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Richard von Krafft-Ebing

La sphère sexuelle et le sens olfactif

Psychopathia Sexualis : II. — Faits physiologiques

Date de mise en ligne : mardi 8 avril 2008

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Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

II
FAITS PHYSIOLOGIQUES

Maturité sexuelle. — La limite d’âge dans la vie sexuelle. — Le sens sexuel. — Localisation. — Le développement physiologique de la vie sexuelle. — Érection. — Le centre d’érection. — La sphère sexuelle et le sens olfactif. — La flagellation comme excitant des sens. — La secte des flagellants. — Le Flagellum salutis de Paullini. — Zones érogènes. — L’empire sur l’instinct sexuel. — Cohabitation. — Éjaculation.

La cause importante et centrale du mécanisme sexuel réside dans la périphérie du cerveau. Il est tout naturel de supposer qu’une région de cette périphérie (centre cérébral) soit le siège des manifestations et des sensations sexuelles, des images et des désirs, le lieu d’origine de tous les phénomènes psychosomatiques qu’on désigne ordinairement sous les noms de sens sexuel, sens génésique et instinct sexuel. Ce centre peut être animé aussi bien par des excitations centrales que par des excitations périphériques.

Des excitations centrales peuvent se produire par suite d’irritations organiques dues à des maladies de la périphérie du cerveau. Elles se produisent physiologiquement par des excitations psychiques (représentations de la mémoire ou perceptions des sens).

Dans les conditions physiologiques, il s’agit surtout de perceptions visuelles et d’images évoquées par la mémoire (par exemple, par une lecture lascive) ; puis d’impressions tactiles (attouchements, serrements de mains, accolade, etc.). Par contre le sens auditif et le sens olfactif ne jouent qu’un rôle secondaire dans le domaine physiologique. Mais, dans certaines circonstances pathologiques, ce dernier a une grande importance pour l’excitation sexuelle. Chez les animaux, l’influence des perceptions olfactives sur le sens génésique est de toute évidence. Althaus (Beiträge zur Physiol. u. Pathol. des Olfactorius, Arch. für Psych., XII, H. 1) déclare nettement que le sens olfactif est d’une grande importance pour la reproduction de l’espèce. Il fait ressortir que les animaux de sexe différent sont attirés l’un vers l’autre par la perception olfactive et que, à la période du rut, il s’exhale de leurs parties génitales une odeur pénétrante. Une expérience faite par Schiff vient à l’appui de cette assertion. Schiff a enlevé les nerfs olfactifs à de jeunes chiens nouveau-nés, et il a constaté que ces mêmes chiens, devenus grands, ne pouvaient distinguer un mâle d’une femelle. Mantegazza (Hygiène de l’amour) a fait un essai en sens inverse. Il a enlevé les yeux à des lapins et il a constaté que cette défectuosité artificielle n’a nullement empêché l’accouplement de ces animaux. Cette expérience nous montre quelle importance paraît avoir le sens olfactif dans la vita sexualis des animaux.

Il est à noter aussi que certains animaux (musc, chat de Zibeth, castor) ont, dans les parties génitales, des glandes qui dégagent des matières fortement odorantes.

Même en ce qui concerne l’homme, Althaus a mis en relief les corrélations qui existent entre le sens olfactif et le sens génésique. Il cite Cloquet (Osphrésiologie, Paris, 1826). Celui-ci appelle l’attention sur le pouvoir excitant des fleurs ; il rappelle l’exemple de Richelieu qui vivait dans une atmosphère imprégnée des plus forts parfums pour stimuler ses fonctions sexuelles.

Zippe (Wiener med. Wochenschrift, 1879, nº 25), parlant d’un cas de kleptomanie observé chez un onaniste, fait aussi ressortir ces corrélations, et il cite comme témoin Hildebrand qui dit, dans sa Physiologie populaire : « On ne peut pas nier que le sens olfactif n’ait quelque connexité avec les fonctions sexuelles. » Les parfums des fleurs provoquent souvent des sensations de volupté et, si nous nous rappelons ce passage du Cantique des cantiques : « Mes mains dégouttaient de myrrhe et la myrrhe s’est écoulée sur mes doigts posés sur le verrou de la serrure », — nous verrons que le roi Salomon avait déjà fait cette observation. En Orient, les parfums sont très aimés à cause de leur effet sur les parties génitales, et les appartements des femmes du Sultan exhalent l’odeur de toutes sortes de fleurs.

Most, professeur à Rostock, raconte le fait suivant : « J’ai appris d’un jeune paysan voluptueux qu’il avait excité à la volupté maintes filles chastes et atteint facilement son but en passant, pendant la danse, son mouchoir sous ses aisselles et en essuyant ensuite, avec ce mouchoir, la figure de sa danseuse. » La perception intime de la transpiration d’une personne peut devenir la première cause d’un amour passionné. Comme preuve, nous citerons le cas de Henri III qui, à l’occasion des noces de Marguerite de Valois avec le roi de Navarre, s’essuya la figure avec la chemise trempée de sueur de Marie de Clèves. Bien que Marie fût la fiancée du prince de Condé, Henri conçut subitement pour elle une passion si violente qu’il n’y pouvait résister et que, fait historique, il la rendit pour cela très malheureuse. On raconte un fait analogue sur Henri IV. Sa passion pour la belle Gabrielle aurait pris naissance parce que, dans un bal, il se serait essuyé le front avec le mouchoir de cette dame.

Le professeur Jaeger (Entdecke der Seele) indique dans son livre le même fait, quand il dit (page 173) que la sueur joue un rôle important dans les affections sexuelles et qu’elle exerce une vraie séduction.

De la lecture de l’ouvrage de Ploss (Das Weib), il ressort que, en psychologie, on voit maintes fois la transpiration du corps exercer une sorte d’attraction sur une personne d’un autre sexe.

À ce propos, il faut citer un usage qui, au rapport de Jagor, exista chez les amoureux indigènes des îles Philippines. Lorsqu’il arrive, dans ce pays, qu’un couple amoureux est forcé de se séparer pour quelque temps, l’homme et la femme échangent des pièces de linge dont ils se sont servis, pour s’assurer une mutuelle fidélité. Ces objets sont soigneusement gardés, couverts de baisers et reniflés. La prédilection de certains libertins et de certaines femmes sensuelles pour les parfums [1] prouve également la connexité qui existe entre le sens olfactif et le sens sexuel.

Il faut encore citer un cas très remarquable, rapporté par Heschl (Wiener Zeitschrift f. pract. Heilkunde, 22 März 1861), cas où il a constaté simultanément le manque des deux bosses olfactives et l’atrophie des parties génitales. Il s’agissait d’un homme de quarante-cinq ans, bien fait, dont les testicules avaient le volume d’une fève, étaient dépourvus de canaux déférents et dont le larynx avait des dimensions féminines. Il y avait chez lui absence totale de nerfs olfactifs. Le triangle olfactif et le sillon à la base inférieure des lobes antérieurs du cerveau manquaient également. Les trous de la lame criblée étaient clairsemés ; au lieu de nerfs, c’étaient des prolongements de la dure-mère qui passaient par ces trous. Sur la membrane pituitaire du nez, on constatait la même absence de nerfs. Il faut noter aussi le consensus qui se manifeste nettement entre l’organe olfactif et l’organe sexuel dans certaines maladies mentales. Les hallucinations olfactives sont très fréquentes dans les psychoses des deux sexes qui ont pour origine la masturbation, de même que dans les psychoses des femmes, causées par les maladies des parties génitales ou les phénomènes de la ménopause ; par contre, dans les cas où il n’y a pas de causes sexuelles, les hallucinations olfactives sont très rares.

Je mets en doute cependant que, chez les individus normaux, les sensations olfactives jouent, comme chez les animaux, un grand rôle dans l’excitation du centre sexuel [2].

Nous avons cru devoir parler, dès maintenant, de la connexité qui existe entre le sens olfactif et le sens sexuel, étant donnée l’importance de ce consensus pour la compréhension de certains cas pathologiques.

Il y a, à côté de ces rapports physiologiques, un fait intéressant à noter : c’est qu’il existe une certaine analogie histologique entre le nez et les organes génitaux, puisque tous deux (y compris le mamelon) contiennent un tissu érectile.

J.N. Mackenzie (Journal of medical Science, 1884) a rapporté, à ce sujet, de curieuses observations cliniques et physiologiques. Il a constaté : 1º que chez un certain nombre de femmes, dont le nez était sain, il se produisait régulièrement, à l’époque de la menstruation, une congestion des corps bulbeux du nez, qui disparaissait après la menstruation ; 2º le phénomène d’une menstruation nasale substitutrice qui, plus tard, a été souvent remplacée par une hémorrhagie utérine, mais qui, dans certains cas, s’est manifestée périodiquement au moment de la menstruation, pendant toute la durée de la vie sexuelle ; 3º des phénomènes d’irritation nasale, tels que des éternuements, etc., au moment d’une émotion sexuelle ; et 4º l’inverse de ce phénomène, c’est-à-dire des excitations accidentelles du système génital, à la suite d’une maladie du nez.

Mackenzie a aussi observé que, chez beaucoup de femmes atteintes de maladies du nez, ces maladies empirent pendant la menstruation ; il a, en outre, constaté que des excès in Venere peuvent provoquer une inflammation de la membrane pituitaire ou l’accentuer si elle existe déjà.

Il rappelle aussi ce fait d’expérience que les masturbateurs sont ordinairement atteints de maladies du nez et souffrent souvent d’impressions olfactives anormales, de même que de rhinorrhagies. D’après les expériences de Mackenzie, il y a des maladies du nez qui résistent à tout traitement tant qu’on n’a pas supprimé les maladies génitales qui existent en même temps chez le malade et qui, peut-être, sont la cause de la maladie nasale.

La sphère sexuelle de l’écorce cérébrale peut être excitée par des phénomènes produits dans les organes génitaux et dans le sens des désirs et des représentations sexuels. Cet effet peut être produit par tous les éléments qui, par une action centripète, excitent le centre d’érection (excitation des vésicules séminales quand elles sont remplies ; gonflement des follicules de Graf ; excitation sensible quelconque, produite dans le voisinage des parties génitales ; hyperhémie et turgescence des parties génitales, particulièrement des organes érectiles, des corps caverneux du pénis, du clitoris ; vie sédentaire et luxueuse ; plethora abdominalis ; température élevée ; lit chaud ; vêtements chauds ; usage de cantharide, de poivre et d’autres épices).

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

Notes

[1Comparer Laycock (Nervous diseases of women, 1840), qui trouve un rapport entre la prédilection pour le musc et les parfums similaires et l’exaltation sexuelle chez les femmes.

[2L’observation suivante, que nous donne Binet, semble contredire cette opinion. Malheureusement il ne nous a rien dit sur la personnalité du sujet de son observation. Dans tous les cas, sa constatation est très significative pour la connexité qui existe entre le sens olfactif et le sens sexuel. D..., étudiant en médecine, étant assis un jour sur un banc dans un square et occupé à lire un livre de pathologie, remarqua que, depuis un moment, il était gêné par une érection persistante. En se retournant, il s’aperçut qu’une femme qui répandait une odeur assez forte, était assise sur l’autre bout du banc. Il attribua à l’impression olfactive, qu’il avait ressentie sans en avoir conscience, le phénomène d’excitation génitale.

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