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Raoul PONCHON

Le Gigot

La Muse au cabaret (1920)

Date de mise en ligne : samedi 28 janvier 2006

Le Gigot

Quand le gigot paraît au milieu de la table,
Fleurant l’ail, et couché sur un lit respectable
De joyeux haricots,
L’on se sent beaucoup mieux, un charme vous pénètre,
Tout un chacun voyant son appétit renaître,
Aiguise ses chicots.

On avait bien mangé mille riens-d’oeuvre et autre
Mais... quel sera le rôt ? ... songeait le bon apôtre
De convive anxieux.
Bravo ! c’est un gigot ! Une servante brave
Vient d’entrer, dans ses bras portant, robuste et grave,
Ce fardeau précieux.

Alors, l’amphitryon, le père de famille
Se demande, tandis que son oeil le fusille :
 Sera-t-il cuit à point ?
Il l’est - n’en doutez pas, et chacun le proclame,
Dès qu’il a vu plonger une invincible lame
Dans son doré pourpoint.

Son sang de tous côtés ruisselle en filets roses.
Sa chair est admirable, et ferait honte aux roses.
Le plus indifférent
Des convives, muet tout à l’heure et morose,
S’épanouit, du coup, débite mainte prose,
Devient même encombrant.

I1 ne faut bien souvent qu’une soupe ratée,
Pour que, dès le début, soit la verve arrêtée
Chez les plus beaux esprits ;
Le gigot vient, voici que la gaîté s’échappe.
On rit, on cause... l’un demande l’« oeil du pape »
Et l’autre, la « souris ».

L’un voudrait du « saignant », l’autre du « cuit », problème
Qui n’est pas difficile à résoudre. Un troisième
Hésite entre les deux...
Le propre d’un gigot, cuit selon le principe,
Étant de satisfaire au goût de chaque type,
Serait-il hasardeux.

Quelquefois on cause Art, Science, Politique.
La conversation prend un tour emphatique,
Qui n’est pas sans danger...
Arrive le gigot... adieu les grandes phrases !
Chacun à son voisin dit : assez... tu me rases !
Parlons donc de manger.

Vous êtes, ô gigot ! le plat de résistance,
Le morceau de haut goût, la viande d’importance,
Sur quoi rien ne prévaut.
Une côte de boeuf n’est pas pour me déplaire,
Tout de même c’est encor vous que je préfère,
Et je le dis bien haut.

Votre chair est savante. En la verte prairie,
Vous ne deviez brouter que des fleurs, je parie,
Dédaigneux des chiendents ;
Vous êtes tendres plus qu’une jeune épousée,
Gigots d’agneaux ! argile idéale, et rosée
Qui fondez sous nos dents.

Lorsque vous gambadiez aux profondes vallées,
Sur les montagnes ou dans les plaines salées,
Ignorant les bouchers,
Vous étiez des « Jésus », que la grâce décore ;
Mais vous êtes bien plus attendrissants encore
Sur des « fayots » couchés.

Aussi, vous mange-t-on par pure gourmandise,
Et machinalement, comme une friandise,
Sans mesure, sans fin,
Car, ainsi que l’a dit un docteur en Sorbonne :
 Vit-on jamais gigot faire mal à personne ?
Il se mange sans faim.

Raoul PONCHON

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