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Le fantasme : de la parole à la logique et retour

Tu me m@nques

Séminaire 2009-2010 : Première séance

Date de mise en ligne : mercredi 4 novembre 2009

Auteur : Anne CARPENTIER

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Anne CARPENTIER, « Tu me m@nques », Première séance du Séminaire 2009-2010 à l’Espace analytique : Le fantasme : de la parole à la logique et retour, Première séance : mardi 13 octobre 2009.

Le fantasme : de la parole à la logique et retour
Première séance : « Tu me m@nques »
13 octobre 2009

Proposer un séminaire à Espace c’est avant tout dans l’idée d’ouvrir à des réflexions nouvelles, des échanges, des questions autour de ce qui nous intéresse tous ici ce soir, la psychanalyse, que l’on soit analyste, analysant ou encore interrogé par la dimension de l’inconscient. Parce la psychanalyse c’est cela, c’est avant tout faire une place à ce qui échappe, à cette part voilée de nous-même que nous ne maîtrisons pas et qui pourtant produit des effets tous les jours.

D’abord je me présente, je suis psychanalyste, psychologue clinicienne de formation, je travaille à la fois en institution hospitalière et psychiatrique et aussi en privé. Je suis à Espace analytique depuis plusieurs années et je dois dire que c’est ici que depuis 7 ans je fais mes armes, c’est à dire, que je m’éprouve en tant que « causeuse ». J’interviens depuis donc plusieurs années et notamment dans un séminaire qui proposait une lecture des séminaires et c’est ainsi que j’ai pu commencer vraiment à lire les textes et m’exposer dans ce travail de lecture. Exercice difficile et pourtant combien riche et nécessaire si l’analyste veut poursuivre son mouvement, son travail, s’il veut continuer à inventer la psychanalyse avec ses patients !

La psychanalyse, en effet, a à se renouveler, à s’inventer tous les jours. Les textes des théoriciens ne sont pas figés, le lecteur doit leur redonner vie, en s’en servant, en les intériorisant.

Pourquoi un travail sur le fantasme et bien parce que le fantasme c’est ce qui traverse la cure analytique de bout en bout, d’abord voilé, logé dans les interstices du discours de l’analysant, il se dévoile peu à peu permettant à l’analysant de rendre compte de ce qui l’animait, l’agitait et le guidait depuis tout ce temps. C’est donc dans la parole et via les symptômes que le fantasme va se repérer, laissant entrevoir l’articulation logique dont il procède.

Ce qui va nous intéresser cette année c’est de repérer ce double mouvement au cœur de la cure analytique : à la fois le déploiement du fantasme de l’analysant au sein de la relation transférentielle avec l’analyste, en tant que le transfert actualise ce qui était refoulé, mais aussi sa réduction, son rétrécissement jusqu’à l’os de la structure du fantasme, point de buté, irréductible. Pour les analysants et pour les analystes aussi, le fantasme fait fantasmer ! On parle beaucoup de sa traversée à la fin de la cure mais qu’est-ce que cette traversée ? Est-ce que tous les analystes y parviennent ? Quelles sont les conséquences pour les analysants des analystes qui ne sont pas allés jusqu’à cette rencontre ultime ? Je crois donc que le fantasme est l’élément incontournable si l’on s’intéresse à ce qui se passe dans cette expérience de l’analyse. Donc on va tenter ensemble de saisir d’un peu plus près de quoi il s’agit dans ce fantasme.

Nous allons aborder ce soir les grandes lignes de ce qui sera notre programme de cette année.

Ce séminaire est intitulé : « le fantasme de la parole à la logique et retour ». Ce retour c’est pour indiquer l’idée du mouvement, de l’aller et du retour, de la parole à la logique mais aussi de la logique à la parole. Il va donc être question cette année du fantasme, de parole et de logique. Comment ces trois dimensions trouvent-elles à s’articuler ? En quoi aborder le fantasme dans la cure nous introduit nécessairement aux champs de la parole et de la logique ?

Tout d’abord, commençons par ce mot fantasme ? De manière assez courante, quand on dit « fantasme », on pense tout de suite aux fantasmes sexuels. Il est vrai qu’un fantasme peut être conçu comme un scénario imaginaire, en images, un scénario qui peut occuper le champ de la pensée de manière massive, pouvantt servir de support à l’acte sexuel par exemple mais pouvant aussi occuper le sujet pendant ses rêveries diurnes. Ces scénarios c’est quoi, et bien ce sont des images, des représentations psychiques investies d’une certaine énergie sexuelle, de libido plus exactement. Ces représentations conscientes peuvent alimenter l’excitation par exemple, ou encore relayer, connecter avec ce qui se passe dans son corps. Il y a donc un lien à faire entre des images psychiques et les effets que cela produit dans le corps. Ces fantasmes, conscients, au sens de phantasies, ont-ils un rapport avec Le fantasme, si oui, lequel ?

Le fantasme, celui qui va être cœur de notre séminaire est, lui, inconscient, il échappe à la conscience, contrairement aux scénarios, rêveries… et on l’appelle le fantasme fondamental. Il se présente sous la forme d’une formule, une écriture $<>a. Nous verrons en quoi cette dimension d’écriture prend toute sa valeur.

Mais avant d’aborder cette écriture complexe, énigmatique, et essayer de la faire vivre pour ne pas de nous laisser figer par elle, nous devons nous intéresser à son histoire dans l’œuvre lacanienne. Lacan l’introduit vers 1958, dans un temps concomitant avec le graphe du désir. Sa première apparition est dans Les formations de l’inconscient où le fantasme est définit comme le masque du désir. Donc ce que nous pouvons dire c’est que le fantasme a à voir, est en lien avec quelque chose que l’on appelle désir.

Dans le graphe du désir, cette formule se situe juste en face du désir et ce n’est pas pour rien que cette formule vient se placer là. Nous y reviendrons bien sûr, sur ce graphe.

Juste un petit mot pour vous dire qu’aborder la psychanalyse, et notamment avec Lacan, c’est aborder le champ de la topologie. Cela peut apparaître rebutant, et cela l’est mais cela dit, cela peut aussi être très amusant. Trois temps topologiques différents marquent l’œuvre lacanienne : d’abord les graphes, les surfaces et enfin les nœuds. Nous allons donc démarrer avec les graphes.

Le graphe du désir est un schéma où s’inscrit les différents temps de la structuration du sujet. C’est dans ce mouvement de subjectivation, comment un enfant naît à la parole et au langage, au désir, que le fantasme fondamental se constitue. Nous y reviendrons plus en détail mais vous devez retenir que cette constitution, se nouage du fantasme fondamental est consécutive à l’apparition pour le sujet de la question de son désir et l’énigme du désir de l’Autre.

L’enfant se constitue avec l’Autre tout en s’en séparant. C’est à travers les mots, la présence et l’absence de la mère que l’enfant se construit et c’est surtout via le désir de l’Autre maternel que le sujet constitue son désir. Le désir du sujet est un désir de désir. Et la mère, parce qu’elle est manquante, et bien elle désire et son désir tourne autour d’un objet qui lui manque : le phallus. Le phallus est par excellence l’objet du désir, aussi bien pour l’homme que pour la femme, celui qui ne s’attrape jamais puisqu’il est lui-même manque. Ceci est important car de fait, l’enfant et la mère ne sont jamais en relation duelle, il y a toujours cette dimension tierce, l’objet du désir de la mère, le phallus.

Retenez donc pour l’instant que le nouage du fantasme fondamental se fait à un moment précis de la vie psychique du sujet et que son instauration vaut comme réponse à la rencontre avec le manque : dans ce moment de chute et de vacillement où le sujet est face à l’énigme du désir, celui de l’Autre puis le sien, un objet va surgir et qui va lui servir de support, le retenir dans ce moment de chute. Cet objet, que l’on nomme @, nous reviendrons dessus, et bien le sujet s’y identifie : mieux vaut être cet objet pour l’Autre que s’évanouir, disparaître : il devient l’objet. Donc le fantasme, en liant le sujet avec l’objet est une tentative de faire consister le désir, qui est par essence manque.

La parole est le second terme de l’argument : et oui, nous allons nous interroger sur ce que c’est que de parler. La psychanalyse, et c’est ce qui nous rassemble ici, analyste et analysant aujourd’hui, est une expérience de la parole, et bien je crois qu’il est important que nous nous intéressions à ce que c’est que parler, et surtout, qu’est-ce qu’on fait quand on parle.

Car il y a parler et parler, et c’est là l’essentiel : on peut parler pour ne rien dire, parole vide, ronron et parler vrai et là, cela a des effets sur le sujet, sur son corps, celui qui parle est modifié, il n’est plus pareil avant qu’après : parler est un acte.

Parler c’est mettre en relation deux choses : la pensée et le corps. Souffle-vibration-transcription-vocalisation de la pensée : c’est dire. Parler vient du corps, avec le corps. Alors comment le fantasme se donne à entendre au fil de la parole de l’analysant ?

Car n’oublions pas que le fantasme est articulé en parole, c’est une phrase et que, si l’on ne parlait pas, on ne fantasmerait pas ! Les animaux ne fantasment pas.

C’est parce que l’on parle donc que l’on fantasme. Que fait l’analysant quand il arrive chez l’analyste, en parlant, il s’imagine : il croît à ce qu’il dit, il croit savoir ce qu’il dit.

Or, l’être parlant, du point où il parle ne s’entend pas, du point où il regarde, il ne se voit pas. C’est un fait de structure : le sujet est un effet de langage.

Pour Lacan, il n’y a qu’un sujet, celui de l’inconscient, dont la structure est la structure du langage et donc du signifiant. Le sujet s’introduit au langage et au signifiant par le biais de l’Autre maternel. D’entrer dans le symbolique, il perd une partie de lui-même, sa rencontre avec le signifiant le marque et le divise, il devient lui-même un signifiant sur la chaîne signifiante, au même titre que n’importe lequel. Un signifiant ayant cette particularité de ne pouvoir se signifier lui-même, le sujet ne peut ainsi se signifier lui-même. « Un signifiant est ce qui représente le sujet pour un autre signifiant ». (La structure du langage contient elle-même une division, une chaîne signifiante à double hélice, celle de l’énoncé et celle de l’énonciation et sont articulées à l’Autre, lieu des signifiants).

Un rappel sur le schéma L de Lacan qui vous permettra de repérer la structure quaternaire du langage, avec 4 termes, le S, sujet, le moi, l’autre et le grand Autre. Ce schéma est fondamental pour comprendre en quoi l’inconscient échappe au sujet et pourquoi, quand il parle, il ne s’entend pas.

C’est avec ce schéma que l’on peut représenter la relation du sujet à l’Autre, le trésor des signifiant, le lieu de la parole, aussi bien la mère, l’Autre maternel, avant que l’enfant ne parle, le lieu inconscient. Le message que le sujet reçoit de son inconscient est brouillé, altéré, intercepté par l’axe aa’, l’axe imaginaire, relation entre le moi et l’autre, autour duquel se construit les identifications imaginaires dans la relation spéculaire.

La relation spéculaire est celle que le moi du sujet entretient avec son semblable, l’autre avec un petit a. Cette relation spéculaire s’amorce avec un moment de l’évolution du sujet essentiel, celui où se forme la matrice du moi. C’est ce que Lacan nomme : le Stade du miroir. Le petit enfant se regarde dans le miroir, il s’identifie à son image, il se reconnaît dans son image : il croit être ce qu’il voit, alors que ce n’est que son image. Cette identification à l’image a pour effet de l’unifier, d’unifier ce corps qui était morcelé. C’est une étape décisive pour le petit enfant qui se cristallise ainsi dans son image et assoit son narcissisme. Cette image peut être le support de son identification (imaginaire) pour autant que l’Autre, sa mère le regarde et le reconnaît comme tel. Les mots qui entourent cette identification : « tu es celui-là » entérine ce d’instauration subjective. C’est à la fois un moment de séparation d’avec sa mère et un moment d’aliénation à l’image, illusion de lui-même. Cette première étape modélise les suivantes, c’est auprès des autres, de ses semblables, que le sujet va se comparer, s’identifier, se mesurer. Le moi apparaît donc dans sa dimension d’illusion et de leurre pour le sujet, il est le prisme par lequel le sujet se regarde et qui le leurre sur lui-même.

On pense ainsi à ces thérapies qui font la part belle au moi ! Ce n’est que renforcer l’illusion ! L’analyse est une expérience de la parole qui apprend non pas à se connaître mais à se dé-connaître !

Cette relation imaginaire spéculaire est donc tout à fait essentielle car elle interrompt, ralentit, inhibe le rapport de la parole entre le sujet et l’Autre ; ce message inconscient est « profondément méconnu, il est déformé, arrêté, capté, du fait de l’axe aa’ ».

Pourquoi donc nous intéresser à l’axe aa’, c’est parce que c’est sur cet axe que se déploie la relation imaginaire, le fantasme, cette relation qui lie le sujet avec ses semblables.

On ne peut tout dire et cependant, grâce au fantasme, à sa fonction de voile et de masque qu’il projette sur le trou du langage et bien le sujet peut s’imaginer être ce qu’il dit, être ce qu’il fait : il s’y croit ! c’est là la première illusion fondamentale !

Nous verrons cette année en quoi consiste le travail de l’analyste, comment son acte produit de la coupure sur le discours de l’analysant, en en révélant ainsi les aspérités et le relief faisant découvrir à celui qui parle une profondeur inédite de ses mots : les mots sont une matière vivante, ils ont un poids, une épaisseur, ils ne sont pas figés, mais sont mobiles et volatiles dans leur signification. En effet, pour un signifiant, vous pouvez avoir plusieurs signifiés. Éprouver que ce que l’on dit peut avoir un tout autre sens que ce que l’on pensait vouloir dire, surprend et suspend l’analysant qui découvre alors une altérité insoupçonnée dans l’équivocité de son dire. Qui parle en moi ? (« J’ai tout fait » = énoncé / j’étouffais= vérité inconsciente énonciation).

C’est ce décollement du pied de la lettre qui lui permet d’entrer dans son dire autrement, de pouvoir commencer à habiter sa parole, la soutenir, la porter, avec son corps.

Comment le travail de l’analyse va-t-il permettre à l’analysant d’entendre dans ce qu’il dit ce qu’il n’entendait pas ?

Comment séances après séances, sa parole va se densifier, devenir plus précise, acérée et lui permettre de décider, trancher, couper. Comment la parole traduisant et dévoilant simultanément une vérité inconsciente sur son désir, vérité qu’il portait sans le savoir, et bien comment cette parole va opérer une transformation silencieuse du sujet, dans son rapport à lui-même, au monde, aux objets ?

L’analyse est une expérience de la parole dans la mesure où elle favorise une transformation, une modification de l’objet oral, la parole qui de sa fonction de bouchon, de colmatage, de ciment peut prendre une valeur de tranchant et de coupe, ce qui ne produit pas les mêmes effets pour celui qui parle. Parler c’est découper : c’est le pouvoir séparateur du trait.

Dans le dire de l’analysant, quelque chose se révèle, se marque de la position imaginaire du sujet qui indique à l’analyste de quelle manière l’analysant se représente à lui-même, quelle position il veut occuper pour l’Autre. Le fantasme se donne donc à entendre, en filigrane d’abord, dans la parole de l’analysant. Pourquoi est-ce important que l’analyste le repère ? Et bien parce que le fantasme fondamental borde, est en interface avec le réel : il est celui qui le cadre mais aussi celui qui lui donne accès.

Dans quelle mesure ? Nous avons vu que son nouage ne s’effectue pas à n’importe quel moment dans la vie du sujet et qu’il offre une solution, un palliatif illusoire mais nécessaire dans ce temps où le sujet rencontre le manque (pour ne pas dire la castration) : c’est le temps d’instauration du refoulement originaire qui s’effectue et laisse la trace de son effectuation dans la marque qu’il laisse sur l’être du sujet, la barre qui s’appose sur le sujet.

Ceci est tout à fait essentiel car l’émergence de cette phrase inconsciente, cette écriture $<>a a à voir avec ce refoulement, il lui est lié. Cette formule contient en elle-même quelque chose de l’histoire du corps du sujet, et donc de sa jouissance, d’avant cette marque, cette trace indélébile de son entrée dans le langage.

Par quel biais ? Ne pouvons-nous pas dire que le poinçon de la formule, ce losange entre le sujet et le @ revêt cette fonction de marque de fabrique, ce lien avec l’origine ?

Le poinçon, c’est une estampille. C’est une signature, une marque de fabrique que l’on appose sur un bijou par exemple. Le poinçon placé entre le sujet et l’objet imprime l’originalité, la singularité, l’origine d’un certain rapport du sujet avec son objet. Quand on parlait tout à l’heure de cette formule qui condense en elle-même les traces, stigmates des rapports du sujet avec l’objet, le poinçon, dans sa dimension de sceau marque, oriente en lui-même ce rapport avec l’objet d’avant la division, la coupure. D’ailleurs cette formule peut se lire S barré coupure de a.

Le poinçon, c’est donc ce losange, orienté qui nous amène à notre troisième terme : logique.

Le poinçon est donc un opérateur logique qui permet de transformer, modifier la relation du sujet avec l’objet. Nous y reviendrons mais il faut retenir que ce poinçon est orienté, qu’il est à la fois ce qui conjoint et disjoint le sujet de l’objet. Cette écriture nous donne à lire qu’aussi bien le sujet peut être conjoint ou disjoint de son objet. Ce poinçon, aussi bien il peut se réduire à une fente ou à un trou. Il a une dimension pulsatile.

Alors qu’est-ce que ce fantasme, en quoi peut-il avoir à faire avec la logique ? Comment, l’imaginaire peut-il s’articuler avec de la logique ? C’est ce que nous tenterons de faire apparaître cette année.

La logique, c’est ce qui va nous suivre en filigrane, nous essayerons de faire quelques exercices, de s’amuser avec quelque chose qui apparaît comme rébarbatif ou encore effrayant : la logique, c’est aussi cela le réel, on y résiste. $<>a. Mathème, formule énigmatique, obscure que nous allons déployer tout au long de l’année.

La formule du fantasme comporte donc 3 éléments : le sujet barré, nous l’avons vu, à distinguer du moi, c’est le sujet de l’inconscient, il y a aussi le poinçon, opérateur logique qui permet différentes variations de rapport entre le sujet et l’objet et puis il y a l’objet, ce petit @.

Cette notion d’objet @ est complexe et il faut supporter que cette lettre @ et bien elle désigne plusieurs choses très distinctes et qu’elle n’a pas la même valeur en fonction de là où en est Lacan dans son développement. Mais ce n’est pas grave, il faut supporter de se perdre et de ne rien comprendre. Cet objet, le @, nous intéresse bien sûr et nous parcourrons son trajet au fil de l’œuvre lacanienne et ce qui nous guidera plus particulièrement c’est de saisir en quoi, au fond, Lacan n’a pas eu d’autre choix que d’user des mathématiques et de logique pour avancer sur le @, une nécessité de structure, une écriture qui tente d’écrire ce qui ne peut se dire, qui échappe au symbolique, qui reste irréductible. Mais avant d’en arriver à ce reste, ce @, nous déplierons ensemble les différentes facettes du @, ces différentes coutures, objet du désir, objet du fantasme, et nous tenterons de faire vivre cette formule, cette écriture et de ne pas rester figés par elle, exploration clinique de cette formule.

L’objet @ est une invention lacanienne tant complexe qu’essentielle à saisir dans la mesure où cet objet a concerne aussi bien l’analyste que l’analysant, nous verrons comment.

Cette mise en relation du sujet avec un objet, l’objet a, l’exploration que nous en faisons à travers la tentative de comprendre quelque chose à cette formule, nous amène à nous intéresser à la dimension de l’amour. Plusieurs questions s’offrent à nous :
 Qu’est-ce que recherche le sujet dans la relation amoureuse ?
 Pourquoi le sujet s’embraye-t-il sur la quête, la recherche d’un objet ?
 Qu’est-ce qui est recherché dans l’amour ?
 Qu’est-ce qui se passe dans l’attraction amoureuse ?
 Qu’est-ce qui fait qu’un objet devient attrayant pour le sujet, se pare de glamour, de coloration qui produit une attraction pour le sujet ?

Intéressons-nous d’abord à cette notion d’objet. Dans l’œuvre freudienne, la notion d’objet est essentiellement articulée à sa trouvaille ou plutôt de sa retrouvaille. L’objet est saisi par la voie d’une recherche de l’objet perdu.

« L’objet retrouvé est l’objet retrouvé du premier sevrage, l’objet qui a été d’abord le point d’attache des premières satisfactions de l’enfant » (séminaire IV, La relation d’objet).

Cette répétition de cette retrouvaille instaure une discordance « une nostalgie lie le sujet à l’objet perdu, à travers laquelle s’exerce tout l’effort de la recherche ».

Recherche d’une satisfaction perdue à jamais et qui fait rater la rencontre avec l’objet qui se présente : « le nouvel objet est… trouvé et saisi ailleurs qu’au point où il est cherché ».

Il existe donc une béance entre ce qui est cherché et ce qui est trouvé : ce n’est pas ça. « Une distance foncière ».

La première satisfaction éprouvée en appelle une autre : c’est la recherche de l’objet qui s’amorce, à travers la répétition, la recherche de l’objet et la retrouvaille avec l’objet perdu qui, du fait d’être perdu, ne peut être retrouvé comme tel : il manquera toujours.

C’est le manque qui est au cœur du champ de l’analyse, le manque, le phallus. Si nous avons vu que le phallus était cet élément tiers entre l’enfant et la mère, l’objet du désir, il est aussi l’élément tiers entre l’homme et la femme. C’est d’ailleurs en tant que tel qu’il est le responsable du ratage. Lacan nous précise d’ailleurs, dans la relation d’objet que si cette harmonie existait entre l’homme et la femme, la femme étant l’objet génital par excellence, et bien l’analyse n’aurait pas lieu d’être : c’est bien parce que ce n’est pas ça, que l’objet comblant, total qui correspondrait exactement n’existe pas qu’il y a disharmonie, que ça rate. Dans ce registre du rapport de l’homme et de la femme, quelque chose ne va pas, il y a une béance.

Nous voyons là que c’est le manque qui est au centre de l’expérience du sujet et c’est ce manque qui insuffle le mouvement vital, qui embraye le sujet sur la voie du désir : c’est par le manque que nous allons aborder l’objet.

Nous avons vu que l’objet du désir est fondamentalement manque, c’est cet objet que l’on appelle le phallus.

C’est le circuit qu’effectue le sujet à la recherche de l’objet du désir qui nous intéresse. Cette notion de circuit nous introduit à la dimension de la pulsion et du sexuel. Voilà la trace, trace sur le corps, les marques laissées par les différentes séparations, qui vont guider le sujet dans sa rencontre avec les objets de désir, substituts en série du premier objet d’amour primordial, la mère, pour tenter de retrouver ce qui s’est perdu en devant être de langage, parlêtre.

Donc nous repérons que c’est bien le corps et la pulsion qui sont au premier plan de la rencontre amoureuse, le corps, en tant qu’il contient cette réserve libidinale est convoqué, activé dans le choix d’objet, l’attraction amoureuse. Le corps oui mais de quelle manière ?

C’est par la voie d’un manque qui concerne le sujet que se fait la connexion avec l’objet choisi. Ce qui manque au sujet est mis en lien avec l’objet désiré, l’objet aimé est investi par le sujet comme trace possible de ce qu’il a perdu.

Comment cela peut-il se produire, comment l’objet choisi peut-il recéler quelque chose qui manque au sujet ? Nous tenterons de répondre à ces questions en progressant du côté de l’analyse de cet objet @.

Lorsque le sujet rencontre l’objet aimé, il y croit, il est en plein dans le leurre et l’illusion que c’est lui, elle, que nous ne faisons qu’un ! Et d’ailleurs, dans toute rencontre amoureuse, au début, cela fonctionne comme tel, ça marche. C’est la fonction de l’objet du fantasme, du désir, il est celui qui illusionne le sujet sur son manque : il aurait trouvé sa moitié ! Il aurait trouvé ce qu’il cherchait ! C’est donc là le fantasme dans sa fonction de voile.

Alors ce manque, fondamental, désir du sujet, comment se déploie-t-il ? J’ai intitulé cette séance : « tu me m@nques », vous me direz, c’est une phrase assez courante, un énoncé très banal, mais qui traduit précisément ce qu’il en est dans l’amour et le désir : c’est une histoire de manque.

D’abord ce tu me manques se décline : tu m’as manqué, si je te manque…

Comment entendre cette assertion ? Tumemanques, tumaimemanque. C’est l’amoureux qui dit cela à sa belle, en lui signifiant : « tu me manques » que croit-il lui dire ? Qu’est-ce qu’il n’entend pas ?

Tu me manques

« Je pense à toi, je réalise dans ton absence ta présence, c’est parce que tu me manques que je peux éprouver ton existence » : dans chaque rencontre il y a de la séparation et dans chaque séparation de la rencontre. La rencontre est fondamentalement articulée à une séparation, rencontre/séparation sont dans un rapport logique. C’est ce que nous retrouverons du côté du poinçon qui lie le sujet à l’objet.

« C’est parce que tu peux me manquer que je peux te désirer : le désir c’est le manque ». Cela nous ramène à un fait de structure : le sujet, d’être manquant, est désirant. Nous reviendrons sur la manière dont il peut appréhender son manque, au cours de l’analyse.

D’autre part, tu me manques, c’est aussi tu me loupes, tu me rates : il y a du raté dans la rencontre.

Dans le manqué de la rencontre, c’est son propre manque que le sujet rencontre : c’est ce que Lacan souligne dans sa conception de l’amour : « aimer, c’est donner ce qu’on n’a pas. Aimer c’est offrir quelque chose qu’on n’a pas à qq’un qui n’en veut pas ».

Le sujet cherche en l’autre ce qui lui manque : l’amour est narcissique : on cherche en l’autre une partie de soi. Nous entrons là au cœur du sujet, de notre sujet pris avec les affres de l’amour et qui rencontre dans le ratage son propre manque : cette rencontre avec son propre manque est indiquée par la dimension réflexive de « tu me manques ». C’est quand le partenaire que le sujet avait choisi ne permet plus l’illusion de faire Un !

Comment l’analysant en arrive-t-il à cette déconvenue, à cette réalité ? C’est tout le travail progressif de l’analysant au cours de sa cure : qu’est-ce que cet objet qui manque au sujet ? Est-ce la partenaire ou plus particulièrement quelque chose en lui qui manque au sujet et qu’il croyait trouver en l’autre ?

Comment peut-il croire trouver chez l’autre ce qui lui manque ? Quel est ce manque en lui, manque qui le cause et le pousse à chercher symptomatiquement, de manière réitérée, chez ses différents partenaires, objets rencontrés, quelque chose qui lui appartient mais qu’il aurait perdu ?

Ces questions bien sûr apparaissent peu à peu, il faut d’abord que le voile ait pu se soulever et que l’analysant éprouvé par ses différents ratages, saisissent quelque chose de ces ratés : car ce qui se répète, c’est le ratage, c’est le « tu me manques » et c’est au fil de ce qui se répète que quelque chose de la vérité du sujet. Comment l’analysant va pouvoir peu à peu déchiffrer, repérer une mêmeté dans cette différence, comment il va pouvoir épingler, dans la récurrence d’un même scénario, ou d’une même chute, la structure du fantasme qui l’agi et agite ? La structure même du fantasme apparaît là dans sa dimension d’invariant malgré la pluralité des situations.

Éprouver que quelque chose lui manque et que c’est ce qu’il cherche ainsi, frénétiquement chez l’autre, et bien l’analysant, cela va l’interpeller voir l’interloquer ! Car au fond, si on y réfléchit bien, comment éprouver la consistance du manque ? Comment quelque chose qui manque peut-il être éprouvé puisqu’il manque ?

Ce qui me manque ne me manque pas puisqu’il n’est pas… Ce qui me manque, ainsi, aussi bien je l’ai ! (On passe là à une autre logique que la logique d’exclusion, plus ou moins, cela est ou cela n’est pas.) Le logique caoutchouc, de déformation, une logique qui conjoint l’identique et le différent, voilà à quoi nous amène le processus analytique et c’est avec la topologie que nous pourrons tenter d’y comprendre quelque chose.

Donc cet objet du désir, celui avec qui on tente de réaliser l’amour et bien c’est ça et ce n’est pas ça ! Alors que le ratage de la rencontre renvoyait à l’échec et à la désillusion : ce n’est pas ça, là nous arrivons à une formulation : c’est ça et pas ça en même temps. Il y a donc à présent une nuance qui aura son importance.

Poursuivons : cet objet @, objet du fantasme, nous l’avons tout d’abord aborder comme cet objet brillant qui attirait le sujet et permettait l’illusion de la complétude : on ne fait qu’un ! Nous avons aussi poser la question de ce qui dans l’objet était visé par le sujet ? En connexion avec ce qui lui manquait. Maintenant abordons cet objet davantage sous l’angle du réel, réel que l’angoisse qui apparaît alors, signale.

Après avoir abordé le fantasme dans son versant imaginaire illusoire qui opère comme voile sur le réel, en tant qu’il le bouche et bien comment le fantasme peut aussi prendre une tournure plus sombre et noire, voire cataclysmique pour l’analysant quand justement celui-ci tente de faire consister dans la réalité ce qu’il n’y a pas, c’est à dire, faire consister le manque.

Quand faire passer le fantasme inconscient dans le champ de la réalité peut mettre en péril le sujet. Comment d’interface avec le réel, bord, cadre, le fantasme sort de son lit et plonge le sujet dans le réel.

Pourquoi ce biais nous intéresse-t-il ? Parce qu’il prend le contrepoint de la manière usuelle dont on a l’habitude de l’aborder, par le scénario oedipien, papa, maman, comment je me mets à la place de maman, comment je recherche des hommes comme papa etc. Mais c’est oublier le réel qui est là, juste derrière, prêt à produire la ruine du sujet : c’est le réel de l’imaginaire. On passe de la lune de miel à la lune de fiel : retournement. L’horreur n’est plus contenue dans le scénario imaginaire, l’horreur guette le sujet, il est au seuil, sur le bord : quand la rencontre avec l’objet vire à la Tuché ! C’est la mauvaise rencontre.

Comment peut-on se mettre en danger lorsque l’on tente de mettre en acte le fantasme ? Comment le fantasme, inconscient, en rentrant en collusion avec la réalité, comment tout à coup, alors qu’il médiatisait, régulait la jouissance et le réel, perd de son efficace, s’actualise dans le réel, devient le réel et fait entrer le sujet dans l’histoire, dans le trou de l’histoire.

Nous avons vu que le fantasme est une structure qui fait tenir debout, une structure imaginaire, illusoire mais nécessaire : il a une structure symbolique, c’est une phrase, il est soumis au lois du langage, il obéit à des règles sémantiques, il permet de scénariser, de mettre en scène la pulsion, le @, tout en maintenant suffisamment à distance, une distance qui aura son importance, le sujet du réel de la pulsion, le réel du sexuel, traumatique. Le fantasme donc, c’est ce qui maintient à distance le sujet du réel. Il est ce qui voile le réel mais il est aussi celui qui en donne l’accès.

C’est souvent d’ailleurs la rencontre avec le réel qui peut conduire quelqu’un chez l’analyste. Donc, on est dans la linéarité de sa vie, les choses sont en place, plus ou moins bien d’ailleurs, mais il y a une sorte de régulation des choses qui s’effectue et le parlêtre est régi par son fantasme et il tient debout, grâce à cette illusion nécessaire. Puis parfois, il se produit un évènement, un trébuchement qui vient rompre, briser la ligne : quelque chose se suspend, s’arrête : le train-train.

Cet accroc, c’est la manifestation de l’inconscient : c’est une rencontre, qui vient de l’extérieur et qui fait événement : c’est la définition du réel : ce qui n’est pas suffisamment symbolisé fait retour du dehors à la même place. Ce qui était ordonné ce dérègle, ce qui régulait les forces obscures, pulsionnelles se déchaînent, et c’est un moment de vacillement subjectif, le flot se déverse, ruisselle : des larmes, la parole que l’on arrête plus, des symptômes qui apparaissent.

Il y a de l’événement, le sujet est interdit, il ne se retrouve plus, il est modifié. (Modification de surface). C’est un moment de bouleversement qui conduit l’analysant chez l’analyste car dans ce qui lui échappe, le sujet veut comprendre, il veut savoir ce qui lui arrive et dans sa démarche, et bien il fait bien car il va venir parler et si au départ, il n’a aucune idée de ce qu’il fait quand il parle et bien peu à peu, en affinant la justesse de son dire, il va pouvoir commencer à se situer : parler juste c’est se situer.

Dans l’analyse aussi bien, l’analysant peut être amené à rencontrer des situations qui produisent la rupture de l’équilibre, réoriente le réel, et c’est en cela que l’analyste doit être attentif. Dans la troisième, Lacan énonce cette phrase qui prend toute sa portée dans le maniement du transfert : « le sens du symptôme dépend de l’avenir du réel ». C’est à l’analyste de repérer dans la cure de l’analysant, les éventuelles mise en acte dans la réalité du fantasme inconscient, car cela peut avoir des conséquences et des remaniements importants dans la vie du sujet.

Une rencontre amoureuse peut tout à fait produire une entrée dans le réel de l’histoire. Une rencontre renversante au sens premier du terme, qui peut être l’occasion pour le sujet de se retourner littéralement, être à l’envers de lui-même : l’équilibre est perturbé, l’état de conscience modifiée, tel l’état hypnotique.

De quel objet parle-t-on ? Lorsque l’on parle de celui qui est capable d’intercepter le champ du sujet et le modifier profondément ? Jusqu’à lui en faire perdre la raison. Dans cette rencontre avec l’objet, raison et passion s’affrontent.

Le sujet est à l’intérieur de la bulle, il regarde à l’extérieur, à travers l’écran du fantasme et il voit l’objet, l’objet devant lui, à distance raisonnable. C’est l’objet qu’il désire mais il ne peut l’avoir et du coup, il le désire. Mais si le sujet s’approche trop de l’objet, c’est le cadre, l’écran qui se crève c’est l’apparition de l’angoisse. Cette question de la distance avec l’objet est tout à fait importante et essentielle, précisémant dans le maniement du transfert.

Nous en sommes là à tenter de comprendre comment la rencontre avec un signifiant particulier peut tout faire chavirer : un signifiant comme un nom propre par exemple, ou encore d’autres signifiant que le sujet rencontre par le biais du partenaire, de l’autre.

Nous abordons quelque chose d’important : le brillant de l’objet qui appelle le sujet, l’aspire, n’est pas tant le partenaire que ce qu’il porte. C’est ce que l’autre recèle comme agalma, silène mystérieux en lui et qui attire le sujet. Cela peut être un trait particulier, la même profession que le père, un regard triste, une mèche de cheveux, un trait d’identification, qui va favoriser le lien, la connexion inconsciente entre l’histoire infantile, oedipienne et l’actuel.

Nous pouvons remarquer qu’il y a une progression entre tout à l’heure, où c’était l’objet, le partenaire qui était pris comme objet total, comblant et illusionnant sur la recherche de la complémentarité et maintenant où c’est quelque chose, l’objet, dans l’objet qui fait point d’appel pour le sujet. Il y a un travail de précision, de réduction qui s’opère.

Ces signifiants que le sujet retrouve chez l’autre sont en fait les propres signifiants de son histoire, signifiants refoulés, cette part qui lui manque et qu’il rencontre chez l’autre, à l’extérieur.

Ces signifiants refoulés : que sont-ils ?

C’est ce qui reste de ces premiers moments de vie, des premières séparations d’avec l’objet d’amour, la mère, mais aussi constitué par les restes de ce qu’il a entendu et prélevé de la bouche, du corps de l’Autre, ses mots, ses cris… ses bruits quand celle-ce s’adressait à lui ou le quittait, ou le retrouvait… Bref, le petit enfant qui vient au langage y vient par les mots de l’Autre, grand Autre, trésor des signifiants. Pris dans ce bain de mots, il prélève, assimile, retient et s’identifie bien sûr à des mots, un nom. Ce qu’il prélève aussi c’est la jouissance de l’Autre, ce qu’il repère c’est son plaisir, son déplaisir, ses affects, il est branché avec l’Autre et il se construit de lui tout en séparant.

Rivé sur cet autre qui rassemble en lui, nom, situation, lieu, physique et le sujet est hypnotisé par l’objet, c’est tout pour l’autre ; il se fait objet du désir de l’Autre. Il ne sait plus qui il est, où il est, c’est la folie la plus commune, l’état amoureux.

Au cours de l’analyse, l’analysant peut être amené à faire des rencontres de fortes intensité avec des partenaires qui condense une telle somme de traits, de signifiants de l’histoire infantile que cela peut faire exploser tous les repères : il est vrillé, décentré de sa trajectoire, décentré de son désir, parfois au point de se perdre lui-même devant cette rencontre avec ces signifiants qui font surgir devant lui le réel de son histoire. La rencontre avec l’autre et ce qui transite avec lui convoque le sujet au seuil du traumatisme de son histoire : il est, poussé, malgré lui, à devoir répéter quelque chose de l’histoire parentale par exemple, sans pouvoir empêcher la répétition. Ce qui se déchaîne dans ce moment de réel, c’est la pulsion, c’est le corps : le corps c’est la passion.

L’attraction du sujet est produite sur le corps : c’est bien la psyché mais tout aussi bien le corps qui est appelé à répondre aux signifiants que l’autre renvoie. Les signifiants que porte le partenaire, tel son nom propre, ou son métier, sont de véritables points d’appel à la jouissance. N’oublions pas que le corps se constitue, est pétri de mots, de langage, les signifiants auxquels le sujet s’est accroché, identifié pour se construire sont de véritables marques, stigmates sur le corps, et donc autant de traces pulsionnelles qui ne demandent qu’à être rassasié. (La bouche, le sein, la voix, les fécès, le regard).

Le sujet peut être saisi par une image, le beau, du côté du champ visuel et de l’image comblante, narcissique. Cela peut être une voix, un accent qui réveille une émotion, un souvenir, une trace ancienne, cela peut être un mot qu’il prononce.

L’objet du fantasme, l’objet a constitue un point d’attraction visant à produire l’amour, cet affect qui nous donne tellement le sentiment d’exister comme être !

On est alors confronté à la puissance de l’imaginaire, à la puissance du fantasme et des signifiants sur le sujet. C’est l’envers du fantasme qui se dévoile dans sa dimension de ruine et d’anéantissement, voire de mort. C’est la pulsion de mort qui est à l’œuvre dans ce qui se répète. Répétition et réel trouvent leur rapport dans la définition que Lacan donne du réel, ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire.

Cette répétition de l’histoire, qui téléguide le sujet, malgré lui, ne permet pas au sujet de s’inscrire dans son histoire, au contraire, il ne fait que répéter l’histoire, celle de ses parents, qui sont les premiers objets qu’il a rencontrés et qui ont forgé son rapport au désir, trace qui suit un tracé déjà effectué, qui tourne donc en rond. Alors que l’enjeu de l’analyse est que le sujet puisse sortir de la trame de son histoire infantile afin de pouvoir tracer lui-même sa propre trajectoire.

C’est les coupures produites par l’analyste sur le discours mais aussi progressivement par l’analysant lui-même qui va permettre que sa parole s’acère, devienne tranchante, une parole qui acte et ainsi puisse faire coupure sur le cercle de la répétition. Répétition qui pourra s’interrompre permettant au sujet de choisir son destin, en connaissance de cause, en pouvant décider et non plus en ne s’apercevant pas que jusqu’alors, il ne faisait que répéter l’histoire sans le savoir, inconscient des signifiants auxquels il était aliéné.

Reconnaître que l’on est manquant, reconnaître que ce que l’on recherche en l’autre, c’est ce dont on manque voilà le travail de subjectivation que va permettre la cure analytique : désir de reconnaissance-reconnaissance du désir, du manque.

C’est l’illusion sur l’amour et la complétude avec l’autre qui va peu à peu être levée au cours de l’analyse. De quelque manière qu’il cherche à se combler, il reste manquant et entamé : ce n’est pas ça. C’est autour de la relation transférentielle avec l’analyste, positionné comme objet a, à la fois agalma mais aussi objet cause que le dévoilement de l’amour et de sa dimension de tromperie pourra s’effectuer. Car si l’analyste se prête comme objet a dans le transfert, favorisant par ce biais l’actualisation, la présentification de ce qui était refoulé, il n’en est pas moins averti, du moins on le souhaite, des ruses et des feintes du névrosé pour ne pas voir ce qui le guette : son manque et les tentatives d’embarquer l’Autre dans son leurre.

Dans le séminaire, Les 4 concepts, Lacan rappelle : « À persuader l’autre qu’il a ce qui peut nous compléter, nous nous assurons de pouvoir méconnaître précisément ce qui nous manque ».

Pour conclure ce soir, je vous donne 5 questions importantes qui guideront le travail :
 1 — Pourquoi l’analyste doit-il repérer la structure du fantasme ?
 2 — En quoi ce repérage oriente-il le patient dans le réel ?
 3 — Comment le fantasme se repère-t-il dans la parole et le symptôme ?
 4 — Comment cette écriture $<>a se déploie-t-elle dans le transfert ?
 5 — La place du fantasme dans la fin de l’analyse ? En quoi c’est sa traversée par l’analyste qui va venir conditionner la valeur éthique de l’acte analytique ? Quelles conséquences pour les analysants ?

Ce sont des questions essentielles que je me pose en tant qu’analyste et qui m’ont amenée à proposer ce séminaire : que fait l’analyste du savoir qui s’extrait de la cure ? Comment en rendre compte ?

Comment, par sa prise de parole sur sa pratique, l’analyste renouvelle sans cesse son engagement dans sa pratique, comment il relance ainsi l’Éthique de son acte ?

C’est la position de l’analyste face à son désir, la manière dont il le soutient qui va faire la différence, soutenir son désir s’il veut produire un acte de qualité. Le fantasme, sa traversée, renvoie donc à la question de l’acte et de l’éthique. Cette dimension éthique c’est ce que partagent analyste et analysant dans le travail de la cure. L’exigence de l’analyste dans son positionnement est la condition préalable afin que l’analysant puisse la découvrir et la soutenir à son tour.

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