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Thomas Hobbes

Léviathan - Chapitre VII : Des Fins [ou Résolutions] du discours

Léviathan ou la Matière, la Forme et la Puissance d’un État ecclésiastique et civil [1651]

Date de mise en ligne : samedi 5 février 2005

Langue de cet article : English > Leviathan - Chapter 7 : Of the Ends or Resolutions of Discourse

Thomas Hobbes, Léviathan ou la Matière, la Forme et la Puissance d’un État ecclésiastique et civil, Traduction française par R. Anthony, Marcel Giard & Cie, Paris, 1921, Chapitre VII, pp. 90-97.

Tout Discours gouverné par le désir de Connaître a un Terme, soit qu’on atteigne la connaissance, soit qu’on renonce à l’atteindre. Et, quand la chaîne d’un Discours se trouve être interrompue en un endroit quelconque, il y a là un ternie momentané.

Si le Discours est purement Mental, il consiste en des pensées alternantes que la chose sera et qu’elle ne sera pas, ou bien qu’elle a été et qu’elle n’a pas été. Quel que soit donc le point auquel la chaîne d’un Discours se brise, reste toujours une Présomption ou bien que cela sera ou ne sera pas ou bien que cela a été ou n’a pas été. C’est en cela que consiste l’Opinion. Et ce qui, lorsqu’on Délibère au sujet du Bien et du Mal, est l’Appétit alternant est, dans la Recherche de la vérité du Passé et du Futur, l’Opinion alternante. - LE JUGEMENT OU SENTENCE FINALE. - De Même encore que dans la Délibération le dernier Appétit s’appelle Volonté, de nième dans la recherche [de la vérité] du Passé ou du Futur la dernière Opinion s’appelle JUGEMENT OU SENTENCE [Résolue et] Finale [de celui qui fait le discours]. - LE DOUTE. - De même enfin que la chaîne toute entière des Appétits alternants dans la recherche du Bien ou du Mal s’appelle Délibération, de même la chaîne toute entière des Opinions alternantes dans la recherche du Vrai ou du Faux s’appelle DOUTE.

Aucun discours ne peut s’Achever par la connaissance absolue d’un Fait passé ou à venir ; car, pour connaître un Fait, il faut la Sensation d’abord, et puis ensuite la Mémoire. Et, quant à la connaissance des Conséquences qui, comme je l’ai dit plus haut, s’appelle Science, elle n’est pas Absolue, mais Conditionnelle. Par le Discours, nul ne peut savoir si ceci ou cela est, a été ou sera ; et c’est cela qui est connaître absolument. Il peut seulement savoir que si ceci est, cela est, si ceci a été, cela a été, si ceci doit être, cela sera ; c’est connaître conditionnellement, c’est-à-dire non pas connaître la conséquence d’une chose à une autre, mais la conséquence d’un nom d’une chose à un autre nom de la même chose.

LA SCIENCE. - Quand donc le Discours est Verbal et commence à partir des Définitions des Mots pour procéder par leur Connexion à des affirmations générales, et par la connexion de ces Affirmations à des Syllogismes, la fin ou somme dernière s’appelle la Conclusion ; et la pensée de l’esprit que cette dernière signifie est cette Connaissance conditionnelle ou connaissance de la conséquence des mots que communément on appelle SCIENCE. - L’OPINION. - Mais si le Discours ne se base pas tout d’abord sur des Définitions, ou si les Définitions ne sont pas convenablement réunies en Syllogismes, alors la Fin ou Conclusion est encore l’OPINION, celle par exemple qu’on a de la vérité d’une proposition et qu’on exprime pourtant parfois en termes absurdes, dépourvus de sens et incompréhensibles. - LA CONSCIENCE. - Quand deux ou plusieurs personnes ont connaissance d’un même fait, on dit qu’elles sont CONSCIENTES [de ce fait l’une par rapport à l’autre, ce qui revient à dire qu’elles le connaissent ensemble]. Et, parce que de telles personnes sont les meilleurs témoins de leurs actions à l’une et à l’autre [ou de celles d’une troisième personne], on a toujours considéré et on considérera toujours qu’il est très Mal de parler contre sa Conscience ou d’induire un autre à le faire [par la corruption ou par la violence ; et ceci au point que le témoignage de Conscience a toujours été et de tout temps écouté avec le plus grand soin]. Par la suite, les hommes ont usé, par métaphore, du mot Conscience pour désigner la connaissance de leurs actes [secrets] et de leurs [secrètes] pensées [ ; et, c’est ainsi qu’on dit par figure de Rhétorique que la Conscience vaut mille témoins]. Finalement, il s’est trouvé des gens qui, ardemment épris (si absurdes qu’elles soient) de leurs nouvelles opinions et s’entêtant obstinément à les soutenir, ont aussi donné à ces opinions le nom vénéré de Conscience semblant vouloir que l’on considérât comme illégal d’y rien changer ou de parler contre elles ; ils prétendent ainsi les savoir vraies, alors qu’ils savent tout au plus que ce sont là leurs Opinions.

LA CROYANCE. LA FOI. - Quand un Discours ne commence pas à partir de Définitions, [il commence, soit à partir de quelqu’autre considération du propre de celui qui le fait, et,] alors, on est encore en présence de ce que l’on appelle une Opinion, soit à partir de quelque dire d’un autre dont la capacité de connaître la vérité et dont la sincérité n’est pas mise en doute, alors le Discours n’est pas tant en rapport avec la Chose qu’avec la Personne, et il se Termine par ce que l’on appelle une CROYANCE et une FOI. On a Foi en la personne, on Croit tout ensemble elle et la vérité de ce qu’elle dit. [Ainsi donc, dans la Croyance, il y a deux opinions, l’une du dire de la personne, l’autre de sa vertu.] Avoir foi en, se lier à, croire quelqu’un signifient la même chose, à savoir une opinion de sa véracité. Mais croire ce qui est dit signifie seulement une opinion de la vérité du dire. Nous devons observer cependant que cette Expression je crois en, comme l’expression [Latine credo in et l’expression] Grecque piseno eis n’est jamais employée que dans les écrits Théologiques. Partout ailleurs on dit je le crois, je me fie à lui, j’ai foi en lui [j’ai confiance en lui, en Latin Credo illi, fido illi, et en Grec piseno anto ; et c’est cette particularité de l’usage Ecclésiastique d’un mot qui a soulevé tant de disputes à propos du véritable objet de la Foi Chrétienne].

Mais Croire en, comme dans le Credo, signifie non le fait de se fier en la Personne, mais celui de Confesser et de reconnaître la Doctrine. Non seulement les Chrétiens, mais tous les hommes croient en effet si fermement en Dieu qu’ils tiennent pour vérité toutes les paroles qui leur viennent de lui, qu’ils les comprennent ou non. C’est là le comble de la Foi et de la confiance que l’on puisse avoir en quelqu’un ; mais, notons que tous les hommes ne croient pas la Doctrine du Credo.

Nous pouvons donc conclure de ceci que, quand nous croyons que ce que dit quelqu’un est vrai, en nous basant sur des arguments tirés non de la chose elle-même ou des principes de la Raison naturelle, mais bien de l’Autorité et de la bonne opinion [que nous avons] de celui qui parle, alors c’est [dans sa personne que nous croyons ou à sa personne que nous nous fions, et, c’est] sa parole que nous considérons comme [l’] objet de [notre] Foi [ ; l’Honneur de notre Croyance n’est fait qu’à lui]. Par conséquent, quand nous Croyons que les Ecritures sont la parole de Dieu, si nous n’avons aucune révélation immédiate de Dieu lui-même, notre Croyance, notre Foi et notre Confiance sont en l’Eglise ; nous acceptons ses paroles et nous y acquiesçons. Et ceux qui croient ce qu’un Prophète leur raconte au nom de Dieu acceptent la parole de ce Prophète, lui font honneur, ont confiance en lui, le croient [en ce qui concerne la vérité de ce qu’il raconte], qu’il soit un vrai ou un faux Prophète. Il en est de même pour toute autre Histoire ; en ne croyant pas en effet tout ce que les Historiens ont écrit des actes glorieux d’Alexandre ou de César, je ne pense pas qu’aient légitimement lieu de s’en offenser [l’Esprit d’] Alexandre [ou de] César, ni personne autre que l’Historien. En ne croyant pas Tite Live lorsqu’il dit que les Dieux ont donné la parole à une Vache , nous ne manquons pas de confiance en Dieu, mais en Tite Live. Ainsi, il est évident que quoi que ce soit que nous croyions sans autre raison que celle qui est tirée de l’autorité des hommes et de leurs écrits, que ces hommes soient ou non les envoyés de Dieu, notre Foi est seulement dans les hommes.

P.-S.

Texte établi par Abréactions Associations d’après l’ouvrage de Thomas HOBBES, Léviathan ou la Matière, la Forme et la Puissance d’un État ecclésiastique et civil (Traduction française par R. Anthony), publié à Paris aux Libraires et Éditeurs Marcel Giard & Cie, en 1921.

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