Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Mots-clés > Psychiatrie > Exhibitionnisme

Exhibitionnisme

EXHIBITIONNISTES
Antoine Ritti, article « Exhibitionnistes »,
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
(Première série : A-E), t. XXXVI (ESP-EYS),
Éd. Asselin et Houzeau et G. Masson, Paris, 1888, pp. 427-429.

EXHIBITIONNISTES. Sous ce néologisme le professeur Lasègue range certains individus se trouvant dans cet état intermédiaire entre la raison et la folie, ou même atteints de folie confirmée, et dont le délire consiste à faire montre de leur personne et, ce qui est plus fréquent et surtout plus grave, à exhiber leurs organes génitaux (Les exhibitionnistes. In Union médicale, n° du 1er mai 1887).

De la première forme d’exhibitionnisme, celle qui consiste à faire montre de sa personne, le savant aliéniste donne un exemple frappant. Il s’agit d’un employé d’administration publique qui, passant chaque jour au sortir de son bureau sous les fenêtres d’une jeune fille, s’imagina que cette jeune fille était prise d’une passion pour lui. Tous les soirs d’abord, puis tous les jours ensuite, abandonnant les occupations qui le faisaient vivre, il vint se poster devant la maison ; il suivait la famille partout, à l’église, à la promenade, etc. Du reste, pas un mot, pas un regard expressif ; son rôle se bornait à faire fonction d’ombre, et cela pendant plus d’une année, jusqu’à ce que la famille, effrayée de ce mutisme et de cette incessante obsession, demanda qu’on l’en délivrât à tout prix.

Une pareille manière d’agir s’observe particulièrement chez les aliénés persécutés, « chez ceux surtout qui, impliqués dans une persécution dont ils ne sont que l’objectif secondaire, se sont donné la mission de redresseurs de torts » (Lasègue). Elle s’observe encore chez les érotomanes, ces aliénés dégénérés, dont « l’amour est dans la tête », selon l’expression d’Esquirol, et qui poursuivent partout l’objet de leur passion de leur présence et de leurs assiduités. Tel ce malade, dont le savant médecin (le Charenton raconte l’histoire (Esquirol, Des maladies mentales, t. I, p. 349, édit. belge), qui va un soir au spectacle, tombe amoureux d’une des plus jolies actrices de Feydeau, et se croit aimé. À partir de ce jour, cette dame est en butte à toutes les obsessions de son adorateur. Celui-ci se présente constamment chez elle, ne quitte plus la porte par laquelle les acteurs entrent au théâtre. Chaque fois qu’elle joue, il se rend au spectacle, se place au quatrième, vis-à-vis de la scène, et, lorsque l’actrice paraît, il secoue un mouchoir blanc pour se faire remarquer. Par le temps le plus rigoureux, il s’établit sur les bornes qui sont en face ou à côté de la porte de la maison qu’elle habite ; il s’attache à ses pas, la suit dans les promenades ; lorsqu’elle va à la campagne, il poursuit à pied la voiture. Quelquefois, et pendant la nuit, il prend un fiacre à l’heure, s’établit en face de la maison de Mme X., monte sur l’impériale, espérant voir l’objet de sa passion au travers des croisées.

La seconde catégorie d’exhibitionnistes, ceux qui font montre de leurs organes génitaux, comprend des individus atteints de manifestations morbides diverses.

Un mot d’abord sur la manière de procéder ordinaire de ces malades : « Un individu, presque toujours, sinon toujours un homme, est arrêté pour outrage public à la pudeur. Il a fait montre de ses organes génitaux, non pas au hasard, devant les passants quels qu’ils soient, mais aux mêmes endroits, en regard des mêmes personnes, car le plus ordinairement le manège s’est répété nombre de fois avant qu’il ait donné lieu à une plainte, motivé la surveillance et amené l’arrestation… » (Lasègue). La première pensée qui se présente à l’esprit est qu’il s’agit d’un homme vicieux ayant épuisé les débauches et réduit aux dernières ressources des excitations impuissantes. Il n’en est rien. L’enquête prouve, en effet, surabondamment, que le prévenu a les antécédents les plus honorables ; qu’il n’était pas forcement aux limites de la virilité ; sa situation d’argent, son indépendance de tout lien, lui permettaient et lui rendaient faciles les satisfactions autorisées.

On a donc affaire à un acte délirant, qui porte l’empreinte des états pathologiques : « L’instantanéité, la périodicité, son non-sens reconnu par le malade, l’absence d’antécédents génésiques, l’indifférence aux conséquences qui en résulteront, la limitation de l’appétit à une exhibition qui n’est jamais le point de départ de lubriques aventures, toutes ces données imposent la croyance à la maladie » (Lasègue).

Mais ces accès d’exhibitionnisme ne constituent pas une maladie : il faut dune rechercher, par l’examen des faits, dans quelles formes d’aliénation mentale on peut les rencontrer.

La majorité des exhibitionnistes sont des vieillards (sur les sept malades cités par Lasègue, quatre avaient dépassé la soixantaine), qui, soit avant, soit après cette bizarre manifestation symptomatique, avaient présenté des accidents cérébraux : hémiplégie, éblouissements, accès vertigineux avec confusion intellectuelle, etc. En un mot, on se trouve en présence d’individus à intelligence affaiblie, par suite d’apoplexie, de ramollissement cérébral ou de démence sénile.

Mais cet acte délirant n’est pas seulement accompli par des vieillards ; on l’observe aussi chez des hommes jeunes, soit au début, soit dans le cours de la paralysie générale. On cite de nombreux malades qui, dans la période prodromique ou dans les autres phases de la maladie, découvrent, en pleine rue, au milieu de la foule, leurs organes génitaux. Tel paralytique entre dans un magasin de modes et exhibe aux ouvrières de l’établissement ses organes pour les faire admirer. Tel autre en fait montre aux personnes de son entourage « parce que, dit-il, ils sont en or ».

Chez les épileptiques peuvent se rencontrer aussi des exhibitionnistes. On peut considérer comme tel ce président d’un tribunal de province, dont Trousseau cite l’observation, qui, affecté d’accidents nerveux épileptiques, se levait au milieu de l’audience, en marmottant entre ses dents quelques paroles inintelligibles, passait dans la chambre du conseil, y urinait, puis, après avoir reboutonné sa culotte, rentrait dans la salle des séances, ne se doutant nullement de ce qu’il venait de faire (Trousseau, Clinique médicale, 2e édit,, t. Il, p. 59). Il en est de même de cet officier supérieur observé par Lasègue, qui, sujet à des accès vertigineux avec confusion intellectuelle et parfois subdélire, allait tous les deux jours se placer devant la grille d’une maison où habitaient des jeunes lilies, découvrait ses organes génitaux, puis, après quelques minutes, reboutonnant son pantalon, continuait sa promenade périodique (Lasègue, loc. cit., p. 712). D’ordinaire ces malades n’ont aucune conscience de l’acte commis, ou bien n’en ont qu’une conscience incomplète.

On connaît la prédominance des impulsions instinctives chez les aliénés héréditaires et les dégénérés : on ne sera donc pas étonné de rencontrer chez eux cette tendance à étaler en public les organes génitaux. D’ailleurs quelques uns des faits rapportés par Lasègue rentrent bien dans cette catégorie de malades (roy. Saury, Étude clinique sut la folie héréditaire. Paris, 1886, p. 437 et suiv.).

Lasègue, dans son article, ne cite que des exemples d’exhibitionnistes-hommes ; il assure n’avoir vu qu’une seule femme ainsi entraînée à faire montre en public de ses organes génitaux.

La question traitée dans cet article présente une importance incontestable au point de vue médico-légal. Chez tout exhibitionniste le délit d’outrage à la pudeur est évident, mais la manière dont il est commis donne souvent l’éveil, et le médecin légiste est appelé à se prononcer. L’examen direct n’apprend rien, d’ordinaire. En effet, « l’individu, honteux, se renferme dans l’expression ou plutôt dans l’explosion de ses regrets ou de ses remords. Il lui semble que toute réponse serait compromettante, et que moins il rendra compte de ses sentiments, plus on croira à une impulsion excusable, parce qu’elle a été inconsciente » (Lasègue). Il est donc indispensable de bien se rendre compte des conditions dans lesquelles l’acte s’est accompli, puis d’étudier avec soin les antecedents pathologiques du malade. On découvre alors que « cette aberration génésique n’est qu’un chaînon dans la chaîne des perversions intellectuelles qui avaient passé inaperçues ». Et de fait, en médecine mentale, comme le dit excellemment le professeur Lasègue (loc. cit., p. 713), « les observations rétrospectives sont toujours les plus précises et les plus probantes ; des renseignements qu’on aurait sollicités vainement avant la chute se produisent en foule dès que les observateurs non médicaux sont mis sur la voie par la maladie confirmée ».

ANT. RITTI.
Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise