« Un autre prédicateur cite un exemple de la punition qu’éprouvaient, dans l’autre monde, les dames qui montraient leur sein. “Un certain prêtre, dit-il, pleurant sa mère morte, et désirant connaître l’état de son âme, fit des prières que Dieu exauça. Étant près de l’autel, il vit sa mère liée dans un sac, entre deux démons. Sa chevelure, qu’elle avait pris soin d’orner pendant sa vie, était alors formée de serpents enflammés ; sa poitrine, son cou et sa gorge, qu’elle laissait ordinairement à découvert, étaient occupés par un crapaud qui vomissait des torrents de feu.”
Ces prédications, cet exemple épouvantable, ne changèrent rien aux habitudes des dames, et le désir si naturel de plaire aux hommes et de leur causer des émotions, triompha autrefois, comme il triomphe aujourd’hui, de la peur des châtiments éternels et du crapaud vomissant du feu.
Les femmes, du temps de Montaigne, avaient les mêmes habitudes. Après avoir parlé des hommes qui, avant lui, portaient l’estomac découvert, il ajoute : “Et nos dames, aussi molles et délicates qu’elles sont, elles s’en vont tantost entre-ouvertes jusqu’au nombril.”
Des très bons chrétiens ont, dans des temps plus récents, déclamé, hélas toujours en vain, contre les nudités des gorges ; je ne dois pas m’en occuper davantage, mais, pour l’édification des lecteurs, je vais indiquer leurs ouvrages.
Les hommes, outre l’usage de découvrir leur estomac, en suivaient dans le même temps un autre bien plus indécent. Ce qu’on appelait la braguette, au XVIe siècle, était une espèce de vêtement qui, en les couvrant, montrait les formes secrètes de la virilité, aussi exactement qu’un gant montre celles de la main. Les vieux portraits en pied nous offrent des exemples de cette mode singulière. Il paraît qu’elle commençait à tomber du temps de Montaigne. “Que voulait dire cette ridicule pièce de la chaussure de nos pères, qui se voit encore en nos suisses ? dit-il. À quoy faire la monstre que nous faisons à cette heure de nos pièces en forme sur nos gregues ; et souvent, qui pis est, outre leur grandeur naturelle, par fausseté et imposture ?” » (Jacques-Antoine Dulaure, Culte du Phallus chez les anciens et les modernes).