Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Séminaires psychanalytiques > Psychanalyse et Mythologie > Artémis d’Éphèse, déesse de la castration

Psychanalyse et Mythologie (V)

Artémis d’Éphèse, déesse de la castration

Texte de l’intervention au Cercle Psychanalytique de Paris (22 février 2007)

Date de mise en ligne : mardi 27 février 2007

Auteur : Guy MASSAT

Mots-clés : , ,

Guy Massat, « Artémis d’Éphèse, déesse de la castration », cinquième séance du séminaire « Psychanalyse et Mythologie » au Cercle psychanalytique de Paris, le jeudi 22 février 2007.

Artémis d’Éphèse, déesse de la castration

Artémis, ce nom en trois phonèmes résume un des concepts les plus importants de la psychanalyse, le concept de castration. C’est par la castration, a montré la psychanalyse, qu’on parvient à la maturité génitale, qu’on parvient au sens de l’autre, à la diversité des choses et des êtres, c’est-à-dire au langage. Le phonème « ar » est homophone de « art » qui désigne ce qu’il y a de plus élevé et Témis vient de témo qui veut dire couper.

Artémis c’est donc la coupure la plus élevée c’est-à-dire celle qui produit le langage, la richesse, l’expansion, la division créatrice. Artémis d’Éphèse est d’Éphèse, ville célèbre pour avoir donné Héraclite, le penseur du devenir, le premier qui a défendu le discours inconscient. Nous avons déjà évoqué ici son premier axiome : « Le discours dont je parle échappe à la saisie intelligible des hommes » (frag. 1) c’est-à-dire au discours conscient. Car il y a dans tout discours exprimé un autre discours qui le coupe et qui le commande. C’est le discours inconscient de la castration créatrice, le seul discours, dira Lacan, « qui n’est pas du semblant », seule parole qui ne relève pas du plagiat. Mais ce discours fait peur. Pour Freud cette peur de la castration est normalisante parce qu’elle interdit l’inceste. C’est à partir de cette peur de la castration que l’on explique les comportements de l’enfant à partir de cinq ans. Pourtant, ce « complexe de castration », comme le nomme Freud, nous remarquerons avec Lacan et la mythologie, qu’il est une entrave. En effet, ce complexe de castration, cette peur de la castration nous placent irrémédiablement dans une position absolue d’obéissance au père, que ce père soit réel, imaginaire ou symbolique.

Pour ne pas subir la castration l’homme devrait donc obéir, et la femme se taire, se taire en tant que coupable puisqu’elle est, entre guillemets, « castrée ». Voilà la genèse.

Alors, y a-t-il un moyen de sortir de ce complexe, pouvons-nous prendre en charge la castration, et qu’est-ce que cela devrait pouvoir nous apporter ?

Eh bien, dans la mythologie — tout spécialement avec ce mythe d’Artémis — et de même que pour la théorie de Lacan, l’assomption, la valorisation, la prise en charge, de la castration est ce qui va nous délivrer de toute forme de soumission, nous libérer de toute inhibition en nous faisant accéder véritablement au langage, au langage de l’inconscient. Nous deviendrons, nous serons alors sans dépendance à l’égard du sexisme des mots et des lettres, du un et du multiple. Voilà l’enjeu, voilà ce qu’apportent Lacan et la mythologie.

Le concept de castration apparaît chez Freud en 1908 avec son livre : Les théories sexuelles infantiles. Dans la mythologie il surgit dans sa forme brutale dès le début avec le premier couple incestueux formé par la Terre, Gaïa et le Ciel, Ouranos. La castration, la coupure, va être, figurée, incarnée, jouée par Cronos. Cronos c’est le temps. S’il y a quelque chose de commode pour figurer la coupure, la castration, c’est bien le temps. Châtrer vient du latin castrare, qui veut dire « couper » (voir Picoche). « Couper » vient de la racine indo-européenne « tem », t e m, qui sonne comme temps, p s. Dans le devenir tout est réduit au temps, tout est soumis à la division, tout est assujetti à la coupure, tout est dominé par la castration. Le règne d’Artémis est universel. Les galaxies se séparent continuellement les unes des autres, voilà Artémis. Vous distinguez une chose d’une autre ? Voilà Artémis. L’atome (ce qu’on ne pouvait couper, a-tomé) est devenu sécable, voilà Artémis, etc.

La philosophie matérialiste, encore aujourd’hui, fait grand cas de Démocrite, ce penseur du quatrième siècle av. J.-C. qui a inventé l’atome, l’indivisible. Démocrite concevait les atomes comme des corps, petits, mais indivisibles, a-tomé, et en dehors desquels il n’aurait existé que le vide. Mais, au XXe siècle la désatomisation de la matière par la physique quantique lui a donné tort : L’atome est et était sécable. Toute la technologie qui nous entoure est basée sur cette fonction. Encore au dix-huitième siècle, même obsession, avec Kant et la substance. La substance était ce qui persisterait à travers les variations phénoménales parce qu’elle serait, elle, indivisible. Or la désubstantialisation de l’univers physique par Bohr, Pauli, Heisenberg, de Broglie, et quelques autres a redonné à la coupure, au vide dynamique, sa puissance originelle.

Permettez moi ici de faire une courte parenthèse philosophique : Démocrite avec son atome matérialiste s’opposait, à son époque, à la spiritualité de Platon : Matière éternelle contre idée éternelle. La chair contre l’âme. Chacun de ces points de vue niant l’autre, et, refoulant l’un et l’autre le devenir par lequel les idées aussi bien que la matière étaient soumises au temps. Platon haïssait Démocrite et faisait brûler ses livres et Démocrite le lui rendait bien. Aujourd’hui, les médias voudraient nous faire croire qu’il y a d’une part, le tout génétique et d’autre part, le tout religieux : toujours le conflit de la chair et de l’âme. Mais avec l’inconscient freudien et la physique quantique cette dispute n’a plus court, elle n’est plus qu’un combat virtuel, fantasmatique et un jeu d’arrière garde. Artémis d’Éphèse figure la Grèce présocratique, c’est-à-dire la pensée du devenir, ou de l’inconscient, à laquelle s’opposait la pensée de Parménide : l’être éternel et immobile. Cette sphère immobile Platon en faisait une idée, Démocrite un corps. Alors qu’Artémis, ou la conception du devenir, prônait à la fois la désatomisation de la matière et la désidéologisation de l’esprit, comme le font aujourd’hui l’inconscient freudien et la physique moderne. Mais ces conceptions du devenir, la doxa commune, comme on dit, ne veut rien savoir. Donc, pour être clair, aujourd’hui il faut dire et penser qu’il n’y a plus de substance et qu’il n’y a plus d’idée fixe. Il n’y a plus que du temps. Comme dit le célèbre mathématicien anglais Hawkins, spécialiste des trous noirs : « Fin de la physique, début du temps ». Fin de la physique mais ajoutons, pour le même prix, fin de la dualité métaphysique et parlons de l’inconscient comme d’une pulsation temporelle, ainsi que nous y engage Lacan dans Les Quatre concepts. Soit. Fermons notre parenthèse philosophique. Mais alors Cronos, le temps, demandez-vous, dans une saine exigence de vérité, quand pouvons-nous le voir ? Car le présent étant insaisissable on ne voit jamais ce présent, il est toujours « déjà passé » ; et le passé n’est plus, il a toujours disparu, et l’avenir n’est pas encore là, et même en toute rigueur, « jamais là ». Alors, nous voulons voir Cronos. Mais pourquoi faire ? Pour le tuer ?

Comme disait Cioran : « Le temps nous tue et nous tuons le temps, nous sommes à l’aise entre assassins ». Quoique nous fassions nous tuons le temps et le temps nous tue. Cronos et nous sommes des assassins. Pourtant l’invisible n’est pas caché au regard. Rien n’est plus facile que de voir Cronos. Il est toujours là. Il n’y a qu’à regarder notre montre. Regardez les secondes qui passent. Elles ne cessent pas de nous couper de ce que nous avons à vivre. Regardez les secondes, les minutes, les heures les jours, les mois, les années, les siècles, les millénaires et vous constaterez que nous sommes déjà mort depuis longtemps. Nous voyons donc Cronos à l’œuvre et nous comprenons du même coup pourquoi Hésiode le nomme le « fourbe » c’est-à-dire celui qui trompe en se cachant, en feignant l’honnêteté de l’exactitude.

Alors, ne résistons pas au plaisir de citer Hésiode qui, six siècles avant notre ère, nous introduit si bien à ce concept crucial de la psychanalyse : la castration, qui nous habite tous.

Donc, imaginons ce commencement, raconté par Hésiode : la Terre, Gaïa, sort du vide sans fond qu’on nomme le Chaos. Elle est pareille à un excrément surgissant d’un néant agité dont toute chose ne sera jamais qu’une modulation plastique, que ce soit l’atome primordial du Big-bang ou nous-mêmes aujourd’hui. Et que fait-elle ensuite, cette bulle, cette apparence de matière ? Sans l’aide de personne, Gaïa engendre alors un être « capable de la couvrir tout entière », c’est-à-dire de la saillir, de s’accoupler à elle, et cet être c’est le Ciel étoilé qu’on nomme Ouranos.

Nul besoin d’être analyste pour constater que ce premier couple de la mythologie est un couple incestueux mère-enfant.

Et cet enfant fait des enfants à sa mère.

Mais revenons à ce que nous en dit Hésiode dans sa Théogonie :

« C’étaient là de terrible fils ceux qui naissaient de la Terre et du Ciel, et leur père Ouranos les avait en haine depuis le premier jour. À peine étaient-ils nés qu’au lieu de les laisser monter à la lumière, il les renfonçait tous dans les entrailles de Gaïa, et tandis que le Ciel se complaisait à cette oeuvre mauvaise, l’énorme Terre en ses profondeurs gémissait. Elle imagina alors une ruse perfide et cruelle. Elle créa le blanc métal acier pour en faire une faucille. Puis elle s’adressa à ses enfants : “Fils issus de moi et d’un furieux, ne devez-vous pas châtier la violence criminelle de ce père, tout votre père qu’il soit ?” La terreur les prit tous, et aucun ne dit mot. Seul, sans trembler le grand Cronos aux pensées fourbes répliqua : Moi, je ferai la besogne. D’un père abominable je n’ai point de souci, tout notre père qu’il soit puisqu’il a le premier conçu œuvres infâmes. Il dit. Et l’énorme Terre en son cœur sentit monter la joie. Elle cacha Cronos, le plaça en embuscade, puis lui mit dans les mains la faucille à la lame acérée et le conseilla, (le coacha, comme on dirait aujourd’hui) sur tout ce qu’il fallait faire. Quand avec la Nuit bienveillante, le grand Ciel vint, tout avide d’amour, pour couvrir encore une fois la Terre, le fils étendit la main gauche tandis que de la droite, il saisissait l’énorme, la longue faucille à la lame acérée, et brusquement, il faucha les bourses de son père pour les jeter ensuite, au hasard derrière lui » (180).

Voilà la castration du ciel. Le temps a coupé le cercle de l’espace et ce traumatisme l’a rendu bleu. Depuis certains affirment que le ciel en son fond a horreur du bleu. Comme disait Malevitch avec son carré noir : j’ai brisé l’horizon qui englobait les formes.

Mais rien n’est fini. Pour mieux nous imprégner de ce concept existential de la castration, la mythologie nous parle des Moires. Moïra, les Moires, le mot désigne, entre autres, les degrés d’un cercle comme ceux de notre montre.

Mais les Moires sont avant tout des divinités issues de la Nuit du commencement des âges, de cette Nuit qui surgit du Chaos en même temps que Gaïa et Eros. Selon d’autres, et c’est fort subtilement concevable, elles sont les filles de Zeus (la vie) et de Thémis (la justice). Quoi qu’il en soit, elles sont trois, trois fileuses sous l’autorité et le contrôle de Zeus. Il y a Clotho qui fabrique le fil de la vie. Lachésis qui le déroule et Atropos qui le tranche. Les Romains, qui comme les Chrétiens en ont peur, les appellent par euphémisme, et pour se les concilier, les Parques, mot qui signifie épargner, c’est-à-dire épargnez-moi.

Chacun, affirme la mythologie, a ses propres Moires et doit donc dire en toute rigueur : « mes Moires ». Mes moires est homophone de mémoire. La mémoire est autre chose que la conscience enseigne Freud. Atropos, la moire qui tranche, qui coupe, qui castre est structuralement essentielle à notre mémoire. Et c’est dans le langage que nous gardons en mémoire nos moires. Car, puisqu’elle ne relève pas de la conscience, laquelle est finie donc morte, notre mémoire est infinie. Ne peut-on pas en effet se souvenir, d’une certaine manière, de quand on était minéral, végétal, animal, humain, dieu ou déesse et de toutes les situations que peuvent prendre ces formes toutes engendrées par des coupures, coupure du moment originaire illustré par Cronos et coupure de la dure durée de l’existence figurée par Atropos ? Dans ces deux situations nous remarquerons que ce qui est coupé c’est à chaque fois de la puissance. Puissance figurée par le fil des Moires, le fil de la puissance vitale, ou, par le phallus céleste d’Ouranos. Le phallus, notion centrale de la psychanalyse, figure la puissance.

Mais en psychanalyse le phallus n’est pas le pénis en érection comme cela s’entend ordinairement dans la réalité. Le phallus de la psychanalyse c’est un signifiant, enseigne Lacan (Écrits, p. 608). Et comme il l’explique : « le signifiant comme tel ne signifie rien » (Les Psychoses, p. 210). Le phallus n’est donc pas l’organe qui le représente dans la réalité (pénis ou clitoris. Le pénis et le clitoris, on le sait aujourd’hui, ont la même longueur ; le pénis est à l’extérieur et le clitoris à l’intérieur. Par ailleurs, l’extérieur et l’intérieur d’un rond ne présentent pas de différence en topologie lacanienne). Le phallus n’est donc pas un objet. Le phallus n’est pas un effet imaginaire. Le phallus n’est pas un fantasme.

« Le phallus est le signifiant destiné à désigner dans leur ensemble les effets de signifié » (Écrits, p. 690). Le Phallus est le symbole de la libido, donc du désir, et du désir pour les deux sexes. Libido en latin veut dire désir. Il n’y a donc pas ici de libido masculine ou féminine. Il n’y a que du langage puisque le phallus est un signifiant. Puisque le phallus est un signifiant, Saussure nous dit (103) : « Le signifiant, étant de nature auditive, se déroule dans le temps seul, et a les caractères qu’il emprunte au temps : il représente une étendue (comme Ouranos), et cette étendue est mesurable dans une seule dimension : c’est une ligne » (comme le fil des Moires). C’est cette ligne que tranche la moire Atropos, et ce signifiant que coupe le fourbe Cronos.

Voyons la première phrase de l’article de Lacan intitulé « La signification du phallus » dans ses Écrits (p. 685). Cette première phrase est la suivante :

« On sait que le complexe de castration inconscient a une fonction de nœud ».

Qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord on peut comprendre que la crainte de la coupure, le complexe de castration, a une fonction de resserrement, et le resserrement implique le nœud. Mais il y a un autre aspect, beaucoup plus étonnant, beaucoup plus bizarre, c’est que la coupure elle-même a une fonction de nœud.

Comment donc une coupure produirait-elle un nœud ? Qu’est-ce donc qu’un nœud ? Un nœud est fait, au minimum, de trois croisements. Le rond est, selon les mathématiciens, le nœud trivial, le nœud premier, le premier nœud. Mais certains topologues contestent que le nœud trivial soit un nœud pour — en apparence — une bonne raison, à savoir qu’un rond n’a pas de croisement et qu’un nœud, justement, ne se définit que par ses croisements.

Cette contestation feint d’ignorer que tout rond est fait de points. Mais qu’est-ce qu’un point ? Un point est ce qu’il y a de plus serré. Et pour se serrer il faut nécessairement que le point soit un nœud. Nous ne sommes plus ici dans la géométrie mais dans la topologie. Ainsi le rond étant fait de points, c’est-à-dire de nœuds, tellement serrés qu’on ne les voit pas, est donc bien un nœud. Tout cela pour nous faire remarquer, cette chose bizarre, que dans l’inconscient, le trou précède ses bords. Le trou fait coupure et fabrique ses nœuds. Un bord n’est jamais fait que de nœuds. Nous remarquerons par ailleurs que si l’on coupe le bout d’un bâton ou le bout d’un fil on crée aussitôt trois bouts. Ceci simplement pour illustrer que la coupure produit du trois ou du nœud.

Rabouter, en topologie, c’est faire se rejoindre les bouts et donc constituer un nœud. De la bouche à l’anus nous pouvons encore remarquer que nous ne faisons qu’un tube qu’on peut réduire à un rond. Finalement nous pouvons en conclure, en toute modestie, que nous ne sommes jamais qu’un nœud trivial, plus ou moins aussi éphémère qu’un rond de fumée. Et cela n’a rien de nihiliste si l’on rappelle que c’est le trou qui précède les bords, le Chaos qui précède et accompagne toutes choses jusqu’à leur fin et leur métamorphoses.

C’est le 9 février 72 que Lacan introduit le nœud borroméen en psychanalyse dans son séminaire … ou pire : Cap sur le pire. Cette date, marque dans l’histoire de la psychanalyse l’avancée décisive de la topologie lacanienne. Topos, logos, topologie signifie ici que ce sont les mots qui créent les lieux, et non l’inverse. Le discours, le logos, est le devenir qui fait apparaître les lieux, comme l’a si bien enseigné Héraclite, le premier psychanalyste, justement à Éphèse où se tenait le temple d’Artémis, la plus merveilleuse, disait Pindare, des sept merveilles du monde, dont il ne reste plus aujourd’hui qu’une seule colonne dans un terrain vague.

Mais, résumons-nous : Il y a différentes castrations. Celles qui ne sont que des amputations : comme celle de Cronos et d’Atropos ; et celle qui est productrice, la castration créatrice d’abondance et de richesse, la castration du langage figurée par Artémis. C’est la coupure mobile entre signifiant et signifié, la castration du devenir à laquelle sont soumis les signifiants et les signifiés, les sons et les sens.

C’est cette castration qui dans l’inconscient réalise le terme du désir en nous faisant accéder à la jouissance. Jouissance qui n’est pas suivie de culpabilité parce qu’elle nous laisse vierge au sens mythologique.

Celui qui est passé par cette castration est délivré de son complexe d’inhibition et peut assurer véritablement l’acte sexuel. C’est ce qu’enseigne Lacan et Artémis. Il n’y a de castration que par effets de langage. C’est ce que Lacan appelle « le plus de jouir ». Puisque le sujet se trouve sans cesse renvoyé d’un signifiant à un autre signifiant, il ne peut se situer réellement que dans la coupure entre les signifiants. Et par là il se révèle être un « être sans essence » dans un devenir heureux. Le mythe d’Artémis et la pensée d’Héraclite, prônent donc la castration vivifiante du langage qui nous réconcilie avec la jouissance créatrice du devenir.

Artémis d’Éphèse dans la mythologie

La beauté d’Artémis d’Éphèse surpasse tout. D’ailleurs on l’appelle « la belle Artémis ». Beauté et langage sont les suprêmes valeurs de la Grèce antique. Artémis est la sœur jumelle d’Apollon. Comme toute gémellité Artémis et Apollon sont et ne sont donc pas le même. Ils sont à la fois un et deux comme le de-venir, c’est-à-dire trois : Le devenir est unique mais sa nature est de bifurquer continuellement, sinon il ne deviendrait pas. En tout cas Artémis et Apollon incarnent la jouissance de ce devenir. Incarnant le devenir ils sont intéressés par l’avenir et à ce titre ils s’y connaissent dans l’art de la médecine et de la santé. Le nom Artémis vient d’ailleurs de artémia qui signifie « bonne santé ». Asclépios, le dieu de la médecine, est leur fils. De plus Artémis et Apollon ne sont pas seulement les médecins du corps et de l’esprit, mais ils sont surtout les médecins de l’inconscient. Preuve en est qu’ils instituent l’oracle le plus important de l’histoire grecque celui des Pythies, à savoir le « ça parle », la parole de l’inconscient et cela pour un millier d’années environ jusqu’à l’arrivée de l’empereur chrétien Julien (IVe siècle) qui fera fermer toutes les écoles grecques et interdira même la médecine grecque en faveur du principe chrétien « c’est Dieu qui guérit » et non la médecine ou le médecin.

Le dernier oracle de Delphes, est parvenu jusqu’à nous. Je vous le cite :

La riche demeure est tombée
La lumière n’a plus de foyer
Plus de laurier prophétique
Ni de source chantante
Car l’onde a cessé de parler

L’onde c’est évidemment le son, le signifiant, de l’inconscient. Mais, n’en déplaise aux monothéismes de l’esprit et de l’âme ou de la matière et de la chair, ce qui est refoulé fait toujours retour, même s’il faut attendre mille ans pour que Freud et Lacan apparaissent.

Le nom d’Apollon, peut-être divisé en a-pollein, a, privatif et pollein, plusieurs, non plusieurs. Non plusieurs, c’est-à-dire un. Mais nous ne confondrons pas le un du monothéisme, le un statique de Parménide, la sphère immobile, pleine, indivisible de l’être avec le un du devenir figuré par les jumeaux Artémis et Apollon. Le un du devenir bifurque continuellement de lui-même, c’est le un de l’inconscient, le « u » d’Héraclite. « À l’écoute, non de moi, mais du discours, il est sage de convenir que tout est un » dit Héraclite (frag. 50). Sauf que ce un n’est pas celui de l’être mais celui du devenir qui diffère continuellement de lui-même. C’est le un de Lacan quand il dit : « Y’a de l’un » ou « un n’est que le savoir inconscient en tant qu’il se manifeste comme ex-sistant » (… ou pire), c’est-à-dire hors de l’être. Heidegger marquant la fin de la métaphysique écrit l’être rayé d’une croix. Pourtant c’est sur ce fantasme de l’être que s’est fondée et se base encore aujourd’hui la philosophie. Si Apollon est le dieu du devenir solaire, « le conducteur du char soleil », Artémis, elle, est la déesse du devenir lunaire, « celle qui conduit les phases de la lune ». Dans les temps anciens la lune était aussi importante sinon plus que le soleil. On demandait autrefois : — Qui est le plus utile, la lune ou le soleil ? — La lune. Parce qu’elle nous oriente dans le noir de la nuit. Et à la question : Que devient l’ancienne lune quand arrive la nouvelle ? La réponse était : elle se transforme en étoile. C’est pourquoi il y a de plus en plus d’étoiles dans le ciel.

Artémis, comme son frère, est armé d’un arc. Arc se dit bios en grec, et bios est homonyme de vie. Ce sont les « arcs d’or » dont les flèches représentent les rayons lunaires pour Artémis et les rayons du soleil pour Apollon. Ces flèches ont la propriété de détruire mais, plus étonnant… de donner la vie.

Artémis est si belle que tout le monde, dans un syncrétisme de domination, veut se l’approprier. Ainsi est-elle souvent assimilée à d’autres déesses. Par exemple à Cybèle, ou à Hécate. Mais le plus souvent on la réduit à une femme hystérique. Pourtant avant tout Artémis et Apollon sont des olympiens. Ils ont pour géniteurs Zeus (la vie).

Qu’est-ce que l’Olympe ? Olumpos signifie « montagne », quelle montagne ? La montagne la plus montagne des montagnes c’est-à-dire la la montagne la plus élevée, et par métonymie ce qu’il y a de plus élevé. L’Olympe est ce qu’il y a de plus élevé, ce qui est le plus en haut, c’est-à-dire le sublime, c’est-à-dire la vie, figurée par Zeus, le souverain suprême des dieux et des hommes.

L’histoire de la mythologie se divise en trois générations : les Titans qui sont les enfants d’Ouranos ; les Chronides qui sont les enfants de Cronos et les Olympiens qui sont les enfants de Zeus.

Artémis et Apollon ont donc pour père Zeus et leur mère s’appelle Léto. Léto est une fille de la titane Phoebé, « la brillante », brillante comme la lune et brillante comme le soleil. Pourtant la naissance des jumeaux ne fut pas facile à cause d’Héra. Héra, qui est la sœur et la troisième femme de Zeus, est une cronide. Elle représente les forces de conservation, le pouvoir, la stabilité, elle n’aime pas le changement. À cause de cela elle est vindicative, violente, et jalouse. Elle poursuit de sa haine non seulement les amantes de Zeus mais aussi les enfants qu’il leur donne. Apprenant que Léto était enceinte des jumeaux divins Héra interdit à tous les lieux de la terre de lui donner asile pour son accouchement. Léto, la pauvre, était donc condamnée à l’errance sans pouvoir jamais s’arrêter. Heureusement il y avait sur la Méditerranée une île flottante, qui errait ça et là et qu’on appelait Ortygie (l’île aux cailles). Sur cette île Léto put enfin se reposer. Mais Héra ordonna aussitôt que Léto ne puisse accoucher en aucun endroit sur lequel brillaient les rayons du soleil. Or les rayons du soleil tombaient sur Ortygie. Alors Zeus appela à l’aide son frère aîné, Poséidon, le dieu des mers et des océans. Celui-ci souleva une vague gigantesque qui fit une sorte de voûte liquide au-dessus de l’île.

Abritée ainsi du soleil dans le creux de cette vague magique, Léto put se préparer à mettre ses enfants au monde. L’accouchement dura neuf jours et neuf nuits car Héra retenait dans l’Olympe Ilythie, la déesse des naissances. Ilythie est la fille d’Héra et en général, dit-on, elle reste fidèle à sa mère jusque dans ses haines. Presque toutes les déesses étaient pourtant au chevet de Léto et il y avait notamment Athéna. C’est Athéna qui eut l’idée d’envoyer Iris, la messagère des cieux, figurée par l’arc en ciel, pour annoncer à Ilythie, la sage femme, qu’on lui offrirait un collier d’or et d’ambre long de neuf coudées, si elle acceptait de venir les aider. Ilythie impressionnée par le cadeau, et après quelques hésitations, accepta de s’occuper de l’accouchement.

C’est Artémis qui vit le jour la première. Et on rapporte ce fait étrange : c’est elle qui, à peine née, mit au monde son frère Apollon.

Pour témoigner de ces exploits l’île d’Ortigie prit dès lors le nom de Délos qui signifie la brillante. Et d’île errante elle devint le centre des Cyclades. Cyclades signifie cercle. Elle fut reliée aux profondeurs des mers par quatre immenses et mystérieuses colonnes.

Les historiens s’accordent à dire qu’Artémis est l’une des plus grande divinité grecques puisque son culte s’étendait partout. Ils la nomment la « maîtresse des bêtes sauvages ». Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, les bêtes sauvages ? Les bêtes sauvages désignent les pulsions primaires qu’on refoule, et qu’Artémis fait accéder au langage.

Car, en effet, faute d’une lecture psychanalytique de la mythologie, Artémis sera irrémédiablement réduite, comme on peut le lire pratiquement partout, à n’être que « la vierge déesse de la chasse ».

Pourquoi de la chasse et pas de la pêche ? Pourquoi les Grecs qui sont avant tout des marins vénéreraient-ils unanimement une déesse de la chasse et non pas de la pêche ? Eux, qui ont tout inventé, auraient-ils été de plus les précurseurs du mouvement politique qu’on voit aujourd’hui en France : « Chasse, pêche et traditions » ? Non bien sûr !

Pour retrouver sérieusement le mythe d’Artémis il nous faut interroger les mots, comme nous y engagent Artémis elle-même et toute la mythologie. Qu’est-ce que la chasse ? Chasser c’est poursuive les animaux, certes. Mais l’étymologie de chasser est « prendre » (Kap). Prendre c’est prendre possession, c’est posséder. Et posséder c’est jouir sans autre but que la jouissance, car la jouissance n’a d’autre but qu’elle-même. Elle est à elle-même sont propre dépassement.

Quand notre surmoi nous engage à jouir c’est dans un autre sens que celui du ça. C’est dans un sens limité où l’on exige ne pas trop user de notre usufruit. Reste, que comme effet de langage, la jouissance du ça est inépuisable.

Quant à la virginité des déesses dans la mythologie il nous reste à comprendre que cela ne désigne pas le fait de n’avoir jamais eu de rapports sexuels avec pénétration, mais, tout au contraire, le fait de ne pas être culpabilisé par cet acte sexuel.

On disait justement d’Artémis d’Éphèse que « loin de se refuser à l’amour, elle s’y livrait sans retenue » (Lurcat) et dans le même mouvement on la qualifiait de « vierge ». On raconte que hors de son palais, Artémis se promenait nue, ainsi que ses suivantes. Qu’est-ce que cela veut dire au sens figuré bien sûr ? Cela veut dire que la vérité, Aletheia en grec, c’est — à analyser le mot — a (privatif) et letheia, littéralement : « ce qui n’est pas caché », ce qui est nu. La vérité d’Artémis, la vérité du devenir est toujours sous nos yeux. Nul jamais ne saurait épuiser la jouissance du devenir. Chacun en y étanchant sa soif ne fait que l’augmenter, c’est comme un trou : plus on en enlève plus il s’agrandit.

Les mythologues ayant peu réfléchi sur ce que veut dire « vierge » dans la mythologie, rapportent, cependant l’histoire d’Actéon et Artémis. Mais ils la racontent selon un contresens moraliste et chrétien que la psychanalyse va nous permettre de rectifier.

Actéon est un chasseur qui, accompagné de ses chiens, parcourait les collines du Cithéron (le mont de Dionysos), quand il rencontra la déesse Artémis. Elle était nue, s’apprêtant à se baigner dans un lac. Artémis voit le jeune chasseur. Elle le regarde et « le change en cerf », nous disent les exégètes et ils poursuivent : aussitôt la meute des chiens d’Actéon se retourna contre lui et le dévora. Fin de l’histoire.

Moralité : le vilain voyeur fut puni. Artémis a défendu sa virginité. Elle demeure chaste et pure, modèle idéal pour toutes nos jeunes filles, présentes et avenir.

Voici maintenant la version psychanalytique :

Actéon est un beau et vigoureux jeune homme. La belle Artémis le voit. Leurs regards se croisent. Ils se comprennent. Que la déesse « le change en cerf », ne signifie pas qu’elle le change en animal. La formule doit être prise au sens figuré. Elle signifie que la déesse provoqua chez Actéon une très forte érection. Cet euphémisme « être changé en cerf » se retrouve dans toutes les langues d’Europe comme métaphore de l’érection. Quant à la meute des chiens qui empêchent Actéon de faire l’amour à la déesse c’est tout simplement la meute des pulsions d’interdiction que Freud appelle le surmoi et qui exercent leur force d’inhibition à l’instant même des meilleures occasions.

Quel homme n’a vécu ce genre de situations ? Combien de fois n’avons-nous pas été Actéon, c’est-à-dire inhibé, culpabilisé, transis par notre surmoi ?

Par ailleurs les pêcheurs, depuis très longtemps, ont nommé « Actéon » un mollusque qui au moindre incident se retire dans sa coquille ovoïde et s’y enferme par un clapet. Ce qui illustre la peur face au désir de l’autre. Les pêcheurs prouvent ici qu’ils comprennent ce que signifie l’inhibition surmoïque d’Actéon plus subtilement que nos savants traducteurs.

L’affaire Orion relève du même genre de confusion. Orion fut le compagnon d’Artémis. Mais sa naissance et sa personnalité sont exceptionnelles. Hyriée, le roi d’Hyria en Béotie était très âgé et désirait cependant avoir un fils. Comme il avait donné un jour l’hospitalité à Zeus, Poséidon et Hermès, il pria ces dieux de lui accorder satisfaction. Les trois dieux exaucèrent son vœux mais de curieuse façon. Tous les trois ils urinèrent sur une peau de génisse et l’enfouirent sous terre. Neuf mois plus tard, un géant qu’on nomma Orion (de ouron urine) vit le jour. Il était si beau qu’il déclenchait l’admiration et la passion partout où il passait. Il était si grand que touchant de ses pieds l’abîme des océans il conservait tout de même la tête hors de l’eau. Nul ne pouvait comparer aux siens ses exploits de chasse, c’est-à-dire ses exploits amoureux. Avec Artémis il parcourait les montagnes ce qui signifie qu’ils allaient l’un et l’autre toujours vers plus de plaisir. Mais un matin Orion affirma qu’il pouvait aller plus loin qu’Artémis dans la jouissance. Artémis releva le défi. C’est comme si chacun devait baser sa jouissance à faire jouir l’Autre. Or pendant leurs ébats un scorpion piqua mortellement Orion qui perdit la vie et son pari. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le scorpion est, dit-on, « un chant d’amour sur champ de bataille ». Mais c’est aussi dans le zodiaque le huitième signe. Or nous savons grâce au devin Tirésias que lorsque l’homme, si géant soit-il, jouit une fois la femme jouit neuf fois. Ainsi le géant Orion ne pouvait-il dépasser le huitième stade de la jouissance. Artémis, l’Autre jouissance, celle qui n’est pas seulement phallique, ayant réalisé la victoire transforma Orion et le scorpion en constellations. Comme dit Lacan : « Il n’est pas de virilité que la castration ne consacre » (Écrits, p. 733). On peut voir depuis lors, nous disent les astronomes, la constellation d’Orion s’affaiblir dès qu’apparaît celle du scorpion.

Cette histoire montre que la jouissance phallique est l’obstacle par quoi Orion, ou l’homme, n’arrive à jouir du corps d’Artémis, ou de la femme, parce que ce dont ils jouissent ce n’est que de leur propre organe. Artémis, elle, incarne l’Autre jouissance, la jouissance du vide. C’est la grande différence entre la jouissance phallique et la jouissance de l’Autre, c’est la supériorité primordiale du trou sur l’objet.

La jouissance n’est pas la satisfaction d’un besoin apportée par un objet qui le comblerait et qui ferait sens. Ce qui est le fantasme matériel de l’homme. Au contraire c’est le signifiant coupé, castré du signifié qui est la cause de la jouissance.

La jouissance n’est donc pas un idéal de plénitude absolue mais, bien au contraire, la jouissance est le devenir qui va toujours par-delà, c’est-à-dire le vide qui crée et anime les choses. En ce sens, Artémis est bien plus proche d’Avalokitésvara ou de Kouan-yin, la déesse du vide, que de la vierge Marie.

Même si l’on prétend que la vierge Marie c’est réfugié à Éphèse après la mort du Christ et qu’on peut y voir sa maison. Le Pape actuel en a fait la visite récemment. Ceci n’est jamais qu’une nouvelle tentative ridicule pour s’approprier Artémis.

En conclusion : Si la psychanalyse promeut une sagesse, c’est bien celle du vide, celle qui nous permet de jouir de ce que nous sommes, de ce que nous avons et de ce que nous faisons sans but ni autorisation de quiconque.

La statue d’Artémis

Si on regarde les détails de la statue d’Artémis d’Éphèse nous pouvons y lire plusieurs symboles de la castration comme effet de langage. Des reproductions de cette statue sont vendues au musée des antiquités d’Éphèse.

Vous vous souvenez que Temo veut dire couper. Ar-temis désigne phonétiquement l’art de couper ou encore la coupure la plus élevée, c’est-à-dire celle que produit et qui produit le langage. Artémis porte son temple sur la tête. Le mot temple a pour étymologie « tem » couper. Le temple d’Artémis était la plus sublime des sept merveilles du monde, selon Pindare. Or nous voyons que ce temple est soutenu par la parole. En effet, le temple est porté par deux étages de femmes ailées c’est-à-dire des fées, du grec phémé, parole. Ces paroles, ou ces fées, sont trois. Ce sont les trois moires qui fabriquent le fil de la vie, le déroulent et le coupent, Clotho, Lachésis et Atropos. La parole est notre destin. Autour du cou, la statue d’Artémis porte un collier en forme de faucille, symbole des croissants de lune qui sont les faucilles du temps. À chaque articulation de ses coudes on peut voir un lion figurant la puissance de ses bras. Sur sa poitrine il y a le fameux présentoir constitué de trois rangées de testicules de taureau. Il symbolise l’assomption de la castration, le dépassement de l’Œdipe, l’Autre jouissance ; c’est cette assomption de la castration qui marque le moment où le désir cesse d’être soumis à l’idéal paternel. Sur la robe d’Artémis on peut voir toute sortes d’animaux représentant les pulsions primaires et sur les côtés, en alternance, une abeille et une fée (du grec phémé et du latin fabula, parole). L’abeille est une métaphore de la parole. Le mot abeille vient du phénicien Dbr qui veut dire parole. On appelait abeilles les prêtresses du Temple d’Artémis, les Pythonisses et tous ceux qui guérissaient par la parole. Assimilées à la parole l’abeille symbolise l’éloquence, l’intelligence et la poésie. Des légendes affirment que des abeilles se seraient posées sur la bouche de Pindare quand il était enfant ainsi que sur celles de beaucoup d’autres poètes.

Artémis et les sept conditions de la santé de l’inconscient

Artémis d’Éphèses, de artémès, signifie « bonne santé ». Qu’est-ce que la santé ? Le concept de santé est aussi difficile à saisir que celui de vie ou d’inconscient parce qu’ils sont des notions essentiellement dynamiques et qui, dès qu’on les arrête, diffèrent automatiquement de ce qu’elles sont. On peut considérer que la santé, la vie, et l’inconscient sont synonymes. Ces notions cependant répondent à certaines conditions qui sont parfaitement repérables, et que l’on peut appeler les sept conditions de la santé, en référence au nombre sept qui est traditionnellement celui d’Artémis et d’Apollon. Le nom Artémis peut être décomposé en ar et témis, ce qui donne phonétiquement parlant art, et Thémis, l’art de la justice.

La justice dans le monde conscient n’est qu’approximative car pratiquement toutes les mesures que l’on y rencontre sont conventionnelles et statiques, donc toujours fatalement inexactes. Alors que dans l’inconscient la justice est absolue parce qu’elle est en mouvement.

La justice est donc la septième, c’est-à-dire la plus élevée des sept conditions de la santé, elle est la vie et l’inconscient.

Dès qu’elle est refoulée elle s’exprime par des maladies physiques ou mentales. C’est ce qu’on appelle le retour du refoulé. Ce que l’on ne peut dire nos maladies le disent pour nous. L’inconscient est donc la justice. Cette justice consiste dans l’impossibilité de refouler l’inconscient. Car, sous notre personne, sous notre masque, sous le rôle que nous jouons dans la réalité, il n’y a rien qu’un vide parfait, dynamique et insaisissable. Et si nous faisons de notre masque un absolu, si nous croyons narcissiquement que le masque est nous-mêmes, que c’est une fonction par laquelle nous sommes un Moi un et permanent, nous aurons fatalement de mauvaises surprises. Comme dit Lacan un fou qui se prend pour un roi est un fou mais un roi qui se prend pour un roi est un aussi un fou.

Ainsi, la cure psychanalytique de l’inconscient, de l’Œdipe et du Narcissisme, est ce qui nous mène, à travers toutes sortes d’Odyssées, à la septième condition de la santé, la justice dynamique de l’inconscient. Cette cure entraîne trois autres conditions de la santé qui sont « la rapidité de jugement et d’exécution ». La « bonne mémoire » et la « bonne humeur » qui entraînent à leur tour trois autres conditions foncièrement somatiques qui sont le « bon appétit », le « bon sommeil » et « l’absence de fatigue ».

Si le désir est le manque de ce qu’il désire, la jouissance est la prise de ce qu’elle prend dans les trois catégories de l’être, de l’avoir et du faire. Elle jouie de ce qu’elle est, elle jouie de ce qu’elle a, elle jouie de ce qu’elle fait.

Voilà, à notre avis, ce qu’incarne Artémis, la déesse de la castration dans la Mythologie : la justice de l’inconscient, la santé de l’inconscient, l’ex-stase de l’inconscient, la prise en charge de la castration, ce que Nietzsche appelle dans le « Gai savoir » la Grande Santé… C’est ce que je vous souhaite.

Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise