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Dr A. Marie

Un cas de zoophilie sadique

Archives d’anthropologie criminelle (1907)

Date de mise en ligne : samedi 17 mars 2007

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Dr A. Marie, « Sadi-fétichisme et zoophilie sadique » (Deuxième Observation), Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie normale et pathologique, t. XXII, Éd. Masson et Cie, Paris, 1907, pp. 324-333.

OBSERVATION II

Le deuxième malade est un jeune homme de vingt-huit ans, célibataire, bijoutier, né à Paris : R… est un dégénéré héréditaire à obsessions et impulsions variées. Il voyait des femmes autrefois et avait, au cours du coït, ou avant et après, des désirs de brutalité vis-à-vis des femmes avec lesquelles il cohabitait.

C’est ainsi qu’il a voulu tuer plusieurs ouvrières de ses ateliers, prétextant de bonne foi qu’il se croyait en butte à leurs agaceries et à des mots à double sens. Il a aussi éprouvé des impulsions violentes contre des hommes, se battait parfois et éprouvait, dit-il, une étrange jouissance au corps à corps.

En 1896, il a eu un chancre phagédénique qui lui a rongé le gland (cicatrice déformante à la moitié gauche du gland).

Depuis n’a plus vu de femmes par crainte de maladie et par honte de montrer sa verge difforme.

S’est pris alors d’une passion zoophilique obsessionnelle, mais périodiquement il immole ou torture les plus affectionnées de ses bêtes, achetées cependant au prix de grandes privations.

Leur agonie lui donne des jouissances qu’il corse par des morsures des pattes, de la queue, des oreilles ou de la langue, selon la bête. Il jouit alors, dit-il, comme s’il avait des rapports avec une femme.

Remords ensuite.

Érytrophobie ancienne, post-pubère, semblant liée à l’onanisme.

Pleurs et rires sans motifs.

Pas de crises nerveuses. Mais tremblements et pâleur si on le contrarie.

A. H. — Le malade est lits naturel de père inconnu, sa mère et sa grand-mère maternelle sont mortes à la Salpêtrière d’affections du coeur. Il n’a pas de frère ni de soeur, ni oncle ou tante connus. Sa mère aurait eu des crises nerveuses.

A. P. — II a été élevé.

Il apprenait bien à l’école et de bonne heure ; sans avoir reçu une instruction spéciale, il a lu beaucoup, écrit correctement et rédigé facilement des confessions assez bien exprimées sur les points délicats de ses souvenirs : nous aurons à en citer plusieurs passages.

« J’ai eu, écrit-il, mon certificat d’études à douze ans. Je n’avais pas de mémoire pour apprendre mes leçons ; en revanche, j’avais une mémoire étonnante pour l’arithmétique. Je savais l’algèbre et la stéarismie Richard. J’étais toujours dans les trois premiers (pour le calcul) à mon école, et toujours le premier pour le calcul de tète ; mon professeur m’appelait, en plaisantant, Jacques Inaudi. En revanche, quand je me trouvais devant le monde, je ne savais pas dire un mot, je restais très bien un quart ou une demi-heure sans dire un mot, cherchant ce que je pourrais bien dire ; plus je cherchais, plus je ne trouvais rien. Plus tard, quand on me mit en apprentissage, j’étais très dur à comprendre ce qu’on m’expliquait ; cela a été en empirant, surtout depuis six ans.

« Chez mon dernier patron, où je travaille depuis six mois, la patronne expliquait à Mme Per… (la dame que j’ai étranglée) l’ouvrage qu’on devait faire, car moi, il fallait que je lui fasse répéter plusieurs fois ; et comme je ne m’en rappelais jamais, on était obligé de le marquer sur une ardoise pour ne pas que je ne fasse pas des bêtises. Il fallait me conduire absolument comme un enfant.

« Il m’est absolument impossible d’apprendre un couplet d’une chanson même des plus connues comme Viens Poupoule, quand même je l’entendrais chanter toute la journée ; je n’ai jamais chanté depuis deux ans. Avant, je chantais un peu ; en revanche, je me rappellerai obstinément des bêtises, des choses que je n’ai pas besoin de me rappeler, sans aucune utilité pour moi ; mais j’ai toujours beaucoup de mémoire pour raconter les contrariétés qu’on m’a faites. »

Depuis l’âge de seize ans, il a eu la manie de jouer aux courses. Comme il était assez fort au calcul, il faisait de nombreuses combinaisons. Il les calculait de tète, tout en travaillant. Cela a duré jusqu’en 1900, où il s’en est brusquement dégoûté tout à fait. Il était arrivé à posséder 5.000 francs en novembre 1894, mais cela dura une semaine, car un dimanche, il perdit 1.800 francs, et le mardi suivant 2.000 francs sur un cheval ; le reste fut perdu dans le courant de la semaine.

Non seulement il ne voit pas ses parents depuis huit ans environ, mais il n’avait pas d’amis ; le soir, pour s’amuser, sa seule distraction, depuis quatre ans, c’était d’être avec ses bêtes, si on peut appeler cela une distraction.

Il pense toujours aux contrariétés qu’il a eues, se sent alors absorbé continuellement par ses obsessions rétrospectives de vouloir tuer les personnes qui l’ont contrarié, et par le regret de ne pas avoir de femmes.

Il exprime toujours mieux sa pensée par écrit qu’en paroles, parce qu’il peut réfléchir et chercher dans sa mémoire pour écrire ; aussi fait-il beaucoup de brouillons. Il réunit ensemble après coup les phrases concernant un même sujet ; il lui est impossible d’écrire une lettre du premier coup, comme il s’intimide de se trouver devant le monde, par phobie du regard.

« J’éprouve de la difficulté de regarder dans les yeux de n’importe quelle personne, même d’un enfant ou d’un animal ; je les regarde vaguement ; il m’arrive souvent que des camarades d’atelier m’abordent dans la rue, ayant été quelques jours sans les voir, je ne les reconnais pas.

« Je suis d’une timidité extrême depuis l’âge de quatorze ans ; il m’est impossible d’uriner, par exemple, dans mon dortoir, parce qu’il me semble que les malades me regardent.

« Il m’arrive souvent de rire aux éclats sans aucun motif, sans même savoir pourquoi, bien que je fasse tout pour m’en empêcher.

« J’éprouve un grand bien être quand je prends une douche, surtout les chaudes, alors je me mets à rire sans savoir pourquoi.

« Mon état s’est aggravé vers le milieu de juin, absorbé tout le temps par mes idées noires et mes obsessions.

« Quand j’avais environ cinq à six ans, je suçais toujours mon pouce de la main droite ou gauche, cela m’a duré, au plus, deux ou trois ans, si bien qu’on me mettait de l’aloès après les pouces.

« J’ai toujours eu la manie de découdre les boutons de mon veston ou gilet, ou pardessus ; en frottant l’index ou le doigt majeur contre le fil qui coud les boutons, le chatouillement, que j’éprouve me procure une sensation agréable, mais à force de recoudre toujours les boutons, l’étoffe, à l’endroit des boutons, s’en va avant que mon veston soit usé. Je n’ai jamais pu me passer de cette manie, malgré les efforts que j’ai faits.

« Vers l’âge de quinze ans, quand je marchais dans la rue, je me retournais brusquement pour retourner sur mes pas et me rendre à un endroit que j’avais fixé quelques secondes auparavant ; si c’était, par exemple, un bec de gaz, je le touchais avec la main : je me remettais en route pour recommencer ce manège peut-être trois ou quatre fois en une heure ; les moqueries de mes camarades d’atelier m’ont fait cesser cette manie qui m’a duré deux ans au plus. »

Pas d’affection nerveuse particulière dans l’enfance, mais toujours tempérament nerveux, concentré, vibrant, caractère ombrageux, peu sociable et violent. Sa mère avait peur de lui, dit-il, et n’a plus voulu demeurer avec lui, craignant ses emportements à propos de rien.

Il ne parait pas avoir voué à cette mère grande affection lui-même et en parle avec quelque indifférence. Cependant il s’est lié d’affection avec quelques personnes étrangères auxquelles il écrit et qui viennent le voir. Il dit qu’il aimait beaucoup ses animaux, malgré les tortures innommables auxquelles il les soumettait par accès.

Dès l’âge pubère il a eu des troubles marqués du caractère ; c’est de là que datent ses emportements qui effrayèrent sa mère. Là où on le mit en apprentissage, il était de rapports très difficiles avec les autres apprentis, les ouvriers et patrons, et surtout les ouvrières et patronnes.

On a vu qu’il se battait souvent avec ses camarades d’ateliers et trouvait même une étrange jouissance au corps à corps. Ses tendances agressives amenèrent des réactions homicides vis-à-vis de ses patrons et des ouvrières sous les ordres desquels il était. À quatre reprises différentes, il cherche à tuer :

1° Son patron : coup de revolver (refus de porter plainte du patron) ;
2° Un ouvrier qu’il a failli étrangler ;
3° Un contremaître sur qui il a tiré un coup de revolver ;
4° Une ouvrière qu’il a cherché à étrangler.

Rappelons aussi les craintes de sa mère qui n’a pu vivre avec lui, de crainte d’être tuée, ainsi que sa maîtresse qui le quitta après deux mois de ménage, parce qu’il avait voulu l’étrangler. Il la mordait d’ailleurs cruellement, de préférence au cou, aux bras, aux seins.

« Je demeure, depuis l’âge de quinze ans, rue Rébeval, 14 (19e arrondissement) ; tous les anciens locataires me connaissent depuis mon jeune âge. J’ai vingt-huit ans et demi ; en quatorze ans et demi, j’ai vécu avec une femme un mois et demi ou deux, vers 1900.

« J’éprouvais autant de plaisir à lui mordre le bras, les seins ou le cou que d’avoir des rapports avec elle. Je n’ai pas de plaisir d’aller avec une prostituée parce qu’elle ne jouit pas, et, depuis 1900, ,je ne peux pas éjaculer le sperme avec une prostituée. Je crois plutôt que c’est par timidité. La jeune femme avec qui je suis resté deux mois avait dix-huit ans, était hystérique et avait eu un enfant â l’âge de quatorze ans, qu’elle a abandonné à l’Assistance publique.

« Elle m’a quitté parce que j’ai voulu l’étrangler. Depuis l’âge de quatorze ans jusqu’à vingt ans, le plus longtemps que je suis resté sans me masturber a été huit jours ; cela a été un véritable tour de force pour moi. J’aime beaucoup la femme, mais pas la prostituée. J’étais extrêmement ardent depuis l’âge de quatorze ans ; je ne pensais qu’à ça, mais il m’était impossible d’avoir une maîtresse, car quand une jeune fille me regardait, je me mettais à rougir et je ne savais pas comment dire pour lui faire la cour, bien que j’eusse une envie extrême d’avoir une femme ; donc, depuis l’âge de quatorze ans, je n’ai jamais pu me contenter avec une femme comme j’aurais voulu ; j’en souffrais terriblement, car mon désir n’en était que plus violent. Ainsi, de travailler avec Mme Per… (la dame que j’ai étranglée), je frôlais ma main avec la sienne, j’éprouvais un grand plaisir, et on se racontait des choses intimes. Mais jamais je ne lui ai manqué de respect, car elle était très honnête, mais cela augmentait mon désir d’aller avec une femme. Je cherchais bien, le soir après mon travail, à en avoir une, mais je n’ai jamais réussi, car au moment de parler à une femme pour lui faire la cour, je ne puis supporter son regard et j’ai la voix étranglée par l’émotion, tellement je suis timide, et puis je m’explique mal. Je ne trouve pas les mots que je voudrais dire. »

R… s’est masturbé d’assez bonne heure, avant la puberté, mais surtout depuis l’âge de quatorze ans ; il remarque lui-même que cet onanisme avait une grande influence sur sa timidité et son émotivité, manifestée par des rougeurs dont il a honte et qui le déconcertent au point de ne plus pouvoir parler ; ces rougeurs surviennent alors à l’occasion du fait le plus banal, mais surtout si on le fixe des yeux ; il y est plus exposé après les repas et durant les jours où il s’est livré à l’onanisme.

Cette éreuthophobie semble associée comme prodrome aux crises d’obsessions impulsives à frapper ou tuer.

« Il y avait des jours où je me masturbais jusqu’à quatre fois par jour ; le plus souvent deux fois. Je restais rarement trois jours sans me masturber. En moyenne deux fois par jour, une fois le jour, une fois la nuit, jusqu’à vingt ans ; depuis cet âge jusqu’à vingt-quatre ans, une fois par jour en moyenne ; depuis vingt-quatre ans jusqu’à maintenant, deux fois par semaine en moyenne, des fois huit jours sans me masturber, des fois deux jours de suite (moins quand je tuais mes bêtes).

« Quand on me questionne, il faudrait me laisser quelques secondes avant de répondre, ma mémoire me faisant défaut ; comme je sais qu’il faut répondre par oui ou par non et que je ne me souviens pas de ce qu’on me demande, je réponds oui ou non, sans que ce soit mon idée.

« Après avoir absorbé des aliments, j’ai toujours le front brûlent, et il suffit de jeter les yeux sur moi pour me mettre à rougir, cela depuis l’âge de quatorze ans environ.

« Je rougis avec une extrême facilité, même en dehors des repas (quand je travaille) ; quand quelqu’un me contrarie et que je m’aperçois qu’il se moque de moi parce que je rougis, je deviens immédiatement blême ; les traits se contractent, il m’est absolument impossible de dire un mot, je suis oppressé, j’ai une envie irrésistible de tuer cette personne, surtout si c’est une femme. Cette obsession dure jusqu’à temps que je me remette bien avec la personne.

« Je rougis ainsi parce que je me masturbe ; ainsi vers l’âge de quatorze à quinze ans, j’en faisais souvent l’expérience sur moi-même ; quand je me masturbe deux fois par jour, le lendemain matin jusqu’au soir, je rougis avec une facilité incroyable, les joues, les oreilles et le blanc des yeux deviennent tout rouges ; je sens un malaise dans la tête indéfinissable ; je vois rouge, j’ai les idées exaltées. Quand je reste trois ou quatre jours de suite sans me masturber, on peut me regarder ou me faire des reproches, je rougis bien moins ; enfin le front n’est pas brûlant cela reprend aussitôt quand je recommence.

« J’ai toujours continué à rougir ainsi, et il n’est pas rare de me voir changer de couleur plusieurs fois de suite dans une journée.

« Je ne veux pas dire par là que chaque fois que je suis contrarié je rougis : si je rougis peu, dans ce cas, je deviens immédiatement blême, les traits contractés, les yeux injectés de sang, aussitôt que je suis contrarié, cela dépend de l’heure.

« Ainsi, à une heure moins cinq, après avoir mangé, quand tous les ouvriers sont à la porte, jamais je ne leur parle, je me tiens toujours à l’écart, s’ils me regardent, je rougis immédiatement, puis je deviens blême ; si, à ce moment, un ouvrier se moquait de moi, je ne pourrais pas résister au désir à le tuer, cela se voit dans ma figure. »

Pour résumer cette première partie de l’observation du malade, nous relevons jusqu’à la puberté complète et s’exacerbant à son occasion, un état de déséquilibration marqué consistant en émotivité morbide à forme éreuthophobique surtout, liée particulièrement aux préoccupations d’ordre sexuel (à la masturbation d’abord, aux rapports courants avec les personnes du sexe féminin ensuite) ; l’impulsivité maladive s’associe peu à peu à la crise émotive et lui succède ; elle oblige le malade à s’isoler de plus en plus, dans la crainte de céder aux réactions violentes qu’il sent naître en lui.

Des phobies multiples éclosent alors : ce sont surtout la phobie du regard et la nosophobie caractérisée par la crainte obsédante de devenir fou, obsession persistant dans le sommeil sous forme de cauchemars, alternant avec des rêves zoopsiques effrayants. (Pas d’alcoolisme.)

« J’évite toujours de lire dans le journal tout ce qui a trait à la folie car j’ai toujours peur de devenir fou.

« Il arrive souvent qu’on me contrarie sans qu’on s’en doute ; ainsi, quand Mme Per… chantait les passages suivants : « Va, pauvre fou, tu dois rêver, ta cervelle s’est détraquée » ; ou bien encore : « J’ai perdu mon pauvre cerveau, » j’éprouvais une sensation inexplicable comme si c’était la réalité. Je voulais toujours lui dire de ne pas chanter cette chanson-là, sans me mettre en colère, mais au moment de parler, une difficulté insurmontable m’empêchait d’ouvrir la bouche.

« J’ai toujours des cauchemars ; je rêve souvent que je suis poursuivi par des bêtes féroces dans la rue, et je ne peux pas courir. Je trouve toutes les portes fermées ; mais ce qui me fait le plus souffrir, c’est quand je rêve que je deviens fou. Voilà un de mes rêves que je fis au mois de juin dernier : il me restait encore une heure à avoir la raison, et dans mon rêve je comptais les minutes qui s’écoulaient jusqu’à l’heure fatale, puis j’entendis tout le monde m’appeler : Enfant de fou, enfant de fou, et je me réveillai ; je lisais le restant de la nuit pour ne pas m’endormir. »

Tête faible depuis l’âge de treize ans (perte de mémoire et dégoût du la vie).

Onanisme depuis l’âge de quatorze ans.

Depuis l’âge de vingt-deux ans, tête plus fatiguée, sensation de chaleur derrière la tête, la voix devient aphone, lorsque survient une cause d’énervement (contrariété).

Depuis l’âge de dix-neuf ans, croit avoir des pertes séminales quand il va à la selle ou la nuit en dormant (dit qu’il s’en aperçoit en s’éveillant. II est probable qu’il confond spermathorée et liquide prostatique sous le nom de pertes).

Il a été soigné quatre ans aux consultations de la Charité et la Salpêtrière pour neurasthénie. Crises surtout accusées depuis ces quatre années, consistant outre l’émotivité initiale et la rougeur, en impossibilité de répondre à la personne qui le contrarie, état spasmodique et voix étranglée ; ne peut plus raisonner et reste sous l’empire de l’obsession continuelle de tuer tout ce qui est vivant autour de lui, jusqu’à ce que survienne l’impulsion irrésistible ou la crise de larmes finale (pas de stigmate d’hystérie).

Depuis le 29 jusqu’au 30 juin, voici, d’après lui, le tableau des crises qu’il a eues et leur motif :

« 29 au 30 juin : Parce que Mme P… a frappé un chien dans l’atelier. (Tremblement nerveux sans émission de larmes.)

« 1er au 2 juillet : Parce que Mme P… a chanté la phrase : Va pauvre fou, tu dois rêver. (Tremblement nerveux sans émission de larme sur le moment.)

« Le lendemain de son arrestation : Contrariété d’avoir été conduit devant la foule pendant une demi-heure par les agents. (Tremblement nerveux avec émission de larmes.)

« Les deux premiers jours au dépôt, â la Préfecture : Crises quotidienne avec émission de larmes tremblement nerveux.

« Les quatre premiers jours à la Santé : Crises quotidiennes avec émission de larmes et tremblement nerveux. »

« Le quatrième ou cinquième jour qu’il était à la Santé, l’émotion de voir le médecin lui a fait prendre une crise une demi-heure après, dans sa cellule.

Un dimanche, vers la fin de juillet, tremblement nerveux pendant l’orage, quand la foudre est tombée.

Le deuxième jour qu’il était à Sainte Anne, tremblement nerveux avec émission de larmes, sans cause connue.

On le voit, l’émotivité morbide est évidente et l’accentuation de ces phénomènes se marque nettement depuis l’épanouissement des troubles obsessionnels éclos surtout après la phase pubère. Mais il est un ordre de phénomènes obsessionnels particuliers récents et liés étroitement la gynécophobie presque définitive due à la diathése syphilitique et à la déformation cicatricielle de la verge. Je veux parler de la zoophilie sadique dont nous parlerons en terminant. Elle semble bien une conséquence de l’instinct sexuel dévié par accentuation de la difficulté des rapports sexuels normaux déjà primitivement existante (timidité, rougeur, impuissance émotive), mais définitivement marquée depuis qu’à l’insuffisance psychique relative se sont ajoutées l’insuffisance physique par difformité spéciale, la rancune de la maladie contractée et la crainte d’en contracter une nouvelle.

C’est en 1896 qu’il a contracté son chancre mixte phagédénique.

Malade et soigné dans les mois qui suivirent, il se remit à la fin de 1897 et c’est en 1898 qu’il commence à s’éloigner des femmes et à s’attacher à des animaux. En 1899-1900, il fait collection de bêtes variées et devient le client assidu de plusieurs maisons de vente spéciales et du marché au oiseaux.

La liste est longue de ces animaux divers, mais nous l’avons fait, à plusieurs reprises, établir par le malade, afin de prouver que ce n’est pas là jeu de son imagination. Ces animaux ont été achetés chez des marchands divers dont nous avons recueilli les adresses que nous avons vérifiées ; les prix des animaux ont été relevés avec l’ordre dans lequel ils furent acquis ; ces prix et les époques d’acquisition ont été contrôlés pour quelques-uns.

« Voici les animaux que j’ai eus chez moi depuis 1900 à 1904 :

« Écureuils.

« Rats blancs.

« Hérissons.

« Perroquets.

« Singes.

« Sansonnets.

« Cochons d’inde.

« Chats.

« Chiens.

« Colombes.

« Chez moi, j’ai dix plats pour que mes bêtes fassent leurs ordures.

« Les chiens sont les seules bêtes que j’ai résisté à tuer ; toutefois, je me jetais sur eux pour les mordre surtout au nez, mais jamais à la langue, et je préférai les perdre dans la rue que de leur faire subir le même sort qu’aux autres animaux. »

Quantité approximative des bêtes tuées que sa mémoire lui rappelle de 1900 à 1903 :
 3 chiens, dont un terre-neuve (1 petite chienne et ses petits chiens, perdus volontairement).
 Chats : environ 40 à 50, compris leurs petits.
 Rats blancs : 50 environ (75 centimes les gros).
 2 perroquets valant 3 francs chaque.
 3 singes, dont 1 gros de 60 francs (maki, singe de Madagascar) les 2 autres : 30 francs chaque.
 1 colombe (2 fr. 50).
 1 écureuil (6 francs).
 1 hérisson (1 fr. 50).
 4 sansonnets (3 francs, 75 centimes l’un).
 10 cochons d’Inde environ (i franc les gros).

« La bête que je tuais et que j’éprouvais le plus de bien-être à tuer, c’était le chat, surtout quand je broyais les os avec les dents ou que j’avalais leurs langues ; après vient le rat blanc. Mon grand plaisir, c’est de couper leurs queues avec les dents (je ne l’avale pas), de couper leurs crocs avec des pinces coupantes, et de leur broyer la tête avec les dents ; pour les autres animaux, mon plaisir est moins grand. Je ne me sentais pas la force de caractère de garder un chien sans lui mordre le nez, c’est pour cela que je les perdais.

« J’estime à plus de cent les chats et les rats blancs réunis que j’ai tués du mois de septembre 1900 à la fin de 1902. J’étais le plus souvent égratigné aux mains, assez rarement à la figure ; pour résister à cette manie, j’évitais autant que possible de les caresser ; j’évitais qu’ils montent sur moi ; qu’ils montent surtout sur mon lit quand je me couchais, car ça me prenait si subitement qu’il fallait que la bête fût à un mètre de moi, pour que ça me permit le temps de réagir ; malgré cela je courrais après la bête qui se sauvait dans le sommier de mon lit.

« Mais pour les autres bêtes comme les rats blancs, les perroquets qui étaient enfermés dans une cage et qui ne pouvaient pas se sauver, j’avais trop de mal à résister car si je ne pouvais pas les étrangler s’ils m’échappaient de la main, je les tuais â coup de bâton.

« Alors j’ai eu la force de caractère de ne plus en avoir, comme les chiens.

« Les rats blancs, je ne leur mordais pas les pattes, mais le nez, je coupais leur queue avec les dents, et leurs quatre crocs avec des pinces coupantes ; je les jetais ensuite contre le mur de toutes mes forces.

« Les seuls animaux que j’ai eus, à partir de 1903, sont : Blanchette et Piram, le bel angora ; ils ont eu deux petits : j’ai étranglé le père et un de ses petits, ainsi qu’un beau chat marron qu’un locataire m’avait donné ; il ne me restait que Blanchette et Marquise, son petit.

« M. et Mme G. M… bijoutier à façon, 5, rue C… (10e arr.), chez qui j’ai travaillé quinze mois, sont venus plusieurs fois chez moi, en 1901-1902. Ils pourront vous dire que chez moi j’avais une vraie ménagerie, composée de toutes sortes de bêtes, tandis qu’en 1903, je n’avais plus que des chats et un singe de 6 francs (celui qui a été brûlé vif). Ils pourront donner des renseignements sur le jeune homme que j’ai essayé d’étrangler chez lui, dans une crise, et puis que j’étais malade, que j’allais à la Salpêtrière et que je me nourrissais si peu qu’ils en étaient étonnés eux-mêmes, car M. Vigoureux m’avait, ordonné de manger des soupes maigres, des panades, des fruits cuits, pas de viande, et puis de venir trois fois par semaine pour me faire électriser. Ils pourront dire aussi que ne voulant pas perdre trois demi-journées par semaine pour me faire électriser à la Salpêtriére, je prenais mes douches tous les jours chez moi (j’ai un appareil spécial) ou dans les établissements de bains ; j’avais acheté aussi un appareil électrique pour m’électriser.

« J’éprouve un plaisir immense à mordre comme un animal le bras d’une femme, et comme Mme P… travaillait à côté de moi, je lui serrais le bras fortement, cela me prenait subitement ; elle en a porté la trace une fois plusieurs jours de suite ; les voisins me voyaient continuellement de nouvelles bêtes chez moi ; je leur disais que j’en vendais ; je ne voulais pas qu’ils sachent tout cela.

« J’éprouvais aussi beaucoup de plaisir quand les animaux se battaient ensemble, mais cela m’énervait, et si je voyais que la bête pour qui j’avais des préférences était blessée par l’autre, j’étais aussitôt pris de tremblements nerveux et je tuais immédiatement l’autre bête en la mordant.

« Voici quelques batailles auxquelles j’assistais :
 Singe contre perroquet. Le singe s’approchait, mais restait à l’écart.
 Écureuil contre rat blanc. C’est le rat blanc qui était le plus fort.
 Perroquet contre colombe. C’est le perroquet.
 Sansonnet contre rat blanc. C’est le sansonnet.
 Rat blanc contre cochon d’Inde. Ils ne se battaient pas facilement ensemble.
 Chien contre perroquet. C’est le perroquet qui faisait peur au chien.

« Je donnais toutes sorte de noms a mes bêtes et leurs noms étaient marqués sur mon almanach Hachette.

« Voici les autres motifs pourquoi je les tuais :
 Chats. Le regard ou leur langue qui dépasse.
 Rats. En regardant leur queue qui est longue et lisse.
 Les autres bêtes (excepté les chiens.) À la suite d’un dégât ou d’une contrariété que j’avais eu quelques heures avant.

« Manière de les tuer :
 Les chats. Broyer leurs pattes avec les dents et manger leur langue (des fois la tête, quand la bête est jeune).
 Les rats blancs. Mordre leur queue et la tête.
 Les autres bêtes (excepté les chiens). En les lançant contre le mur ou à coup de bâton. »

Le malade explique comment il tuait ses chats, et à l’approche de l’agonie, il les appliquait contre sa poitrine tenant les pattes de devant de la main gauche et mordant la langue qui sortait par suite de la pression de sa main droite sur le cou.

Il montre des cicatrices du nez et de la paupière gauche supérieure dues aux griffes de chats :

« J’éprouve un bien-être extrême à tuer les animaux.

« Au moment de LA CRISE, je préviens toujours le monde et les animaux.

« Chaque fois que j’ai tué des bêtes, j’ai toujours été pris de tremblement nerveux ou bien j’étais en proie à une surexcitation extrême, qui grandissait jusqu’à temps que la bête soit morte, des fois je continuais encore quand la bête était morte.

« Je prends des douches depuis quatre ans sans résultat, car rien ne résiste quand je suis contrarié. C’est au point que je me trouvais heureux d’être en cellule (cinq semaines) à la Santé, parce que personne ne m’ennuyais. J’étais plus heureux d’être en cellule que d’être à Sainte-Anne, parce que j’étais avec les agités, et il y en avait qui me contrariaient.

« Je dépense, par jour, six sous pour me nourrir : un peu de pain et de fromage, ou de la salade ; moins je mange, plus j’avais de force ; j’économisais ainsi pour acheter mes bêtes et les nourrir.

« Cependant, j’ai une peur effroyable des araignées, surtout les grosses ; à leur vue seule, je suis pris de tremblements nerveux, le miaulement d’un chat, d’entendre un phonographe, ou les pianos-orchestres suffisent à m’énerver. »

Tels sont les caractères psychologiques des curieuses obsessions morbides présentées par notre malade et que nous avons cru pouvoir décrire comme un cas de zoophilie sadique.

L’insuffisance sexuelle physique acquise surajoutée aux insuffisances psychiques préalables nous semble avoir joué ici un rôle déterminant dans la genèse des phénomènes obsessionnels sadiques développés en dernier lieu sur les animaux.

Dr A. MARIE (de Villejuif).

Voir en ligne : Observation I : Un cas de fétichisme des bas (sadi-fétichisme)

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article du Dr A. Marie, « Sadi-fétichisme et zoophilie sadique » (Deuxième Observation), Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie normale et pathologique, t. XXII, Éd. Masson et Cie, Paris, 1907, pp. 324-333.

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