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Psychanalyse & Clinique

Peur et sexualité

Le cas de Bertrand

Date de mise en ligne : samedi 4 décembre 2004

Auteur : Jean-Pierre BÈGUE

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La peur ne fait pas partie du vocabulaire de la psychanalyse, celle-ci préfère parler d’angoisse, pourtant la peur toute simple, toute banale ou une peur inconsciente peuvent être à l’origine de nombreuses perturbations psychiques chez nos patients. Je me propose d’illustrer cette constatation issue de la pratique en relatant les séances les plus importantes d’une cure au cours de laquelle on peut voir l’influence pathogène d’une peur inconsciente sur la sexualité.

Bertrand est un jeune homme de 23 ans, habillé sobrement il a l’aspect sérieux qui convient au métier qu’il exerce puisqu’il est fonctionnaire dans un grand Ministère parisien.

Après une brève relation avec une amie d’enfance, Bertrand s’est mis en ménage avec une jeune femme avec laquelle il envisage de se marier mais il éprouve des inquiétudes concernant la relation avec sa compagne ; celle-ci se plaint de rapports trop brefs ne lui permettant pas d’accéder à un plaisir satisfaisant. Bertrand parle avec gêne de ce problème d’éjaculation précoce et d’un autre symptôme qui perturbe sa vie sociale ; il rougit sans raison lorsqu’il se trouve seul avec une femme dans un bureau, dans l’ascenseur ou bien encore lorsqu’il croise le regard d’une jolie jeune fille à la terrasse d’un café. Sa peur de rougir est de plus en plus envahissante dans sa vie quotidienne au point qu’il s’arrange pour fuir, chaque fois qu’il le peut, les situations anxiogènes dans lesquelles il sait que son symptôme va apparaître.

C’est dans ce contexte qu’il se décide à entreprendre une analyse avec moi.
Au cours des premières séances, j’apprends que Bertrand est fils unique et que son enfance et son adolescence ont été marquées par les violentes disputes de ses parents. Il ressentait, lors de ces fréquentes scènes de ménage dont il était le témoin impuissant et terrorisé, une grande tristesse et un épuisement physique général. Son père était toujours en colère et sa mère très autoritaire ne laissait aucune place à son mari le considérant comme un bon à rien, par ailleurs elle avait besoin de ce fils non désiré (elle aurait voulu une fille et ne se privait pas de le dire) pour combler son manque ; elle ne supportait pas d’être seule et l’englobait dans un « on » qui lui retirait la possibilité de dire « je » et a fortiori de dire « non ». Elle s’était arrangée inconsciemment pour qu’il soit malade dès son plus jeune âge : problème pulmonaire, eczéma, rhumes et otites à répétition, poussées de fièvre, lui témoignant alors dans ces moments là un peu plus d’affection et d’intérêt qu’en temps normal.

Le père, artisan de son état, dévalorisé en permanence dans le discours de la mère ne s’intéressait guère à son fils d’autant plus qu’il n’avait jamais réellement souhaité être père.

Bertrand avait fait des études honorables malgré ces conditions défavorables.

Lors d’une séance, Bertrand évoque son rêve de la nuit précédente. Il se promène dans la campagne avec sa petite cousine. Son regard est attiré par un arbre dont le tronc présente une légère cavité, intrigué il s’approche et met son doigt dedans. Quand il veut le retirer, il ne peut pas, son doigt est coincé, il se met à hurler de peur et se réveille tout en sueur.

Bertrand associe sur des vacances à la campagne dans la maison familiale. Un soir, il avait vu près de la ferme un chien qui montait une chienne, puis les deux animaux étaient restés collés l’un à l’autre, tête bêche, chacun tirant de son côté sans arriver à se dégager. Le fermier qui rentrait, les voyant accouplés, s’approcha, plaça son pied au-dessus des croupes et abaissa avec force son pied en jurant, ce qui eut pour effet de désunir le chien et la chienne qui s’enfuirent en hurlant de douleur. Bertrand avait été terrifié par cette scène qui l’avait poursuivi pendant plusieurs semaines.

Quelques mois plus tard, Bertrand rêve qu’il voyage en train. Dans le compartiment, assises à côté de lui se trouvent plusieurs femmes dont sa mère. À l’extérieur, il voit défiler des forêts aux arbres feuillus, puis le paysage se transforme soudainement et ce ne sont plus que des troncs d’arbres coupés à mi-hauteur à perte de vue.
Il se rappelle une scène avec sa mère au cours de laquelle il semble vouloir voir et toucher son sexe, celle-ci refuse, il lui demande si elle en a un, elle ne lui répond pas mais elle rit.

Au cours d’une autre séance Bertrand évoque une nuit de son enfance ; il est réveillé par des bruits qui viennent de la chambre de ses parents dont la porte n’est pas fermée. Intrigué, il écoute avec inquiétude les halètements, les murmures et surtout il entend son père dire « ça me fait mal, ah ! ça me fait mal ».

Bertrand associe sur un autre souvenir qu’il évoque avec peine : un matin, il se lève et voit avec sidération une sorte de serviette toute ensanglantée accrochée dans un coin de la salle de bains. Il n’ose pas poser de questions tellement il a peur, il fait dans son esprit le rapprochement avec les bruits qu’il a entendus dans la chambre des parents ; il imagine que son père a blessé sa mère dans un acte violent et établit un lien avec la scène des chiens.

À une autre séance, Bertrand évoque un souvenir de ses 5 ans. Il se revoit jouant avec une petite fille de son âge dans une penderie pendant que les mères discutent. Très vite, les jeux se font plus exploratoires, jeu du papa et de la maman, jeu du docteur, Bertrand découvre la différence des sexes et éprouve du plaisir dans ces attouchements réciproques. Cette scène s’est répétée pendant plusieurs mois puis un jour Bertrand a ressenti une très forte honte et s’est senti coupable de ce qu’il faisait, maintenant il avait peur de rencontrer cette petite fille et avait dit à ses parents qu’il ne voulait plus aller chez elle. À cette évocation, il pleure abondamment en silence pendant de longues minutes.

Quelques semaines plus tard, Bertrand aborde avec une réticence teintée de honte un épisode de son adolescence où il se masturbait fréquemment après s’être excité avec des sous-vêtements appartenant à sa mère, la peur au ventre d’être découvert et puni.

Son père lui avait donné, à peu près à la même période, un livre de son époque dont le titre était « ce que tout jeune homme devrait savoir », cet ouvrage mettait en garde contre les maladies vénériennes que l’on pouvait attraper avec des femmes et leurs conséquences dramatiques sur la santé. Or dans son quartier, Bertrand croisait souvent sur le trottoir des prostituées qui l’invitaient en murmurant des « tu viens chéri » aguicheurs. Il était à la fois fasciné et effrayé par ces femmes aux cuisses dénudées et aux seins à peine contenus.

Lors d’une séance ultérieure, Bertrand rapporte un rêve qui revient de façon récurrente depuis son adolescence. Il se voit avec une femme dont il se rapproche et à peine son pénis entre en contact avec le sexe de la femme que le sperme s’écoule lentement sans qu’il ne puisse rien faire pour l’empêcher.

Après plusieurs séances, Bertrand se rappelle peu à peu que lorsqu’il était tout petit sa mère avait l’habitude de lui tenir le sexe pour le faire uriner dans le pot. Il croit se rappeler également que pendant toute cette période il n’arrivait pas à uriner si sa mère ne lui tenait pas le pénis, c’est le contact de la main qui déclenchait l’émission d’urine. Il fait alors le lien entre l’urine, le sperme et le contact corporel.

Pour ce patient, la peur inconsciente de l’acte sexuel tire son origine de plusieurs éléments : l’angoisse inconsciente de castration (les arbres coupés), la peur du trou dont il ne peut retirer le doigt, la scène des chiens, la parole du père (j’ai mal), la serviette tâchée de sang, la culpabilité éprouvée lors des jeux sexuels, la peur associée à la masturbation de l’adolescence et aux maladies que l’on peut attraper avec les femmes (le livre donné par le père), enfin la main de la mère sur le pénis suivi de son effet a suscité un plaisir dont la représentation a été refoulée dans l’inconscient.

La peur inconsciente a un impact sur le désir de Bertrand pour les femmes en perturbant son fonctionnement psychique ; sous l’effet de cette peur, Bertrand met hors de lui-même ce désir par un mécanisme de projection inconscient et transforme l’objet désiré en objet redouté créant ainsi la phobie de rougir et une absence de désir conscient pour des femmes.

La phobie permet d’éviter à Bertrand, en provoquant sa fuite, la confrontation avec l’objet redouté consciemment (la femme) qu’il continue pourtant de désirer inconsciemment.

La phobie procède de la peur inconsciente ; elle a pour but d’empêcher le rapprochement avec une femme et lorsque ce rapprochement se réalise malgré tout, la peur provoque l’éjaculation précoce mettant ainsi un terme à l’acte sexuel dans les plus brefs délais d’autant plus qu’à cette peur se surajoute la trace inconsciente du contact avec la main de la mère.

Au bout de 2 ans d’analyse, Bertrand a pu accéder, grâce au travail de verbalisation, de remémoration et à l’analyse du transfert, à une vie sexuelle jugée satisfaisante par lui et sa compagne. Sa phobie a disparu, pourtant il éprouve encore, à certains moments, des craintes par rapport à une éventuelle rechute. C’est une des raisons pour lesquelles nous poursuivons encore le travail à ce jour.

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