« L’analyse a apporté d’immenses lumières sur le préverbal. Il est, dans la doctrine analytique, essentiellement lié au préconscient. C’est la somme des impressions, internes ou externes, des informations que le sujet reçoit du monde où il vit, des relations naturelles qu’il a avec lui — si tant est qu’il y ait chez l’homme des relations qui soient tout à fait naturelles, mais il y en a, si perverties soient-elles. Tout ce qui est de l’ordre de ce préverbal participe ainsi de ce que nous pouvons appeler une Gestalt intramondaine. Là-dedans, le sujet est la poupée infantile qu’il a été, il est l’objet excrémentiel, il est égout, il est ventouse. […].
Nous sommes là dans le chatoiement innombrable de la grande signification affective. Pour l’exprimer, les mots viennent en abondance au sujet, ils sont à sa disposition, aussi accessibles et aussi inépuisables dans leurs combinaisons que la nature à laquelle ils répondent. C’est le monde de l’enfant, dans lequel vous vous sentez à l’aise, d’autant plus que vous avez été familiarisés avec ses fantasmes — le haut vaut le bas, l’envers vaut l’endroit, etc. L’universelle équivalence est la loi de ce monde-là […].
Ce discours de la signification affective atteint d’emblée aux sources de la fabulation. […].
Au contraire, si nous suivons Freud, il est clair qu’aucune exploration, si profonde, si exhaustive soit-elle, du préconscient, ne mènera jamais à un phénomène inconscient comme tel » (Jacques LACAN, Le séminaire 1955-1956, Livre III, " Les Psychoses ", Seuil, Paris, 1981, p. 186).