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J.-A. Dulaure

Du Culte du Phallus parmi les Chrétiens

Les divinités génératrices (Chapitre XI)

Date de mise en ligne : dimanche 23 décembre 2007

Mots-clés :

Jacques-Antoine Dulaure, Des Divinités génératrices, ou du Culte du Phallus chez les anciens et les modernes, Éd. Dentu, Paris, 1805.

CHAPITRE XI
DU CULTE DU PHALLUS PARMI LES CHRÉTIENS, DES FASCINUM OU FESNES, DES MANDRAGORES, ETC.

L’habitude est, de toutes les affections humaines, la plus dangereuse à combattre, la plus difficile à détruire. La raison ne réussit jamais contre elle, et la violence n’en triomphe que lorsqu’elle est constamment soutenue et longtemps prolongée. On ne doit donc pas être surpris d’apprendre que le culte du Phallus se soit maintenu dans les pays où le christianisme fut établi ; qu’il ait bravé les dogmes austères de cette religion ; et que, pendant plus de quinze siècles, il ait résisté, sans succomber, aux efforts des prêtres chrétiens, fortifiés souvent par l’autorité civile.

Mais, il faut l’avouer, ce triomphe ne fut pas complet. Ce culte fut forcé de céder aux circonstances, de se travestir, d’adopter des formes et des dénominations qui appartiennent au christianisme, et d’en prendre les livrées : ce déguisement favorisa sa conservation et assura sa durée.

Priape reçut le nom et le costume de saint ; mais on lui conserva ses attributions, sa vertu préservatrice et fécondante, et cette partie saillante et monstrueuse qui en est le symbole. Le saint de nouvelle création fut honorablement placé dans les églises et invoqué par les chrétiennes stériles, qui, en faisant des offrandes, achetaient l’espérance d’être exaucées. L’on vit souvent les prêtres chrétiens remplir auprès de lui le ministère des prêtres de Lampsaque.

Ce ne fut pas seulement dans les premiers temps du christianisme que le culte de Priape subsista parmi les peuples qui avaient embrassé cette religion ; ce mélange n’aurait rien d’extraordinaire. Des peuples ignorants et routiniers, incertains entre deux religions dont l’une succède à l’autre, pouvaient bien, en adoptant les dogmes de la nouvelle, conserver les pratiques et les cérémonies de l’ancienne ; mais ce culte s’est maintenu jusqu’au XVIIe siècle en France, et existe encore dans quelques parties de l’Italie.

Le fascinum des Romains, cette espèce d’amulette phallique que les femmes, et surtout les enfants, portaient pendue à leur cou ou à l’épaule, fut en usage chez les Français pendant plusieurs siècles. De fascinum, ils firent, par contraction, le mot fesne. Ils nommèrent aussi ces amulettes mandragores, nom d’une plante dont les formes de la racine se rapprochent de celles du sexe masculin, et à laquelle on attribuait en conséquence des vertus occultes et préservatrices contre les maléfices. On faisait, en l’honneur de ces amulettes phalliques, des incantations, des prières ; on lui adressait des vers magiques pour en obtenir du secours.

Une pièce intitulée Jugements sacerdotaux sur les crimes, qui parait être de la fin du VIIIe siècle, porte cet article : « Si quelqu’un a fait des enchantements ou autres incantations auprès du fascinum, qu’il fasse pénitence au pain, à l’eau, pendant trois carêmes [1]. »

Le concile de Châlons, tenu au IXe siècle, prohibe cette pratique, prononce des peines contre ceux qui s’y livrent, et atteste son existence à cette époque.

Burchard, qui vivait au XIIe siècle, reproduit l’article de ce même concile, qui contient cette prohibition. En voici la traduction :

« Si quelqu’un fait des incantations au fascinum, il fera pénitence au pain, à l’eau, pendant trois carêmes [2]. »

Les statuts synodaux de l’église du Mans, qui sont de l’an 1247, portent la même peine contre celui qui « a péché auprès du fascinum, qui a fait des enchantements, ou qui a récité quelque formule, pourvu qu’elle ne soit pas le symbole, l’oraison dominicale ou quelque autre prière canonique [3]. »

Au XIVe siècle, les statuts synodaux de l’église de Tours, de l’an 1396, renouvellent la même défense. Ces statuts furent alors traduits en français, et le mot fascinum y est exprimé par celui de fesne : « Si aucun chante à fesne aucuns chantements, etc. [4] »

On voit par ces citations, qu’on était en usage d’adresser au fascinum des chants et des prières, des formules magiques. Ce fascinum n’était point de ces amulettes dont la petitesse du volume permettait de les porter pendues au cou, mais c’étaient des Phallus de bois et de pierre sculptés sur la porte des maisons particulières, des édifices publics. Il faut remarquer qu’il n’était pas défendu d’adresser à ce simulacre indécent le symbole des apôtres, l’oraison dominicale, et autres prières canoniques.

L’usage de placer des Phallus à l’extérieur des édifices publics, afin de les préserver de maléfices, est constaté par plusieurs monuments existants. On en voyait sur les bâtiments publics des anciens. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les chrétiens, dirigés par leurs vieilles superstitions, en ont placé même sur leurs églises. Un artiste qui a parcouru la France et qui s’est attaché à dessiner les monuments chrétiens, a rapporté plusieurs exemples de l’existence de cet usage [5].

Sonnerat dit, dans son Voyage aux Indes et à la Chine, à propos du Lingam, qu’on en voit la figure sur le portail de nos anciennes églises, sur celui de la cathédrale de Toulouse, et de quelques églises de Bordeaux [6].

Une autre amulette, plus portative et de figure semblable, fut en vogue au XVe siècle ; on la nommait mandragore. Elle devait éloigner les maléfices et procurer richesses et bonheur à ceux qui la portaient sur eux proprement enveloppée.

L’usage des mandragores, comme amulettes, est fort ancien. La Genèse rapporte que Ruben trouva des mandragores à la campagne et les porta à sa mère Lia. On leur attribuait sans doute alors la faculté de procurer la fécondité, dont les femmes des Hébreux étaient si jalouses. Rachel, qui comme Lia, sa soeur, était femme de Jacob, demanda ces mandragores avec instance. Lia les refusa d’abord ; mais lorsque Rachel eut déclaré qu’elle lui permettait de passer la nuit suivante avec Jacob, si elle voulait les lui accorder, elle se rendit à ce prix et, pour coucher avec ce patriarche, elle donna ses mandragores [7].

Le culte des mandragores et les idées superstitieuses qu’on y attachait, furent en vigueur dans toute l’Europe. On accusa même les Templiers d’adorer en Palestine une figure appelée mandragore ; ce qui est exprimé dans un interrogatoire manuscrit des religieux de cet ordre [8].

Un cordelier, nommé frère Richard, fit, en avril 1429, contre l’amulette mandragore, un vigoureux sermon. Il convainquit les hommes et les femmes de son inutilité, en fit brûler plusieurs qu’on lui remit volontairement. « Les Parisiens, dit un écrivain du temps, avaient si grant foy en ceste ordure, que, pour vray, ils croyoient fermement que, tant comme ils l’avoient, mais qu’il fut bien nettement en beaux drapeaux de soie ou de lin enveloppé, que jamais jour de leur vie ne serait pauvre. »

L’auteur dit ensuite que ces mandragores avaient été mises en vogue « par le conseil d’aucunes vieilles femmes qui trop cuident sçavoir, quant elles se boutent en telles meschancetez qui sont droites sorceries et hérésies [9]. »

C’est sans doute des mandragores que veut parler un poète chroniqueur du XVe siècle, dans la strophe suivante :

J’ai puis vu sourdre en France,
Par grant dérision,
La racine et la branche
De toute abusion,
Chef de l’orgueil du monde
Et de lubricité ;
Femme où tel mal habonde
Rend povre utilité [10].

Les expressions de cette chronique en vers seraient une véritable énigme sans le passage du Journal de Charles VI que je viens de citer. Ces citations de deux ouvrages écrits à la même époque, s’expliquent mutuellement.

La nature ne faisait pas tous les frais de cette composition phallique ; l’art venait à son secours, pour en former des simulacres ressemblant aux figures humaines des deux sexes. La plante elle-même ne possédait, dans l’opinion des anciens, ces vertus magiques, qu’autant qu’elle eût été préparée par des cérémonies mystérieuses [11].

Les formes phalliques s’appliquaient même jusqu’aux objets alimentaires, Les Romains avaient donné cet exemple, et les Français l’imitèrent. Dans plusieurs parties de la France, on fabrique des pains qui ont la figure du Phallus. On en trouve de cette forme dans le ci-devant Bas-Limousin et notamment à Brives.

Quelquefois, ces pains ou miches ont les formes du sexe féminin ; tels sont ceux que l’on fabrique à Clermont en Auvergne et ailleurs [12].

Les anciens Romains plaçaient le fascinum au cou et aux épaules des enfants, afin de détourner de dessus eux les regards de l’envie qui, à ce qu’ils croyaient, nuisaient à leur croissance, à leur prospérité. Les Napolitains sont encore dans le même usage : ils attachent avec un ruban, sur les épaules des enfants, un fascinum tel que les anciens l’employaient. Martin d’Arles nous apprend que des femmes superstitieuses plaçaient aussi, de son temps, sur les épaules des petits enfants, afin de détourner l’effet funeste des regards de certaines vieilles femmes, des fragments de miroirs, des morceaux de peau de renard, et quelques touffes de poil [13]. Ces espèces de fétiches doivent être rangées dans la classe des fascinum ; ils occupaient la même place, ils avaient le même motif, et ont certainement une origine commune.

Un petit coquillage univalve, enchâssé dans de l’argent et porté au cou comme un préservatif, doit être aussi mis au rang des superstitions nombreuses que les habitants de la France ont empruntées des Romains. La figure et le nom de ce préservatif, encore en usage, ne laissent pas de doute sur l’objet obscène qu’il représente.

Il existait, il y a quelques siècles, et peut-être existe-t-il encore, quelques souvenirs, quelques traces du Phallus parmi les fables absurdes que racontaient très sérieusement les vieilles femmes de villages, et que transcrivaient très sérieusement aussi, pour les publier comme des vérités, quelques moines pieux, quelques docteurs en théologie. Voici un de ces contes que je trouve dans l’ouvrage d’un de ces docteurs, frère Jacques Sprenger, inquisiteur de la foi :

« Que penser de ces sorcières qui renferment dans un nid d’oiseau ou dans quelques boîtes, vingt ou trente membres virils, lesquels se remuent comme s’ils étaient vivants, et se nourrissent d’orge et d’avoine ? C’est pourtant ce que tout le monde raconte, et ce qui a été vu par plusieurs personnes. On doit dire qu’une illusion du diable a fasciné les yeux de ceux qui croyent les avoir vus [14]. »

Les formes phalliques ont été aussi employées jusque dans la coiffure des femmes. Montaigne, après avoir parlé des usages établis chez les différentes nations, et qui ont rapport au culte de Priape, et des différentes manières d’honorer le Phallus, ajoute que les femmes mariées d’un pays voisin de celui qu’il habitait, portent encore ce simulacre sur leur front ; et, lorsqu’elles sont devenues veuves, elles le renversent derrière la tête. « Les femmes mariées ci-après, dit-il, en forgent, de leur couvre-chef, une figure sur leur front, pour se glorifier de la jouissance qu’elles en ont ; et venant à être veuves, le couchent en arrière et ensevelissent sous leur coiffure [15]. »

Le même auteur, parlant de la cérémonie pratiquée à Lavinie, où les dames romaines venaient couronner en place publique le simulacre du sexe masculin, semble se rappeler d’avoir vu un pareil usage pratiqué de son temps. « Encore ne sais-je, dit-il, si j’ai vu en mes jours quelque air de pareille dévotion [16].

J’ai parlé des filles et femmes indiennes et romaines qui, pour obtenir une fécondité désirée et détourner les maléfices, faisaient hommage au Phallus des prémices du mariage, en se bornant à un attouchement mystérieux, ou en complétant le sacrifice. J’ai parlé aussi des femme d’Israël, qui fabriquaient des Phallus pour en abuser. Or va voir que des femmes chrétiennes ont muté, jusqu’à un certain point, ces exemples antiques.

On est d’abord porté à croire que le besoin violent de satisfaire des désirs trop contraints, fit seul imaginer, aux femmes chrétiennes, l’emploi de la figure au défaut de l’objet figuré ; mais on pourrait se tromper. Cette pratique honteuse appartient certainement à la religion des anciens : elle faisait, comme il a été dit, partie intégrante du culte du Phallus. C’est elle, c’est cette cérémonie religieuse et obscène qui a fourni l’exemple ; une passion dépravée l’a ensuite imité.

D’ailleurs, il est prouvé que la superstition, qui n’est qu’un abus des religions de l’antiquité, a induit les mêmes femmes, dans l’intention d’exciter ou d’accroître la vigueur ou l’amour de leurs amants, de leurs époux, dans l’intention même de les faire périr, à se livrer à des pratiques tout aussi monstrueuses, tout aussi obscènes : l’imagination la plus déréglée ne peut rien concevoir de pire [17].

Il est donc présumable que si des femmes chrétiennes s’abandonnèrent aux pratiques dégoûtantes que je viens de rapporter en note, dans des intentions superstitieuses, elles purent, dans les mêmes intentions, fabriquer des Phallus et en abuser. La débauche continua un usage qu’un motif superstitieux avait institué. Des actes de religion qui touchaient de si près à la débauche se confondirent facilement avec elle. Le temps fit oublier le motif religieux, les passions désordonnées le remplacèrent.

Quoi qu’il en soit, des canons pénitentiaux, en prohibant cette pratique, témoignent qu’elle était en usage à cette époque. Voici ce que porte l’article intitulé de Machinâ mulierum : « Une femme qui, d’elle-même ou par le secours d’une autre femme, fornique avec un instrument quelconque, fera pénitence pendant trois années, dont une au pain et à l’eau [18].

 »Si cette espèce de fornication a lieu avec une religieuse, porte l’article suivant, la pénitence sera de sept années, dont deux au pain et à l’eau [19]. »

Un pénitentiel manuscrit, cité dans le Glossaire de Ducange, constate le même délit. On y trouve cette particularité, que si une religieuse, par le moyen de cet instrument, fornique avec une autre religieuse, les délinquantes doivent être condamnées à sept ans de pénitence [20].

Un prélat qui a composé, au XIIe siècle, un recueil d’ordonnances canoniques et de règlements sur les pénitences, Burchard, évêque de Worms, vient encore attester l’existence du même désordre : mais ses expressions y sont si grossièrement naïves, et les détails si indécemment circonstanciés, qu’il m’ôte la volonté de les traduire. Il n’appartient qu’aux casuistes du temps passé, de décrire impunément ces orduriers mystères [21].

Cet excès qui insulte à la nature, qui déshonore les siècles, les sociétés, les institutions où il s’est manifesté, s’il n’est pas une imitation des cérémonies pratiquées auprès du Phallus, du Lingam ou du Mutinus, est au moins un des résultats scandaleux de la continence forcée, un des effets ordinaires de ces lois absurdes et toujours impuissantes qui prétendent réformer la nature, qui semblent accuser d’imperfection l’ouvrage de la divinité, et qui interdisent sottement l’usage au lieu d’interdire l’abus. Ces lois irréfléchies, dictées par un zèle aveugle, ont produit beaucoup plus de désordres qu’elles n’en ont pu éviter. L’impétuosité des sens, trop contrainte, on le sait, est comme un torrent qui surmonte la digue qu’on lui oppose, et ne se précipite qu’avec plus de violence et de ravages ; ou comme le salpêtre, dont l’explosion a d’autant plus de force qu’il est plus comprimé dans le tube qui le contient.

Il est vrai que si les prêtres voulurent la cause, ils condamnèrent les effets. S’ils fondèrent la continence absolue, ils blâmèrent et punirent les désordres qu’elle entraîne. Ils s’opposèrent autant qu’ils le purent aux pratiques superstitieuses et obscènes dont je viens de parler ; mais ils n’agirent pas de même à l’égard d’autres pratiques non moins indécentes. Moins sévères et plus adroits, ils tournèrent à leur profit le culte antique établi par les Romains, et qu’une longue habitude avait fortifié. Ils s’approprièrent ce qu’ils ne purent détruire ; et, pour attirer à eux les adorateurs de Priape, ils convertirent cette divinité à la religion chrétienne.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Jacques-Antoine Dulaure, Des Divinités génératrices, ou du Culte du Phallus chez les anciens et les modernes, Éd. Dentu, Paris, 1805.

Notes

[1« Judicia sacerdotalia de Criminibus » Veterum Scriptorum amplissima collectio, t. VII, p. 35.

[2Burchard, 1, X, chap. IL.

[3« Statuta Synodalia Ecclesiæ Cenoman. » Amplissima collectio veterum scriptorum, t. VII, p. 1377.

[4Supplément au Glossaire de Ducange, par Carpentier, au mot Fascinare.

[5Les dessins de cet artiste, destinés à l’Académie des Belles-lettres, sont passés, on ne sait comment, entre les mains d’un particulier qui en prive le public.

[6Voyage aux Indes et à la Chine, t. I, p. 322.

[7Genèse, chap. XXX, vers. 14 et suiv.

[8Voyez au dépôt des manuscrits de la Bibliothèque nationale, fonds de Baluze, rouleau n° 5.

[9Journal de Paris, sous les règnes de Charles VI et Charles VII, p. 121.

[10Recollection des choses merveilleuses advenues en notre temps, par Georges Chastelain, édition de Coustelier, p. 150.

[11Voici ce que raconte Jacques Grevin, médecin, sur les préparations que l’on fait subir à ce petit homme, formé de la racine de mandragore : « Les imposteurs engravent en icelles (plantes), pendant qu’elles sont encore vertes, la forme d’un homme ou d’une femme, et fichent de la graine de millet ou de l’orge es parties esquelles ils veulent que le poil naisse. Puis, ayant fait un trou en terre, ils l’enfouissent et la recouvrent de sablon, jusqu’à ce que les petits grains aient jeté leurs racines, ce qu’ils disent être parfait en l’espace de vingt jours tout au plus lors ils la retirent derechef, et avec un couteau bien tranchant, ils rognent les petits filaments des grains, et les accommodent si bien qu’ils ressemblent à la barbe, aux cheveux et autres poils du corps. Ils font accroire, au simple peuple sot et niais, que ces racines qui représentent la figure d’un homme, ne peuvent être tirées de terre qu’avec un très grand péril et danger de la vie, et que pour les tirer ils y attachent un chien ; qu’ils s’estoupent les oreilles avec de la poix, de peur qu’ils n’entendent les cris de la racine ; lesquels entendus les feraient tous mourir, sans qu’il en pût échapper un seul. Les vertus que l’on raconte être en ce petit homme ainsi fait et forgé, sont étranges ; ils disent qu’il est engendré, dessous un gibet, de l’urine d’un larron pendu, et qu’il a de grandes puissances contre les tempêtes et je ne sais quelles autres calamités. Toutefois, ce ne sont que folies. » (De l’imposture des Diables, par Jacques Grevin, 1. IV, p. 359.)
L’auteur de la Maison rustique, au mot Mandragore, dit qu’il y en a de mâles et de femelles ; qu’on leur donne facilement les formes des deux sexes féminin et masculin. « Une de ces racines, ajoute-t-il, est nommée main de gloire. Renfermée précieusement dans une boîte, elle fait doubler tous les jours l’argent qu’on a. Ces racines passent pour être un remède assuré contre la stérilité. On voit qu’elles ont ici la propriété des Phallus ; et la main de gloire, d’où est dérivé peut-être le mot mandragoire ou mandragore, rappelle la main ithyphallyque des antiquaires.
J’ai vu, dit l’abbé Rosier (Cours complet d’Agriculture, t. VI, p. 401), des mandragores qui représentaient assez bien les parties de l’homme et de la femme ; et cette ressemblance tient à un tour de main. On choisit à cet effet une mandragore à forte racine, laquelle, après quelques pouces d’étendue, se bifurque en deux branches. Comme cette racine est molle, elle prend aisément l’empreinte qu’on veut lui donner, et elle la conserve en se desséchant. » Le même auteur parle ensuite du procédé propre à faire naître les poils. Il est le même que celui dont parle Jacques Grevin que je viens de citer.

[12Les Syracusains, lors des thermophories, envoyaient dans toute la Sicile, à leurs amis, des gâteaux faits, dit Athénée, avec du miel et de la sésame : ils avalent la forme du sexe féminin. Les Romains faisaient des pains avec de la fleur de froment, qui présentaient la figure de l’un ou l’autre sexe. Martial parle des uns dans ce vers du 1, IX, épig. 3 :

Illa siligineis pinguescit adultera cunis.

Il fait mention des autres dans son épigramme 69 du 1, IV, qui a pour titre : Priapus siligineus.

[13D. Martini, d’Arles.

[14Malleus maleficarum fratris Jacobi Sprenger, part. 2, quest. 1, chap. VII, intitulé : Quomodo membra virilia auferentur.
Frère Jacques Sprenger ajoute, comme à son ordinaire, un petit conte ; le voici : « On rapporte qu’un particulier, ayant perdu par art diabolique son membre viril, se présenta à une sorcière pour le retrouver. Elle lui montra, au pied d’un arbre, un nid qui renfermait plusieurs membres, et lui dit qu’il pourrait prendre celui qui lui plairait. Il voulut en prendre un très grand. Ne prenez pas celui-là, dit la sorcière, il n’est pas pour vous ; il appartient à un homme du peuple. »
M. l’inquisiteur de la foi était badin.

[15Essais de Montaigne, I, III, chap. V.

[16Idem, ib.

[17Je vais citer quelques-unes de ces opérations magiques. Une seule sera traduite en français. Notre langue chaste ne pourrait supporter la traduction des autres, que je rapporte en latin d’église, comme nous les a transmises Burchard, évêque de Worms.
« N’avez-vous pas fait ce que certaines femmes ont coutume de faire ? Elles se dépouillent de leurs habits, oignent leur corps nu avec du miel, étendent à terre un drap, sur lequel elles répandent du blé, se roulent dessus à plusieurs reprises, puis elles recueillent, avec soin, tous les grains qui se sont attachés à leur corps, les mettent sur la meule, qu’elles font tourner à rebours. Quand ils sont réduits en farine, elles en font un pain qu’elles donnent à manger à leurs maris, afin qu’ils s’affaiblissent, qu’ils meurent. Si vous l’avez fait, vous ferez pénitence pendant quarante jours au pain à l’eau. »

« Fecisti quod quædam mulieres facere solent ? Tollunt menstruum suum sanguinem, et immiscent cibo vel potui et dant viris suis ad manducandum, vel ad bibendum, ut plus diligantur ab eis. Si fecisti, quinque annos per legitimas ferias poeniteas.
Gustati de semine viri tui, ut propter tua diabolica facta plus in amorem tuum exardesceret. Si fecisti, septem annos per legitimas ferias poenitere debes.
Fecisti quod quædam mulieres facere solent ? Prosternunt se in faciem, et discoopertis natibus, jubent ut supra nudas nates conficiatur panis, et, eo decocto, tradunt mantis suis and comedendum. Hoc ideo laciunt, ut plus exardescant in amorem illarum. Si fecisti, duos annos per legitimas ferias poeniteas.
Fecisti quod quædam mulieres facere salent ? Tollunt piscem vivum et mittunt eum in puerpenium suum et tamdiu ibi tenent, donec mortuus fuerit, et decocto pisce, vel assato, maritis suis ad comedendum tradunt. ldeo faciunt hoc, ut plus in amorem earum exardescant. Si fecisti, duos annos per legitimas ferias poeniteas. » (Burchard, De Pœnitentia, Deeretorum, 1, XIX.)

[18« Mulier qualicumque molimine aut per seipsam et cum alterâ fornicans, tres annos poeniteat, unum ex his in pane et aquâ. »

[19« Cùm sanctimoniali per machinam fornicans, annos septem pœniteat ; duos ex his in pane et aquâ. » (Collectio antiqua Canonum pœnitentialium. Thesaurus Anecdotorum, t. IV, p. 52.)

[20« Mulier qualicumque molimine aut seipsam polluens, aut cum alterâ fornicans, quatuor annos. Sanctimonialis femina cum sanctimoniali per machinamentum poliuta, septem annos. » (Glossaire de Ducange, au mot Machinamentum.)

[21« Fecisti quod quœdam mulieres facere solent, ut faceres quoddam molimen aut machinamentum in modum virilis membri, ad mensuram tuæ voluptatis, et illud loco veredorum tuorum, aut alterius, cum aliquibus ligaturis colligares, et fornicationem faceres cum aliis mulierculis, vel aliæ eodem instrumento sive alio, tecum ? Si fecisti, quinque annos per legitimas ferias poeniteas.
 »Fecisti quod quædam mulieres facere solent, ut jam supra dicto molimine, vel alio aliquo machinamento, tu ipsa in te solam faceres fornicationem ? Si fecisti, unum annum per legitimas ferias poeniteas » (Burchard, 1, XIX, édit. in-8°, p. 277.)

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