CHAPITRE LXI
Aventure qui m’est arrivée à Lagnes,
village du département de Vaucluse
JE SUIS BIEN AUTORISÉ à détester les cruels farfadets, par ce qui m’est arrivé pendant mon séjour à Lagnes, village du département de Vaucluse. J’ignorais la véritable cause des maux que j’éprouvais, je les attribuais à la puissance du diable. J’en instruisis M. le curé, qui m’invita à faire le voyage d’Avignon, afin d’obtenir de M. le grand vicaire la permission d’être exorcisé. Ce bon prêtre ayant pris connaissance de la lettre dont j’étais porteur, me chargea de sa réponse à M. le curé, auquel je la rapportai de suite. Après avoir loué mon activité et mon exactitude, il me recommanda de venir entendre sa messe, comme je le faisais depuis que j’étais chez lui. À l’issue de cette messe, le digne curé qui avait déjà fait à Dieu tant de prières pour moi, m’exorcisa sans que je m’en aperçusse. Il me dit ensuite que je pouvais être tranquille, que je n’étais infecté d’aucun esprit impur. — Vous n’êtes tourmenté, mon ami, que par les deux misérables femmes dont vous m’avez parlé si souvent. Je le remerciai, en lui témoignant la surprise où j’étais, de n’avoir remarqué aucun des préparatifs pour l’exorcisme qu’il m’avait fait. L’exorciste me confia qu’il n’avait pas jugé à propos de les rendre apparents, dans la crainte de m’effrayer ; mais il m’assura que je pouvais être tranquille sur les maléfices du diable, que jamais il n’avait eu d’empire sur mon esprit. Il m’invita à prendre patience. Dans quelques jours, me dit-il, nous ferons de nouvelles prières à Dieu, lui seul opérera le reste. La mort, qui vint surprendre M. le vicaire auquel nous nous étions adressés de nouveau, priva M. le curé des moyens de procéder aux autres prières d’exorcisme, dont j’espérais bien du soulagement. Je cessai de goûter le repos chez mon hôte, malgré tout ce qu’il avait fait pour moi. Je lui en fis l’aveu. Il m’adressa des paroles de consolation, m’assurant que si le démon avait eu la témérité de s’introduire dans mon corps, il en aurait été chassé par l’effet de l’exorcisme ; d’après lui, les maux que j’éprouvais ne provenaient que de la malice et de la perfidie de mes ennemis, qui étaient des êtres visibles et matériels, sur lesquels l’exorcisme serait de nul effet. Ce digne et vertueux prêtre appuya ses conseils d’un discours très remarquable, puisé dans la doctrine la plus sage et la plus pure. Apprenez, me dit-il, que la force de Satan, moins redoutable que son audace, cède évidemment quand Dieu lui donne l’ordre de se retirer ; mais ce Dieu, plein d’indulgence et de bonté pour les hommes, les traite comme des êtres qu’il a créés, il leur inspire la connaissance du bien et du mal ; et pour éprouver leur vertu, il leur laisse la liberté de prendre le chemin de l’un ou de l’autre, se réservant, au jour du jugement dernier, la faculté de punir les méchants, d’accorder la faveur divine à ceux qui n’auront pas dévié des principes de sa doctrine.
Je le remerciai des lumières qu’il venait de répandre dans les ténèbres de mon esprit. Je le quittai pour revenir à Avignon, où je passai quelque temps sans pouvoir goûter un instant de repos.
CHAPITRE LXI [1]
Mon départ pour Paris.
Mes persécuteurs d’Avignon me mettent au pouvoir de leurs correspondants de la capitale
DES AFFAIRES M’APPELAIENT À PARIS. Je quittai Avignon le 15 août 1812 ; mais il était écrit que je devais être toujours tourmenté, car à peine fus-je sorti d’une ville où les magiciens et sorciers font leur résidence, qu’ils tinrent une assemblée pour envoyer leur procuration à M. Moreau, qui devait ensuite me faire tomber entre les mains de la femme Vandeval, de cette diablesse qui exerça sur moi un pouvoir dont je n’ai que trop à me plaindre. Trahi aussi cruellement de tous côtés, j’étais persuadé que je ne pouvais trouver de salut qu’entre les bras de l’Église. M. le grand pénitencier de la cathédrale, à qui je fus me confier, fit toutes les prières de l’exorcisme en ma faveur. Je ne sais si, malgré la confiance que j’avais en lui, et les bienfaits que j’attendais des secours de notre mère commune, il ne vit aucun signe de changement dans mon état. Il m’adressa à M. le docteur Pinel, qui, après m’avoir examiné, me chargea d’assurer M. le grand pénitencier qu’il opérerait ma guérison. Ce docteur promit beaucoup plus qu’il ne pouvait faire, ou ne tint pas ce qu’il avait promis.
Ayant été préparé par des prières qui m’avaient été recommandées par M. le grand vicaire, ce prêtre fit sur moi l’office de l’exorcisme, accompagné de toutes les cérémonies d’usage, je demeurai bien tranquille pendant toutes les invocations, et il est à croire que M. le curé de Lagnes avait bien raison de dire que je n’étais point possédé par aucune puissance diabolique, puisque rien de ce qui constitue la sorcellerie, par exemple, les convulsions que font éprouver les malins esprits, pour sortir du corps quand ils en sont chassés par la force divine, rien, dis-je, ne se fit sentir en moi ; le calme dont je jouissais pendant l’office de l’exorcisme était un vrai bienfait de la puissance de Dieu. Cependant, après tant de cérémonies bienfaisantes, je fus surpris de ne pas recouvrer ma tranquillité ; et les ministres des autels que j’ai eu l’honneur de consulter, en leur rendant mes devoirs, ont été aussi surpris que moi de ce que je leur disais, et de me voir toujours dans le même état qu’au premier jour de mes souffrances.
CHAPITRE LXII
Traits d’Histoire Sainte,
venant à l’appui de mes assertions.
L’Arche de Noé
POUR CONVAINCRE MES LECTEURS et leur prouver que ce sont des farfadets dont la vengeance me poursuit, je leur rappellerai qu’ayant contracté le devoir d’assister au service divin, et particulièrement les jours de grandes fêtes, de me faire dire l’évangile du jour par un des prêtres de l’église du quartier ou de la ville que j’habite, les magiciens, sorciers, pour me punir de cet acte religieux, venaient le soir se glisser très doucement et invisiblement dans mon lit, pour me frotter la tête d’une manière si brutale, qu’ils me faisaient souffrir des douleurs atroces. J’attribuai cette cruauté à l’horreur qu’ils avaient de la bonne action que j’avais faite, et je persévérai dans mes principes, en redoublant de ferveur pour ce Dieu qui doit m’accorder la force de tout supporter pour l’amour de lui. D’après cela, personne ne révoquera en doute que ce ne soit les fantômes humains qui s’exercent dans cet affreux travail pour lequel ils ont pactisé avec le diable. Ils ont la faculté de satisfaire leurs passions criminelles, et de se soustraire, d’après leur aveugle croyance, à la vengeance du maître du ciel. Ah ! quels que soient les peines et les châtiments qui attendent une secte aussi impie et aussi malfaisante, ils seront toujours trop doux ; car leurs corps étant déjà endurcis par leurs travaux nocturnes et par la fréquentation des lieux souterrains et malsains, où ils tiennent leurs coupables réunions, il faudrait que leur supplice fût égal à toute l’horreur qu’ils inspirent.
À ces preuves joignez les observations suivantes : Quoique je n’aie pas vu le temps du déluge, je n’en suis pas moins convaincu que cette punition toute divine n’a affligé la terre que pour la délivrer de ses premiers farfadets. Dieu, qui n’avait créé l’homme que pour qu’il fût sa plus parfaite image, voulut punir ces misérables qui, ne se mettant pas en garde contre les séductions, se corrompirent au point d’engendrer les magiciens, les farfadets et les êtres vermineux qui s’armèrent contre sa puissance éternelle. Il résolut de les punir tous ensemble ; il n’y eut que ceux qui parurent exempts de vices qui obtinrent de sa bonté un regard favorable. Noé et sa famille furent choisis pour construire une arche qui devait leur servir de refuge pendant le temps que durerait le déluge. Les farfadets, que Dieu ne voulait pas qu’on admît dans l’arche, ne pouvaient la concevoir, la tournaient en ridicule ; mais ils ne pouvaient empêcher sa construction.
Les travaux furent achevés. Noé renferma dans ce vaisseau une couple de tous les animaux existant sur la terre. Ils y restèrent pendant quarante jours et quarante nuits que durèrent les pluies abondantes. Au bout de ce temps, le bienheureux s’imaginant que la colère de Dieu devait être apaisée par le nombre infini de farfadets qui avaient dû périr, voulut savoir si les eaux s’étaient retirées ; il donna, à cet effet, la volée à un corbeau : il serait retourné s’il n’avait rien trouvé pour sa subsistance, et il ne le vit plus. Il en fit autant à une colombe, dont l’instinct naturel est de s’attacher au toit de ses bienfaiteurs, et la fidèle colombe revint portant à son bec un rameau d’olivier. Ce signe avertit le grand vigneron que les eaux avaient cessé de submerger la terre. Il ordonna un feu de joie, en reconnaissance de ce que Dieu avait bien voulu épargner son refuge dans un si grand désastre ; il le remercia d’avoir purgé la terre de tout ce qu’elle contenait de farfadets, pensant que les hommes seraient désormais meilleurs, d’autant que la race en aurait été choisie comme la plus pure de ce temps-là et cependant nous aurions besoin d’un nouveau déluge.
CHAPITRE LXIII
Tous les moments de ma vie
doivent être consacrés à mériter le séjour éternel.
Je cherche à me distraire par des idées agréables
PAR LA LEÇON DONNÉE À NOÉ, Dieu a fait connaître aux hommes qu’il pouvait les punir quand il le voudrait ; mais il leur a fait voir aussi qu’il pouvait racheter leurs péchés sur la terre, et pour cela, il leur envoya son fils, qu’il voulut sacrifier à notre rédemption. C’est ainsi qu’il nous a fait connaître sa parole divine. Il lui donna autant de pouvoir sur la terre, qu’il lui en avait donné dans le ciel. Aussi, dès que j’ai pu me pénétrer de ces grandes et sublimes vérités, je n’ai pas négligé, pendant un seul instant de ma vie, de chercher le moyen d’être admis au nombre des élus.
Cependant, malgré mes sages résolutions et la constance de mes principes, je suis toujours tourmenté par les démons, ennemis irréconciliables de la religion. Je prie Dieu bien souvent de me permettre de quitter cette terre, par un sacrifice honorable de ma vie. Je serais alors à l’abri de la scélératesse de tous les infâmes magiciens ; je pourrais jouir du bonheur ineffable de la présence divine. Les prières que je fais constamment, me conduisent insensiblement à des fictions sublimes, et me transportent dans la demeure céleste que mon imagination voudrait embrasser. J’en ai déjà parlé. Je crois devoir ajouter à ce que j’en ai dit, les réflexions suivantes, que je crois très justes ; Puisque Dieu, pour sauver Noé du châtiment qu’avaient mérité les autres hommes, lui avait ordonné de se construire une arche sainte, ne pourrait-il pas, par une faveur toute particulière, ordonner à un nouvel élu, qu’il choisirait sur cette terre, de construire, avant la fin des siècles, un monument immense qui contiendrait tous les ministres de son culte, revêtus de leurs habits de cérémonie, et qui formeraient sur trois colonnes, une marche triomphale, pour faire leur entrée dans cet édifice, et pour y placer le Saint-Sacrement ?
Je me pénètre de la beauté de cette auguste cérémonie, il me semble la voir : les prêtres qui formeraient la colonne du milieu, seraient chargés de porter chacun un Saint-Sacrement, emblème révéré de tous les bons chrétiens. Les deux colonnes de droite et de gauche seraient aussi formées par d’autres prêtres portant chacun un cierge, symbole du feu sacré qui les anime. Au milieu de l’auguste monument serait une table immense consacrée à recevoir tous les Saints-Sacrements réunis dans cette procession, composée d’une telle quantité de paroisses, qu’on n’en verrait pas la fin. Cette fiction toute chrétienne me ravit d’une sainte joie, elle est vraiment digne du maître de toutes les choses d’ici-bas. Par une faveur toute particulière, je voudrais me placer à la porte du monument, sans me mouvoir ; ma prudence me retient dans un aspect religieux, qui me fait considérer chacun des prêtres, sans pouvoir me permettre la moindre indiscrétion. Loin de les interroger pour m’introduire dans le temple, je me borne seulement à remercier le Seigneur, de m’avoir accordé l’avantage d’être témoin d’une telle fête, afin de me procurer le plaisir d’en parler. Puissé-je, par mon récit, confondre les athées, les renégats, et tous ceux qui, par intérêt, ne craignent pas de s’associer à cette troupe de magiciens, de sorciers créés et enfantés par Rhotomago et par le diable, pour désoler l’espèce humaine ! Ô que je suis heureux, lorsque de pareilles fictions occupent mon esprit.
CHAPITRE LXIV
Que je serais heureux
si Jésus-Christ revenait sur la terre !
Le nombre des Farfadets ne peut se calculer
MES LECTEURS ONT SANS DOUTE REMARQUÉ avec attention que j’ai été favorisé de plusieurs apparitions, parmi lesquelles je leur parle plus particulièrement de celle de mon alcôve.
Personne ne peut révoquer en doute que le Fils de Dieu ait fait des miracles surprenants, comme, par exemple, de guérir des incurables, ressusciter des morts, rendre l’ouïe aux sourds et la vue aux aveugles. Eh bien ! qui croirait que dans les temps où les hommes étaient bien plus sages et moins corrompus qu’aujourd’hui, il s’est trouvé des farfadets qui ont nié ces superbes miracles, au point de les faire tourner contre leur divin auteur ? Non contents d’avoir blasphémé, proscrit et outragé le Fils de Dieu, ils se rendirent coupables du crime le plus infâme qui puisse jamais exister ; ils crucifièrent celui qui avait tant de droits à leur amour, et qui ne venait que pour combattre leur penchant au mal, en leur ouvrant la route céleste. Que leur demandait-il, et quel sacrifice exigeait-il d’eux ? D’avoir confiance en ses paroles et en ses actions, et dans ce temps, comme à présent, la foi les aurait sauvés. Ah ! si j’avais eu le bonheur d’exister de votre temps, ô mon Dieu ! je me serais fait un devoir de croire aveuglément à ce que vous vîntes annoncer… Et si, par un nouveau miracle, vous vouliez nous honorer en ce siècle de votre divine présence, quel que soit le lieu que vous choisissiez pour nous apparaître, je me ferais un devoir sacré d’aller me prosterner à vos pieds pour vous assurer de la foi la plus constante qu’avaient jamais professée les plus fidèles serviteurs de votre Église. Je viendrais vous offrir les tribulations, les peines que j’éprouve chaque jour, et dont je ne puis accuser que vos ennemis et les miens, véritables disciples de Belzébuth. Seigneur, le nombre des farfadets augmente tellement à ma vue, que je crains bien que la terre n’en soit bientôt entièrement couverte, et qu’il n’y ait pas un asile libre pour l’homme tranquille et le sage qui ne veut vivre que pour Dieu. Ces ennemis de votre puissance méconnaissent la loi divine, ils n’ont point égard à la réclamation journalière que je leur fais de me rendre le repos de l’esprit, puisque mon coeur et mon âme sont à vous ; ils ne connaissent pas non plus les paroles de Notre-Seigneur, qui dit : Rendez à César ce qui appartient à César ; car s’ils les connaissaient, ils ne me refuseraient pas ce que je leur demande. Ah ! quels sont donc leurs droits pour oser me retenir sous leur domination ? Pourquoi me persécuter, m’épier, pour connaître mes plus secrètes pensées et mes actions ? Pourquoi font-ils des choses dont le récit souillerait ma plume ? Ils n’ignorent pas les combats continuels que je soutiens contre leurs cruelles entreprises, les résistances que j’oppose constamment à leur puissance magique et infernale. Ils sont donc bien mal inspirés, pour ne pas s’apercevoir que j’aime mieux souffrir tout de leur indignité, que de faiblir un instant du côté où ils voudraient m’entraîner : aussi, mon Dieu, je vous prends à témoin de ma profession de foi. Je proteste que je renonce, d’après les paroles du catéchisme, à la tentation que le démon pourrait exercer sur moi. Je n’ai aucune inclination. Je ne veux participer, en aucune manière, à de criminelles opérations, malgré les nombreuses invitations de mes ennemis pour me réunir à leur infâme société. Je les aurai toujours en horreur, et je ne dévierai jamais des principes que je professe, ce sont ceux qui me sont enseignés par les prêtres de la religion catholique, apostolique et romaine : hors de cette Église point de salut. Les farfadets iront brûler dans l’enfer.
CHAPITRE LXV
Un mot sur la Tentation de saint Antoine
DANS UNE BELLE GRAVURE ce grand saint est représenté entouré d’une infinité de démons, tous plus hideux les uns que les autres. Les diables, qui nous rappellent les farfadets, cherchent à distraire de ses devoirs envers Dieu ce vertueux et saint personnage, pour l’entraîner dans l’abîme que leur perfidie lui prépare. Un grand nombre de personnes s’arrêtent pour contempler la gravure qui représente ce trait de l’histoire sainte. Chacune de ces personnes porte le jugement qu’elle croit devoir porter ; l’une dit que ce sont des démons et des diables qui cherchent à le séduire, pour l’entraîner dans leur criminel repaire et lui faire souffrir mille maux, s’il n’a la fermeté de résister à leurs fastueuses promesses ; l’autre tient un discours tout opposé. Personne ne devine juste, ou du moins je le pense. Voici ce que je crois être la vérité, je l’ai apprise à ceux qui un jour admiraient avec moi cette gravure. Ne voyez-vous pas, leur dis-je, qu’il est impossible que toutes les figures qui sont représentées sous cette glace soient des démons ? Le nombre des diables est borné, et ne peut jamais se porter à une si grande quantité. Ce sont des farfadets, qui sont envoyés sur la terre, par ordre du gouvernement infernal, pour tourmenter les apôtres de la foi chrétienne. L’assurance avec laquelle je dis ces paroles, me fit regarder avec surprise par les personnes présentes, qui parurent embarrassées pour me répondre. Celles que je reconnus pour avoir des relations avec les magiciens, me lancèrent des regards qui annonçaient le courroux dont ces paroles les enflammaient. Je m’en fus pour ne pas être la cause d’autres réflexions. Chaque fois que mon chemin me conduit à admirer cette gravure, je m’arrête pour entendre et juger de ce que chacun en dit : alors je leur en fais connaître la vraie signification ; par ce moyen, je suis convaincu que ceux qui entendent mes réflexions, les communiquent à d’autres, et tout le monde en sera bientôt instruit : car, j’espère qu’à l’appui de mon mémoire, les farfadets qui désolent toute la terre par l’ordre des esprits infernaux, seront tout à fait connus et chassés, comme ils le méritent. Grand saint Antoine, unis tes prières aux miennes, pour la destruction totale de nos ennemis les farfadets !
CHAPITRE LXVI
Nouvelles Imprécations contre mes ennemis
EXCRÉMENTS DE LA TERRE, exécrables émissaires des puissances infernales, je sais que je suis votre victime ; mais ne croyez pas que je sois dupe de vos stratagèmes et de vos opérations magiques sur les honnêtes gens de ce bas monde, que vous avez la cruauté de tourmenter ainsi que moi. Vous mettez tout en usage pour faire tomber des infortunés sous votre domination. Les conseils de votre monstrueuse assemblée ont tout prévu, et vous avez, par vos infâmes lois, pourvu à tous les obstacles que vous craigniez de rencontrer parmi les hommes. Vous vous faites un jeu de braver tout ce qu’il y a de plus sacré, l’honneur et la religion. Vous regardez ces palladium de notre bonheur comme impuissants auprès de votre invisibilité, seul garant de votre sûreté. Vous jetez du ridicule sur les principales sources du bonheur de toute société, parce qu’elles nous préservent de tous vos affreux principes, et qu’elles combattent par la sublimité de leur ascendant. En jugeant des maux d’autrui par ceux que vous m’avez fait souffrir, je peux me convaincre du mal que vous pouvez faire endurer à ceux qui n’ont pas, comme moi, appris à connaître toutes vos perfidies, et qui attribuent leurs maux à une cause différente… Ah ! si du moins je souffre autant qu’eux, j’ai l’avantage de connaître d’où partent les coups qui me frappent. Monstres, perturbateurs du repos et du bonheur du genre humain, Dieu m’a donné un coeur pur, un coeur ennemi du crime, qui sait, dès le premier moment de votre apparition, vous connaître et vous apprécier. Je veux, à chaque instant, dans l’horreur qui m’anime, vous dévoiler aux yeux de l’univers ; mais soit que l’indignation que vous m’inspirez trouble mes esprits, ou que la crainte de produire trop d’effroi dans l’âme de ceux que je veux éclairer, retienne ma pensée, les expressions expirent en sortant de ma bouche, et je sens que ma faiblesse ranime et redouble votre audace. Je ne puis taire qu’étonnés quelquefois d’un courage que vingt-trois années de malheurs ont mis à l’épreuve, vous ne m’accordiez, par intervalle, un peu de relâche à vos persécutions ; mais à peine suis-je rendu à moi-même, que vous recommencez vos indignes vexations. Vous lancez les cruels émissaires qui sont chargés de vous faire des prosélytes, pour me proposer ce que tout autre, qui ne serait pas autant en garde que moi, pourrait accepter ; mais je refuse solennellement vos offres, elles alarment ma piété et ne font que tourmenter ma conscience. Je préfère mille fois la mort plutôt que d’acheter, aux dépens du salut de mon âme, la liberté que vous m’offrez. Je brave les menaces que vous me faites. Ma seule crainte est d’offenser Dieu, au nom duquel doivent frémir les émissaires envoyés par vous pour me séduire. Je sais que mes refus vous irritent et vous acharnent à me poursuivre pour satisfaire votre vengeance : voilà pourquoi vous occupez ma tête et la fatiguez de tant de pensées diverses, qu’elle ne peut en suivre une sans qu’elle semble être privée de ses facultés intellectuelles. Vous me privez aussi, par vos ruses, de l’avantage d’exhaler contre vous les plaintes nécessaires au repos que je désire recouvrer pour moi et pour les infortunés qui souffrent comme moi ; mais je rendrai tous vos efforts infructueux. Je compte assez sur l’indulgence des honnêtes gens, pour croire qu’ils ne verront dans cet écrit que la pure vérité de ce que j’ai éprouvé, et qu’ils ne vous donneront pas le plaisir de critiquer l’ouvrage d’un homme qui n’écrit pas pour paraître savant, ni pour courir la carrière des poètes, mais purement et simplement pour essayer, par les expressions de la vérité, de persuader les malheureux, et qui n’écrit que pour leur être utile. Mon Dieu ! pardonnez-moi ces imprécations, elles ont un peu soulagé mon âme du poids qui l’oppresse.
CHAPITRE LXVII
Les événements imprévus auxquels la vie des hommes est sujette nous viennent par les maléfices des Farfadets
SI DIEU VEUT QUE JE SOUFFRE ENCORE, je me soumets à sa sainte volonté, et je le prie tous les jours de m’en donner la force ; mais rien ne m’oblige à garder le silence sur la malignité des agents des puissances infernales.
Les maux qui affligent l’humanité, et dont on se plaint, sont plus ou moins grands ; il est très rare que l’on trouve juste la véritable cause qui les a produits. Par exemple, on me dira qu’une personne vient de mourir d’un coup de sang, on déplore cette perte subite qui ravit à la société un homme estimable. Je révoque en doute la cause de cette mort. On m’assure que le fait est incontestable. Je réponds que cette assertion ne peut être tolérée qu’en raison de l’éloignement que tous les hommes ont de se donner le temps d’approfondir les choses qui les frappent ; mais moi, qui ai suivi pas à pas les progrès des magiciens, sorciers et farfadets, sur l’espèce humaine, je prétends donner la preuve contraire de ce que vulgairement on pense sur les causes de mort ou de maladie dont nous sommes atteints. Je dis que quand les coquins persécutent quelqu’un, au point de vouloir lui ôter la vie, ils le prennent à deux mains par le bas du cou, pressent les omoplates sur l’os sacrum, le secouent au point de le faire reculer ou avancer avec force, afin de l’étourdir ; au moyen de cette pression et de ces secousses, le malheureux est étouffé et tombe trois ou quatre minutes après ; voilà la seule et véritable cause de sa mort subite. Une autre personne se donne une entorse en vaquant à ses affaires ; les suites en sont dangereuses, et le chirurgien appelé fait craindre que cet homme ne soit longtemps retenti dans son lit. Chacun là-dessus se lamente, tire des conséquences, déplore le malheur de cet homme, qui est l’espoir d’une famille, qu’il nourrit par son travail. On ne peut, dit-on, attribuer cet événement à son inconduite ; cet homme est sans défaut, ne boit que modérément. J’écoute tout, afin de me pénétrer de l’ignorance des discoureurs ; et quand je vois qu’ils en ont assez dit, je leur fais entendre qu’ils s’éloignent tout à fait de la vérité, je leur apprends que quand les farfadets veulent faire du mal à quelqu’un, ce qui n’arrive malheureusement qu’aux honnêtes gens, ils poussent le pied qui doit se porter en avant, de manière qu’en passant près de la cheville de l’autre pied il heurte le piéton avec tant de violence qu’il le fait fléchir en dehors ; et voilà ce qu’on nomme ensuite une entorse.
À ces erreurs du vulgaire je pourrais en signaler bien d’autres : je dirais qu’une femme vient de mettre au monde le fruit d’un doux lien, et que cette bonne mère, jalouse de donner ses tendres soins à son enfant, veut l’allaiter elle-même ; elle veut épargner l’argent que l’on donne à des femmes mercenaires auxquelles il est impossible de demander la tendresse d’une mère. Eh bien ! cette digne épouse, qui veut allaiter son enfant, pousse souvent des cris affreux, se plaint des douleurs qu’elle éprouve au sein, gémit et sanglote de ce que son lait ne monte pas assez abondamment, elle entend son enfant pousser des cris de douleurs et de besoin. La bonne mère se tourmente et s’épuise tout à la fois : on croit que c’est un effet du tempérament de la mère, qui se voit trompée dans ses espérances. J’écoute en silence, et je dis ensuite que ce n’est pas là la cause du malheur qu’on déplore. Je fais connaître à l’instant que les émissaires de Belzébuth sont seuls les auteurs du mal qu’éprouve cette mère infortunée ; ce sont eux qui lui font arrêter son lait par un maléfice dont elle n’a pu se garantir ; ils lui pressent le bout du sein avec leurs griffes aiguës et venimeuses, et la privent par ce moyen des douceurs les plus grandes dont puisse jouir une tendre épouse, en donnant deux fois l’existence à son cher enfant.
En d’autres occasions, il arrive qu’en rentrant chez soi, ou chez quelqu’autre personne, on sent une odeur forte et désagréable que l’on ne sait à quoi attribuer. Eh bien ! ce sont encore les farfadets, qui invisiblement répandent cette infection qui vous ferait croire que vous êtes dans un gouffre de bitume et de soufre.
D’autres fois on entend un bruit qui ressemble à celui du bois qui travaille, soit dans un meuble soit dans une cloison. Ce n’est pas le bois qui travaille, ce sont les magiciens ou sorciers qui frappent par méchanceté pour faire fendre vos meubles ou votre cloison.
Souvent des personnes crédules sont surprises d’éternuer sans être enrhumées du cerveau, et ne peuvent trouver la cause de ces effets. Qu’on y réfléchisse, et on se convaincra de suite que ce sont des sorciers qui font voler de la poudre dans l’air pour nous procurer les éternuements.
Si je ne craignais d’ennuyer mes lecteurs, je citerais à l’appui de mon opinion bien d’autres événements qui sont à ma connaissance, et qui tous ont été causés par la malignité des magiciens ; mais je suis déjà assuré qu’après avoir lu ces exemples, tous les humains seront de mon avis, et approuveront les découvertes utiles que j’ai faites contre la race infecte des farfadets. Tout le mal qui se fait sur la terre est leur ouvrage. Honnêtes gens ! liguons-nous tous contre eux !
CHAPITRE LVIII
Une Demoiselle me jette un sort
en me touchant les deux cuisses.
Je n’avais pas voulu me rendre à ses conseils diaboliques
JE VEUX ENCORE CITER une chose singulière qui m’arriva dans le courant de l’été 1818. Je me trouvais en société ; plusieurs dames de ma connaissance étaient rassemblées ; l’une d’elles, qui était encore demoiselle, ayant fait tomber la conversation sur ce qui me regardait, me dit : M. Berbiguier, je vais vous donner un bon moyen pour vous mettre à l’abri des maux que vous éprouvez. Flatté d’un si doux espoir, je la priai de s’expliquer. Elle me dit que je devrais m’occuper de faire la cour aux dames, de quitter mes chimères et de me dévouer au beau sexe. À ces mots je jetai un cri d’indignation. Moi ! lui dis-je, me mettre de votre côté ! Grand Dieu ! Quelle proposition ! Vous voulez que je souille d’un crime énorme une vie sans tache, j’aimerais mieux supporter l’esclavage où me retiennent les infâmes farfadets que de céder à vos criminelles propositions. Elle me dit, en me regardant fixement : En ce cas, vous souffrirez longtemps, je vous le prédis. Elle joignit à cette prédiction la malice d’avancer la main sur ma cuisse ; mais je ne sentis pas alors l’effet de son attouchement. La conversation continua sur d’autres sujets. Quelques instants après, je m’en fus avec deux de mes amis. À peine fus-je dehors, que je commençai à ressentir une petite douleur à la place même où cette demoiselle avait posé le bout de son doigt. Ceci me parut si singulier, que j’en fis part à mes deux amis, en leur faisant connaître la cause de ma souffrance. Je les quittai pour rentrer chez moi ; mais quelle fut ma surprise lorsque je sentis ma douleur augmenter ! Je ne doutai plus que quelque farfadet n’eut envenimé les doigts de cette demoiselle.
Dans l’espoir de faire une nouvelle découverte, je me rendis le lendemain soir à la même société. Je voulais faire des reproches à cette demoiselle ; mais je l’attendis vainement jusqu’à dix heures du soir. Je priai le maître de la maison de lui dire, si elle venait, la raison pour laquelle je l’avais attendue. Le surlendemain, la douleur fut moins forte, et j’appris qu’on avait parlé à cette demoiselle de la crise que son attouchement m’avait fait éprouver. J’appris que c’était à l’heure où on lui avait parlé de mon mal, qu’il avait cessé d’être si violent. Je vis enfin ma farfadette. Après l’avoir saluée honnêtement (car malgré mon éloignement pour tout ce qui a rapport à la cohabitation avec les personnes du sexe, j’ai toujours été très honnête et très respectueux avec les dames), je saisis l’occasion favorable, pour la remercier des douleurs qui avaient suivi l’attouchement qu’elle me fit avec le doigt. Elle me demanda si je souffrais encore. Je lui avouai que la douleur s’était apaisée la veille. Elle me dit qu’elle en était instruite, et que dès l’instant que mes amis lui en avaient parlé, elle avait ordonné à la douleur de se calmer. Maintenant, dit-elle, que vous ne souffrez plus que dans l’intérieur, c’est-à-dire vers la moelle de l’os, je veux, par mon commandement, que vous n’éprouviez plus aucune souffrance. Je dois le dire à la gloire de cette demoiselle, je sentis peu à peu ma douleur disparaître entièrement. Je vis bien que c’était le malin esprit qui avait voulu me tourmenter. Lorsque je saluai la société où j’étais allé une troisième fois, cette demoiselle, pour laquelle je ne sentais plus d’aversion, me suivit des yeux pendant quelque temps. Je me retournai, et je vis qu’elle me regardait en riant. Prenez patience, M. Berbiguier, me dit-elle, et vous serez guéri. Depuis ce moment, je ne me suis effectivement plus ressenti de son attouchement. Elle s’est imaginée peut-être que je serais assez faible pour venir tomber dans ses filets.
CHAPITRE LXIX
Les Farfadets désunissent les époux en visitant à leur insu les femmes vertueuses. Rien ne leur est étranger
TOUT CE QUE J’AI CITÉ à mes lecteurs peut et doit leur prouver ce dont sont capables ces vampires engendrés par l’espèce infernale : ils savent maintenant que s’ils m’ont fait souffrir, ils peuvent faire souffrir bien d’autres mortels ; que rien n’est à l’abri de leur abominable pouvoir : ruine, destruction, incendie, désastre des villes et des campagnes, dissensions dans les ménages, dissensions politiques, tout est leur ouvrage, tout est l’effet de leur cruelle méchanceté.
Comme c’est particulièrement sur les plus honnêtes gens que leur farfadérisme s’exerce, en raison de la facilité qu’ils ont de se transporter invisiblement partout où ils veulent, ils préfèrent s’introduire dans l’appartement d’une belle dame dont le mari voyage loin de sa chaste moitié. À son retour, ce digne homme est tout surpris, après une absence de deux ans, de se trouver père de deux enfants, tandis qu’il croyait pour son honneur et son bonheur n’avoir qu’un seul gage de son union.
Il ne peut pas croire que ce soient les farfadets qui, après avoir employé les effets d’un somnifère dangereux pour la vertu de sa chaste épouse, se sont rendus maîtres de ses sensations et lui ont fait trahir involontairement le serment qu’elle avait fait aux pieds des autels, en présence de témoins et entre les mains des ministres de Dieu, de garder toujours cet honneur qui faisait sa gloire, et devait assurer et maintenir la paix du saint noeud conjugal. La voilà donc réduite par ce maléfice à éprouver la colère et la haine de son époux ; la voilà en proie aux reproches d’un public qui ne peut et ne veut rien approfondir, parce qu’il aime mieux se livrer à la médisance que de s’instruire des véritables causes qui pourraient lui faire accorder son indulgence à ceux qu’il se plaît à traiter en coupables.
Les femmes contre lesquelles le jugement public a déjà prononcé l’anathème, sont celles qui sont les plus médisantes. Afin de racheter, si elles peuvent, ou diminuer par la médisance quelques-uns de leurs torts, elles aggravent ceux que cette malheureuse victime n’a qu’en apparence. Le forfait des farfadets procure à cette infortunée la mort la plus douloureuse, et c’est au printemps de ses jours qu’ils l’ont condamnée à perdre la vie. La mort, c’est la loi de Dieu ; mais la diffamation, le déshonneur, les clameurs des gens réprouvés, c’est la mort la plus affreuse pour la femme vertueuse qu’on offense.
Les demoiselles sont également exposées aux visites nocturnes des vampires. Elles croient pouvoir se faire remarquer par une conduite sans reproches : élevées dans les principes d’une vertu austère, elles faisaient l’espoir de leurs parents, l’ornement de la société, et elles sont, par l’influence maligne de la secte diabolique, réduites aux malheurs les plus affreux. D’abord, un bruit sourd se répand ; chacun le recueille : on se demande ce que c’est, et la méchanceté vient tout à coup porter son venin sur une âme pure ; elle lui prête l’intention d’avoir consenti à la perte de ce qu’elle avait de plus sacré. Les résultats sont apparents, se dit-on ; alors on voit une joie féroce s’emparer de tous les coeurs corrompus, les femmes les plus répréhensibles sont celles qui l’attaquent avec les armes les plus redoutables, et la vertu a paru succomber, lorsqu’elle est restée dans sa pureté primitive.
CHAPITRE LXX
Les bons Prêtres sont presque toujours en proie aux persécutions et aux propos malins des Farfadets.
Les prières et les cloches contrarient bien souvent les Esprits malins
LES MINISTRES DE DIEU ne sont pas exempts de la calomnie des farfadets. Tous ceux qui veulent faire mal, se couvrent, disent-ils, du manteau du prêtre. Voilà ce qu’ils sèment pour justifier leur calomnie contre les apôtres de la foi ; ils calculent sur l’impunité de leurs crimes cachés, et les insensés se croient à l’abri de la vengeance divine ; parce que Dieu ne s’est pas encore décidé à mettre fin à leurs dérèglements, ils abjurent l’existence de ce Dieu juste et bienfaisant.
Jésus-Christ lui-même, modèle de vertu et symbole de la divine sagesse, ne fut pas exempt des méchancetés de mes ennemis. Lorsqu’il vit que les coupables n’obtenaient point de pardon de son père, il se proposa de racheter leurs péchés par le sacrifice de sa personne divine, et les méchants refusèrent de le reconnaître pour le Rédempteur des hommes et le digne Fils d’un Dieu de clémence. D’après cela, les prêtres doivent se glorifier d’être calomniés par les farfadets.
Mais les apôtres de Jésus-Christ, en établissant la religion qui consacre à Jamais la vertu, nous ont donné le moyen de contrarier les disciples de Satan ; Ils nous ont fait connaître les moments où l’on devait se livrer à la prière ; ils ont invité les fidèles à se réunir dans les temples, ou à prier chez eux, si leur santé ou leurs occupations les en empêchaient ; ils ont fait fondre des cloches, et les cloches et les prières furent composées par les ministres de la foi, pour contrarier les disciples de Belzébuth. Si nous prions souvent, nous occupons notre pensée, et nous nous préservons des tentations du diable, qui, semblable au loup ravissant, cherche toujours à s’emparer de notre âme pour l’entraîner à lui et la soumettre à son pouvoir infernal. Faisons en sorte de nous conserver l’amour que Dieu a pour nous, en nous occupant sans cesse de lui par nos prières ; mettons en agitation toutes les cloches de nos églises, et le malin n’aura aucun pouvoir sur notre fragilité. Les cloches et les prières contrarient donc les farfadets.
Les cloches mises en mouvement à diverses heures du jour, ont encore l’avantage d’éloigner le démon des lieux saints où elles sont placées. Leur son lui fait tellement horreur, qu’il en reçoit des convulsions qui lui font pousser des cris affreux et faire des contorsions épouvantables ; elles ont aussi le précieux avantage d’éloigner par leur agitation les orages qui pourraient fondre sur le temple de Dieu pour le réduire en poudre. Ce sont les physiciens qui ont voulu faire croire que le son des cloches attirait la foudre. Ils avaient leurs raisons pour cela. Les physiciens sont tous des farfadets.