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LES SIGNIFIANTS DE LA PSYCHANALYSE

Ça

Deuxième topique freudienne

Date de mise en ligne : jeudi 9 janvier 2003

Auteur : Christophe BORMANS

Mots-clés :

En 1923, Sigmund Freud choisi de profondément remanier la manière de présenter ses découvertes. Dans son célèbre article intitulé "Le Moi et le Ça" [1], il entreprend de forger un concept spécifique, qui lui permettrait de rendre compte du fonctionnement de l’appareil psychique et de l’inconscient : le Ça. Ce concept, Freud l’emprunte à un jeune médecin allemand, aussi rebelle que génial, W. G. Groddeck, qui vient lui-même de publier la même année, son ouvrage majeur : « Le livre du Ça » [2]. C’est ce que l’on a désormais coutume d’appeler la seconde topique freudienne.

Pour Groddeck, le Ça, est « cette chose par laquelle nous sommes vécus », qui « ne fait pas plus de différence entre les sexes qu’entre les âges » (Groddeck, p. 30). Le concept paraît en effet décrire quelque chose d’extravagant, et il permet à Freud de rompre avec les philosophes, alors même que le concept est emprunté par Groddeck à Nietzsche, qui emploie cette expression grammaticale pour désigner ce qu’il y a d’à la fois plus de impersonnel et de plus nécessaire chez l’homme :

« Dans le ça, rien qui puisse être comparé à la négation ; on constate non sans surprise que le postulat, cher aux philosophes, suivant lequel l’espace et le temps sont des formes obligatoires de nos actes psychiques, se trouve là en défaut. Dans le ça, rien qui corresponde au concept du temps, pas d’indice de l’écoulement du temps et, chose extrêmement surprenante, et qui demande à être étudiée au point de vue philosophique, pas de modification du processus psychique au cours du temps. Les désirs qui n’ont jamais surgi hors du ça, de même que les impressions qui y sont restées enfouies par suite du refoulement, sont virtuellement impérissables et se retrouvent, tels qu’ils étaient, au bout de longues années. Seul, le travail analytique, en les rendant conscients, peut parvenir à les situer dans le passé et à les priver de leur charge énergétique ; c’est justement de ce résultat que dépend, en partie, l’effet thérapeutique du traitement analytique » [3].

À côté de la folle correspondance épistolaire d’un Groddeck débordant d’imagination, décrivant le Ça comme un véritable monstre psychique, l’article de Freud peut paraître, en première approche, par trop sérieux ou hésitant. Groddeck le sait déjà, et écrit au tout début de sa troisième lettre :

« Tout ce qui vous paraîtra raisonnable ou seulement un peu insolite provient directement du professeur Freud, de Vienne, et de ses disciples ; ce qui vous semblera complètement insensé, j’en revendique la paternité » (Groddeck, p. 31).

C’est que Freud n’a pas le même souci que Groddeck, tant d’un point de vue empirique que d’un point de vue théorique. Alors que Groddeck « suit les traces » de son désir, « pour aller, comme il le souligne lui-même, se perdre dans les ténèbres mystérieuses de l’inconscient » (Groddeck, p. 32), Freud ne perd pas de vue le sien, qui est avant tout d’apporter un éclairage nouveau de processus psychiques et notamment, psychopathologiques, inconscients.

Du point de vue empirique, Groddeck est névrosé et il le revendique. D’un point de vue théorique, sa méthode est désinvolte et consiste essentiellement dans la présentation successive de cas toujours plus extraordinaires.

Pour Freud, bien au contraire, il s’agit d’abord de rendre compte des processus psychiques inconscients à l’œuvre dans la névrose obsessionnelle, si difficile à aborder dans la pratique quotidienne. C’est vers cet objectif que se dirige tout doucement l’article, pour se conclure sur une dernière et quatrième section, intitulée « Les relations de dépendance du Moi », dans laquelle Freud tente de démystifier la plus importante des résistances à l’analyse et à la guérison : le sentiment de culpabilité. D’un point de vue théorique, une réponse à cette difficulté de la thérapie analytique est alors avancée, laquelle met clairement en évidence que le sentiment de culpabilité plonge ses racines au plus profond de l’inconscient, à savoir dans le Ça lui-même.

Le Ça est le lieu des pulsions et, notamment, le grand réservoir de l’énergie sexuelle psychique : la libido. À l’origine, le Ça est le seul lieu psychique et c’est dans ce lieu premier, dans ce véritable laboratoire psychique, que les pulsions commencent à s’opposer ou se nouer et, parfois, de manière inadéquate.
Pour utiliser une métaphore géologique, l’on peut dire que le Ça est un véritable volcan en éruption, au sein duquel une lave bouillonne jusqu’à parfois déborder, la libido :

« Seules certaines comparaisons nous permettent de nous faire une idée du ça ; nous l’appelons : chaos, marmite pleine d’émotions bouillonnantes. Nous nous le représentons débouchant d’un côté dans le somatique et y recueillant les besoins pulsionnels qui trouvent en lui leur expression psychique, mais nous ne pouvons dire dans quel substratum. Il s’emplit d’énergie, à partir des pulsions, mais sans témoigner d’aucune organisation, d’aucune volonté générale ; il tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se conformant au principe de plaisir » (Nouvelles Conférences, p. 104).

Le Ça à affaire avec les excitations somatiques de toutes sortes, d’origines internes ou externes, qui viennent d’abord le perturber. Soumis au principe de plaisir, le Ça tente d’abaisser ces excitations, en leur donnant une représentation première ainsi que leurs premiers destins :

« Il paraît tout à fait vraisemblable que le principe du plaisir sert au Ça de boussole dans la lutte contre la libido dont l’intervention trouble le cours de la vie. […] Guidé par le principe du plaisir, c’est-à-dire par la perception du déplaisir, le Ça se défend contre ces nouvelles tensions par différents moyens » (Le moi et le Ça, p. 261).

Bref, bien avant l’apparition de la conscience, une instance psychique première, le Ça, tente de prendre en charge les excitations perturbatrices et tente notamment de se les représenter sous la forme de pulsions :

« La perception joue pour le moi le rôle qui, dans le ça, échoi à la pulsion » (Le Moi et le Ça, p. 237).

C’est à la dynamique caractéristique du Ça dans sa gestion de l’énergie pulsionnelle, les déplacements et condensations, que le moi pourra plus tard emprunter les déplacements et les associations d’idées, refoulant néanmoins celles qu’il ne veut prendre en charge, dans ce lieu originel :

« Ce qui est refoulé se confond également avec le Ça, dont il n’est qu’une partie » (Le Moi et la Ça, p. 236).

Grand réservoir des pulsions, ignorant « les jugements de valeur », le bien, le mal et la morale (Nouvelles Conférences, p. 105), le Ça est aussi le grand déversoir où plus tard, les instances psychiques auquel il donnera naissance refouleront les représentations psychiques qu’elles refuseront de prendre en charge.

Car c’est en effet de la confrontation entre la libido, d’abord catalysée par le principe de plaisir du Ça, et du principe de réalité, que se formeront plus tard le Surmoi et le Moi, selon le même principe que celui de la métaphore géologique dont Freud s’est déjà servi. Dès qu’elle déborde du volcan, la libido semble se refroidir au contact du principe de réalité, tout comme la lave se refroidi au contact de l’air. Ainsi se forme une topologie des instances psychiques semblable au paysage des roches volcaniques.

C’est à un voyage au cœur de ces paysages et de l’histoire de leur formation, spécifiques à chaque sujet, que la psychanalyse invite, afin d’identifier, de comprendre, et surtout d’accepter, ce véritable souffle du vide de la création. Le grand mérite de Freud, à cet égard, est d’avoir su ne pas se laisser submerger, à l’inverse de Groddeck, dans une complainte infinie ressassant les mérites d’un Ça, fût-il aussi génial que celui du jeune médecin allemand. L’objet de la psychanalyse est bien ici réaffirmé par Freud, en conclusion de son article : « Là où était le Ça, Je dois advenir ».

Notes

[1FREUD Sigmund, "Le Moi et le Ça", [1923], Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1981.

[2GRODDECK George, Le Livre du Ça, [1923], Gallimard, Paris, 1973.

[3FREUD Sigmund, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, [1933], Gallimard, Paris, 1984, p. 102.

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