« Combien différents, les œufs de Pâques d’aujourd’hui ! Et, d’abord, ils n’ont plus des vrais œufs que l’apparence ; ils sont en sucre ou en chocolat, et beaucoup, par leurs proportions gigantesques, seraient dignes d’avoir été pondus par cet oiseau Rock des Mille et une Nuits qui, de ses ailes ouvertes, couvrait tout un pan du ciel . Si fastueux et si énormes soient-ils, j’ai le mauvais goût de n’admirer que médiocrement ces tours de force de la pâtisserie moderne et, à tant faire que de convertir les œufs en friandises, je n’hésite pas à leur préférer les simples œufs à surprise dont le fin gourmet Charles Monselet copia jadis la recette sur un « viandier » du château royal de Marly :
– Prenez douze œufs de belle prestance ; faites à chacun deux petits trous aux extrémités ; passez par un de ces trous une paille pour crever le jaune ; videz vos œufs en soufflant par un des bouts ; mettez vos coquilles dans de l’eau pour les rincer ; égouttez-les et faites-les sécher à l’air ; délayez de la farine avec un jaune d’œuf pour boucher un des trous de vos coquilles ; les ayant bouchées, laissez-les sécher et remplissez-les de crème au chocolat, ou au café, ou à la fleur d’orange, ou à la vanille ; à cet effet, servez-vous d’un très petit entonnoir ; bouchez les trous de ces coquilles ; faites-les cuire à pleine eau chaude (sans les faire bouillir) ; supprimez la pâte des deux bouts de ces œufs ; essuyez-les et servez sous une serviette pliée pour entremets. » (Charles Le Goffic, Pâques).