause formelle” de nos fantasmes alors que notre jeu (celui du regardeur-toucheur) pornographique en serait une “cause matérielle” : celle-ci fait référence au réseau de signifiant, celle-là fait référence aux “A-par-a” : restes et rien [13]. Cette expérience corporelle fascine, sidère et excite. Mais, comment parvient-elle à l’é-motion sexuellement tangible et à l’acte charnellement haptique ?

Pour Bertrand Bonello (et il le montre dans ses films), « le seul véritable pornographe, c’est le spectateur. Le film pornographique doit en quelque sorte être une page blanche dans laquelle il va pouvoir projeter tous ses fantasmes. Tout le cinéma pornographique doit donc tendre vers la page blanche, vers le rien. » [14] Mais la pornographie n’atteint jamais la transparence, c’est un filet à fantômes toujours déjà orientés : c’est d’abord cet autre regard, ob-scène [15], qui conditionne l’excitation du spectateur. Dès lors, l’image pornographique en prise entre deux regards (l’un en scène, l’autre hors scène), risque de subir la “vampirisation” spectaculaire d’un imaginaire exhibant son vide pour mieux saturer la pensée par la répétition effrénée d’un même rien (par la part réelle qui fait retour) : irradiés d’images (surtout avec l’arrivée de la pornographie amateur via Internet), contaminés par la publicité (surtout avec sa propagation patriarcapitaliste dans son dispositif consumériste “à la mode”), nous voilà soumis à l’impératif visuel, « la main passée toute entière dans l’œil » [16], plutôt que l’œil débordé par le toucher. C’est la définition même du voyeurisme, schème majeur de la porn-star, selon le paradigme “métennévrotique.” En ce sens, la pornographie serait le symptôme le plus signifiant de la kénose de nos pensées (ennui) par imagomanie du corps. Pourtant, « rien n’est moins ennuyeux que la pornographie » [17] car en plus de nous fasciner, sidérer et exciter, elle nous émeut corporellement, et donc touche à notre volonté [18] : é-branle-ment “khôrique” [19], nouant deux es-passes de réalisation contingente. Touchant au corps par l’apparition du vouloir dans notre pensée se dérobant, nous con-sentons soudain à rompre le voyeurisme pour passer à l’onanisme : s’étendant tactilement entre l’ob- et l’en- de la scène fantasmatique, la pensée hante ici l’é-motion tangible de notre corps (en animant l’image), prenant le “risque” d’acquiescer à l’ouvert. Il s’agit d’une extension corporelle entre initiateur et figure prostituée (par la fréquence apparitionnelle publique comme lieu vide invoquant le fantasme -Dieu) faisant art, nouée à une extension charnelle entre l’art créé et le spectateur touchant (par la fréquence palimpseste dermique comme lieu de la parole invoquant le tact -proxénète) faisant œuvre. Ce nœud fait l’acte pornographique, par sérendipité (projective, identificatoire ou cathartique) : « pour moi, l’érotisme commence quand on mouille et qu’on bande, alors que la pornographie commence avec la masturbation. Bref, c’est le passage à l’acte qui fait la différence. » [20]

La réalisation contingente ouvre aux circonstances de la causalité psychique : la présentation itérative des signifiants vibrant au gré du refrain spiritualisé [21] de la revenance, le symptôme rend la répétition structuralement nécessaire à la consistance du fantasme “kaïrique.” Si le Même structure la contingence, c’est l’accident qui la motive, au Hasard de l’inédit. Chez Aristote, c’est la division de la contingence entre endechomenon et dunaton qui fait jouer la répétition dans une dis-pute sérendipe de l’action [22]. Con-crête-ment, le visage de la féminité particulière transparaît dans nos fantasmes comme dynamique débordant de la figure mythypique prostitutionnelle, à la manière fortuite, fugace et fugitive d’une porn-star qui se révèle performeuse ou d’un regardeur qui se trouve tout à coup, a-toucheur. L’accident, c’est le surgissement de l’inattendu, l’arrivée de l’imprévu, ce qui nous tombe dessus : cela change la fréquence (nombre, intensité, rythme) et le sens de la répétition, « la cause accidentelle devient cause du sujet et choix inconscient […] [venant] à la rencontre du fantasme. » [23] L’accident, c’est l’impact de la force du rien échappant au vide de l’Autre, spontanément (c’est la figure mythique et aristotélicienne de l’Automaton : destin aléatoire du symptôme). Cet impact est un tact, coup de main, lorsque l’accident est du clinamen [24] ayant lieu dans le “troucausant” qu’est l’inconscient, l’a étant détourné de la répétition comme reste de la rencontre manquée : « de cette fonction de la tuchè, du réel comme de la rencontre, de la rencontre en tant qu’elle peut être manquée, qu’essentiellement, elle serait présente comme la rencontre manquée, voilà ce qui d’abord s’est présenté dans l’histoire de la psychanalyse sous la forme première qui, à elle toute seule, suffit déjà à notre attention, celle du traumatisme. » [25] Se dessinent ici deux distinctions fondamentales : figures mythiques de Tuchè et Automaton [26] ; figures psychanalytiques de “Trou-matisme” et “trop-matisme” [27]. L’Automaton, c’est la causalité signifiante, sans fin, “en vain”, et “trop-matique” ; c’est la figure spectralement matérielle du devenir-corps-propre au symptôme, lorsque ce dernier « est l’effet du Symbolique dans le Réel. » [28] Cet arbitraire est la khôra du kaïros, persistance passive permettant tout pouvoir, protection du continu : elle se charge du détournement pulsionnel en faire-art, mais se trouve à la merci du visage tychique, cette “rencontre du réel” qui fait événement. Tuchè, c’est la naissance du hasard, la nouveauté dans l’image, la source de l’équivoque. Point de la “nade” troumatique : « ce rien, qui n’est pas rien, peut, dans l’accidentel, être la rencontre du réel. » [29] Mais l’événement n’est que le rendez-vous de la rencontre : elle a lieu lorsque les corps réels se touchent par-delà les mythypes, mais elle échoue sur les rives de la solitude, pour le masturbateur. Pour lui, Tuchè n’est qu’une Succube qui l’incube pour qu’il succombe.

« Finalement, l’automaton est à inscrire du côté du nécessaire, de ce qui ne cesse pas de s’écrire tandis que la tuchè est à reconnaître du côté du contingent, de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. » [30] La condition artistique et les circonstances à l’œuvre tracent deux singularités événementielles : l’évanouissement de l’impératif automatique voyeuriste pour le pornographe (le branleur, au propre) et l’imprévu tendant à l’improvisation dans l’improuvé pour les “pas-toutes” (visages transparaissant dans la figure de la Prostituée, via sa “part-putain” branchée au mythype de la Jouisseuse). Dit autrement : « [L’artiste] se charge de mettre en place les conditions qui peuvent faire naître [une] émotion. Ensuite, le miracle a lieu, ou pas. Mais s’il arrive quelque chose, même si tout a été fait dans ce but, c’est toujours une surprise. C’est cela qu’on va chercher : […] les acteurs pornos sont surpris parfois, alors qu’ils font leur métier de manière assez mécanique, de ressentir soudain un énorme plaisir. Il y a alors une perte de repère, la caméra disparaît, ils partent dans leurs fantasmes, leur orgasme, il se passe quelque chose… […] Il peut y avoir des fulgurances. » [31] Pour mieux comprendre la différence entre l’es-passe d’a-bout-tissement artistique et le lieu haptique de l’onanisme, il s’agit de distinguer les changements : mouvements ou gestes (naissances et événements). Alain Badiou [32] repère quatre changements différents : “modification” (temporalisation) et “fait” (localisation) sont des mouvements (espacements), “singularité faible” (naissances spontanées et forces) et “singularité forte” (événements) sont des gestes (ouvertures). L’événement réel, c’est la rencontre. Les autres sont imaginaires ou symboliques (sites - laps) : ils sont propres à la solitude. Tous ces gestes sont entéléchiques [33] : réalisations ou actualisations. Dans un espace comme dans l’autre, ce sont le toucher (contact réel) et l’orgasme (débord réel) qui font événements (sans forcément faire rencontre), pénétrations ou éjaculations n’étant que des mouvements ou naissances réalisant le virtuel (imaginaire spectral) des forces symptomatiques. Comment la masturbation réalise-t-elle le faire-œuvre pornographique, via le contact charnel ? Est-ce que ça dépend de la rencontre actuelle de la pas-toute (lors du faire-art), à travers la prostituée ?

Ce qui se passe entre le regardeur (toucheur en puissance) et les corps qui se touchent réellement, cela relève de l’interface fantomatique : projection, catharsis ou identification sont autant de naissances silhouettant des lieux d’accueil pour l’événement. Dans Se toucher toi, Gregory Chatonsky crée un nouage numérique transcrivant le rythme du contact, d’après la transformation des spectres de l’événement du faire-art en naissances fantomatiques, pour faire déborder de l’événement fantasmatique : d’abord forme changée en force par le rien, ensuite matière changée en manière par le reste (donc aussi par l’Autre comme lieu/deux). Avec ses mots, cela donne ça : « Le regardeur s’approche de l’interface et déplace sa main à distance. A droite et a gauche apparaissent les mains d’une femme et d’un homme qui s’approchent, se frôlent, se touchent, se caressent, s’étreignent, se retiennent. Le déplacement de la main du regardeur affecte ce jeu de contact comme si elle touchait de façon invisible les mains du couple, comme si ce trio de mains se touchait dans le secret du dispositif. Un moment, un autre paysage et à nouveau les mains se jouant l’une de l’autre, se touchent au contact de la représentation. » [34] L’affect, c’est la “Vibration intérieure du Rien” [35], cela met la jouissance en jeu, dans l’écoute d’un “joue : oui !” Le jeu introduit entre symbolique et réel se répercute sur le rapport entre symbolique et imaginaire (par les restes) : la “représentation” est à son tour affectée par les apparitions fantomatiques intrinsèques à nos fantasmes. Entre les deux contacts (réel et symbolique), il y a la spécularité du tangible : « Brusquement le jeu de maîtrise se dérobe, les mains ne répondent plus aux ordres du spectacteur. Elles semblent douées d’une vie autonome. Il a beau bouger sa propre main en tout sens, les mains s’arrêtent, se tiennent a distance puis reprennent leur contact. // Tout comme il y a deux mains, il y a deux installations dans deux lieux différents. Tout comme il y a un couple de mains dans l’image qui fait face la main du spect-acteur, les deux installations se confrontent à une installation sur Internet. // A tour de rôle elles prennent la main les unes sur les autres. Lorsque dans un dispositif les mains se dérobent à notre contrôle c’est que nous voyons en fait le résultat de la manipulation d’un spect-acteur dans l’un des deux autres dispositifs. Lorsque nous pouvons manier les mains c’est alors que les deux autres espaces projettent notre interaction. » [36] Il suffit d’imaginer le devenir-pornographique de ce dispositif pour comprendre que la spécularité risque de faire toucher la spectralité à la spectacularité, transformant le spect-acteur en “spectoucheur”, par projection (cf. la figure de la porn-star). C’est ce que fait Pavel Cazenove, dans Le Cinquième fantasme, partie pratique de sa thèse : « le désir de Françoise — et son plaisir — prennent appui à la fois sur son image (qu’elle regarde) et sur son corps (qu’elle effleure sensuellement), mais ses caresses en miroir se font bientôt si insistantes, si pénétrantes, que la jouissance ne tarde pas à jaillir au creux de son ventre : elle se crispe sous l’orgasme et plaque sa main humide sur la surface sombre et glacée du miroir. À sa grande surprise, Françoise s’aperçoit que son reflet ne reproduit plus fidèlement sa posture : derrière le miroir, son image s’est incarnée, en se nourrissant de son désir narcissique. Dès lors, ses gestes ne seront plus dirigés vers une image (son image), mais vers un corps réel (à son image) : passage du double imaginaire (auto-érotisme) au double physique (homo-érotisme) […] La surface du titre-miroir est “glacée” — ce qu’indique la buée qui s’y forme au contact de la main “brûlante” de Françoise — et l’on peut supposer qu’au contact de cette chaleur et du fluide érotique émis par la jeune femme, quelque chose a commencé à s’incarner derrière le miroir, c’est-à-dire qu’à cet instant, ce que Françoise sent sous ses doigts, ce sont d’autres doigts ! » [37] La différence est fondamentale : alors qu’ils interagissaient à distance (entre écart et tact) chez Chatonsky, les restes et le rien n’affectent qu’en un plus-de-jouir (donc ensemble) créateur, chez Cazenove. D’où l’arrivée du deuxième événement, après le toucher, l’orgasme, et donc — par lui — du troisième, le toucher onaniste.

« […] ta pensée touche ma nudité ta pensée se dérobe ta pensée se touche ta pensée touche sa nudité tes mots touchent la pensée qui touche son dérobé tu me touches tu touches ma pensée tu tues en moi toute pensée autre que la pensée du dérobé de la pensée dans ce qui tue toute pensée (…) la pensée du sexe touche mes orifices le trou de mon sexe vide ma pensée […] » [38] : la pensée est ce nœud virtuel où le tangible transforme l’image spectrale en image spéculaire, le reflet devenant le masturbateur lui-même, dans le cas du Cinquième fantasme. C’est donc dans l’épaisseur des naissances dérobées que la tuchè semble travailler au jaillissement d’événements. La nudité s’habille fantasmatiquement, à chaque geste. Toucher caressant [39] et attouchement sexuel, “se masturber” est un contact réel : la dimension haptique de cette chair jouie (écorchée) vient spontanément au corps lorsque celui-ci se trouve saisi par l’événement obscène de l’image pornographique ; par l’actualisation dérobée du débord orgasmique, en particulier : le plus-de-jouir ressource les restes et tychise le rien. Ainsi, les déesses mythologiques basculent quelques instants dans le réel lorsque quelque chose arrive, dans leurs touchers : rencontres et orgasmes, entre effleurements et pénétrations, entre dilatations et tassements, entre l’écart et le tact. Le plus souvent, l’accident d’une contingence assumée par les actrices ou performeuses réduit la distance — faite d’un palimpseste de peaux épaississant l’anesthésie du spectateur — haptophobique, par dé-bord (réel : orgasme, imaginaire : sécrétions corporelles, symbolique : paroles) : oscillation du “spectr-acteur” au gré des coups de dé-, qui, on le sait avec Mallarmé [40], jamais n’aboliront le hasard. L’image pornographique se détourne ainsi des mythypes pour toucher à nos fantasmes par symbolisation du rien et fétichisation [41] du reste. Pour comprendre comment le dé-nouement du contact réel (toucher) a pu faire sur-sauter un spectateur pris dans une névrose voyeuriste, il nous faudra explorer les trois modes (projection patriarcapitaliste, identification gratuite, catharsis artiste) de rythmicité pornographique, entre optique et haptique. Mais pour cerner la fréquence apparitionnelle de l’onanisme [42], nombre et intensité sont à mettre au jour avant la complexe question du rythme : la trace d’un “escamotage” [43] est ici à mettre en rapport avec le litige public-obscène, ou monde-terre. L’incorporation fétichiste des fantômes consiste à distinguer la levée du corps propre (geste natal) de la spectralité du monde : le n’ombre, c’est l’écriture du réel, littéralement traits d’esprits ; l’un-temps-cité, c’est l’impact du dé-, littéralement habiter le corps. Pour Max Stirner, selon l’analyse marxienne [44], il y a une immédiateté et une instantanéité dans le passage de l’excorporation (escamotage n°1 : disparition du spectre pour apparition du fantôme) à l’incorporation (escamotage n°2 : disparition du fantôme pour apparition du corps propre, donc des fantasmes), comme si le rien et les restes étaient déjà actifs ensemble, en un même dunaton, qu’on pourrait appeler toucher au sens d’un contact jouissant du corps. C’est une possibilité tychique [45], venant d’un hasard à comprendre comme événement éternel en tant qu’éternité événementielle, i.e. (n+1ème)dimension borroméenne (dans un nœud bo’ à 3, c’est la 4èmeD). Lacaniennement parlant, cela s’écrirait “SI◊R@IS” (avec ◊ pour le rien et @ pour les restes/l’a) : c’est le mathème de l’événement, geste singulier fort. Dans l’orgasme, ce serait “SIR利RIS” (avec 利 — lì — pour le plus-de-jouir), car la fréquence est celle de la dynamique borroméenne.

Mais ici, il s’agit fondamentalement d’exceptions, voire de perfections événementielles. Pour les accueillir, nous avons vu qu’une spécularité est nécessaire, ouvrant aux rythmicités pornographiques, par les naissances : ce qui se passe entre les forces et la spontanéité, c’est un sur-saut du corps mettant en litige son monde fantasmatique avec sa terre pulsionnelle. L’origine du faire-œuvre est un “saut” événementiel qui rend possible l’équivoque dans l’apérité laissant “perdre à terre” pour que la vérité pornographique jaillisse de l’onanisme. Saut dans le saut de l’origine (toujours unique), le commencement de l’œuvre (ici, la masturbation en tant que contact réel et pornographie performative) pro-jette à partir de la force du rien : « En tout projet poétique, est libéré un ouvert, cet “autrement qu’autrement” qui non seulement ne survient nulle part au sein de l’étant sous-la-main, mais encore demeure inaccessible à toute prétention de celui-ci. le projeter est toujours un excédent. La poésie est libre donation et dispensation : une fondation. » [46] Par “poésie”, il faut entendre le faire-art radical, cela même qui fonde de l’“habiter” comme don de la terre corporelle (chair) et dispense de la spécularité tangible (projection pour Heidegger, catharsis pour Aristote, identification pour Lacan). De ce geste sur-sautant en forces naissent l’installation du monde fantasmatique et la production de la terre pornographique : ce sont les deux traits (d’esprits) nécessaires au main-tien du litige public-obscène que Heidegger traduit en “monde-terre”. Le monde pose l’art en œuvre (création) et le consacre en sa “demeurance”, à corps perdu : « Tandis qu’un monde s’ouvre, toutes choses reçoivent pour la première fois leur apparaître et leur disparaître, leur lointain et leur proximité, leur expansion et leur resserrement. » [47] L’a-con-plissement pornographique se trouve dans la “pro-duction” d’un corps terrestre qui “se referme” toujours-déjà pour border dermiquement le monde imaginaire qui déborde. Là gît l’es-passe de jeu des naissances spontanées : tangences équivoques faisant sur-sauter le spectoucheur. Dit autrement : « Le déchaînement imprévu d’une violence inaperçue surprend toujours le cours normal des activités. Le temps de ce qui craque, de ce qui soudainement ne retient plus ce qui auparavant paraissait solide ou continu. (…) Envahissement sans genèse, emportement sans objet (…) : une image sans lien avec la prochaine déplace l’attention sur d’autres détails de l’anatomie dans une empathie délicieuse. Un océan démonté d’entrecuisses, de raies, de petites bourres pelucheuses, de mains ouvertes, d’instants sortis de la continuité tranquille des corps qui passent. » [48] La sur-prise du corps emprunte au saut originel l’empreinte du saut commençant, par son rythme “kaïro-jectif”.

Si la masturbation initie l’orgasme, celui-ci hante celle-là comme fin créatrice : le plus-de-jouir est l’événement sexuel par où les gestes natifs — puis les mouvements pornérotiques (caresses, pénétrations, dilatations, tassements, etc.) — détournent du symptôme, via l’incorporation des fantômes de l’image. Ces naissances à fleur de peau, ce sont d’abord les sécrétions (débords imaginaires, liquides). Ce qui, du corps, voyage (fait respirer du spectre), “mesure” ainsi la fréquence de l’immense chaos : « À l’ampleur et à la hauteur du monde qui s’ouvre se mesure à chaque fois la profondeur et le refermement de l’abîme de la terre, se mesure l’acuité et l’âpreté du litige entre terre et monde, se mesure la grandeur de l’œuvre, se mesure la force de saut de l’art comme saut originaire. » [49] Le dé-but masturbatoire maintient le litige en-/ob- (terre/monde) par le re-trait de la peau fantasmatique alors que l’incitation de l’orgasme aspire le commencement par la hantise de la peau fantomatique, si bien que la bathygraphie pornographique consiste en tores à l’égard des soubresauts du hasard, ces “flamboiements sauvages” qui mettent en es-passe la présence escamotée par le faire-art : « l’œuvre d’art ne présente jamais rien, et cela pour cette simple raison qu’elle n’a rien à présenter, étant elle-même ce qui crée tout d’abord et ce qui entre pour la première fois grâce à elle dans l’ouvert. » [50] L’“expeausition” [51] de l’aura prostitutionnelle du contact imaginaire, dans la sphère spéculaire tangible, est donc le lieu où l’Autre — jeux de peaux (sur quatre niveaux : technique, biologique, fantasmatique, fantomatique) et opacification/transparentification publique — heurte notre pensée nue [52], à coups de dé- : dé-robé (pensif), dé-clic (vital), dé-bord (visuel). Le toucher pornographique est dès lors compris comme a-bord et entame de la présence -mienne, autre- : condensé problématique où se précipitent la profondeur de l’image selon sa force événementielle (heur), et, la dynamique de la pensée suivant sa puissance tactile d’aréalité (heurt). Symbolique, le tact s’expérimentera comme nudité du toucher, montage adolescent du “spectracteur” : manière de vivre tangiblement [53] en habitant son corps avec l’intensité d’une « jouissance du réel » [54]. Ainsi, le toucher pornographique questionne la portée (politique et artistique) des deux entéléchies aristotéliciennes : actualisation d’un tangible actuel en survivance (du souvenir d’Onan aux secrets de la Pornê), et, réalisation d’un tactile virtuel en prégnance, procédure gratuite de l’urgence d’« un contact, soit l’aube d’un événement de lieu, de corps et de langue, en présence d’autrui. Une greffe sur la dérive hémorragique de l’espace d’un imaginaire du corps propre et du corps d’autrui. » [55] Mais cette présence est, pour l’onaniste, celle d’un étrange ailleurs qui se répète : « pourquoi une telle stabilité sédimentaire alors que chacun s’emploie, dans le corridor des solitudes, par nomadisme désespéré de lignes et de réseaux, à entrer en contact avec l’inconnu au bout de soi ? » [56] Car la masturbation est la plus intense des prières : c’est une demande à l’Autre-Proxénète pour que Tuchè interrompe les naissances spontanées par la rencontre. Cette dernière a lieu, à la vitesse du rien, lorsque la pas-toute éprouve sa part-putain à l’aune d’une présence réelle : cum-star, boy-(girl-)friend, quelconque dick(cunt), ou performeur(se). Entre la prière et la preuve se meuvent, s’animent et salivent les fantômes, malgré leur inertie : « le spectre pèse, il pense, il s’intensifie, il se condense au-dedans même de la vie. » [57] L’âme, rapport au monde, lieu de la pensée et structure spéculaire, est ce milieu propice à ce que le rien sérendipe. Plus exactement : le rien est à l’âme ce que le pornographe est au “trou de ver”, un pas entre “trou noir” et “trou blanc.” [58] Étincelle poreuse, é-motion ex-citant la « peau comme lieu d’événement d’existence. » [59] Au final, le pornographe consacre les gestes créateurs pour en cueillir les restes, en profanateur : « Une inavouable impression d’hospitalité se dégage des corps nus de femmes, de la coulée de chair qui descend de la lèvre inférieure de la bouche jusqu’au sein, l’écartement des genoux, le sexe ombellifère. Rien d’indécent dans ses vallées épidermiques, les promontoires velus, le bégaiement figé des plis du sexe. La disproportion constante entre l’étroitesse, la fragilité des épaules et la largeur du haut des cuisses comme un oui prononcé aux forces de la terre qui tourne. Émouvant, le dessous, la plante des pieds dans l’agenouillement, l’impossibilité pour l’aimée de s’imaginer aussi excitante de dos, dans la traînée d’ombre entrouverte par les fesses et les cuisses. Cette disponibilité pour l’apaisement dans l’arrondi, l’attention des regards vers l’ouverture du sexe masculin. Rien de la construction disgracieuse des commentaires publicitaires, aucune promotion autre que le fait d’être dans le sourire rose de la lumière. » [60]

P.-S.

Bibliographie indicative :
 ARISTOTE, De l’Âme, trad. Richard Bodeüs, éd. GF Flammarion, 1993
 ARISTOTE, Physique, trad. Pierre Pellegrin, éd. GF Flammarion, 2002
 BADIOU, Alain, “Politique et vérité”, Contretemps n°15, février 2006.
 BONELLO, Bertrand, “Le seul véritable pornographe, c’est le spectateur”, La Voix du Regard, n°15-automne 2002.
 CAZENOVE, Pavel, Le Fantasme ou la mise en scène d’un regard, DEA soutenu en 2004.
 CAZENOVE, Pavel, Le Récit plastique, doctorat soutenu en 2008.
 DERRIDA, Jacques, Spectres de Marx, éd. Galilée, 1993.
 ELEB, Danielle, Figures du destin, éd. Erès, 2004.
 HEIDEGGER, Martin, De l’origine de l’œuvre d’art, trad. Emmanuel Martineau, éd. bilingue numérique, 1986.
 HEIDEGGER, Martin, Être et Temps, trad. Emmanuel Martineau, éd. hors commerce, 1985 .
 LACAN, Jacques, Écrits, éd. Seuil, 1966.
 LACAN, Jacques, Séminaire, I à XXVII, éd. AFI et/ou Seuil et/ou ELP, 1951-1980.
 MASSAT, Guy, Séminaires, 2003-2009.
 NANCY, Jean-Luc, Corpus, éd. Métailié, 2006.
 SAINT-GERMAIN, Christian, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005.
 SOFIYANA, Agnès, « Tuchê et Automaton », 2005.

À suivre dans :
 Prodromes de peaux ou modernité de l’ICS (X) a-dos-naissant (part 4/5).
 Manifeste pour une Pornanarchie ou le savoir-vivre chaolescent (part 5/5).

Notes

[1Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 29-30, nous soulignons.

[2Sharukh Husain, La grande Déesse-Mère, trad. Alain Deschamps, éd. Taschen GmbH, 2001, P. 92-107.

[3Christian Prigent, Le Professeur, éd. Al Dante, 2001, P. 54

[4« Il est nécessaire que le lieu soit (…) la limite du corps enveloppant à l’endroit où il touche le corps enveloppé ; j’entends par corps enveloppé celui qui change par transport. » — Aristote, Physique, 212a5-6, trad. Pierre Pellegrin.

[5Pour cette thématique “hantologique”, nous nous référons à : Jacques Derrida, Spectres de Marx, éd. Galilée, 1993.

[6Pavel Cazenove, Le Fantasme ou la mise en scène d’un regard, DEA soutenu en 2004, consultable ici : http://pavelc.free.fr/porn.htm — consulté le 29/06/2009, P. 1 de la partie 4 (intitulée : “Le Porno - Jouer sa propre image”).

[7Ibidem, P. 8 de la partie 4

[8Ibidem, P. 9 de la partie 4

[9Appel à lʼambiguïté dʼun terme grec : “prosôpon”, littéralement ce qui se présente (pros) à la vue (ôps), cʼest-à-dire le visage et par extension la personne elle-même. Visage oblitéré par la figure mythologique de la prostituée. La mise en lumière (phainô) des visages fantastiques joue -selon la distinction conceptuelle de Tzvetan Todorov- sur lʼéquivoque pour attiser lʼangoisse de la surprise, contrairement au merveilleux des contes, déniant la spectralité.

[10Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Ecrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 22.

[11Trace de la jouissance portée par la force du rien et « cause de la parole », traduction du “lì” de Mengzi — cf. Jacques Lacan, Séminaire XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, éd. AFI, publication libre, P. 55 (leçon du 19/02/1971).

[12C’est par les effets du muthos que s’opère une “épuration des émotions” appelée “catharsis” par Aristote, dans la Poétique, chapitre VI, 1149a27-28 ; la « projection signifie que le sujet projette à l’extérieur ce qu’il ne peut accepter en lui-même. », cf. la note de la séance “D’Oreste à Lacan”, extraite du Séminaire de Guy Massat, Psychanalyse et Mythologie, et consultable ici : http://www.psychanalyse-paris.com/1017-D-Oreste-a-Lacan.html — consulté le 12/01/2009 ; l’identification correspond au processus de propriation de notre image, par l’Autre et pour l’autre.

[13Cf. Jacques Lacan, Séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, éd. AFI, publication libre.

[14Bertrand Bonello, “Le seul véritable pornographe, c’est le spectateur”, La Voix du Regard n°15-automne 2002, L’obscène, acte ou image, consultable ici : http://www.voixduregard.org/obscene.htm — consulté le 01/07/2009.

[15Par un regard faisant des images « portant atteinte à notre corps », images impudiques, irresponsables, indignes, gratuites et/ou oublieuses, l’obscène transgresse les interdits, excède les limites et brise les tabous — Estelle Bayon, Le cinéma obscène, éd. L’Harmattan, 2007

[16Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 70.

[17Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 11.

[18« Toucher signifie : mettre en mouvement. Notre essence est mise en mouvement. Dans ce toucher, notre vouloir est é-mu de telle sorte qu’alors seulement l’essence du vouloir vient au jour et se met en branle. Alors seulement le vouloir devient un vouloir consentant. » — Martin Heidegger, « Pourquoi des poètes ? », Chemins qui ne mènent nulle part, trad. Wolfgang Brokmeier, éd. Gallimard, 1986, P. 365.

[19« khôra désigne l’espace pour autant qu’il peut accueillir un tel lieu [topos, “espace occupé par un corps”] et l’entourer, le contenir. » — Martin Heidegger, Remarques sur art - sculpture - espace, trad. Didier Franck, éd. Payot & Rivages, 2009, P. 19

[20Maia Mazaurette, définition trouvée sur internet, hors contexte, consultable ici : http://www.contractuel.info/2009/05/05/article-dossier/all/1 — consulté le 01/07/2009, nous soulignons.

[21Le “spectre” comme “forme phénoménale de l’esprit” est respiré par ce dernier accidentellement, faisant fantômes, et opacifiant ainsi les peaux voilant la nudité mystique, dans le fantasme incorporant puis engageant le processus de propriation - cf. Jacques Derrida, Spectres de Marx, éd. Galilée, 1993, chap. V.

[22« La contingence est la matière de l’action » ; la “dunaton” c’est ce que je peux faire malgré/grâce-à l’“endechomenon” car cette dernière est la part accidentelle de la contingence — cf. Haud Guéguen, Colloque « Rationalité tragique », 19-20 Juin 2009, intervention à propos d’Aristote (Ethique à Nicomaque, III, 7, 1115b 7-11).

[23Danielle Eleb, Figures du destin, éd. Erès, 2004, P. 14.

[24Dans la physique épicurienne, le clinamen est un écart, une déviation (littéralement une déclinaison) spontanée des atomes par rapport à leur chute verticale dans le vide, permettant aux atomes de s’entrechoquer. Cette déviation est spatialement et temporellement indéterminée et aléatoire, elle permet d’expliquer l’existence des corps dans un cadre matérialiste : « qu’un rien dévie en quelque chose de sa ligne, qui serait capable de s’en rendre compte ? Mais si tous les mouvements sont enchaînés dans la nature, […], si par leur clinamen les atomes ne provoquent pas un mouvement qui rompe les lois de la fatalité, et qui empêche que les causes ne se succèdent à l’infini, d’où viendrait donc cette liberté accordée sur terre aux êtres vivants ; d’où viendrait, dis-je, cette libre faculté arrachée au destin, qui nous fait aller partout où la volonté nous mène ? » — Lucrèce, De natura rerum, II, 216-219, trad. André Lefèvre ; à rapprocher de la “constante de Planck” et de “l’incertitude d’Heisenberg.”

[25Jacques Lacan, Séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, éd. AFI, publication libre, P. 65.

[26Aristote, Physique, livre II, chap. IV à VII ; repris par Jacques Lacan, cf. note 25.

[27Le “troumatisme” invente par le trauma — cf. Jacques Lacan,Séminaire XXI, Les Non-dupes errent, éd. AFI, publication libre, P. 128 ; le “trop-matisme” est l’excès de réel propre à l’identité symptomatique. Pendant du premier nommé.

[28Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 26 (leçon du 10/12/1974).

[29Danielle Eleb, Figures du destin, éd. Erès, 2004, P. 34.

[30Agnès Sofiyana, “Tuchê et Automaton”, publication en ligne, 2005, consultable ici : http://www.psychanalyse-paris.com/Tuche-et-Automaton.html — consulté le 13/07/2009.

[31Bertrand Bonello, “Le seul véritable pornographe, c’est le spectateur”, La Voix du Regard, n°15-automne 2002, L’obscène, acte ou image, P.97-98, consultable ici : http://www.voixduregard.org/obscene.htm — consulté le 01/07/2009.

[32Alain Badiou, “Politique et vérité”, Contretemps n°15, février 2006, consultable ici : http://contretemps.eu/archives/alain-badiou-politique-verite — consulté le 13/07/2009.

[33Aristote, De l’Âme, trad. Richard Bodeüs — le terme “entelecheia” apparaît 37 fois, entre 402a et 431b, il est le plus souvent utilisé en rapport à “energeia”, en particulier en 412a, 414a et 417a.

[34Gregory Chatonsky, Se toucher toi, “installation pour trois espaces à distance”, 2004, video et texte consultables ici : http://incident.net/works/touch/# — consulté le 13/07/2009, nous soulignons.

[35Mehdi Belhaj Kacem, L’Essence n de l’amour, éd. Tristram, 2001, P. 43.

[36Gregory Chatonsky, ibidem, nous soulignons.

[37Pavel Cazenove, Le Récit plastique, thèse de doctorat présentée et soutenue en novembre 2008, P. 719, consultable ici : http://pavelc.free.fr/accueil.htm — consulté le 13/07/2009, nous soulignons.

[38Christian Prigent, Le Professeur, éd. Al Dante, 2001, P. 30.

[39La caresse pourra être comprise comme vecteur phénoménologique de l’érotisme tangible, à travers les conceptualisations de Sartre, Levinas et Derrida, notamment. Ici, la pornographie est le transcendantal de l’érotisme, c’est-à-dire sa condition de possibilité a priori : le toucher ouvre au désir, comme la prostituée révèle ses secrets, spéculairement.

[40Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, éd. de la NRF, 1914, version PDF, Robert Falcó, 2003.

[41Les contes parlent de choses “fées”, les mythes sexualisent ces choses en fétiches, choses faites “touches”, localisations permettant de débloquer les fantasmes : exactitude de l’impact réel sur le plaisir.

[42C’est-à-dire la transparentification du mythe d’Onan (“laisser perdre à terre” comme refus de transformer la prostituée — Thamar — en épouse !), en rapport au schème des mythypes, et notamment, dans ses naissances événementialisées via la pas-toute. Le mythe d’Onan est consultable ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Onan - consulté le 13/07/2009.

[43Subterfuge ou vol, c’est « l’art de faire disparaître », d’ex-corporer de l’événement en naissance, via le geste spectral, pour mieux être re-corporer, via l’incarnation haptique. À ce propos : Jacques Derrida, Spectres de Marx, éd. Galilée, 1993, chap. 5.

[44Jacques Derrida cite et analyse Marx, donc Stirner, dans ce même chapitre. L’analyse de Karl Marx se trouve dans L’Idéologie allemande et contient de longs extraits de L’Unique et sa propriété, plus célèbre texte de Stirner.

[45« Par la tuchè, le temps et le rapport au dehors se dissolvent en irruption et choc instantanés. » — cf. Haud Guéguen, Colloque « Rationalité tragique », 19-20 Juin 2009, intervention à propos d’Aristote (Ethique à Nicomaque, III, 7, 1115b 7-11), P. 8.

[46Martin Heidegger, De l’origine de l’œuvre d’art, trad. Emmanuel Martineau, éd. bilingue numérique, 1986, P. 45.

[47Martin Heidegger, De l’origine de l’œuvre d’art, trad. Emmanuel Martineau, éd. bilingue num., 1986, P. 35, nous soulignons.

[48Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 55-56.

[49Martin Heidegger, De l’origine de l’œuvre d’art, trad. Emmanuel Martineau, éd. bilingue num., 1986, P. 49, nous soulignons.

[50Martin Heidegger, ibidem, P. 55.

[51Jean-Luc Nancy, Corpus, éd. Métailié, 2006, P. 31

[52« La présence nue se pense et se pense nue à son corps défendant. » — Jean-Luc Nancy, La Pensée dérobée, éd. Galilée, 2001, P. 18 (l’italique cite une formulation de Derrida, reprise en note).

[53« L’écart, la non-simultanéité et la distance font partie du corps-à-corps exigeant du toucher des variations dynamiques pour faire éprouver par le geste l’intention incarnée. Le tangible réduit le tactile au local en fixant le toucher dans la matière même du corps et en prenant la surface de la peau pour la profondeur du corps vécu. » — Bernard Andrieu, Être touché, éd. de la Maison Close, 2006, P. 40.

[54« La jouissance du Réel ne va pas sans le Réel de la jouissance. » — Jacques Lacan, Séminaire XXI, Les Non-dupes errent, éd. AFI, publication libre, P. 150 (leçon du 12/03/1974) ; le rapport de la vie au réel traverse ce séminaire de part en part, mais ça n’est que dans le séminaire suivant qu’il est explicité : « “jouir de la vie”, si le Réel c’est la vie » (P. 24) et « c’est à savoir, ce trou du Réel, de le désigner de la vie. » (P. 37) — Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre.

[55Olivier Douville, De l’Adolescence errante, éd. Pleins Feux, 2008, P. 60.

[56Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 40.

[57Jacques Derrida, Spectres de Marx, éd. Galilée, 1993, chap. 5, P. 177

[58Introduction à cette hypothèse quantique dont la science-fiction se gargarise (et elle a bien raison) consultable ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trou_de_ver - consulté le 14/07/2009.

[59Jean-Luc Nancy, Corpus, éd. Métailié, 2006, P. 17

[60Christian Saint-Germain, L’œil sans paupière : Écrire l’émotion pornographique, éd. PUQ, 2005, P. 58

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