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Lacan, l’Inconscient & les Mathématiques

En lisant « La Logique du Fantasme »...

Le Trou du Truc Tronqué Trac la Tric

Date de mise en ligne : samedi 1er mai 2004

Auteur : Agnès SOFIYANA

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Dans l’article introductif du séminaire sur la lettre volée, paru dans les écrits et à la place inverse de celle qui lui aurait été imposée par son titre - à savoir avant le séminaire en tant qu’introduction à celui-ci - Lacan propose une interprétation de la répétition symbolique, comme révélant la loi imposée par la marque de l’absence, marque du manque dans une chaîne symbolique.
La présence de ce manque est fondamental pour comprendre ce qui est inhérent à la répétition et ce que répète cette répétition. Lacan le rappelle encore le 23.11.66 dans le séminaire « La logique du fantasme » :
« C’est pour autant qu’une de ces lettres est absente que les autres fonctionnent, mais sans doute est-ce dans son manque que réside toute la fécondité de l’opération ».
 Nous nous intéressons ici aux thèmes abordés par Lacan dans le séminaire sur « la logique du fantasme » : de division harmonique, de nombre d’or, de répétition, d’acte et d’acte sexuel en particulier, l’idée étant toujours d’y entendre enfin quelque chose qu’y ait été dit ou mi-dit.

La répétition n’est pas remémoration - Elle est acte de réminiscence

La séance suivante, le 30.11.66, Lacan dit :

« la répétition du trait unaire ...[...] dont on peut dire que ça n’arrive qu’une seule fois, ce qui veut dire tout de même qu’elle est double, sans ça, il n’y aurait pas de répétition, ce qui d’emblée, en somme, pour quiconque veut un peu s’y arrêter, instaure dans son fondement le plus radical la division du sujet »

Plus loin, il ajoute : que la répétition n’est pas remémoration, que la mémoire dans la répétition est d’ordre symbolique. On retrouve cette idée le 15.02.67 :

« Une pensée de répétition, c’est un autre domaine que celui de la mémoire. La mémoire, sans doute, évoque la trace aussi, mais la trace de la mémoire a justement pour effet la non-répétition. »

« Une situation qui se répète, comme situation d’échec par exemple, implique des coordonnées non de plus ou de moins de tension, mais d’identité signifiante du plus ou moins comme signe de ce qui doit être répété. Mais ce signe n’était pas porté comme tel par la situation première. Entendez bien que celle-ci n’était pas marqué du signe de la répétition, sans cela elle ne serait pas première ! Bien plus, il faut dire qu’elle devient la situation répétée et que, de ce fait, elle est perdue comme situation d’origine : il y a quelque chose de perdu de par le fait de la répétition. » (LdF [1], 15.02.67)

Et avant d’esquisser une définition de l’acte, Lacan affirme :

« L’acte est précisément l’équivalent de la répétition » (LdF, 15.02.67)

Qu’entend-on ?

La mémoire dans la répétition est d’ordre symbolique : La mémoire dans la répétition se souvient d’un signifiant que la répétition met en scène. Souvenons-nous des hystériques que Charcot promenait dans son théâtre les mardi : en étudiant les cas de deux hommes frappés de monoplégie après un choc traumatique, Charcot dessine une conjecture sur les causes possibles de tels symptômes : Cette empreinte chargée d’affects est liée à la scène traumatique ou à une scène antérieure et le choc vient réactivé cette empreinte qui n’existe que sous forme de représentation - de signifiant dirions-nous aujourd’hui. Ce signifiant prend la forme d’une idée parasite sur laquelle une instance inconsciente vient se cristalliser. Après un laps de temps indéterminé, l’obnubilation du moi - vocabulaire de Charcot, puis de Freud - sur cette idée parasite vient empêcher une motricité précise et détache un élément du corps, pris selon sa signification vulgaire et anatomique, pour y appliquer une paralysie.

Le signifiant lié à l’idée parasite a été refoulé et le symptôme apparaît comme un retour du refoulé : rappelons nous que dans les névroses, refoulement et retour du refoulé sont homogènes. Les hystériques de Charcot répètent donc quelque chose à travers la réminiscence de ce signifiant qui vient paralyser le membre désigné. Logiquement, la paralysie n’est pas volontaire et la réminiscence n’est pas remémoration. Cependant, la réminiscence est impossible sans mémoire, sans empreinte dessinée dans un quelque part accessible. On voit dans ce que rapporte Charcot que la mémoire tient certainement un rôle important, mais ce n’est pas le fait de se remémorer qui crée l’idée parasite ou la paralysie.

La paralysie est donc preuve du retour d’une idée parasite, d’un signifiant refoulé, qui vient rejouer son rôle dans une scène non écrite : la paralysie est une répétition, mais une répétition toujours imparfaite, toujours bancale et trébuchante, car il est réellement impossible de répéter à l’identique un geste, un regard, une voix, une émotion, sauf à les répéter peut-être dans le fantasme.

Se remémorer, ce n’est pas répéter. Et répéter, ce n’est pas se remémorer. La répétition est à chercher dans l’acte, ce qui se répète est à trouver parmi les signifiants inhérents à l’acte répété.

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L’un en trop et la répétition

Il en reparle en d’autres termes le 14.12.66 et précise que le S du signifiant, présent dans le graphe et dans l’écriture de la métaphore, serait l’équivalent de la présence de l’un en trop, qui est aussi le signifiant du manque, à prendre dans la chaîne des signifiants : « cet un en trop est le signifiant du manque. »

Ce qui fait la répétition, c’est qu’il y ait un plus-un (+1) de l’événement répété, sans le plus-un ou l’un-en-trop, pas de répétition, ni même sans doute de réminiscence. Or qu’est ce que l’un-en-trop si ce n’est la relation de récurrence proposée par Peano pour construire l’ensemble IN des entiers naturels ?
D’ailleurs, Lacan reconnaît dans la récurrence ce qui instaure la fonction du nombre :

« Voilà qui nous donne la fonction du nombre et tout ce qui s’instaure sur l’opération de la récurrence » (LdF, 15.02.67)

En effet, combien de fois pouvons nous répéter une scène, se remémorer un visage ou un nom, réaliser les mêmes actions ou les mêmes échecs, rejouer une même scène, si ce n’est en nombre pairs ou impairs, nombres irrévocablement entiers.

Il nous suffirait alors de chercher dans la répétition du ‘plus un’ qui nous mène à l’ensemble des entiers naturels, d’y chercher le nombre réel, pour être certain de toujours le manquer.

Qu’entend-on ?

La fin du 19ème siècle voit émerger des volontés de structuration des fondements de la science, à commencer par les mathématiques. Tout le monde manipule le nombre entier et le nombre rationnel, on connaît aussi l’existence des nombres irrationnels et transcendants. La révolution formelle de l’écriture et de la structure des mathématiques demande à ce que les bases d’arithmétiques soient fortifiées. Peano est l’un des mathématiciens à s’en charger et il construit ou plutôt re-construit l’ensemble des entiers naturels par induction infinie et récurrente - son principe de récurrence permet en effet de démontrer qu’une proposition est vraie pour tous les entiers naturels en seulement deux étapes (+ une conclusion, comme toujours en mathématiques).

En effet, la démonstration par récurrence permet de montrer qu’une proposition dépendante d’un entier n est vrai pour tout entier n si et seulement si cette proposition est vraie à un rang initial (en général 0 ou 1, parfois même 2) et si l’on suppose cette proposition vraie à un rang quelconque k, alors elle reste vraie au rang qui lui est juste supérieur, à savoir au rang k + 1.

On constate qu’il y a quelque rapport entre cette démonstration par récurrence et la pulsion de répétition : un rang premier (rang traumatique ou scène primitive) qui inaugure la série et l’itération, c’est à dire la fonction génératrice de l’un-en-plus, du ‘plus-un’ qui permet de passer d’un antécédent au successeur, et qui préserve la propriété comme l’hérédité préserve la présence des gênes d’une génération sanguine à la suivante.

L’ensemble des nombres entiers, IN, vérifie les propriétés suivantes :

  Il a un plus petit élément, noté 0, et on note IN* = IN {0} (à lire IN privé de zéro)
  A tout élément de IN, on peut associer son successeur dans IN* par une application f
  A tout élément de IN*, on peut associer son prédécesseur dans IN par une application g
  Les applications f et g sont bijectives et réciproques l’une de l’autre.

IN ainsi construit et muni de l’addition a une structure de groupe, selon la définition de Galois (1832) : élément neutre 0 ; associativité ; élément symétrique.
L’ensemble IN muni de l’addition, muni du signe +, permet de dénombrer, si l’envie nous en vient, le nombre de fois que l’on aurait répété ce qui est à répéter. L’itération (qu’on peut entendre comme Littération) est bel et bien le ‘plus-un’, le + 1, l’un-en-trop qui écrit la répétition - sans l’itération, sans le plus-un, pas de deux, ni de répétition.

C’est donc le plus-un qui génère la suite logique des entiers naturels, qui comptent le nombre de répétition, le nombre d’actes répétés. L’un-en-trop est donc indissociable de la répétition.

Lacan le rappelle plus tard dans son séminaire et ajoute que la double boucle et huit intérieur « donne cet effet rétroactif qui nous force à penser le rapport tiers qui - de l’Un au Deux qui constitue le retour - revient en se bouclant vers ce Un pour donner cet élément non numérable que j’appelle l’Un en plus et qui justement [...] mérite encore ce titre de l’Un en trop ». (LdF, 22.02.67)
Ce que nous approfondirons plus loin dans le texte.

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Signifiant du manque Ø

Lacan le dit explicitement : « Cet un en trop, qui est du même coup le signifiant du manque ». (LdF, 14.12.66)
En suivant le raisonnement précédent, le +1 est donc la trace qu’il y a quelque chose à répéter et dénonce son antécédent, son prédécesseur, le zéro : le Un est un signifiant du zéro. Or, le zéro est précisément un signifiant du manque, de l’absence, du trou, du vent, du vide, de l’ensemble vide - comme cardinal de cet ensemble - et il fait donc mine de disparaître sous l’impulsion du Un. Le Un, le plus-un, dissimule le zéro. Lacan rappelle ailleurs la construction des entiers à partir des cardinaux des ensembles récurrents : Ø , {Ø}, { Ø ; {Ø}}, {Ø ; {Ø} ; {Ø ; {Ø}} }, etc... qui contiennent respectivement 0, 1, 2 et 3 éléments.

Le plus-un ou l’un-en-trop est donc l’empreinte d’une absence - le zéro - et aussi synonyme d’une répétition à l’infini de l’itération, qui éloigne d’autant plus la présence de l’absence, le zéro, le rien - qui est pourtant signifié par quelque chose, à savoir le mot R.I.E.N.
S’il nous venait à l’idée de rechercher le réel ou l’irrationnel dans la répétition, c’est à dire dans la chaîne des entiers naturels, ceux qui comptent, qui dénombrent, alors nous serions face à un impossible : à répéter le comptage ou la comptine, il y a irrémédiablement l’absence du réel dans l’ensemble des entiers naturels. Mais il y a de l’espoir : entre le nombre entier et le nombre réel, il existe une relation : associer une suite infinie d’entiers à un nombre réel unique permit à Cantor de dénombrer les entiers naturels et de définir une relation entre le dénombrable aleph0 et l’indénombrable, le continu. Pourtant, sans savoir ce qu’il en est de cette relation qui lie la répétition de l’un au réel de l’autre, nous voyons combien le découpage de la droite selon les entiers rend impossible l’accès au réel.

C’est d’ailleurs ce que fait Dedekind lorsqu’il tente de construire les nombres réels : il fait des coupures à la droite rationnelle et démontre qu’il y a toujours au moins un réel entre deux rationnels quelconques, aussi proches soient-ils. Malgré la pertinence de cette déconstruction, le nombre réel lui échappe encore.

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L’acte est signifiant de la répétition
Lacan nous dit : « L’acte est précisément l’équivalent de la répétition, par lui-même. Il est cette répétition en un seul trait, que j’ai désigné tout à l’heure par cette coupure qu’il est possible de faire au centre de la bande de Möbius. Il est en lui-même : double boucle du signifiant. » (LdF, 15.02.67)

La répétition est donc un acte. Mais comment définir ce qu’est un acte ? Lacan pose la question le 15 février 1967. Il y avait déjà un peu répondu dans le séminaire « L’angoisse », où il proposait de différencier l’acte, le passage à l’acte et l’acting-out dans la configuration du quadrangle :

Il revient sur les particularités de l’acte dans « La logique du fantasme », le 22.02.67, où certaines caractéristiques irréductibles de l’acte sont énumérées :

«  - L’acte est signifiant
 L’acte est un signifiant qui se répète, quoiqu’il se passe en un seul geste pour des raisons topologiques qui rendent possibles l’existence de la double boucle crée par la seule coupure (suivant la médiane sur le ruban de Möbius)
 Il est instauration du sujet comme tel, c’est à dire que d’un acte véritable, le sujet surgit différent, en raison de la coupure, sa structure est modifiée, [...], son repräsentanz (représentance) dans la Vorstellung (présentation ou représentation) à cet acte, c’est la verleugnung (déni), à savoir que le sujet ne le reconnaît jamais dans sa véritable portée inaugurale [...]. »
(LdF, 22.02.67)

L’acte est donc signifiant, il écrit d’une coupure structurante qui par un événement transforme le sujet, pas immédiatement mais dans l’après-coup.

« Car si j’ai parlé tout à l’heure de l’incidence de la coupure dans la surface topologique - que je dessine comme celle de la bande de Möbius - si après l’acte, la surface est d’une autre structure dans tel cas, si elle est d’une structure encore différente dans tel autre ou si même dans certains cas elle ne peut pas changer, voilà qui va, pour nous, nous proposer modèles (si vous voulez) à distinguer ce qu’il en est de l’incidence de l’acte, non pas tant dans la détermination que dans les mutations du sujet. » (LdF, 15.02.67)
Ainsi :

1) Retenons l’involution (mouvement de repli vers l’intérieur) de la boucle, qui effectue deux tours ( 2 x 2 pi) sur elle-même en se croisant, en se coupant, et ainsi fait retour. L’acte est une répétition qui s’ignore, une répétition qui s’écrit sur la double boucle du huit intérieur.

2) L’incidence de l’acte sur le sujet est un changement de sa surface : la coupure crée des bords et les bords déterminent la surface ; la surface représente le sujet. Donc la répétition dans l’acte change la nature de la topologie du sujet.

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Une coupure topologique

La coupure est mode d’action du signifiant, elle détermine la structure du sujet de l’inconscient. L’interprétation a une structure de coupure topologique et le signifiant agit comme une coupure topologique.

La coupure effectue un trajet en boucle, en ficelle fermée. Le trajet de la coupure revient sur lui-même et se ferme, la coupure est donc un nœud au sens mathématique du terme.
Le tissu du langage a deux dimensions, vectorisées par la métaphore et la métonymie : le langage est donc une surface. L’inconscient étant structuré comme un langage, l’inconscient est structuré topologiquement comme une surface.

Le signifiant est coupure dans le tissu du langage et il est aussi unité distinctive (trait unaire).
Comme trait unaire, le signifiant se réduit à être différent de tout autre et de lui-même, il est donc l’inscription de la différence même. L’auto différence du signifiant est écrit dans la double boucle du huit intérieur : le trajet se referme sur lui-même après deux tours complet et écrit la coupure, contrairement au noumène (terme désigné par Kant pour désigner la chose-en-soi, réalité absolue, que nous pouvons penser mais non connaître car elle échappe à notre perception) qui saisi un signifié de manière univoque, selon une boucle simple, le nœud trivial, le cercle.

Comme coupure sur la surface, en tant que tissu du langage subjectif, le signifiant a pour effet de produire le sujet.
La surface de Möbius s’accorde avec la propriété du refoulé, de faire retour. De plus, c’est une surface fermée, à l’instar du sujet de l’inconscient (mais ce n’est pas la seule surface pouvant représenter le sujet de l’inconscient : le tore peut figurer le sujet de la demande $<>D (Demande du sujet) et $<>d (désir fuyant la répétition de la Demande), la bande de Möbius le sujet du désir $, le cross-cap le sujet du désir soutenu par le fantasme $<>a", etc. [2]

Une coupure dans la surface topologique de Möbius peut entraîner, selon la qualité de la coupure, des nouvelles surfaces tout à fait différentes. Par exemple, souligner une homonymie dans la parole de l’analysant, crée une coupure et fait passer du ruban unilatéral à une surface bilatérale, dans ce cas, la coupure de l’interprétation dévoile l’existence d’une face cachée du signifiant dans la parole ; d’un signifiant sans envers ni endroit, la coupure de l’interprétation fait jaillir l’impensable du signifiant, quand l’analysant dit : « Ah ? je n’y avais jamais pensé... » ou la marque du refoulé quand l’analysant dit : « Ah bon, j’ai dit ça ? ».

Lacan ajoute que « le sujet est, dans l’acte, représenté comme division pure : la division, dirions-nous, est son Repräsentanz. », sujet divisé que l’on a pris l’habitude de noter $, symbolisant ainsi sa représentance.

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Double boucle et MÖbius

La double boucle ou huit inversé revient sur ce qu’elle répète et manifeste par ce retour en arrière le principe de la répétition, l’un en plus, comme il a été précisé plus haut.

Ainsi, le huit renversé ou huit intérieur est-il aussi appelé double boucle topologique de la répétition.

« Si vous faîtes une coupure par le milieu de cette surface, cette coupure elle-même concentre en elle l’essence de la double boucle. Etant une coupure qui, si je puis dire, se retourne sur elle-même, elle est elle-même - cette coupure unique - à elle toute seule, toute la surface de Möbius. » (LdF, 15.02.67)

Nous constatons ici qu’il y a un retour sur l’effet de coupure qui dévoile une nouvelle surface sur la bande de Möbius, métaphore du sujet divisé par le signifiant dans les mathèmes lacaniens. Le ruban de Möbius n’est concevable que par l’appréhension de son bord, puisque c’est une surface et comme toute surface, elle n’a pas d’épaisseur, elle est de dimension 2 exactement. Et les bords déterminent le trou, dans lequel le sujet pourrait tomber ou combler peut-être. Réciproquement, à suivre la double boucle ou le huit intérieur, on retrouve les bords d’une surface qui coïncide avec le ruban de Möbius.
Par une coupure médiane du ruban, parallèlement aux bords, on obtient une nouvelle surface et les bords de cette surface dessinent une nouvelle ligne : deux nœuds triviaux enlacés dans une relation qui ne diffère du nœud du fantasme que de deux croisements :

Le ruban qui n’avait qu’un bord, ni d’endroit ni d’envers, ni d’intérieur ni d’extérieur, avec une seule face, donnait une représentation topologique de la bipolarisation contradictoire du désir du sujet. Par cette coupure médiane, l’originalité du ruban est annulée et il apparaît deux faces distinctes et deux bords, jaillissement d’une homophonie, d’une grammaire oubliée, d’un signifié équivoque sous le signifiant. L’interprétation, en tant que coupure, peut donc distinguer les séquences hétérogènes du fantasme (entre jouissance et interdit) bien que celles-ci aient été continues et homogénéisées dans un Moi médiateur et néanmoins contradictoire.

Lacan nous certifie qu’en recousant les deux bords ainsi obtenu on obtiendrait un tore dont la couture serait une double boucle ... je ne l’ai pas vérifié, mais j’espère bien l’expérimenter un jour.

Nous voyons donc qu’une coupure transforme la surface. Ici, on peut se rappeler de l’incidence de la coupure dans la chaîne symbolique, qui à elle seule génère la loi de la répétition. Dans la répétition, il y a acte et il y a coupure. Or, l’important n’est pas dans la définition de l’acte mais dans ses suites :

« Je veux dire : de ce qui résulte de l’acte comme changement de la surface. » (LdF, 15.02.67)

Ainsi, l’acte (analytique ou non) fait coupure, par exemple comme interprétation d’un signifiant repéré dans la parole ou le geste, cette coupure signifiante transforme la surface du sujet. Donc l’acte transforme la surface.
A propos de la coupure comme interprétation portant sur le signifiant, j’aimerais apporter là une anecdote qui a fait jaillir l’aspect bilatéral d’une répétition inconsciente. Une femme me racontait le souvenir suivant :

« J’avais la trentaine. Mon ami yougoslave, que tout le monde appelait Zozo, était aussi fauché que moi. Quand il voulait prendre un café, il venait sous mes fenêtres pour me demander 5 francs. Alors, j’enrobais une pièce d’un chiffon et d’une ficelle et je les lui envoyais.
— Vous jetiez l’argent par les fenêtres, en quelque sorte. » La femme s’est mise à rire aux éclats.

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Enfin, pour finir voici une découverte surprenante, qui nous montre bien que le ruban de Möbius n’a pas interpelé que les mathématiciens ou les psychanalystes, entre autres. Rem D. Koolhaas est architecte et Galahad J.D. Clark est chausseur, leur association a donné vie à toute une déclinaison de chaussures et bottes möbiennes, appelée United Nude (dont les initiales donnent UN ... amusant) pour la collection Printemps-Eté 2003.

Ladys and Gentlemen, let me introduce you the Môbius Shoe :

Notes

[1LdF : Logique du Fantasme, séminaire XIV, 1966-67, inédit

[2Dictionnaire de la psychanalyse, article ‘coupure’, Chemama & Vandermersh, Larousse, 2003

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