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Séminaire « RSI »

La Ferme... Ça sent ferme

Résumé de la 7ème Séance

Date de mise en ligne : samedi 5 juin 2004

Auteur : Guy MASSAT

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La dernière fois nous avons vu quelque chose de Lacan de tout à fait étonnant : Lacan soutient qu’il a fabriqué, comme ça, à distance, en travaillant les trois fonctions du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique, il a fabriqué des gens, des gens capables de l’écouter et de le lire... “Je ne peux dialoguer qu’avec quelqu’un que j’ai fabriqué à me comprendre au niveau où je parle” (p. 80). Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? Sinon que l’homme n’est pas le produit de son milieu, mais que c’est lui qui produit son milieu, quel qu’il soit. Il produit tout ce qu’il lui arrive, son bien et son mal dont il est seul à décider comme dans l’éternel retour du même ou la volonté de puissance, selon Nietzsche, autres noms pour désigner l’inconscient.

Certes, en tant que névrosés nous avons du mal admettre ça. L’homme produirait son milieu, physique, mental, social et familial, et ces milieux deviendraient autonomes et se retourneraient contre lui, selon un désir qu’il prétendrait hystériquement ne pas être le sien. Ainsi pourrions-nous soutenir avec Lacan que c’est bien l’homme qui désire l’enfer, où il se trouve avec l’injustice, le mal et jusqu’à son style de mort (accident, maladie, vieillesse et misère et autres enfants pourris de la nuit). Aussi vrai, nous dit Hésiode, que Nix, la ténébreuse, sortie directement du Chaos, enfanta seule et sans dormir avec personne, l’odieuse Mort, la Kère et Trépas, Sommeil et toute la race des songes et Sarcasme et Détresse... Tromperie et Vieillesse maudite, Peine, Faim, Meurtres, Tueries, Querelles et mots menteurs, Anarchie et Désastre. Alors, comme elle, la nuit, nous engendrerions seul et sans l’aide de personne, tous nos tourments, seulement pour jouir de notre propre puissance, de notre propre inconscient.

Nous voyons là que l’inconscient n’a rien d’une langue morte. “Ça met le feu à tout, le Réel”, comme dit Lacan, et Héraclite : “Le feu survient, juge et se saisit de tout”. Il serait donc peut-être temps que nous travaillions, comme ça à distance, comme il le dit, notre RSI personnel pour fabriquer des choses un peu moins sinistres et tant qu’à faire carrément belles et sublimes. Or, c’est possible par que l’inconscient, c’est de la parole. L’inconscient est une parole qui parle. “C’est la parole, comme l’explique Heidegger dans Acheminement vers la parole, “c’est la parole qui parle”, et Lacan a pris cette parole sans parleur au sérieux. L’inconscient est cette parole qui parle toujours d’autre chose dans ce que nous disons. “Cette parole qui quand elle sonne, comme dit Valéry, n’est plus la voix de personne”. Elle est première et pourtant son sens n’arrive qu’après coup. C’est donc à une relation très étrange que nous sommes confrontés en nous-mêmes puisque si c’est la parole qui nous constitue, il n’y aura pas plus étranger à nous-mêmes que nous-mêmes dans cette parole. Relation comparable en son articulation à celle des deux Titans, Epiméthée (celui qui pense après) et Prométhée (celui qui pense avant).

Hésiode nous rapporte que Zeus (la vie) se servit d’Epiméthée pour enchaîner Prométhée... On s’y connaît donc, même si on ne le sait pas vraiment, comme un savoir qui saurait qu’il se sait lui-même, en triangle ZEP, (Zeus Epiméthée et Prométhée). La preuve ? Qui n’a jamais eu mal au foie ou à la foi, ou à la fois au foie et à la foi ? L’inconscient est une parole qui parle et son écriture est celle des nœuds comme nous essayons de le montrer... C’est très difficile à comprendre, mais on va y arriver, parce qu’en fait, il n’y a pas d’autres aventures possibles que celle de l’écriture de l’inconscient.

L’homme s’en est aperçu depuis toujours. On le constate pour peu qu’on écoute par exemple l’alto usé de Lao-tseu (alto usé, c’est une anagramme de Lao tseu) : “Tao ko Tao feng tchang Tao” dit la musique du premier vers de ce poème, à savoir : “la voix véritablement voix est autre que la voix qui s’énonce”. Et voilà l’inconscient tel que Lacan le montre. Traduire une langue morte ou vivante ou ni morte ni vivante ou les deux à la fois est de l’ordre du voyage, non plus dans l’espace, mais dans un temps à vitesse instantanée.

La suite du poème de Lao-tseu semble bien parler du discours inconscient (le non-être, le parlêtre) et du discours conscient (le discours avec les noms) puis des deux discours à la fois qui, pensés ensemble, seraient “la porte de toutes les merveilles”, à savoir quoi ? La psychanalyse ? Si le Tao te king est parvenu jusqu’à nous avec la traduction suivante : le livre (king) de la voie (tao) et de la vertu (te), il faut traduire aujourd’hui, après Freud et Lacan : le livre de la puissance (te) de la parole (tao). C’est comme la nouvelle d’Edgar Poe intitulée “Puissance de la parole”.

Un texte, un auteur et un lecteur forment un triangle, c’est-à-dire un nœud, avec ses trois croisements, un triple nœud, un trois, une étrange Troie, dont on ne peut savoir quelle est la boucle qui tient les deux autres. Il faudrait être un intégriste borné comme il y en a tant, pour soutenir que le sens est toujours déjà là, et définitivement donné, par on ne sait qui, en dehors de nous-mêmes. L’analyse, l’analusis, c’est donc savoir se faire et se rendre étranger à sa propre langue comme si on était plus personne. Mais, dans cet abandon, dans cet effacement de soi, dans cette chute nous ne tombons pas, nous volons au contraire sur des hauteurs où se déploient les dimensions les plus jouissives du temps, des temps pourrions-nous dire plus exactement, de tous ces temps éphémères mais qui pourtant durent plus que les diamants. Comme dit Catherine Breillat dans son livre “Pornocratie” : “Le désir vient de la nouveauté excessive qui fait que tout espoir d’une fornication possible est comme la promesse d’une nouvelle vie” (p. 127).

Les corps et les esprits passent, les inconscients sont immortels. Comme l’amour, l’inconscient n’a pas besoin d’être unique pour exister : en combien peut-il se partager tout en restant le même ? À l’infini. On peut le comparer aux dieux et aux héros de la mythologie continuellement métamorphosables. Depuis Freud, les monothéismes n’arrivent plus à nous faire croire qu’ils ont le monopole de l’immortalité. Donc, ce que dit en substance Lacan c’est qu’à travailler comme ça dans son coin le RSI on fabriquerait l’objet de nos désirs inconscients. Quoi ? Une femme parfaite, une déesse, de l’or, tout ce qu’on voudrait et qui apparaîtrait ainsi dans la réalité, comme par magie. Si un Génie, comme il n’y en a que dans les contes, vous disait : “Fais un vœu et je le réaliserai !”. Que diriez-vous ? - Je ferai le vœu, répondit une petite fille de sept ans, de pouvoir réaliser tous les vœux que je voudrais... Mais est-ce vraiment une bonne idée ? On peut réfléchir à la question car les vœux inconscients ne sont pas ceux que nous croyons.

Nous avons vu aussi la dernière fois que la ligne droite n’existait pas. Si, dans l’espace, on en voit partout des lignes droites, dans le temps il n’y en a pas. Comme dit Jorge Luis Borges, dans “Nouvelles réfutation du temps” (Enquêtes, Gallimard) : “Le temps est la substance dont je suis fait. Le temps est un fleuve qui m’entraîne, mais, je suis le temps”. Par son mouvement même la ligne droite n’existe pas puisque son flux se heurte inéluctablement à des forces opposées qui la dévient si peu que ce soit. “Jamais personne ne suit la ligne droite, dit Lacan, ni l’homme, ni l’amibe, ni la mouche, ni la branche, ni rien du tout” (“Lituraterre”) puisque nous sommes dans le temps.

La ligne droite, ce n’est pas celle que nous voyons dans l’espace, la ligne droite, c’est le vide, c’est la flèche d’Eros, ou celle d’Apollon. “Quand la beauté tend l’arc de la vie, tous les dieux dans l’Olympe se lèvent” dit un Hymne d’Homère à Apollon. Cependant dans notre monde il n’y a que des spirales, depuis des galaxies jusqu’aux particules les plus éphémères, depuis les amibes, les arbres, les végétaux, les escargots, les animaux les hommes et les esprits, tout est créé en spirales parce que rien ne peut échapper au temps, même pas le temps, contrairement à ce que pensent certaines religions. Dans les grottes préhistoriques, on trouve des spirales qui servaient sans doute de calendriers. Pour s’incarner, le temps le fait comme un serpent, en spirale, l’un et l’autre ne vivant qu’en changeant de peau.

La question qui se pose dès lors c’est comment passer de la spirale au rond ? Comment passer du discours conscient au discours inconscient ? Comment passer de l’imaginaire au symbolique et du symbolique au réel ? Comment s’affranchir du “il était” du temps répétitif - spiralique -, pour accéder au temps du toujours nouveau ? Ça serait un saut épistémologique décisif, ce serait la passe véritable à l’inconscient. C’est que : tout un chacun, comme tout ce qui existe, est pris inévitablement dans quelque spirale centrifuge ou centripète selon la fortune, mais de ce tourbillon comment atteindre à un rond duquel le langage lui permettrait de ne plus souffrir et de dire que tout ce qui arrive lui plaise ?

Vous entrevoyez maintenant, je pense, à quel point Agnès Sofiyana m’a sidéré, en montrant, lors de sa dernière intervention, une méthode en spirale pour faire un trou quasiment infini en deux coups dans une feuille de papier, ce qui surpasse absolument ma méthode de coupure en une infinité de droites. Agnès Sofiyana a redonné son sens à l’excellence : Ek c’est ce qui dépasse, cellus ce qui a de plus élevé. Ma manière de me libérer de la surface plane ressemble, toute proportion gardée, à celle d’Yves Klein, l’inventeur du bleu et du monochrome, le peintre du vide, dont on a une photo extraordinaire où il se précipite dans le vide. C’est la méthode abrupte, c’est violent, c’est brutal de sauter comme ça, de l’imaginaire au réel, ça a un côté : coup de sabre terrifiant. Ça a un côté samouraï aveugle et solitaire qui ne plaît pas beaucoup. Le grand cinéaste japonais qui a fait un film sur le samouraï aveugle s’en est aperçu puisqu’il termine son film, histoire de plaire au public, par une sorte de comédie musicale, comme pour effacer tout ce qu’il aurait dit de sérieux.

Il faut dire que la manière d’Agnès Sofiyana est tout à fait différente de la mienne par son élégance et son efficacité. Elle monte en spirale de l’Imaginaire au Symbolique et du Symbolique au Réel. Ce qui ne l’empêche nullement de monter du Réel à l’Imaginaire et de recommencer dans une spirale centrifuge en expansion infinie :

C’est que le discours inconscient est fait de ronds, c’est-à-dire de paroles, de “pas rôle”, de mouvements de roue, si vous le voulez bien. Quand Bouddha invente le zéro, qu’il nommât nirvana, c’est en passant en quelque sorte par cette coupure des apparences temporelles à partir desquelles on fait d’une spirale un rond. Une fois qu’on a un rond, on les tient tous comme je vous l’ai montré : un point est un nœud et une ligne, le flux du point, pour reprendre Euclide, est une spirale et, de la spirale, on fait un rond, on fait trouvaille du vide réel, du vide parfait.

Mais pour comprendre que tout est en spirale, il faut déjà comprendre le temps. Ce qui curieusement n’est pas le cas de tout le monde. Le plus grand nombre des vivants fait comme s’il vivait dans une certaine éternité, avec un temps mis entre parenthèses. On refoule le temps, on le voit dans les sciences. Prigogine, le célèbre Prix Nobel, a eu un mal fou à introduire le temps en physique (voir “La fin des Certitudes”). Mais dès qu’on accède au temps on comprend que toute la nature est en spirale. Cependant les nœuds existent indépendamment de nous. Dès qu’une parole les coupe, ils se renouent automatiquement à leur façons, à moins que nous ne leur imposions une certaine façon de se nouer. Si on pouvait s’y repérer un peu plus avec nos ronds de ficelles, peut-être pourrions-nous dire avec Lacan que nous sommes capables de fabriquer, à la manière de Pygmalion, des gens qui nous comprendraient, dans tous les sens du terme (physique, sensoriel, sentimental, intellectuel social, économique, idéologique et psychanalytique).

Vous connaissez l’histoire de Pygmalion. Il sculpte dans un ivoire réel, l’imaginaire et le symbolique d’une femme idéale dont il tombe amoureux. Lors d’une fête à Aphrodite il demande à la déesse de lui faire rencontrer une femme qui ressemblerait à cette statue. Et lorsqu’il rentre chez lui, stupéfaction : la statue est vivante. Dès la naissance, nous sommes pris dans une spirale qui nous mène inévitablement à la mort. Or voici qu’on peut découper une spirale en un rond ondulant comme le rivage des mers et vaste comme le soleil : “Elle est retrouvée. Quoi ? L’éternité. C’est la mer mêlée au soleil”, comme dit Rimbaud [1]. Si nous savons ce qu’est un rond nous savons ce qu’est un nœud. Et si nous savons ce qu’est un nœud nous voyons, nous entendons, nous percevons nous pensons en termes de nœuds, c’est-à-dire de coupages et de nouages du temps. La spirale qui se métamorphose en rond c’est le temps qui parle, le passé qui parle, le présent et l’avenir qui parlent.

Leçon 6

Au début de la leçon 6 Lacan demande à ce qu’on lui pose des questions : “... Ce temps pourrait bien venir... que certains parmi vous me posent des questions auxquelles, je vous le répète, je serais heureux au moins de pouvoir répondre à ce qui semblerait que dans l’état actuel j’ai la réponse. Je serais vraiment très, très reconnaissant à ces certains qui certainement au sens où je l’entends, ek-sistent [c’est-à-dire qui situent l’inconscient], à ces certains s’ils me lançaient la balle, si je puis dire...”.

Naturellement personne ne prend la parole. C’est qu’ils sont intelligents les auditeurs. Ils savent, ils sont aussi savants que le sphinx que rencontra Œdipe. Les sphinx ne peuvent mourir que si l’on répond à leur question. Le sphinx est une question. Quand on connaît la réponse la question tombe en extinction, en nirvana. Mais personne ne veut mourir pour une question, personne ne veut le nirvana, c’est bien connu.

La question que Lacan voudrait qu’on lui pose c’est évidemment à propos de l’écriture des nœuds. Il la reprend donc : “Il faut dans le nœud distinguer ceci, c’est que si c’est difficile d’en faire rentrer la théorie dans la mathématique, ceci au point que, disons, je n’ai pas trouvé quoi que ce soit qui réponde à ce nœud” [Il s’agit du borroméen].

“Comment j’y ai abouti ?”. C’est le séminaire onze, “Les quatre concepts de la psychanalyse”, qui en donne la solution, avec notamment : “Du regard comme objet petit a”, ce petit a qui fait l’œil et qui fait le cerveau et tout le reste.

Le more geometrico ne va pas de soi

Le more geometrico c’est le “bêtement géométrique”.
 Lacan : “C’est ce que Spinoza, par exemple, se targuait de filer, de déduire quelque chose selon le mode et le modèle donné par les Anciens. Il est clair que ce more geometrico définit un mode d’intuition qui est proprement mathématique et que ce mode d’intuition, après tout ne va pas de soi” (p. 88).

Le géométrique, on en a déjà parlé, ça se réduit aux carré, rond, triangle et croissant. C’est toute l’architecture ancienne. C’est un résumé de la nature : le carré, c’est le solide, le rond, c’est l’eau, le triangle, le feu, et le croissant, l’air. Vous n’avez qu’à aller voir la cour carrée du Louvre, c’est en un bon exemple. Vous remarquerez dans les explications qui sont données : “Minerve, les Muses et La victoire” que Minerve, c’est du latin qui désigne Athéna, les Muses, c’est du grec qui désignent les arts, et la victoire, c’est du français qui désigne Niké. On est en plein pidgin, en vocabulaire mixte. Le géométrique ce n’est pas évident parce que c’est de la surface, c’est de l’espace, c’est de l’apparence. Nous voulons quitter la géométrie, l’espace la surface et les apparences avec cette topologie des nœuds qui sont faits de ronds.

“La façon, poursuit Lacan, dont le point, la ligne, est encore fomentée d’une fiction, et aussi bien la surface qui ne se soutient que de la fente, que de la cassure, d’une cassure sans doute spécifiée, spécifiée d’être à deux dimensions - mais comme la ligne n’est une dimension que d’être sans consistance à proprement parler, ce n’est pas beaucoup dire que de dire qu’on en ajoute une - et d’autre part, la troisième celle qui en somme s’édifie d’une perpendiculaire à la surface, est quelque chose de bien étrange. Comment, sans que quelque chose donne support à ce qu’il faut bien dire être abstraction fondée sur un coup de scie, comment, sans retrouver la corde, faire tenir cette construction ?” (p. 88). Une coupure c’est un arrêt. Un arrêt à partir de quoi se reforme un nœud. La corde qu’est-ce ? Une drisse, une écoute, des termes de marins, d’artisans, d’homo faber, l’homo faber c’est l’homme de l’art, l’artisan, l’ouvrier, c’est du continu qui se forme à partir d’une coupure.

Lacan : “Quelle nécessité fait que cette corde, cette corde - dont la dixième règle, celle de Descartes [2], que j’ai évoqué - Descartes évoque qu’aussi bien, après tout, l’art du tisserand, l’art de la tresse, l’art de la fileuse pourrait donner le modèle, comment se fait-il que des choses s’exténuent, s’exténuent à ce point que le fil en devienne inconsistant ?” (p. 89).

Inconsistant comme le fil du temps. “Peut-être, demande Lacan, y a-t-il-là ce quelque chose qui est en rapport avec un refoulement ?”. Qu’est-ce qu’on refoule ? Le temps, le rond, le vide ? Lacan : “Avant de s’avancer jusqu’à dire que ce refoulé, c’est le primordial, c’est l’Urverdrängt, c’est ce que Freud désigne comme l’inaccessible de l’inconscient...”...

Juste à ce moment de la conférence, à l’instant où Lacan dit : “l’inaccessible de l’inconscient”, une rumeur se fait entendre au fond de la salle, comme une voix venant de nulle part, ce genre de rumeur qu’on ne peut domestiquer et dont on se demande de quels abysses sans fond elle porte l’écho. Aussitôt Lacan l’enchaîne : “Ça serait peut-être pas mal que quelqu’un du fond prenne la parole et me pose une question, ça me montrerait à quelle hauteur il faut élever la voix pour que moi j’entende, puisque les choses semblent mal fonctionner. Est-ce que quelqu’un du fond ne pourrait pas frayer cette voie que j’ai souhaitée tout à l’heure ?” (p. 89). Mais à ce moment-là non plus, personne ne veut mourir. Alors Lacan continue avec le nœud borroméen.

“C’est bien pourquoi, poursuit-il, interrogeant mon nœud, j’ai marqué ceci qu’il n’était pas moins dessinable et qu’il restait nœud à cette seule condition qu’une de ces boucles, on l’ouvre et qu’elle se transforme en une droite ; nous retrouvons la question que j’ai posée au départ, celle de la droite et de son peu de consistance mathématique, géométrique ; ici cette consistance restituée suppose que nous l’étendions à l’infini pour qu’elle continue à jouer sa fonction. Il faut donc voir infiniment prolongée cette corde, en haut et en bas, pour que le nœud reste tel, reste nœud” (p. 90).

Cette droite, comme toutes les droites, comme tous les segments de droites, c’est le vide, c’est le réel qui traverse un rond et non pas ce qu’on voit dans l’espace. Comme il dit dans “L’identification” : “l’un comme tel est l’Autre”, ce qui est parfaitement contradictoire et qui de ce fait participe directement de l’inconscient. “C’est bien, poursuit Lacan, en quoi la droite, la droite sur quoi en somme prend appui cette corde dans son état présent, la droite n’est guère consistance et c’est bien là-dessus d’ailleurs que la géométrie, si l’on peut dire, a glissé, soit à partir du moment où cette droite infinie on en a, dans une géométrie dite sphérique, restitué l’infini, en en faisant un rond. Sans s’apercevoir que dès la position du nœud, du nœud borroméen, ce rond est impliqué et qu’il n’y avait donc pas peut-être à faire ce détour” (p. 89).

Reprenons ça, si vous le voulez bien. Nous avons vu que l’univers pouvait se réduire à un point, par exemple celui-là. L’histoire du temps le découpe en spirale. La spirale d’Agnès. Et la spirale découpée aboutit à un trou. Mais ce trou n’échappe pas au temps, d’où la présentation de Lacan par deux ronds (cf. dessin n° 2), au moins deux. Comme ce sont des trous ils sont traversés par la ligne qui n’existe pas parce qu’elle est le vide et qui fait le troisième rond, le rond du Réel.

Le nœud mental

C’est qu’il y a le nœud borroméen mental et le nœud borroméen inconscient. On peut se les figurer par les anneaux olympiques. Certes, tels qu’on nous les présente d’habitude ils ne sont pas bien noués, mais rien ne nous empêche de les nouer borroméennement.

Nous avons donc deux fois RSI, l’un pour le conscient ou mental, l’autre pour l’inconscient. Dans le conscient le contradictoire est impossible. Ici le réel est réel, le symbolique symbolique et l’imaginaire imaginaire ou si vous préférez : être c’est être, avoir c’est avoir, faire c’est faire. Dans l’inconscient le contradictoire est recevable, l’être peut être non-être. Il n’est même que sur le mode de ne pas être ce qu’il est et d’être ce qu’il est pas. L’avoir est le non avoir et réciproquement. Le faire est le non-faire, le réel n’est pas le réel, l’imaginaire n’est pas imaginaire, le symbolique n’est pas symbolique.

L’artiste conceptuel Joseph Kosuth utilisait le RSI dans le mental. Par exemple il exposait une chaise, réelle, la photo d’un chaise (l’imaginaire) et la définition de la chaise (le symbolique). Mais il fallait en quelque sorte un quatrième rond pour tenir l’ensemble qui était représenté par le spectateur ironique, étonné, ou sceptique. En tout cas c’est le spectateur qui tenait l’ensemble. Le spectateur représente le rond indispensable du symptôme dans l’art conceptuel.

Lacan (p. 90) : “... Tout ce que le peintre trouve pour dompter le regard, comme je l’ai exprimé dans un temps, ce qu’il en est de la fonction du peintre et qu’ici aussi c’est sur quelque chose de spécifié, le tableau noir, que je me trouve forcément mettre à plat, mettre à plat ce que j’ai à vous communiquer du nœud... En vous figurant ce qu’il en ait de ce qui se passe pour ces trois ronds que j’ai dessinés indépendants, en me contentant, pour vous simplifier les choses, de montrer comment il faut les tracer pour que le quatrième, le quatrième que j’ai représenté un peu différemment de la façon dont je le fait maintenant vous mettant en valeur la fonction quadruple du quatrième rond de ficelle... C’était vous donner l’expérience de la difficulté de ce que j’ai appelé le nœud mental”. Le nœud mental ne tient que par le quatrième rond. “Mais, poursuit Lacan quand j’ai voulu le mettre à plat d’une façon qui reproduise en la modifiant, c’est-à-dire en rendant indépendants les trois nœuds, les trois ronds de ficelle de départ, je me suis trouvé faire une erreur”.

Lacan attribue cette erreur d’abord à la lassitude, puis il la désigne comme un acte manqué : “Pourquoi en somme l’acte manqué ici a-t-il fonctionné, sinon pour témoigner que nulle analyse n’évite que quelque chose ne résiste dans cette théorie du nœud. Et c’est bien ce qu’après tout, je ne crois pas mal de vous l’avoir fait sentir, et de vous l’avoir fait ressentir en quelque sorte d’une façon expérimentale”. Lacan reprend les trois ronds et cette fois dessine le quatrième rond de la bonne manière, c’est-à-dire en passant par dessus le rond supérieur. Si l’on part d’un des ronds inférieurs le rond supérieur reste libre.

L’importance d’un rond de ficelle c’est qu’il est un trou. Il y a correspondance de la consistance et du trou à chacun des termes Imaginaire, Symbolique et Réel. Comme on dit dans le Zen : “les formes sont le vide et le vide est les formes” ou comme le demande Lacan p. 93 : “qu’est-ce qu’un trou, si rien ne le cerne ?”.

C’est l’a qui fait l’existence du nœud

Lacan (p. 93) : “La dernière fois, j’avais bien marqué que l’ek-sistence à savoir ce quelque chose qui, au regard de l’ouverture et de ce qui fait trou, que l’ek-sistence à savoir pour mettre les choses à plat, ce quelque chose que nous devons , dans la mise à plat figurer que l’ek-sistence appartient à ce champ, qui est, si je puis dire, supposé par la rupture elle-même et que c’est par-là, c’est là dans, dans l’a - écrivez la : l’, apostrophe a - que se joue si l’on peut dire le sort du nœud”.

C’est-à-dire que c’est en fonction de notre objet a que se décide notre réel, notre imaginaire et notre symbolique. C’est l’expérience analytique qui a conduit Lacan, comme il l’affirme “à cette trinité infernale du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel” (p. 94). Il se réfère à la citation de Freud dans la science des rêves : Se mouvoir au-dessus de l’Achéron, le fleuve des enfers. “Le désir de l’homme, poursuit Lacan, c’est l’enfer, l’enfer très précisément en ceci que c’est l’enfer qui lui manque ! Et avec cette conséquence que c’est à quoi il aspire, et nous en avons le témoignage, le témoignage dans la névrose qui est très exactement ceci, c’est que le névrosé c’est quelqu’un qui n’arrive pas à ce qui pour lui est le mirage où il se trouverait à se satisfaire, c’est à savoir la perversion, qu’une névrose c’est une perversion ratée”. L’enfer c’est ce qui est dessous, l’enfer nous manque c’est-à-dire qu’il n’y pas de dessous. Il n’y a pas d’arrière monde.

Ce qui fait trou fait corps

“Ce qui supporte le corps c’est la ligne de la consistance. Un corps tel que celui dont vous vous supportez, c’est très précisément ce quelque chose qui pour vous n’a d’aspect que d’être ce qui résiste, ce qui consiste avant de se dissoudre”... “Ce n’est qu’à nous poser la question de savoir si le trou, c’est bien ce qui est l’ordre du Symbolique que j’ai fondé du signifiant, c’est bien là le point que nous nous trouverons avoir au cours de cette année à trancher ".

Et là il y a une interruption de l’enregistrement.

Le désir n’est pas la jouissance

La jouissance c’est l’extinction du désir. Et dans la mesure exacte où le désir se définit comme manque. Il est remarquable qu’en français “désir” puisse s’entendre avec un “dé” privatif, c’est-à-dire marquant la privation, et privé de quoi ? justement du S.I.R, du SIR bien noué ; donc le mot désir montre qu’il est à nos yeux étonnés qu’il est privé du bon nouage borroméen.

Comme si le mot français désir parlant lui-même de lui-même disait qu’il y a du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel qui cherchent désespérément à se nouer comme des tranches d’oranges qui tenteraient de se rejoindre mais n’y arrivant pas ne cesseraient de rouler dans les spirales de la souffrance en répétant à l’infini leurs jouissances ratées. Donc le désir est le contraire de la jouissance. L’extinction du désir c’est la jouissance. Et c’est la jouissance qui est créatrice puisque nous sommes tous nés de ça ; même si nos parents n’ont pas jouis vraiment ils en avaient au moins l’espérance puisqu’ils ont fait ce sans quoi nous ne serions pas là. Le monde est tout ce qui arrive, dit Wittgenstein, mais il nous faut compléter la phrase : “le monde est tout ce qui arrive de l’inconscient” (proposition 1). Quant à ce que nous croyons taire (proposition 7) il ne fait que parler en paroles et en actes.

Requiem pour la philosophie

Les trois catégories, RSI, reprend Lacan, ne sont pas aisément maniables. Certes, elles viennent du fond de des âges. On pourrait les réduire à celles de l’être du faire et de l’avoir qui structurent la philosophie, mais justement l’exténuation de la philosophie demande à ce que nous les utilisions à nouveau. La fin de la philosophie, Lacan la situe avec Hegel et Kierkegaard. Hegel et Marx ont fait la promotion de la répétition avec la résolution dite thèse, antithèse et synthèse. La synthèse se transformant elle-même en thèse qui engendre son antithèse pour aboutir à une synthèse qui se transforme encore en thèse etc. En face, pour Kierkegaard, il n’y a pas de synthèse, il y a l’ek-sistence. Cette émergence de l’existencenie la toute puissance de la conscience réflexive... La conscience n’est plus avec Kierkegaard le critère de l’existence, c’est l’existence qui est le critère de la conscience. On voit donc à ce moment poindre l’émergence de l’inconscient. Cependant, si pour Kierkegaard “La subjectivité est la vérité”, il se réfère strictement à la foi chrétienne, il faut redevenir, selon lui, le contemporain du christ. Il n’y a d’histoire que l’histoire sainte.

Le concept d’inconscient va opérer alors une rupture d’une part avec l’intellectualisme de Hegel et d’autre part avec l’existentialisme religieux de Kierkegaard. La mort de la philosophie c’est en quelque sorte l’invention ou la résurrection l’inconscient. Mais y a-t-il un savoir de l’inconscient, un savoir de l’inconscient est-il possible ? “C’est, dit Lacan, un savoir sous une tout autre forme” (p. 96).
Résumons :
 il y a un réel qui est le rationnel avec, Hegel : “tout le réel est rationnel”,
 il y a le réel de la foi avec Kierkegaard,
 puis, troisièmement, le réel de l’inconscient avec Freud et Lacan.

Par exemple, fait remarquer Lacan “le monde newtonien n’est pas pensable sans Dieu. Car comment chacune des masses saurait-elle à quelle distance elle est de toutes les autres ?” (p. 97). Donc il y aurait là une certaine alliance entre la raison et la foi, entre l’imaginaire et le symbolique. Pour Aristote, poursuit Lacan, “c’est l’artisan qui lui donne le modèle pour toutes ses causes, sa cause finale si je puis m’exprimer ainsi, sa cause formelle, sa cause, ça cause même à tour de bras, ça cause même matérielle, et ça n’en est que plus désespérant...” Ainsi est-ce la métaphore du potier qui prime dans la physique d’Aristote. “C’est la main divine qui a fait le pot”.

Et pourtant Lao tseu demandait déjà : qu’est-ce qui fait marcher le char ? Et il répondait : c’est le vide médian de la roue (XI). C’est le vide au centre de la roue qui fait avancer le char, le charretier et tout ce qu’on voudra. C’est-à-dire pour reprendre l’exemple du potier il faut dire et penser que ce n’est pas le potier qui fait le pot. C’est le vide qui fait non seulement le pot mais aussi le potier et tous les marchands de pots. En tout cas dans l’inconscient, c’est comme ça. À quoi tient ce qui ne marche pas dans le champ du réel, du réel en tant que rationnel ou du réel en tant que foi ? Ce qui ne marche pas tient simplement à ceci que pour qu’il y ait de l’être il faut qu’il y ait de la parole. Parce que si la parole ne parlait pas il n’y aurait pas le mot être. L’inconscient c’est le parlêtre.

“Le symptôme, poursuit Lacan, n’est pas définissable autrement que par la façon dont chacun jouit de l’inconscient en tant que l’inconscient le détermine” (p. 98). “Y’a de l’un” dit Lacan. C’est-à-dire il y a du contradictoire, c’est-à-dire il y a de l’inconscient, de l’inconscient refoulé depuis la tradition philosophique et qui surgit aujourd’hui dans le savoir. “Un”, ça monte en même temps que ça descend comme le montre le mot en français. L’un c’est le contradictoire, c’est-à-dire le nihil negativum kantien, l’impossible. “L’un, le seul savoir, dit Héraclite, veut et ne veut pas (ça c’est le contradictoire) être appelé du nom de Zeus, c’est-à-dire la vie). (Frag. 32). Si tout se réduit au trait du signifiant, ce trait est en réalité fendu et forme un rond. L’un n’est jamais qu’une fente à deux lèvres. “Skaphaï”, comme dit Héraclite dans son dernier fragment (142), c’est-à-dire “un fendu” et qu’on a traduit par “auge”, “nacelle”, “cuvette”, “barque”, “réservoir”, “bassin”, “alvéole”, “bol”, “vaisseau” ; personne n’ayant eu le courage de traduire le mot par “vulve”, l’un fendu de la castration symbolique.

Le symptôme n’est pas à chercher chez Hippocrate mais dans Marx

Le symptôme n’est plus à chercher aujourd’hui dans la médecine mais dans l’économie, c’est-à-dire chez Marx, encore qu’il s’agit de le lire plutôt comme étant un économiste des pulsions.
 Lacan : “Si nous faisons de l’homme, non plus quoi que ce soit qui véhicule un futur idéal, mais si nous le déterminions de la particularité, dans chaque cas, de son inconscient et de la façon dont il en jouit, le symptôme reste à la même place où l’a mis Marx, mais il prend un autre sens, il n’est pas un symptôme social, il est un symptôme particulier. Sans doute, ces symptômes particuliers ont-ils des types, et le symptôme de l’obsessionnel n’est pas le symptôme de l’hystérique. C’est très précisément ce que j’essaierai de faire porter pour vous dans la suite” (p. 99).

Marx c’est la dialectique de Hegel remise comme il le dit sur ses pieds. Mais c’est aussi un Kierkegaard athée. L’homme est réduit au prolétaire qui serait l’essence de l’homme, ce qui consiste comme dit Lacan “à être dépouillé de tout et chargé d’être le messie du futur” (p. 99). Nous sommes chez Marx les contemporains du prolétaire comme chez Kierkegaard les contemporains du Christ.

La mort est un acte manqué

Lacan (p. 99) : “Pour l’obsessionnel pourtant, je le note tout de suite, il y a un symptôme très particulier. Personne, bien sûr, n’a la moindre appréhension de la mort, sans ça vous ne seriez pas là si tranquilles. Pour l’obsessionnel, la mort est un acte manqué. C’est pas si bête, car la mort n’est abordable que par un acte ; encore, pour qu’il soit réussi, faut-il que quelqu’un se suicide en sachant que c’est un acte, ce qui arrive que très rarement. Encore que ça ait été fort répandu à une certaine époque, à l’époque où la philosophie avait une certaine portée, une portée autre que de soutenir l’édifice social, il y a quelques personnes qui sont arrivées à se grouper en école d’une façon qui avait des conséquences... Mais il n’est pas besoin d’avoir atteint une sagesse quelconque, il suffit d’être un bon obsessionnel pour savoir de source certaine que la mort est un acte manqué”.

Rappelons-nous Hégésias, ce philosophe qui, au IV s. av. JC, conseillait la mort. Le plaisir est le seul but de l’homme, enseignait-il, mais comme on ne peut l’atteindre de manière suffisamment durable, ne vaut-il pas mieux mourir ? Mourir avant ou tout de suite après. Cela est imparable si l’on se situe dans le discours conscient. Là en effet, “la vie est une affaire qui ne couvre pas ses frais”. Aucun argument ne résiste à l’“à quoi bon ?”. Ce qui prouve bien que la vie ne se situe pas du côté de la raison, de l’esprit et de la réflexion, mais fondamentalement du côté de l’inconscient.

Arrivant à la fin de cette leçon Lacan regrette qu’il n’ait pu “aborder l’os” de ce qu’il voulait dire. L’os c’est quoi ? On peut découper la psychanalyse comme si c’était un animal en plusieurs niveaux. Par exemple :
 il y a ceux qui en connaissent la peau : la peau de l’âne de Peau d’Anne. On en parle partout...
 Mais ceux qui en connaissent la chair, ce sont ceux qui font une analyse.
 Ceux qui en comprennent les os sont ceux qui en comprennent la théorie ;
 et ceux, enfin, qui en connaissent la moelle, sont ceux qui en apprécieraient les nœuds et leurs trous. Ce qui nous a été montré par Agnès Sofiyana.

Psychose névrose et perversion ne sont jamais que des manières différentes de confondre le conscient et l’inconscient. “L’homme dit Héraclite, s’allume une lumière dans la nuit (cette lumière est celle de l’inconscient et non celle de l’esprit) et vivant en dormant il touche aux morts (c’est-à-dire qu’il n’a peur ni de dormir ni de mourir) et éveillé il voit ce qui dort (à l’inconscient)”.

Le cours de Lacan se termine sur l’objection de quelqu’un qui demandait si à force de dire que la femme n’existait pas on ne la faisait pas exister. À cette confusion de l’inconscient et du conscient Lacan répond que les femmes existent mais non pas à l’état de La. Pas à l’état de La, ni de là, ni de l’a, ni de lalala, c’est-à-dire réduite à de la mère.

Voir en ligne : J. LACAN : Séminaire RSI. Leçon du 18 février 1975 (gaogoa.fr)

P.-S.

Philippe Sollers dans son Journal du mois intitule : “Chaos”, ce qu’il entend sur France Inter ; à savoir : ce qui s’est passé à telle ou telle date culturellement ou politiquement. Il trouve que “le flash est hallucinant” puisqu’on y met “sur le même plan implacable d’un calendrier devenu fou, des noms très connus (Bach Racine) et d’autres dont vous n’avez pas la moindre idée, sauf parfois, souvenir confus, un acteur comique de trente-sixième ordre”. Inutile de discuter, tout le monde a sa place dans ce panthéon déréglé. C’est la démocratie portée à son comble. On naît, on meurt, il suffit de rassembler les dates au petit bonheur et d’avoir les fiches qu’il faut. Tout le monde ? Mais non. De grandes vedettes et des petites, de façon à ce que les grandes fassent valoir les petites. Ainsi par exemple, Bach et un compositeur d’opérettes, Racine et un violoncelliste russe parfaitement inconnu. Demain ce sera Mozart et Carla Bruni, Shakespeare et Le Clézio, Nietzsche et Frans Olivier Giesbert, Spinoza et Max Gallo, Le Christ et ma sœur, Freud et Douste-Blazy, Einstein et Raffarin, Louis XIVet Donnedieu de Vabres, Rubens et Martine Aubry, Jean-Paul II et Zidane, Michel-Ange et Ségolène Royal. Chacun et chacune a sa chance, il suffit d’être né ou décédé un jour du mois. Après quoi, les informations : ça ne va pas fort, et pour cause. Voyez trente secondes “La ferme” à la télévision : ça sent ferme.

Ainsi pouvons-nous constater que ce grand écrivain ne connaît pas les nœuds du temps qui sont le plus grand concept de ce vingt-et-unième siècle. Si génial que nous puissions être nous sommes liés, noués, à des tas d’imbéciles. Et inversement, si stupides que nous soyons, nous côtoyons au même moment d’incroyables génies. Aux visiteurs étonnés de le trouver près du pauvre four d’un artisan boulanger : “Ici aussi, disait Héraclite, il y a des dieux”. Mais Héraclite, contrairement aux artistes du vingtième siècle, savait ce qu’était un nœud (voir son fragment 50).

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