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L’inconscient et ses formations

Vérité et mensonge dans l’analyse

La formule paradoxale « la vérité si je mens » s’applique tout particulièrement à la situation analytique

Date de mise en ligne : samedi 22 janvier 2005

Auteur : Jean-Pierre BÈGUE

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La personne, qui souffre d’un symptôme récurrent et invalidant ou d’un mal être, va s’adresser à l’analyste dans l’espoir qu’il la débarrasse de sa souffrance. Or l’analyste n’a pas de visée thérapeutique a priori, ni de visée normative ; il ne promet pas non plus le bonheur à l’issue de la cure. En revanche, il va placer la personne, par le biais du dispositif analytique, dans une position de recherche par rapport à sa vérité. Dans ce contexte, la signification du mot vérité n’a rien à voir avec l’exactitude des faits ou des propos, il s’agit de la vérité du désir inconscient d’un sujet que ce dernier ne peut appréhender par la conscience.

Le désir refoulé dans l’inconscient ignore le temps et conserve toujours son intensité ; il veut se faire reconnaître en s’extériorisant à travers la répétition du symptôme et il cherche à se faire nommer pour être pris en compte par la conscience. Toutefois ce désir se trouve confronté à la censure de la morale individuelle dont nous savons qu’une partie inconsciente agit à notre insu sur les représentations ou les sentiments qu’elle réprouve. La morale, dont la censure est la partie active, veille à ce que le désir réprouvé ne sorte pas de l’inconscient, territoire dans lequel il s’affronte à des forces qui s’opposent à lui et auxquelles il s’efforce d’échapper en utilisant tous les subterfuges. Ce désir vrai, plus vrai que tous les autres car émanant de la personnalité profonde du sujet ne se manifeste la plupart du temps que sous une forme dont le sens nous échappe.

La vérité trompe la censure et du même coup nous trompe en se travestissant pour ne pas être reconnue, elle se manifeste dans les rêves qui nous plongent dans la plus grande perplexité et dont elle utilise toutes les ressources pour s’exprimer par déplacements, condensations et symboles afin de se réaliser de façon allusive et virtuelle en attendant mieux. Elle motive, pour certains d’entre nous, nos choix amoureux en nous dirigeant tout au long de notre vie vers les personnes qui ont en commun le trait caractéristique auquel nous sommes inconsciemment sensibles. Elle est aussi là dans les symptômes de toute nature qui nous font souffrir et qui nous paraissent incompréhensibles en assurant leur répétition au moment opportun dans notre vie, car elle n’a pas d’autres moyens pour se signaler à nous compte tenu des pressions qui s’exercent sur elle. Dans d’autres circonstances, elle peut s’exprimer plus facilement en nous faisant dire un mot pour un autre ou en nous faisant échouer un acte volontaire en le remplaçant par celui qui la traduit le mieux, cet acte qui nous paraît manqué est en fait pour elle un acte réussi. Parfois elle ne laisse apparaître que des indices de sa présence pour éveiller notre curiosité et nous mettre sur sa piste.

Elle ne peut nous apparaître à visage découvert car nous ne pourrions pas le supporter ; elle nous fait peur, car le désir inconscient lorsqu’il parvient à être reconnu par le sujet est la révélation de quelque chose que nous ne pouvions imaginer comme constitutif de notre être ; nous découvrons en nous des désirs insoupçonnés que notre morale réprouve, nous pensions être meilleurs que ce que nous sommes en réalité, il faut s’accommoder de cette découverte qui va nous conduire à un remaniement de notre subjectivité et à une nouvelle image de nous-mêmes. Ce n’est pas sans difficultés, ni réticences, par exemple que cette mère sur-protectrice découvre que ses comportements obsessionnels cachaient en fait une profonde agressivité allant jusqu’à des vœux de mort à l’encontre de son fils. La vérité a le pouvoir de guérir, une fois le désir reconnu, le symptôme traduit en mots n’a plus aucune raison de se répéter, en disparaissant il libère à tout jamais les capacités à aimer et à vivre le présent.

Quant au mensonge, il est la condition même du dévoilement de la vérité. Pour en donner une illustration, je prendrai deux exemples : le lapsus et l’acte manqué. Le lapsus, qu’il soit oral ou écrit, constitue une erreur mais ce que je voulais dire consciemment et volontairement était un mensonge par rapport au lapsus qui lui est bien l’expression d’une vérité inconsciente ou préconsciente. Ainsi cette jeune femme, lors d’un mariage, voulant dire au père de la mariée que c’était un beau mariage dit, à sa grande stupéfaction, “c’était un bel enterrement” traduisant par ce lapsus son aversion pour le mariage qu’elle considérait plus ou moins consciemment comme la fin de toute vie personnelle et par suite de la vie tout court. De la même manière, l’acte manqué qui me surprend est un acte réussi du point de vue de la vérité du désir ; il se substitue au mensonge que je m’apprêtais à commettre. L’anecdote de ce jeune homme qui perd les alliances la veille de son mariage témoigne inconsciemment de son refus de l’union qui se préparait et montre combien sa décision était contraire à son désir le plus profond.

Il y a donc des choses indicibles pour le sujet. Ces choses indicibles peuvent être refoulées dans l’inconscient ; le refoulement constituant un mensonge (je ne peux pas m’avouer la vérité) va maintenir dans l’inconscient le désir réprouvé et ne laisser apparaître à sa place dans la conscience, dans certains cas, que des éléments anodins, inexacts donc propres à tromper mais entretenant pourtant des liens associatifs avec la représentation refoulée. Je reprends l’exemple célèbre de Freud qui, parlant à son interlocuteur, ne parvient pas à citer le nom du peintre des fresques d’Orvieto ; il ne peut trouver que Botticelli et Boltraffio : Freud se dit alors “non ce n’est pas ça”. Le fait de dire “ce n’est pas ça” montre que la conscience peut comparer, selon des processus que nous ignorons, les noms avec le nom recherché puisqu’il y a ce jugement. Si le nom oublié était complètement effacé, Freud ne pourrait pas formuler cette négation. Quant aux éléments retrouvés, ils participent au mensonge puisqu’ils ne permettent pas de traduire le désir refoulé mais ils en constituent la piste pour y parvenir. En ne pouvant se rappeler le nom de Signorelli, Freud refoule son désir de mort, ce qui a pu faire dire que Freud avait cédé sur son désir, qu’il n’avait pas pu le dire.

Il n’y a donc de vérité, dans le cadre de l’analyse, que parce qu’il y a mensonge et aussi parce qu’il y a négation, le “non, ce n’est pas ça” est une condition pour atteindre la vérité dont l’essence est de se cacher ou d’être cachée. Dans ces conditions, le désir refoulé serait plus vrai, plus fondamental pour nous que tous nos désirs conscients car beaucoup plus intense, actif et inquiétant dans la mesure où c’est lui qui gouverne, à notre insu, nos actions, nos dires et nos désirs. Cette formule bien paradoxale “la vérité si je mens” s’applique tout particulièrement à la situation analytique dans laquelle les mensonges sont les pierres qui jalonnent la quête de la Vérité.

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