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Dr Gros

De l’Agoraphobie (peur des espaces)

Annales médico-psychologiques (1885)

Date de mise en ligne : mardi 4 septembre 2007

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Dr Gros, « Contribution à l’étude de l’agoraphobie (peur des espaces) et d’autres formes de névroses émotives », Annales médico-psychologiques, 7e série, t. I, 43e année, Éd. G. Masson, Paris, 1885, pp. 394-407.

CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DE L’AGORAPHOBIE (PEUR DES ESPACES)
ET D’AUTRES FORMES DE NÉVROSES ÉMOTIVES
Par M. le Dr GROS
Ex-médecin en chef de l’hôpital de Boulogne.

En 1877 et. 1878, le Dr Legrand du Saulle écrivit dans la Gazette des Hôpitaux une série d’articles sur l’agoraphobie des Allemands qu’il appela, d’une manière plus compréhensive, peur des espaces.

La lecture de ce travail, quand il parut, me remit en mémoire certains faits de ma pratique observés plus ou moins longtemps auparavant, consignés dans mes notes, et se rattachant évidemment, selon moi, à différentes formes de ce que l’on a appelé névrose émotive, délire sensorial, etc. — J’avais réuni ces observations dans l’intention de les publier ; d’autres occupations me détournèrent de ce petit travail que je viens de terminer, et dont la publication tardive peut avoir l’avantage de rappeler l’oeuvre intéressante du Dr Legrand du Saulle, par la mention et le rapprochement de faits analogues.

Je commencerai par deux cas où la névrose agoraphobique, au lieu d’être idiopathique, semblait dépendre, selon toute apparence, d’une affection cardiaque.

OBSERVATION I. — Une dame de ma famille, septuagénaire, atteinte d’insuffisance mitrale avec commencement d’anasarque, avait tellement peur des espaces qu’elle n’osait traverser seule une cour un peu large ; et je me rappelle qu’en 1875, lui ayant une fois donné le bras pour la conduire à l’église, je dus marcher avec elle le long des maisons bordant une place spacieuse dont la vue seule la troublait.

Cette névrose n’apparut chez elle, à ma connaissance, que par le progrès de sa maladie dont elle mourut deux ans après.

OBSERVATION II. — Je fus consulté la même année par le nommé D…, âgé de trente-deux ans, dont le coeur paraissait hypertrophié, et qui venait de quitter le service. Il avait été tambour. Tant qu’il battait sa caisse, me dit-il, il marchait ferme et droit avec les autres tambours à la tête de la troupe. Quand il cessait, il était étourdi, chancelait en marchant, et, lorsqu’on arrêtait, était souvent obligé de s’asseoir sur sa caisse. Il serait tombé alors, s’il était sorti des rangs. Cette affection débuta dix-huit mois auparavant, en faisant à pied en onze jours la route de Paris à Belfort. Il avait déjà des étourdissements en quittant Paris. Il y était sujet au reste, ainsi qu’à la céphalalgie, depuis une fièvre typhoïde douze ans auparavant. En se battant avec les Versaillais contre la Commune, dans le 42e de ligne, une chute du haut d’une barricade lui avait, lui dit-on à l’hôpital, fracturé le rocher à gauche.

L’oreille de ce côté était encore le siège d’un écoulement avec surdité. Cet homme mourut de sa maladie du coeur, dans mon service à l’hôpital, vers la fin de 1882. Ce cas est complexe ; et les lésions variées, ci-dessus mentionnées, y ont concouru sans doute pour produire les symptômes vraiment deutéropathiques de la maladie qui nous occupe.

OBSERVATION III. — D… (Jules), âgé de trente ans, ouvrier typographe, bègue et d’un caractère timide, souffrait beaucoup des mauvaises plaisanteries de ses camarades de travail. II n’avait jamais eu qu’une maladie de nerfs, à l’âge de dix ans, me dit-il. Il fut longtemps tourmenté par la vue d’une longue échelle dressée dans la cour de son imprimerie, et que l’on a retirée depuis. Il avait toujours dans l’idée que, malgré lui, il y aurait monté (sic). Une échelle dans une maison, contre un mur au-dessus duquel il y a un plafond, ne le gène pas, et il peut y monter. — Il ne peut le soir passer seul sur un pont ; et pour rien au monde il ne monterait seul à un étage un peu élevé, et, quand il y est, ce qui lui fait le plus d’horreur, c’est d’approcher d’une fenêtre ouverte. — Je lui donnai des soins dans l’été de 1864. L’usage du bromure de potassium, les bains de mer, et un régime analeptique améliorèrent l’état de ce jeune homme que j’ai depuis perdu de vue.

OBSERVATION IV. — Clithrophobie (peur des lieux fermés), névrose compliquée. — Je copie textuellement l’observation suivante, telle que je la trouve dans mes notes. « Le 6 décembre 1856, je fus voir à la campagne Mlle M… de la S…, âgée alors de cinquante-sept ans, sujette depuis quelques semaines, et par récidive, à une singulière névrose cérébro-oculaire que j’appellerai scotophobie (crainte des ténèbres). Elle a horreur de l’obscurité, se trouve mieux le jour. La lumière solaire la soulage, l’artificielle moins ; et elle éprouve une sorte de désespoir la nuit dans une obscurité complète. La voiture lui a été de tout temps intolérable ; elle éprouvait des étourdissements quand elle en descendait. Elle a été beaucoup à cheval ou à âne, sans jamais en être incommodée, se trouvant bien d’avoir le ciel au-dessus d’elle. Elle ne peut rien voir de ce qui lui borne la vue ; le mur de la cour l’écrase (sic), en lui cachant l’horizon.

L’attaque présente, ou plutôt la recrudescence de l’état nerveux ordinaire, date de quinze jours. Il y a cinq ans, elle éprouva des crises analogues accompagnées de maux de coeur. Cette fois-ci, elle a des douleurs vagues au front, au haut de la tête, et un peu aux yeux. Les cheveux sont douloureux au peigne, ce qui lui arrive souvent, dit-elle. Tout cela parait tenir â un rhumatisme névralgique occipito-frontal. Je dois dire que je l’avais traitée, une quinzaine d’années auparavant, d’une blépharite assez tenace.

La ménopause eut lieu il y a six ans. Je trouve le pouls à 80, souple, sans chaleur à la peau ; — je prescris six sangsues, trois à chaque apophyse mastoïde, et des onctions sur le front, les tempes et au cuir chevelu avec pommade camphrée, extrait de jusquiame, de chaque, 5 grammes ; essence d’amendes amères 8 gouttes ; pilules de lactucarium et d’extrait de valériane à 40 cent., n° 2 ; 3 a prendre dans les vingt-quatre heures ; tenir une veilleuse allumée la nuit dans la chambre.

5 février 1857. Douleurs névralgiques encore dans le front et dans les yeux. Elle a quitté une chambre basse de plafond qu’elle occupait au rez-de-chaussée ; il lui semblait qu’elle y était écrasée. Elle aurait voulu faire abattre le grand mur où est la porte cochère, et qui lui semble masquer l’espace. Elle a besoin de voir au loin ; pourtant elle se distrait de cette préoccupation en jouant aux cartes. Les douleurs à la racine des cheveux sont diminuées, les idées sont moins pénibles, depuis que les yeux sont souffrants et humides avec une sensation sourde rhumatismale dans les bulbes oculaires ; fonctions intestinales régulières ; elle dort un peu mieux depuis qu’elle a une lumière continue dans sa chambre la nuit. Je lui conseille de priser un peu pour remplacer les rhumes de cerveau auxquels elle était très sujette et quelle n’a pas eus depuis deux ans. — À l’éclairage oblique je découvre quelques stries opaques, légères, dans l’appareil cristallinien. La vision n’en parait pas notablement troublée. Deux vésicatoires volants derrière les oreilles, et six pilules de 5 centigr. chaque d’extrait de coloquinte comp. de la pharmacopée anglaise, une à prendre chaque semaine, sont prescrits pour combattre l’état congestif des yeux. L’occupation de l’esprit et des bras, les promenades à pied et au dehors, la lumière modérée la nuit dans une chambre à coucher à plafond élevé, sont recommandées. »

En mars 1868, je revois Mlle de la S… Son état n’a pas changé ; elle éprouve toujours un malaise étrange, une sorte de frayeur dans un appartement bas. Elle n’est jamais mieux qu’en plein air, sous le ciel (sic) ; elle n’aime à aller dans aucune maison, de peur de ne pouvoir en sortir de suite, quand ses frayeurs sont plus fortes. Pour cette raison elle va rarement en ville. Elle m’apprend pour la première fois que sa névrose commença après la mort de son père, i1 y a dix-huit ans. Preuve de plus de la ténacité, et souvent de l’incurabilité de cette affection.

Il est à noter que notre observation n° 3, où l’échelle n’effrayait plus quand elle approchait du plafond, forme contraste avec cette dernière. Elle appartient d’ailleurs à l’agoraphobie proprement dite, puisqu’elle offre aussi la peur des espaces libres.

Le fait de ce prêtre assailli de terreur « dès qu’il n’avait pas au-dessus de sa tête une voûte, un plafond ; à la campagne marchant le long des taillis, recherchant l’abri des arbres, ouvrant en plaine son parapluie, se trouvant de la sorte très rassuré et n’éprouvant pas l’angoisse caractéristique de la peur des espaces » (Gazette des Hôpitaux du 3 novembre 1877), ce fait est exactement la contre-partie de celui de Mlle M… de la S…, et se rapporte à mon observation n° 3, comme variété de la peur des espaces libres.

Par contre, l’histoire de ce peintre, relatée dans le même journal (27 avril 1878), présente un exemple de la peur des lieux fermés, remarquable par sa soudaineté et son intensité. Il s’agit d’un peintre âgé de trente ans qui, « excité par les éloges de ses camarades, était sur le point de mettre fin à une oeuvre de peinture pour un concours. Tout à coup, il est pris d’une manie étrange. Avec l’aspect d’un homme guidé par une préoccupation puissante, il commence à marcher dans la salle, se dirige vers la porte de sortie et cherche à l’ouvrir. Ne pouvant arriver à son but, il perd contenance, regarde çà et là, comme s’il cherchait un moyen pour se sauver d’un grand péril. Il fixe tout à coup le regard sur la fenêtre ; il accourt vers elle, l’ouvre, et s’aperçoit qu’elle donne sur des toits. Inquiet, mais sans peur, il descend sur le toit de la maison voisine, et, de maison en maison, il se porte jusqu’au mur d’ouverture du jardin de l’établissement, d’où il trouve heureusement moyen de descendre. Une fois sa liberté acquise, il devient tranquille comme d’habitude. » Ce trouble mental, si soudain et si violent, et dont la cause occasionnelle, chez un homme jeune et bien portant, fut l’excitation produite par des éloges à propos d’un concours, fut probablement unique et ne se répéta pas pour produire une habitude morbide.

OBSERVATION V. — Je n’en est pas de même du cas suivant où la névrose émotive, d’origine triste, dura quelques années.

La nommée Charlotte C…, couturière, âgée de vingt-sept ans alors, d’une nature impressionnable et expansive, éprouva un chagrin si vif, mêlé de terreur, en apprenant le suicide de son père qui s’était pendu à un arbre près de la ville, il y a 24 ou 25 ans, qu’elle ne pouvait plus voir de grands arbres, surtout agités par le vent, sans se sentir terrifiée, tremblante et incapable d’avancer. Elle éprouvait ce trouble ordinairement lorsque, remontant de la basse ville de Boulogne où son travail l’appelait, à la haute, elle avait la vue des arbres qui se balancent au dessus du rempart, d’autant plus qu’une esplanade assez spacieuse était à traverser. Je la revis bon nombre d’années après, lui ayant au début donné des soins. Elle me dit que cela lui avait duré quatre ans, sa névrose s’étant graduellement calmée ; mais qu’elle avait souvent demandé le bras d’un passant pour rentrer dans la haute ville.

« Le début de la peur des espaces, dit le Dr Legrand du Saulle, est brusque lorsque l’affection est idiopathique, ou lent quand l’état morbide est secondaire, deutéropathique. La manifestation initiale éclaire à la fois le diagnostic et le pronostic. » (Gaz. des hôpit., 13 nov. 1877.) Les deux premières observations du présent travail, avec leurs symptômes cérébro-cardiaques, viennent à l’appui de cette proposition.

délire du toucher et folie du doute. — OBSERVATION VI. — Dès 1834, au début de ma carrière médicale, j’eus l’occasion d’observer avec assez de surprise un monsieur sexagénaire qui ne pouvait rien toucher avec la main, au moins avec la main nue. Il repoussait les chaises à l’église avec les coudes ou les pieds pour se faire place. Je me souviens que, me reconduisant une fois après une visite, en approchant de la porte de la rue, il fourra ses mains dans ses poches, et me fit signe d’ouvrir moi-même ladite porte. Une des filles de ce monsieur présentait à un haut degré la même anomalie ; une autre était épileptique.

OBSERVATION VII. — L’abbé L…, quinquagénaire quand je lui donnai des soins en 1869, ne touchait rien avec la main à nu. Lorsqu’il mangeait une gaufre, par exemple, ou du gâteau, il jetait toujours l’extrémité qu’il en avait tenue dans les doigts. Il entourait de papier la serrure d’une porte avant de l’ouvrir. En outre très scrupuleux, il mettait beaucoup de temps à dire sa messe, répétant plusieurs fois les paroles de la consécration, de peur de ne les avoir pas articulées distinctement, ou avec une intention ou attention suffisante. C’était bien un exemple de la double folie du toucher et du doute chez ce prêtre mort depuis. On me parla une fois d’un ecclésiastique qui, au pied de l’autel, avant de commencer sa messe, disait : « Polo dicere missam ; non volo — volas — volat, sed volovis — vuet. » Conjuguant au présent les deux verbes pour les distinguer, de peur qu’on ne pût s’y méprendre là-haut ?

OBSERVATION VIII. — Un vieux prêtre fort scrupuleux, mort nonagénaire en 1861, longtemps professeur dans un établissement dont je fus quelques années le médecin, n’aurait jamais commencé la partie du bréviaire qu’on peut dire l’hiver, je crois, à partir de midi, à moins d’avoir entendu sonner douze heures au beffroi de la ville, ou d’en avoir été assuré par un témoin auriculaire. L’horloge municipale donnait seule pour lui l’heure authentique. II se mettait souvent à la fenêtre pour entendre sonner midi : « Midi a-t-il sonné au beffroi, mon cher monsieur, me demanda-t-il plusieurs fois ? » Je l’avais surnommé l’abbé Cherche-Midi, me rappelant une rue de ce nom dans Paris (date 1856).

J’ai cru pouvoir rapprocher de la folie du doute ces quelques excentricités particulières. Il est certain que le délire du toucher, la folie du doute et le délire des négations, sur lequel M. Cotard a écrit un mémoire intéressant, et dont on a mentionné dans ces annales un cas observé par moi, peuvent être réunis en un groupe de vésanies ou névroses émotives analogues ; l’agoraphobie ou peur des espaces s’en rapproche avec un caractère particulier. Mes observations III, IV, V, VI, VII et VIII (Peur des espaces, 2 — Folie du loucher, 2 — Clithrophobie, 1 — folie du doute, 1) ont été prises de 1834 à 1869. Je ne sais si quelques-unes n’ont pas l’antériorité sur les premiers cas de ces différentes formes morbides mentionnés et publiés.

J’ignore également si ce fait de l’horreur de l’obscurité et des ténèbres nocturnes, que je nommais en 1856, Scotophobie, et qui accompagnait chez Mlle de la S… la peur des espaces restreints, j’ignore si ce phénomène a été noté comme un symptôme fréquent de la clithrophobie. Cette note était terminée, lorsque j’eus connaissance du mémoire du professeur Ball sur la claustrophobie (mot hybride, mais plus euphonique que clithrophobie, partant plus acceptable), inséré dans le n° de novembre 1879, des Annales médico-psychologiques, dont je n’étais pas alors un lecteur assidu, et de l’article : folie du doute avec délire du toucher, par le Dr Ritti, médecin de la maison nationale de Charenton, dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. N’étant pas aliéniste, mon érudition dans cette branche de la littérature médicale est naturellement limitée.

La première observation du Dr Ball présente, chez le même individu, le délire du toucher d’abord, causé par la crainte de tout contact impur, à la suite d’une blennorragie, puis des symptômes intenses de claustrophobie. Dans la deuxième observation, sur une dame mariée âgée de trente-six ans, fille d’un père aliéné, une fièvre typhoïde fort grave avait laissé à sa suite, d’après les propres expressions de la malade, « une grande simplicité d’esprit, des douleurs violentes et constantes à la tête, et une absence complète de mémoire » ; plus tard, un état anémique compliqué de crises nerveuses à forme hystérique, qui développèrent chez elle une extrême irritabilité. En même temps elle fut prise d’une tristesse extrême, avec idée de suicide ; la vie ne lui paraissait plus supportable. Le sommeil était aboli, et elle éprouvait, même au coin du feu, une sensation très intense de froid. La campagne, conseillée par des médecins après divers essais de traitement et habitée assez longtemps, ne la calma point. Les emportements devinrent plus rapprochés et plus violents ; à chaque instant le sang montait à la tête, les yeux injectés de sang, faisaient craindre à la malade une congestion cérébrale. Après la crise, il survenait un grand calme avec un état de morosité mélancolique. C’est dans ces conditions, alors qu’elle se sentait chaque jour davantage tendre à la folie, qu’un jour, ayant eu la curiosité de monter avec sa famille à la tour Saint-Jacques, elle fut prise au milieu de l’ascension par une terreur folle, et descendit l’escalier avec une vitesse vertigineuse, se cognant la tête contre les murs sans éprouver de douleur, et ne retrouvant son calme qu’à l’air libre du dehors.

La peur des espaces continua chez cette dame sous différentes formes. Le Dr Ball fait remarquer que c’est au milieu de ce bouillonnement confus de symptômes nerveux, dans lequel la malade ne perdait nullement la conscience de son état, qu’un délire spécial se manifesta, la peur des espaces fermés, à laquelle il propose de donner le nom de claustrophobie, déjà créé par le professeur Verga (de Milan). Il faut dire que cette personne, mariée de bonne heure, avait eu trois enfants, dont l’aîné âgé de quatorze ans était presque idiot, avec absence de toute affection pour ses proches, et une fille de douze ans, assez intelligente, qui était devenue épileptique.

L’auteur mentionne ensuite le premier des faits analogues signalés par le Dr Meschede, au congrès des naturalistes allemands à Cassel, relatif à un jeune homme qui éprouvait de la dyspnée et des vertiges toutes les fois qu’il entrait dans une petite chambre ou dans un local étroit. C’était seulement pendant la partie la plus rigoureuse de l’hiver qu’il consentait à dormir dans une vaste chambre, mais à la condition de laisser portes et fenêtres largement ouvertes. Il n’existait chez ce malade, sujet d’ailleurs à divers troubles nerveux, aucune disposition héréditaire.

Les mémés dispositions intellectuelles ont été observées par M. Meschede chez un diabétique.

Enfin, c’est au Dr Raggi, de Bologne, qui avait précédé le médecin allemand dans la découverte de cette affection, qu’appartient l’observation de ce jeune peintre rapportée par moi dans le présent travail d’après le Dr Legrand du Saulle.

Le traitement par l’usage des bromures alcalins, par une liberté très grande, des habitations très vastes et des travaux champêtres, n’ont paru jusqu’ici au Dr Ball que pouvoir améliorer, et non guérir, cette maladie, l’une des plus opiniâtres de l’intelligence. C’est dans cet ordre d’idées toutefois, qu’il chercherait volontiers les indications d’un traitement méthodique. Le Dr Beard, de New-York, dans un intéressant travail sur les terreurs morbides (morbidfears) ayant proposé d’englober cet état pathologique avec l’agoraphobie et quelques autres états similaires, sous le nom de topophobie, le Dr Ball trouve préférable, jusqu’à plus ample informé, et jusqu’à ce que l’on puisse mieux apprécier les rapports qui les unissent, de réserver à ces divers troubles intellectuels leur dénomination distincte et spéciale.

Le Dr Ball formule, en terminant, les conclusions suivantes :

Il existe une forme spéciale de délire caractérisé (C par la peur des espaces fermés.
« 1° Il existe une forme spéciale de délire, caractérisée par la peur des espaces fermés.

2° Il s’agit, dans l’espèce, d’une vraie psychose, et non pas d’un simple trouble sensoriel, bien que le malade ait conscience de son délire.

3° II me parait convenable de désigner cet état sous le nom de claustrophobie ; car cette expression, bien que peu correcte au point de vue étymologique, a le mérite d’une clarté parfaite. »

Dans son article sur la folie avec conscience, le Dr Ritti, après avoir montré ce qu’a de trop absolu une définition de la folie dont les signes pathognomoniques seraient l’automatisme et l’irrésistibilité d’une part, et d’autre part l’inconscience de l’état maladif ; après avoir cité la définition plus rationnelle de Spurzheim qui admet que, « quant aux sentiments, l’homme est fou lorsqu’il ne s’aperçoit pas de l’état dérangé de ses sentiments ; ou lorsqu’il le connaît, mais qu’il a perdu l’influence de la volonté sur ses actions », ajoute que « ce n’est pas uniquement des perturbations de ses sentiments ou émotions, ou des troubles des actes ou impulsions que l’aliéné peut avoir conscience, il peut encore se rendre on compte juste des conceptions délirantes auxquelles il est en proie, mais dans le courant desquelles il se sent irrésistiblement entraîné. » — « Les malades atteints de folie raisonnante proprement dite, de monomanie, etc., présentent, il est vrai, des perversions des sentiments et des instincts, accomplissent des actes désordonnés, et tout cela d’une façon involontaire, impulsive même ; mais, et c’est là ce qui les distingue des fous conscients, loin d’avoir la conscience de leur état maladif, ils ont au contraire la conviction profonde de l’intégrité de leur raison, etc. » — La lésion des fonctions intellectuelles, des sentiments ou émotions, enfin des actes, forme, dit l’auteur, d’après l’état actuel de nos connaissances, le groupement psychologique de fa maladie en question. On trouve le trouble des fonctions intellectuelles avec conscience dans une forme de folie bien déterminée et qui a reçu le nom de folie du doute avec délire du toucher ; celui des sentiments ou émotions dans l’hypochondrie morale avec idées de suicide et dans l’agoraphobie ou peur des espaces, et enfin celui des actes, dans les impulsions homicides. J’avoue ne pas bien comprendre pourquoi, dans cette division, l’agoraphobie se trouve classée avec l’hypochondrie morale compliquée d’idées de suicide. — Le tableau très intéressant de cette dernière affection me rappela le fait suivant observé il y a une vingtaine d’années : — M. L…, célibataire, ayant habité l’Angleterre assez longtemps comme professeur, d’un caractère réservé, mélancolique, ami de la solitude, vivant à la campagne en pension chez un riche fermier, était livré à une hypochondrie physique aussi bien que morale. Méticuleux et soucieux pour son alimentation, craignant les moindres courants d’air, etc., méfiant à l’égard de tout ce qui l’environnait, il me faisait venir pour la moindre indisposition réelle ou supposée, ne sachant ce qu’il devait manger, et paraissait, par la crainte de la mort, être aussi éloigné que possible de l’idée de suicide. Pourtant, je fus appelé un jour auprès de lui en toute hâte, et le trouvai dans son lit, sa chemise et ses draps baignés de sang. Il s’était enfoncé un poignard entre les côtes et blessé une artère intercostale, l’arme ne paraissant pas avoir pénétré, sinon très peu, dans la poitrine. Très méthodique dans tout ce qu’il faisait, il avait, après la blessure, essuyé et remis l’instrument dans sa gaine ; puis il s’était recouché. Il mourut quelques semaines après, épuisé par l’hémorragie arrêtée facilement du reste par la compression, profondément mélancolique, et refusant presque tout aliment. — Cet homme avait cédé, conscient, mais après avoir lutté, à l’impulsion au suicide, par crainte de la mort en quelque sorte. Un médecin de province fort distingué, ancien médecin militaire, et qui avait rapporté des pays lointains, où il avait résidé, une santé altérée et une disposition mélancolique, me raconta une fois, les larmes aux yeux, que peu de jours auparavant, son petit garçon étant venu jouer auprès de lui, au moment il se rasait, il se sentit pris de l’idée de lui couper la gorge. Il repoussa vivement l’enfant hors de la chambre et s’y enferma. Ces faits se rattachent tout à fait, le premier à l’hypochondrie morale et le second aux impulsions homicides avec conscience, comme elles sont décrites dans l’article ci-dessus cité du Dr Ritti.

N’est-ce pas à la folie morale, impulsive et consciente, qu’on doit rapporter certains suicides par imitation ou contagion de l’exemple ? Ainsi, on a parlé d’une caserne dont on fut obligé de murer une fenêtre par laquelle plusieurs soldats s’étaient précipités successivement à la suite d’un premier acte de ce genre ; on a cité aussi une guérite dans laquelle plusieurs militaires s’étaient tués avec leurs fusils. Évidemment ces malheureux étaient conscients, et avaient lutté, avant que leur volonté cédât à une idée obsédante et irrésistible.

Un fait que je crois pouvoir caractériser de délire sensoriel, s’est présenté dernièrement à mon observation. Une femme avait un ozène très pénible pour elle et pour ceux qui l’approchaient ; une commère lui conseilla de se faire des injections avec sa propre urine dans les narines. Elle employa inutilement ce singulier remède qu’elle avait cessé depuis deux ans, et quoiqu’un traitement avec des injections phéniquées et chlorurées l’aient débarrassée de sa maladie, quoique personne ne sente plus aucune odeur désagréable en approchant de sa figure, elle assure avoir constamment l’odeur d’urine dans le nez. C’est une véritable hallucination de l’odorat.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article du Dr Gros, « Contribution à l’étude de l’agoraphobie (peur des espaces) et d’autres formes de névroses émotives », Annales médico-psychologiques, 7e série, t. I, 43e année, Éd. G. Masson, Paris, 1885, pp. 394-407.

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