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Les Signifiants de la psychanalyse

Inconscient

Métapsychologie

Date de mise en ligne : samedi 16 novembre 2002

Auteur : Christophe BORMANS

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L’Inconscient psychanalytique ne se laisse nullement confondre avec l’inconscient psychologique ou philosophique, ni même avec le sens courant que l’on peut parfois lui attribuer. Cette différence est du reste très facile à comprendre, puisque c’est là la spécificité du signifiant, c’est-à-dire de l’image acoustique des mots, que de renvoyer à plusieurs signifiés différents, autrement dit de présenter plusieurs définitions différentes.

Dans le langage courant, chacun admet volontiers qu’un même terme puisse présenter plusieurs acceptions différentes comme, par exemple le mot "jour" signifie tout à la fois une période de temps de 24 heures, englobant de ce fait la nuit, mais aussi, la période de temps au cours de laquelle la lumière du soleil se répand sur la surface de la terre, ce qui semble alors exclure totalement la nuit. Si d’un strict point de vue logique, cela est hautement contradictoire, nous usons cependant quotidiennement de telles ambiguïtés sans nous soucier le moins du monde de leur aspect a priori paradoxal. Or, de la même manière que nous acceptons très facilement que le mot "jour" puisse renvoyer à plusieurs significations, nous devons également admettre que l’inconscient au sens psychanalytique renvoie à une tout autre signification que celle à laquelle l’association de l’élément négatif "in" et du mot "conscient" semble renvoyer, à savoir ce qui ne serait tout simplement pas conscient.

Dans cette optique, précisons également que l’inconscient psychanalytique ou, si l’on préfère l’inconscient freudien, renvoie également à une tout autre signification que celle à laquelle l’inconscient au sens philosophique ou au sens psychologique semblent renvoyer. Pour la philosophie et la psychologie, en effet, le psychisme semble étroitement associé à ce qui est conscient et, ce qui est conscient à ce qui est rationnel. Tout ce qui n’appartient tout simplement pas au psychisme conscient et rationnel appartiendrait donc soit à l’irrationnel, c’est-à-dire à ce qui est absurde ou contradictoire, soit au corporel, c’est-à-dire au corps et à la médecine. En outre, seule la raison, c’est-à-dire le conscient, semble être dotée d’une qualité dynamique. Quant à la dynamique propre du corps, il appartient à la médecine de l’étudier et, là encore, la raison doit l’emporter et, le corps, s’y soumettre ou mourir.

Cependant, ce que la psychanalyse appelle inconscient - et même si, encore une fois, elle use d’un terme utilisé dans le langage courant -, renvoie à une tout autre signification. Pour la définir, il semble important d’insister sur deux points fondamentaux : premièrement, l’inconscient psychanalytique est avant tout dynamique et, deuxièmement, il se situe à la frontière du somatique et du psychique, c’est-à-dire à la frontière de ce que l’on a coutume d’appeler le corps et l’esprit.

Pour comprendre cette définition psychanalytique de l’inconscient, il est bien évidemment nécessaire de comprendre que la psychanalyse s’est d’abord constitué comme méthode empirique d’investigation de processus pathogènes et névrotiques. C’est à la suite des études rigoureuses menées à propos de ces phénomènes, que "la psychanalyse fut contrainte, comme Freud le souligne, de prendre le concept d’inconscient au sérieux" [1]. Elle dû alors se résoudre à passer outre "l’idiosyncrasie des philosophes" qui, n’ayant jamais étudié de tels phénomènes, n’étaient pas à même de comprendre les processus pathologiques, beaucoup plus fréquents et beaucoup plus graves qu’ils ne semblaient vouloir le penser.

Sur ce chemin, la psychanalyse quant à elle, se rendit très vite compte qu’il était nécessaire d’aller beaucoup plus loin et dû constater que " l’assimilation conventionnelle du psychique et du conscient n’est absolument pas utilisable " [2]. Mieux, la psychanalyse dut se refuser à considérer la conscience comme une forme essentielle de la vie de l’âme et dut s’efforcer de voir dans la conscience une simple qualité de la vie psychique, pouvant même, dans certains cas, faire défaut :

" Pour elle [la psychanalyse] tout le psychique était d’abord inconscient, la qualité de la conscience pouvant s’y rajouter par après ou également rester absente " [3].

Pour la psychanalyse freudienne, en effet, le principe "suprême", auquel obéit l’appareil psychique n’est pas un principe de raison mais un principe de plaisir, lequel tend à éviter tout déplaisir, c’est-à-dire tend à minimiser toute dépense supplémentaire d’énergie psychique lorsqu’il est confronté à une excitation quelconque, qu’elle soit d’origine organique et interne, ou bien tout simplement d’origine externe. L’on comprend dès lors que l’activité psychique présente la tentation première de se retirer des réalités internes et externes. L’activité psychique première est bien de tenir soigneusement à distance toute excitation, interne ou externe, au regard du déplaisir que la prise en compte d’une telle excitation occasionne. Autrement dit, l’activité psychique première est bien le refoulement.

L’inconscient renvoie donc d’abord et avant tout à un lieu réel, celui du refoulé, saisi comme lieu d’un nouage particulier entre le somatique et le psychique, en d’autres termes entre le corps et ce qui deviendra l’esprit conscient. En outre, l’inconscient n’est pas statique mais bien hautement dynamique, du fait même que le refoulement est l’activité psychique par excellence, c’est-à-dire l’activité psychique première. C’est ce que Freud exprimait clairement en 1923 :

" Notre notion de l’inconscient se trouve ainsi déduite de la théorie du refoulement. Ce qui est refoulé est pour nous le prototype de l’inconscient " [4].

Quant à la manière dont la psychanalyse entend décrire et rendre compte de son unique objet d’étude, l’inconscient et sa dynamique, il ne s’agit là que de métaphores et ce qui compte avant tout dans cette entreprise, c’est l’expérience pratique et les résultats obtenus. Si Freud a jugé opportun à ses débuts, de rendre compte de sa pratique à l’aide de termes d’usage courant comme "inconscient", "préconscient" ou "conscient", il s’est vite avéré qu’une telle description portait à une confusion des plus déplaisantes. Les philosophes et les psychologues, usant des mêmes vocables, n’hésitaient pas à se réapproprier la plupart des résultats psychanalytiques, alors même qu’ils n’avaient aucune expérience des états hypnoïdes, des rêves ou de l’étiologie sexuelle des névroses. Or, sortis de leur contexte originel, les résultats de la pratique psychanalytique sont, bien entendu, nécessairement dénaturés et l’inconscient invariablement ramené à l’imperceptible ou à l’irrationnel.

C’est essentiellement pour cette raison, que Freud a été amené à développer d’autre topiques ou angles d’attaque théoriques, des processus empiriques qu’ils désiraient étudier et décrire, notamment sa fameuse deuxième topique présentant l’inconscient sous la trilogie "Ça", "Moi", "Surmoi", ou encore son point de vue dynamique et pulsionnel qui présente le grand avantage de rompre définitivement avec la psychologie et la philosophie.

Ces enrichissements théoriques ont pour double objectif de clarifier la spécificité de la psychanalyse et de son objet d’étude, l’inconscient, eu égard aux autres disciplines, et de réaffirmer que la théorie psychanalytique est d’abord et avant tout au service de la pratique psychanalytique d’investigation de l’inconscient :

" La subdivision de l’inconscient est liée à la tentative de se représenter l’appareil psychique à partir d’un certain nombre d’instances ou de systèmes et de rendre compte des relations qu’ils entretiennent entre eux dans un langage spatial, ce qui n’implique nullement qu’on cherche à le mettre en connexion avec l’anatomie cérébrale. (C’est le point de vue dit topique). Ces représentations et d’autres semblables font partie d’une superstructure spéculative de la psychanalyse, dont chaque pièce peut être sacrifiée ou échangée sans dommage ni regret, dès l’instant ou une insuffisance est avérée. Il reste suffisamment de choses à rapporter qui sont plus proches de l’observation " [5].

Dans cette optique, Freud fut amené à développer essentiellement trois points de vue théoriques hautement complémentaires. Le point de vue économique prenant en compte les quantités d’excitations somatiques et psychiques, ainsi que leurs interrelations ; le point de vue topique, tentant lui, de rendre compte du fonctionnement de l’appareil psychique au travers d’une topologie des lieux des diverses instances psychiques ; enfin, le point de vue dynamique, saisissant métaphoriquement la vie psychique au travers des grandes pulsions à l’œuvre dans la mythologie de l’âme.

C’est de la synthèse de ces trois points de vue, que Freud a toujours voulu rendre compte en forgeant le terme de "Métapsychologie", qu’il souhaitait employer (il l’écrivait déjà à Fliess en 1898) "pour qualifier une psychologie qui vous entraîne au-delà de l’état conscient" (Lettre du 10 mars 1898, dans Naissance de la psychanalyse, PUF, Paris).

Notes

[1S. Freud par lui-même, Gallimard, Paris, 1984, p. 53.

[2S. Freud, Métapsychologie, [1915] "L’Inconscient", Gallimard, Paris, 1968, p. 68.

[3S. Freud par lui-même, Gallimard, Paris, 1984, p. 53-54.

[4S. Freud, "Le Moi et le Ça", [1923], Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1981, p. 225.

[5S. Freud présenté par lui-même, [1925], Gallimard, Paris, 1984, p. 55.

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