Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Bibliothèques > Livres > Le Chemin de la perfection > « Mépriser le monde c’est être le maître du monde »

Sainte Thérèse d’Avila

« Mépriser le monde c’est être le maître du monde »

Le chemin de la perfection - Chapitre II

Date de mise en ligne : dimanche 3 juillet 2005

CHAPITRE 2

Que les religieuses ne doivent point se mettre en peine de leurs besoins temporels. - Des avantages qui se rencontrent dans la pauvreté. - Contre les grands bâtiments.

Ne vous imaginez pas, mes sœurs, que pour manquer à contenter les gens du monde, il vous manque de quoi vivre. Ne prétendez jamais de faire subsister votre maison par des inventions et des adresses humaines : autrement vous mourrez de faim ; et avec raison.

Jetez seulement les yeux sur votre divin époux, puisque c’est lui qui vous doit nourrir. Pourvu que vous le contentiez, ceux même qui vous sont les moins affectionnez vous donneront de quoi vivre, encore qu’ils ne le voulussent pas, ainsi que vous l’avez reconnu par expérience. Mais quand vous mourriez de faim en vous conduisant de la sorte : ô que bienheureuses seraient les religieuses de St Joseph ! Je vous conjure au nom de Dieu de graver ces paroles dans votre mémoire : et puisque vous avez renoncé à avoir du revenu, renoncez aussi au soin de ce qui regarde votre nourriture. Si vous ne le faites, vous êtes perdues. Que ceux à qui notre seigneur permet d’avoir du revenu prennent ces sortes de soins, à la bonne heure, puisqu’ils le peuvent sans contrevenir à leur vocation. Quant à nous, mes filles, il y aurait de la folie. Car ne serait-ce pas porter ses pensées sur ce qui appartient aux autres, que de penser à ces revenus ? Et vos soins inspireraient-ils aux personnes une volonté qu’ils n’ont point pour les engager à vous faire des charités ? Remettez-vous de ce soin à celui qui domine sur le cœur, et qui n’est pas moins le maître des richesses que des riches. C’est par son ordre que nous sommes venues ici. Ses paroles sont véritables, sont infaillibles, et le ciel et la terre passeront plutôt qu’elles manquent de s’accomplir.

Prenons garde seulement de ne pas manquer à ce que nous lui devons, et ne craignez point qu’il manque à ce qu’il nous a promis. Mais quand cela arriverait, ce serait sans doute pour notre avantage ; de même que la gloire des saints s’est augmentée par le martyre. O que ce serait un heureux échange de mourir bientôt faute d’avoir de quoi vivre, pour jouir d’autant plutôt d’une vie et d’un bonheur qui ne finiront jamais !

Pesez bien, je vous prie, mes sœurs, l’importance de cet avis que je vous laisse par écrit, afin que vous vous en souveniez après ma mort : car tandis que je serai au monde je ne manquerai pas de vous en renouveler souvent la mémoire, à cause que je sais par expérience l’avantage qu’il y a de le pratiquer.

Moins nous avons, moins j’ai de soin : et notre seigneur sait qu’il est très vrai que la nécessité ne me donne pas tant de peine que l’abondance, si je puis dire avoir éprouvé de la nécessité, vu la promptitude avec laquelle il a toujours plu à Dieu de nous secourir.

Que si nous en usions autrement, ne serait-ce pas tromper le monde ; puis que voulant passer pour pauvres, il se trouverait que nous ne le serions pas d’affection ; mais seulement en apparence ? J’avoue que j’en aurais du scrupule, parce qu’il me semble que nous serions comme des riches qui demanderaient l’aumône : et Dieu nous garde que cela soit. Après s’être laissé aller une et deux fois à ces soins excessifs de recevoir des charités, ils se tourneraient enfin en coutume : et il pourrait arriver que nous demanderions ce qui ne nous serait pas
nécessaire à des personnes qui en auraient plus de besoin que nous. Il est vrai qu’elles pourraient gagner en nous les donnant : mais nous y perdrions sans doute beaucoup.

Dieu ne permette pas s’il lui plaît, mes filles, que vous tombiez dans cette faute : et si cela devait être, j’aimerais encore mieux que vous eussiez du revenu. Je vous demande en aumône et pour l’amour de notre seigneur, qu’une pensée si dangereuse n’entre jamais dans votre esprit. Mais si ce malheur arrivait en cette maison, celle-là même qui serait la moindre de toutes les sœurs devrait pousser des cris vers le ciel, et représenter avec humilité à sa supérieure, que cette faute est si importante qu’elle ruinerait peu à peu la véritable pauvreté.

J’espère avec la grâce de Dieu que cela ne sera point : qu’il n’abandonnera pas ses servantes ; et que quand ce que j’écris pour satisfaire à votre désir ne serait utile à autre chose, il servira au moins à vous réveiller si vous tombiez en ceci dans la négligence. Croyez, je vous prie, mes filles, que Dieu a permis pour votre bien que j’eusse quelque intelligence des avantages qui se rencontrent dans la sainte pauvreté.

Ceux qui la pratiqueront les comprendront ; mais non pas peut-être autant que moi, parce qu’au lieu d’être pauvre d’esprit comme j’avais fait vœu de l’être, j’ai été longtemps folle d’esprit : et ainsi plus j’ai été privée d’un si grand bien, plus j’ai reconnu par expérience que c’est un extrême bonheur à une âme de le posséder. Cette heureuse pauvreté est un si grand bien qu’il enferme tous les biens du monde. Oui, je le redis encore, il enferme tous les biens du monde, puisque mépriser le monde c’est être le maître du monde. Car que me souciai-je d’avoir la faveur des grands et des princes si je ne voudrais ni avoir leurs biens, ni jouir de leurs délices et que je serais très fâchée de rien faire pour leur plaire qui put déplaire à Dieu en la moindre chose ? Comment pourrais-je désirer aussi leurs vains honneurs, sachant que le plus grand honneur d’un pauvre consiste à être pauvre véritablement ? Je tiens que les honneurs et les richesses vont presque toujours de compagnie : celui qui aime l’honneur ne saurait haïr les richesses : et celui qui méprise les richesses ne se soucie guère de l’honneur.

Comprenez bien ceci, je vous prie. Pour moi il me semble que l’honneur est toujours suivi de quelque intérêt de bien. Car il arrive très rarement qu’une personne pauvre soit honorée dans le monde, quoi que sa vertu la rende digne de l’être, et l’on en tient au contraire fort peu de compte. Mais quant à la véritable pauvreté, elle est accompagnée d’un certain honneur qui fait qu’elle n’est à charge à personne. J’entends par cette pauvreté celle que l’on souffre seulement pour l’amour de Dieu, laquelle ne se met en peine de contenter que lui seul ; et l’on ne manque jamais d’avoir beaucoup d’amis lors que l’on n’a besoin de personne. Je le sais par expérience. Mais comme l’on a déjà écrit de cette vertu tant de choses excellentes que je n’ai gardé de pouvoir exprimer par mes paroles puisque je n’ai pas assez de lumière pour les bien comprendre, outre que je craindrais d’en diminuer le prix en entreprenant de la louer, je me contenterai de ce que j’ai dit en avoir éprouvé : et j’avoue que jusqu’ici je me suis trouvée de telle sorte comme hors de moi que je ne me suis pas entendue moi-même. Mais que ce que j’ai dit demeure dit pour l’amour de notre seigneur.

Puis donc, mes filles, que nos armes sont la sainte pauvreté, et que ceux qui le doivent bien savoir m’ont appris que les saints pères, qui ont été les fondateurs de notre ordre, l’ont dés le commencement tant estimée et si exactement pratiquée qu’ils ne gardaient rien d’un jour à l’autre : si nous ne les pouvons imiter dans l’extérieur en la pratiquant avec la même perfection, tachons au moins de les imiter en l’intérieur. Nous n’avons que deux heures à vivre : la récompense qui nous attend est très grande : et quand il n’y en aurait point d’autre que de faire ce que notre seigneur nous conseille, ne serions-nous pas assez bien récompensées par le bonheur d’avoir imité en quelque chose notre divin maître ?

Je le dis encore : ce sont là les armes qui doivent paraître dans nos enseignes ; et il n’y a rien en quoi nous ne devions témoigner notre amour pour la pauvreté, dans nos logements, dans nos habits, dans nos paroles, et par dessus tout, dans nos pensées. Tandis que vous tiendrez cette conduite, ne craignez point qu’avec la grâce de Dieu l’observance soit bannie de cette maison. Car comme disait Sainte Claire, la pauvreté est un grand mur : et elle ajoutait, qu’elle voulait s’en servir, et de celui de l’humilité, pour enfermer ses monastères. Il est certain que si on pratique véritablement cette sainte pauvreté, la continence et toutes les autres vertus se trouveront beaucoup mieux soutenues et plus fortifiées par elle que par de somptueux édifices.

Je conjure au nom de Jésus-Christ et de son précieux sang celles qui viendront après nous de se bien garder de faire de ces bâtiments superbes : et si c’est une prière que je puisse faire en conscience, je prie Dieu que si elles se laissent emporter à un tel excès, ces bâtiments tombent sur leur tête, et qu’ils les écrasent toutes. Car, mes filles, quelle apparence y aurait-il de bâtir de grandes maisons du bien des pauvres ? Mais Dieu ne permette pas s’il lui plaît, que nous ayons rien que de vil et de pauvre.

Imitons en quelque chose notre roi, il n’a eu pour maison que la grotte de Bethleem où il est né, et la croix où il est mort. Étaient-ce là des demeures fort agréables ? Quant à ceux qui font de grands bâtiments ils en savent les raisons ; et ils peuvent avoir des intentions saintes que je ne sais pas : mais le moindre petit coin peut suffire à treize pauvres religieuses. Que si à cause de l’étroite clôture on a besoin de quelque enclos pour y faire des hermitages afin d’y prier séparément, cela pouvant sans doute aider à l’oraison et à la dévotion, j’y consens à la bonne heure. Mais quant à de grands bâtiments, et à avoir rien de curieux, Dieu nous en garde par sa grâce.

Ayez continuellement devant les yeux que tous les édifices du monde tomberont au jour du jugement, et que nous ignorons si ce jour est proche. Or quelle apparence y aurait-il que la maison de treize pauvres
filles ne put tomber sans faire un grand bruit ? Les vrais pauvres doivent-ils en faire ? Et aurait-on compassion d’eux s’ils en faisaient ? Quelle joie vous serait-ce, mes sœurs, si vous voyiez quelqu’un être délivré de l’enfer par l’aumône qu’il vous aurait faite, car cela n’est pas impossible ? Vous êtes donc obligées de beaucoup prier pour ceux qui vous donnent de quoi vivre ; puisqu’encore que l’aumône vous vienne de la part de Dieu, il veut que vous en sachiez gré à ceux par qui il vous la donne : et vous ne devez jamais y manquer.

Je ne sais ce que j’avais commencé de dire, parce que j’ai fait une grande digression. Mais je crois que notre seigneur l’a permis, puis que je n’avais jamais pensé à écrire ce que je viens de vous dire. Je prie sa divine majesté de nous tenir toujours par la main, afin que nous ne l’abandonnions jamais.

P.-S.

Texte établi par Abréactions Associations d’après la traduction de M. Arnauld d’Andilly.

Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise