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Séminaire 2008-2009

Huo Datung : la révolution psychanalytique chinoise

Texte de l’intervention au Cercle Psychanalytique de Paris (30 octobre 2008)

Date de mise en ligne : jeudi 6 novembre 2008

Auteur : Guy MASSAT

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Guy Massat, « Huo Datung : La révolution psychanalytique chinoise », première séance du séminaire 2008-2009, au Cercle psychanalytique de Paris, le jeudi 30 octobre 2008.

Huo Datung
La révolution psychanalytique chinoise
« L’inconscient de tous les êtres humains c’est de l’écriture chinoise »

Ou bien l’inconscient est relatif à la conscience et Freud n’a pas découvert grand-chose ou bien l’inconscient est indépendant de la conscience et Freud a découvert, en quelque sorte, un autre « continent » de la nature humaine, la « terra sine qua non », la dimension sans laquelle les autres ne sont pas.

Ces deux thèses, l’inconscient relatif à la conscience et l’inconscient indépendant, se sont combattues et se disputent encore. Bien sûr les psychanalystes les plus expérimentés soutiennent la seconde thèse avec pour chef de file Jacques Lacan. Mais en 1980 Lacan, à la stupéfaction générale, a dissout son école, « L’École Freudienne de Paris ». Il n’y a donc plus d’école lacanienne officielle. En même temps Lacan a dégagé avec cette dissolution les conditions de possibilités d’une prolifération des associations lacaniennes indépendantes. Quiconque donc peut créer une association lacanienne. Il suffit pour cela qu’on y étudie, en cartel, l’œuvre de Lacan. La dissolution de « l’École Freudienne de Paris » est, d’une certaine manière, l’équivalent du plaidoyer de Freud, en 1926, pour « l’analyse profane » : les médecins n’ont rien à voir avec la psychanalyse. Freud y explique que la psychanalyse ne doit rien à la médecine mais tout à la mythologie et au langage populaire. C’est que l’inconscient indépendant de Freud et de Lacan ne saurait, par définition, appartenir à quiconque. Il ne saurait être enfermé dans quelque église que ce soit. Dans ce dernier séminaire, « la dissolution », un an avant sa mort, Lacan dit précisément :

« Je parle sans le moindre espoir de me faire entendre, je sais que je le fais, à y ajouter ce que cela comporte d’inconscient… Il y a du monde dont je n’ai pas besoin. Je les laisse en plan afin qu’ils me montrent ce qu’ils savent faire, hormis m’encombrer… »

Ne s’agit-il pas là de bien savoir sur quelle définition de l’inconscient doivent se fonder les psychanalystes ? L’histoire a montré combien les leçons de Freud et de Lacan ont été dévoyées, « encombrées » par des psychanalystes médecins « religieux » ou « substantialistes » pour lesquels, quoiqu’ils prétendent de leur fidélité à Freud et Lacan, l’inconscient ne sera jamais qu’un phénomène relatif à la conscience. Cette différence de nature est fondamentale. Alors que l’inconscient de Freud et de Lacan a la capacité de comprendre et d’utiliser les inconscients relatifs, les partisans de l’inconscient relatif, eux, sont contraints de se limiter et de refouler l’inconscient autonome et indépendant. Ils en éprouvent une sorte de peur, un certain malaise qu’ils dissimulent mal. C’est que l’inconscient est pareil à l’infini qui peut englober et pénétrer tous les finis alors qu’aucun fini ne pourra absorber l’infini sans y disparaître.

Il y a trois mille ans Tchouang tseu illustrait cette nécessité dynamique avec son histoire du « meurtre de Houen touen ». Houen touen était sans trou, pareil à un œuf, une sorte de « calebasse sans ouverture », une totalité close vivant en elle-même pour elle-même, pareil une conscience se réfléchissant sans cesse. Dès qu’on lui perça des orifices pour le dynamiser et lui faire voir le monde extérieur, il disparut. Toute conscience meurt alors que l’inconscient se dépasse lui-même.

Rappelons, encore une fois, qu’une existence relative ne peut être que passive. Par exemple une décharge électrique ou une chute d’eau sont des forces redoutables mais cela n’ôte rien à l’inertie et à la passivité de leur nature puisqu’elles reçoivent leur énergie d’ailleurs que d’elles-mêmes. Elles ne peuvent pas, à l’instar de ce qu’est une véritable activité autonome, comme l’inconscient, se retourner sur elles-mêmes, ni s’inverser en leurs contraires, sinon l’électricité pourrait pratiquer l’extinction volontaire et la chute d’eau remonter à sa source pour s’y engouffrer.

L’inconscient relatif, si l’on peut encore, après Freud, l’appeler encore inconscient, réduit l’Œdipe, ce centre nucléaire de toutes les névroses à une historiette ridicule. En tout cas avec l’inconscient relatif l’Œdipe perd l’universalité dont le qualifiait Freud. Si l’on pose la question « la terre tournait-elle avant Galilée ? » Pour le conscient la réponse sera oui, pour l’inconscient indépendant, étonnamment, elle sera non. Car dans l’inconscient indépendant seul compte le langage. Dans cet inconscient les mots sont des actes et des choses. Alors que dans le conscient les mots ne sont ni les choses ni les actes. Les deux systèmes ne se distinguent que par les dimensions de la parole, énoncé et énonciation.

L’inconscient indépendant c’est du langage phonétique et ce langage Lacan l’appelle le Réel. Disparaîtra-t-il un jour comme le souhaitent certains scientifiques qui le réduisent étourdiment à de la pensée magique ? Impossible, parce quels que soient les progrès de la chimie, de la biologie, de l’électronique, des neurosciences etc., l’être humain ne pourra jamais se passer de parler. Et là où l’on parle surgit au moment le plus inopiné un autre discours et qui n’est pas du semblant.

Ce discours qui n’est pas du semblant est la source même des autres discours, montre la psychanalyse. L’homme est, aura été et ne sera jamais que du « parlêtre ». Là où semble régner l’autorité du discours le plus maîtrisé, le plus rigoureux, le plus consistant, « le ça », le sans nom, l’inconscient s’exprimera tôt ou tard avec ses lapsus, ses actes manqués, ses bévues, ses contrepétries, ses anagrammes, ses homophonies, et autres discordances sonores à conséquences physiques. On peut refouler l’inconscient mais on ne le supprime pas. Quel savant pourrait inventer la montre à arrêter le temps ?

Avec l’inconscient et son éternel retour fermente en permanence sous la rigidité de tout discours une dislocation imprévisible, une faille dynamique, créatrice de nouveaux et toujours plus étonnants phénomènes. Malheureusement, malgré l’ouverture du dernier séminaire de Lacan « La dissolution », qui réalisait en quelque sorte l’apogée de son enseignement, nous n’avons jamais plus rien vu ni entendu d’étonnant en psychanalyse. Désert et silence où l’on ne perçoit plus que des mirages auditifs de « disqu’ourcourant », disque hors champ et hors jeu de l’inconscient indépendant, libre et créateur. Comme si, à l’inverse d’Athéna et de Dionysos, Lacan et Freud étaient morts deux fois. Il semble même que dans l’archipel des associations se disant lacaniennes l’inconscient ne se définisse plus que comme un inconscient relatif, aussi passif et brumeux que les chutes du Niagara. Ces psychanalystes tremblent devant les neurosciences. Assiste-t-on aujourd’hui à la fin de la véritable psychanalyse ? Des symptômes se manifestent un peu partout. Le Livre Noir de la Psychanalyse en profite, prend des notes et grandit.

Bien que la psychanalyse soit l’inconscient, selon Freud et Lacan, cela ne l’empêche pas d’être refoulée sur le sol même qui l’a produite. Mais, en vertu de l’inévitable retour du refoulé, qui pareil au temps ne s’arrête jamais, cela ne peut être que pour resurgir ailleurs avec d’autant plus de force et de créativité. Pour peu qu’aujourd’hui on se tourne vers la Chine il se pourrait même qu’on aperçoive déjà du nouveau en psychanalyse. En effet voici ce que déclare le premier psychanalyste chinois, formé en Occident, le Pr Huo Datong : 

« Moi, chinois, j’ai compris en 2002 que l’inconscient de tous les êtres humains est structuré comme l’écriture chinoise » (La Chine sur le divan, Dorian Malovic, p. 41) .

« Une interprétation de rêve est analogue à une analyse des caractères chinois » (« Deux procédés de la pensée inconsciente »).

En passant au crible les propositions du Pr. Huo Datong, en en tirant les conséquences, la psychanalyse pourrait bien retrouver l’inconscient perpétuel, indépendant, non relatif à la conscience qui fait sa caractéristique et sa force. La pratique fondamentale de la psychanalyse « l’association libre » pourrait elle-même démultiplier sa puissance clinique.

L’histoire de la psychanalyse s’articulerait alors en trois révolutions épistémologiques : celle de Freud, celle de Lacan et celle de Huo Datong.

Première révolution :
Freud découvre l’inconscient

L’inconscient que découvre Freud n’est pas ce qu’on appelait avant lui « inconscient » dans la culture occidentale. « L’inconscient freudien n’a rien à faire avec les formes dites de l’inconscient qui l’on précédées, voire accompagnées, voire qui l’entourent encore », souligne et précise bien Lacan dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (p. 26). Cet inconscient freudien, explique-t-il « se tient dans l’aire du non-né » (p. 25). L’aire du non-né est un concept typiquement chinois. Il fait référence au Chan « Le vide est non-né, non créé, non formé… » « Puisqu’il y a un non-né, on peut changer ce monde qui est né, créé et formé ». C’est le « wu » dynamique du « wu wei », « wu shin », « wu nien ». En tout cas l’inconscient freudien n’est pas une perte de conscience comme lorsqu’on s’évanouit. Ce n’est pas l’inconnu, l’incompris, l’inexploré, le non perçu des philosophes. Ce n’est pas l’inconscience, l’irresponsabilité, ou l’aveuglement selon les concepts de la psychologie.

Ce qui constitue « la révolution psychanalytique » de Freud c’est qu’il y a un inconscient « autonome et dynamique » qui n’est pas relatif à la conscience. Ce sont les consciences réfléchies qui sont dépendantes de cet inconscient. Ce renversement épistémologique constitue une révolution, une discontinuité, dans les sciences humaines. Lacan explique : « La discontinuité, telle est donc la forme essentielle où nous apparaît d’abord l’inconscient comme phénomène, la discontinuité, dans laquelle quelque chose se manifeste comme une vacillation. Or, si cette discontinuité a un caractère absolu, inaugural, dans le chemin de la découverte de Freud, devons-nous la placer — [comme ce fut ensuite la tendance des analystes] — sur le fond d’une totalité ? Est-ce que le un est antérieur à la discontinuité ? Je ne le pense pas » (Les Quatre concepts, p. 28).

Freud fait la découverte de cet inconscient au début du vingtième siècle parallèlement aux physiciens qui découvraient avec leur univers quantique, la désubstantialisation, la dématérialisation de l’univers physique. Fin de la physique classique, de la matière, de l’espace et surgissement des dimensions du temps. L’inconscient, expliquera Lacan dans le même séminaire est « la pulsation temporelle ».

Rappelons que temps a pour étymologie « tem » qui signifie « couper » : donc discontinuité comme le yin et yang dans le I king. « Tout ce que j’ai enseigné ces dernières années, poursuit Lacan, tendait à faire virer cet exigence d’un un fermé — mirage auquel s’attache la référence au psychisme d’enveloppe, sorte de double de l’organisme où résiderait cette fausse unité. Vous m’accorderez que le un qui est introduit par l’expérience de l’inconscient, c’est le un de la fente, du trait de la rupture » (ibid. p. 28) Cette fente, ce trait de rupture, n’évoquent-t-ils pas l’origine de l’écriture chinoise avec les fentes faites sur les écailles de tortue qui symbolisent le ciel ?

La méthode d’investigation clinique de l’inconscient, à but thérapeutique, sa règle fondamentale, enseignait Freud est « l’association libre ». L’association libre consiste à trouver des réseaux « entre » les mots, « entre » les lettres, « entre » les sons, c’est-à-dire dans les failles de leurs significations, hors des images imposées de la perception, de la mémoire et de toutes nos fermetures habituelles. C’est-à-dire qu’un nombre indéfini de sons, d’images, de graphes sans liens les uns avec les autres peuvent spontanément s’associer dans le processus de l’analyse pour signifier et détruire par delà eux mêmes des vérités refoulées qui pourrissaient notre existence, altéraient notre santé physique, quelle que soit par ailleurs l’étendue de nos connaissances. Un seul mot ici peut jouer parfois dans le système inconscient à la manière d’une aiguille d’acupuncture débloquant et tonifiant l’énergie générale.

Mais, malgré son succès, sous l’effet des préjugés culturels de l’époque, l’inconscient freudien fut rapidement dévoyé, détourné et finalement réduit à ce qu’il n’était pas : une notion relative à la conscience, banale comme tout le reste. Le poids de l’inertie culturelle reprit le dessus. Retour aux excréments fossilisés, aux fèces, aux peaux d’oignons formant des unités mensongères, à cette « enveloppe d’inconscient double de l’organisme » que dénonce Lacan. Adieu à l’inconscient freudien, retour aux formes dites de l’inconscient précédant où l’on voit s’enliser encore maints psychanalystes aujourd’hui. Quand la méthode de « l’association libre » ne s’applique plus qu’au conscient et à ses dogmes mécaniques elle perd son efficacité. Déjà à l’époque de Freud de soi disant psychanalystes contestaient la méthode. Ils prétendaient que les patients n’arrivaient pas à s’y soumettre. Ces psychanalystes se transformèrent en « psychologues d’inspiration psychanalytique » tout en conservant et exploitant le titre prestigieux de « psychanalyste » au détriment du sens de la théorie freudienne. Personne, semble-t-il, n’avait encore remarqué que le principe de « l’association libre » et ses multiples possibilités était comme privilégié dans la langue chinoise. Dans cette langue, en effet, le même son peut renvoyer à des dizaines de sens. On se croirait, même avec le discours le plus banal, projeté dans un univers poétique.

Deuxième révolution :
« Le retour à Freud » de Lacan

Ainsi donc autour de Freud les règles du jeu de la psychanalyse se cristallisaient dans une confusion stupide entre l’inconscient et le conscient : le surmoi inconscient était confondu avec le surmoi conscient, le ça avec le soi, le moi inconscient avec le moi conscient, etc. Ce fut une période glacière et frigide pour la psychanalyse. C’est alors qu’arriva Lacan : « Retour à Freud », retour à l’inconscient autonome, retour à l’inconscient qui parle, retour à l’interprétation freudienne. Interpréter, disait Freud, c’est construire, c’est révéler dans le langage ordinaire ou savant les sens du langage inconscient, trouver de la pensée, de la passion, de la sagesse, là où personne n’en soupçonnait, savoir lire entre les lignes, entre les mots, entre les lettres. Interpréter ce n’est pas travestir, ce n’est pas déformer, comme le voudraient les obsédés de la lettre, ce n’est pas surinterpréter la lettre, c’est se délivrer de la lettre afin de mieux dire et mieux voir. « Aucune dépendance à l’égard des mots et des lettres » c’est se recommande le Bouddhisme chinois, le Chan, auquel se réfère Lacan dès l’ouverture de son premier séminaire Les Écrits Techniques de Freud (1953). Pas de compréhension sans interprétation. En chinois comprendre c’est « se détacher de la raison ». Avec Lacan l’inconscient retrouve sa puissance, son dynamisme, ses associations libres et créatrices. La psychanalyse, enfin, était remise sur ses pieds.

Sa vie durant Lacan étudia le chinois avec les plus grands Maîtres comme Demiéville et François Chang de l’académie française. « Le chinois, explique-t-il dans son séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant (20/01/75), le chinois… c’est de plain-pied avec ce que je raconte ». Les références au Chan et à la pensée chinoise se retrouvent tout au long des 26 volumes de ses séminaires. Pourquoi Lacan privilégie le Chan (plus connu sous sa prononciation japonaise, zen) ? Parce que c’est une doctrine qui sépare clairement, systématiquement, l’inconscient et le conscient. La différence entre l’autonomie de l’inconscient et celle du conscient constitue le cœur de la psychanalyse et c’est aussi ce que nous trouvons dans le Chan. C’est facilement constatable depuis Bodhidharma, son fondateur (6e s.), ou avec Houei neng (7e s.) dont la pensée influencera toute la culture chinoise, ou encore avec Lin tsi, grand maître de Chan au 9e siècle : « Si vous rencontrez le Bouddha, tuez-le ! commande Li tsi Si vous rencontrez vos parents, tuez-les ! » Comment ce genre d’impératifs pourraient-ils s’appliquer au conscient ? Ne supposent-ils pas, au contraire, un système inconscient, des formations inconscientes qui nous illusionnent et nous manipulent à notre insu mais que nous pouvons et devons connaître ? Bien sûr, il y a toujours des débiles pour coller à la lettre et prendre l’image pour le mot. C’est pourquoi Lacan engage ses auditeurs « à se méfier de toutes les sottises qui s’empilent sous le registre du Chan et qui peuvent aller jusqu’à l’abus de confiance » (L’objet de la psychanalyse, 1965). On retiendra que le Chan, comme les histoires de Tchouang tseu, le taoïsme, la médecine traditionnelle et, nous le verrons plus loin, l’écriture chinoise distinguent méthodiquement le conscient et l’inconscient. Ce n’est pas leur moindre avantage.

Si Lacan n’est pas allé en Chine c’est parce qu’à son époque le I king, le Chan le Taoïsme et le Confucianisme étaient rejetés frappés de superstitions. Pour des raisons politiques une chape de plomb, venue, on en conviendra, de l’Occident, le marxisme, pesait, telle une montagne, sur l’antique pensée chinoise. Les conditions étaient impossibles pour un discours psychanalytique aux Chinois du genre Lacan et « l’achose » chinoise. C’est qu’en Chinois comme en physique quantique « il n’y a pas de chose » comme l’a montré Bachelard. Il n’y a que des apparitions et des disparitions. Les Chinois appellent ça « l’est-ouest », l’est c’est l’apparition et l’ouest la disparition. Ainsi « l’achose », le savoureux néologisme lacanien correspond-t-il à « Kong », le vide, dans la pensée chinoise : Le Qi Kong c’est l’énergie du vide, le Kong fu c’est l’homme du vide.

Alors que l’Occident impose depuis Parménide l’être et la substance, l’atome et le statique, la pensée chinoise à l’instar d’Héraclite, privilégie le changement permanent, l’impermanence, le mouvement perpétuel (I King). Certes, dans notre réalité spatiale et consciente le mouvement perpétuel est impossible en vertu de la force d’inertie. Mais dans l’inconscient il est sans fin, tel le temps qu’il est à lui-même et que rien ne peut empêcher de passer. La pensée chinoise n’est pas fondée sur les notions de substance et d’identité qui sont les points de fixité de la pensée occidentale. Les chinois, de par leur culture, ne sont donc pas étonnés de ce que l’inconscient soit dynamique, autonome, insubstantiel, sans identité et non relatif à la conscience. Ce qui fut une révolution épistémologique pour l’Occident, n’en n’est pas une pour la pensée chinoise.

Peut-on s’accorder aujourd’hui à penser que Lacan s’est inspiré de l’écriture chinoise pour élaborer les concepts de son enseignement ? De toute manière, comme on l’a vu, il dit bien dans D’un discours qui ne serait pas du semblant que : « Le chinois… c’est de plain pied avec ce que je raconte ».

Depuis l’ouverture de son premier séminaire jusqu’à La topologie et le temps (1979) et La dissolution (1980) qu’on pourrait s’autoriser à traduire par l’extinction, le nirvana, le vide parfait, Lacan a fait une monstration du Chan ou du taoïsme, sans parade, ni rituel, ni cérémonie et ce jusqu’aux séances sans paroles qu’il tenait à la fin de sa vie où il se contentait de montrer des nœuds de ficelles à ses analysants. Nœuds topologiques qu’il affirmait être l’écriture même de l’inconscient.

Dans la pensée chinoise le vide ne s’oppose pas irréductiblement ou spatialement au plein comme en Occident. Il s’oppose au statique. Mon verre est « vide » n’identifie pas le vide. Le vide c’est que mon verre peut s’emplir et se désemplir. L’espace vide des occidentaux c’est de l’espace qui passe pour les Chinois.

Le vide est de l’ordre du temps en Chine et non pas seulement de l’espace comme en Occident. Ainsi le vide parle comme tout ce qui apparaît et qui passe, comme le soutient Lao tseu. La logique et la parole du vide sont celles du « pas tout » lacanien, semblable à l’ensemble vide et aux transfinis de Cantor. Pas de un statique, pas d’indivisible mais un extérieur dynamique et insaisissable qui, montre Lacan, n’est que la « castration symbolique » dont le déni fait la source des psychoses.

L’inconscient est cette dimension de l’existence qu’on pourrait comparer, d’une certaine manière, à la physique quantique où les lois de nos perceptions et de nos raisonnements ordinaires ne sont plus valables. Rien d’étonnant à ce que Lacan propose une topologie des nœuds propre au discours de l’inconscient.

L’historienne de la psychanalyse, Elisabeth Roudinesco, écrit dans sa biographie de Lacan : « Dans sa plongée au cœur de la pensée chinoise, Lacan cherchait d’abord à résoudre une énigme qui l’obsédait depuis la publication des Écrits : comment “écrire” c’est-à-dire “formaliser” la fameuse topique du réel, de l’imaginaire et du symbolique, à laquelle il allait désormais donner le nom de RSI ? »

Tao, le vide suprême, qui signifie également « dire », lui apporta la solution. Ainsi, le vide, kong en chinois, lui servira-t-il à définir le Réel, la pulsation temporelle, l’inconscient.

C’est dans le séminaire Le Transfert (1960) que Lacan introduit le concept de « Trait unaire » l’einziger Zug qu’il développera spécialement dans L’identification, le séminaire suivant, en 1961. Le « trait unaire » est ce qui permet d’identifier. C’est l’essence du mot, la marque de l’unité qui fonde la différence. Depuis la première fente éclatée sur une écaille de tortue, l’écriture chinoise est faite de traits et les idéogrammes ne se distinguent parfois que par un trait minuscule. Lacan fait lui-même le lien avec ce concept si important de la psychanalyse et « l’unique trait de pinceau » du peintre Chan Shitao. Shitao est un moine Chan du 17e siècle, poète, peintre et calligraphe, auteur du célèbre traité L’unique Trait de Pinceau qui correspond au concept psychanalytique de « trait unaire ». Ce trait unaire est ce qui sépare notamment le signifié du signifiant s/S. C’est en quelque sorte l’art de son utilisation qui spécifie la dimension psychanalytique de l’écriture chinoise. C’est en passant par le non-sens du trait unaire qu’on se délivre des sens qui nous aliènent et que nous pouvons construire d’autres sens et changer de nouage.

Toutefois, la topologie lacanienne des nœuds, cette écriture du vide, cette écriture de l’inconscient, ne fut pas spécialement suivie ni appréciée par les psychanalystes de l’époque. C’était pourtant l’écriture du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire de l’inconscient, le RSI du temps. Mais elle apparaissait surtout comme « du chinois », non pas en tant que langue, mais dans le sens populaire de « bizarre et de compliqué ». Il suffit de lire les propos des intervenants dans le séminaire La topologie et le temps (1979) pour constater combien tous se tenaient, en bons psychologues, hors du discours lacanien. On ne s’étonnera pas que l’année d’après, en 1980, survienne La dissolution de l’École lacanienne par Lacan lui-même.

Ne sommes nous pas dans une ère électronique ? On nous le dit. Or l’électron, nous disent encore les spécialistes, est « un poisson soluble », dès qu’on ne l’utilise plus, il se dissout et se fond dans le lac à la manière d’un poisson qui serait soluble comme l’avait imaginé les surréalistes et sans que nul savant ne sache plus vraiment où il se trouve.

Lacan est mort en 1981, depuis, hélas, la psychanalyse ne cesse de piétiner. Certes, il y a de bons auteurs. Mais ils ne brillent que dans la reprise, de manière plus ou moins heureuse, de ce que Lacan a déjà expliqué. On n’est plus dans cette psychanalyse « qu’on ne saurait réduire à des mots usés », de cette « pensée en mouvement, la plus perpétuellement ouverte à la révision », de cet enseignement qui marquait « un refus de tout système ». Qui interrompra ce nouveau silence sur la psychanalyse « par un sarcasme, un coup de pied » comme disait Lacan à l’ouverture de son premier séminaire ?

Ce coup de pied tonifiant c’est peut-être un psychanalyste chinois, Huo Datong, qui, en bon connaisseur du Qi Kong, serait en mesure de le donner.

Troisième révolution :
Huo Datong

« Moi, chinois, j’ai compris en 2002 que l’inconscient de tous les êtres humains est structuré comme l’écriture chinoise » (La Chine sur le divan, Dorian Malovic, p. 41)

« L’interprétation des rêves est analogue à une analyse des caractères chinois » (« Deux procédés de la pensée inconsciente »)

Huo Datong, a une cinquantaine d’années. Il a suivi une psychanalyse en France avec Michel Guibal avant d’introduire la psychanalyse lacanienne en Chine. Ce fils spirituel de Lacan est le premier psychanalyste chinois. « C’est un pionnier déterminé à introduire la liberté de parole dans un pays toujours sous contrôle, en dépit de sa croissance économique vertigineuse ». Quand je l’ai rencontré je lui ai dit que les premiers psychanalystes chinois étaient, de fait et de droit, Tchouang tseu, Lao tseu et les maîtres du Chan. Huo Datong m’a répondu : « bien sûr ! » comme s’il s’agissait d’une évidence. Une évidence du genre de celle de la « lettre volée » : Où l’on ne voit pas ce que qu’on a sous le nez, surtout quand cela se tient dans la forme même d’une des plus singulières et anciennes écriture du monde.

Pour comprendre l’importance de ce que dit Huo Datong sur l’inconscient et l’écriture chinoise rappelons quelques citations de Lacan comme : « Le Réel ne cesse pas de s’écrire » (Ou pire, 12 janvier 1972) « Comment le Réel apparaîtrait-il s’il ne s’écrivait pas ? » (Ibid.) « L’écriture c’est dans le Réel et le signifiant dans le symbolique » (D’un discours, 12 mai 1971). « Le Réel ne cesse pas de s’écrire ».

Qu’est-ce que le Réel ? Le Réel chez Lacan ne désigne pas le réel de la réalité consciente comme par exemple cette chaise. Cette chaise est réelle. La photo de la chaise c’est l’imaginaire et la définition de la chaise le symbolique. L’artiste Joseph Kosuth, chef de file de l’art conceptuel, dans les années 60, exposait d’ailleurs une chaise, la définition de ce qu’est une chaise et la photo de la chaise. Mais ce RSI n’était pas, bien sûr, celui de Lacan. Celui de Lacan c’est le RSI de l’inconscient. Le Réel chez Lacan c’est « la pulsation temporelle », c’est-à-dire l’inconscient (Les Quatre concepts). Nous pouvons donc remplacer le Réel par « le temps ». La formule en devient plus compréhensible. En effet, on peut dire que le temps ne cesse pas de s’écrire puisque c’est le temps qui fait apparaître les phénomènes, les combine et les fait disparaître.

Bien sûr, pour suivre Huo Datong il importe d’avoir étudié les séminaires Ou pire (1971-1972) où Lacan introduit pour la première fois le nœud borroméen et le séminaire RSI (1974-1975) où il montre le réel, l’imaginaire et le symbolique inconscients. Mais ce ne sont pas des séminaires encore publiés. On en trouve cependant des éditions pirates. (Entre 1972 et 1974 nous avons les séminaires Encore, 1973 (publié) et, non publié, Les non-dupes errent 1974). Le temps ne cesse pas de s’écrire, comment le temps apparaîtrait s’il ne s’écrivait pas ? Le temps en quelque sorte écrit les phénomènes. C’est ce dont peut rendre compte, avec plus d’évidence que les écritures alphabétique, une écriture idéographique comme le chinois. La formule de Huo Daton : « L’inconscient de tous les individus est structuré comme l’écriture chinoise » nous devient dès lors plus accessible parce qu’il y a, avec l’écriture chinoise, une phénoménologie qui rend mieux compte du RSI que les écritures alphabétiques. Même si l’on ne pratique pas l’écriture chinoise il importe d’en comprendre le principe trigone.

L’écriture chinoise, explique Huo Datung, est une écriture « trigone », c’est-à-dire une écriture de nœuds semblable à la topologie des nœuds de Lacan. En effet, « le nœud ne se supporte que du nombre trois » dit Lacan dans le séminaire RSI (leçon du 10 décembre 1974). « Il est frappant que le langage ait depuis longtemps devancé la figure du nœud, sur laquelle s’escriment, seulement de nos jours, les mathématiciens » (RSI, leçon du 13 mai 1975).

Saussure expliquait que les mots se déroulent dans le temps et ont donc toutes les caractéristiques du temps. Pour montrer la différence entre signifiant et signifié Saussure prend pour exemple l’arbre. Un dessin schématique évoquant un tronc et un feuillage constituent le signifié qui renvoie au référent qu’est l’arbre dans la réalité. Tout le monde sait ce qu’est un arbre. Le signifiant est le mot qui va désigner ce végétal, arbre, en français, tree en anglais, arbor en latin etc. Les écritures occidentales se réduisent donc au signifiant et au signifié, s/S, petit s c’est le signifié et grand S le signifiant. Mais dans l’écriture chinoise intervient une autre dimension qui serait représentée, en quelque sorte, par l’utilisation de la barre qui sépare le signifié du signifiant. Il y a dans l’écriture chinoise, faite de traits, le signifiant et le signifié, mais intervient de plus un imaginaire spécial, qu’on appelle « idéogramme ». Cet idéogramme représente une étrange figure d’arbre : le tronc est plus bas que les racines, et les racines partent des branches. Si on ne nous disait pas qu’il s’agit d’un arbre on ne pourrait sans doute pas le deviner. C’est, en quelque sorte, l’utilisation libre du trait, du trait qui sépare le signifié du signifiant dans les langues occidentales, s/S. De telle sorte que l’on peut comprendre que l’écriture chinoise utilise parfaitement le RSI de Lacan. Puisque le RSI constitue le système inconscient et ses variations de figures sont écriture on peut dire, avec Huo Datong, que l’inconscient de tout individu est structuré comme l’écriture chinoise.

Prenons le mot maman. Il est composé en chinois de l’idéogramme femme et de l’idéogramme cheval. Pourquoi le mot maman n’est-il pas représenté par l’idéogramme femme et l’idéogramme enfant ? Ne serait-ce pas plus conforme à la réalité ? Une femme plus un enfant n’évoquent-ils pas une maman ? Bien sûr, mais, dans ce cas ce serait nier le langage inconscient comme le font les autres langues. « Femme plus cheval » vont articuler des jeux de refoulements d’images par des sons et des sons par des images. De plus « femme plus cheval » évoque immédiatement pour les psychanalystes « le cas Dora » où la mère est pourvue de phallus ou encore le cas du « Petit Hans » pour qui le mot Pfeld qui signifie cheval en allemand résonne avec Pr. Freud (voir les Cinq psychanalyses de Freud).

Femme plus cheval évoque encore la scène primitive où l’enfant est témoin du coït de ses parents. La mère est en dessous, comme le cheval, et le père dessus, tel le cavalier. Si l’on se rapporte au langage le signifié, le sens, représenté par le « père » se trouve dessus et le mot, la « mère », le signifiant, dessous. Nous sommes portés par les mots comme nous étions portés par notre mère. Vous connaissez l’histoire de cet homme, emporté par le galop de son cheval et à qui on demande : où vas-tu ? Et qui répond : Je ne sais pas, demande au cheval ! On peut encore évoquer la pièce de Peter Shaffer qui se joue en ce moment Equus où un psychiatre est confronté à un adolescent qui a crevé les yeux de son cheval référé etc.

La femme à cheval, la femme cheval, la femme centaure, la femme sans tort, la femme est-elle sans tort ? La mère a-t-elle toujours raison ? C’est Poséidon, le dieu de la mer, qui offrit aux Athéniens le cheval dont ils ne voulurent pas, lui préférant l’olivier. Le son « ma », en chinois peut aussi bien signifier, la mère, que le cheval, le chanvre, kannabis en grec, (ce qui expliquerait peut-être que ceux qui en fument cherchent à retrouver en régressant la béatitude du bébé dans les bras de sa mère), le son « ma » veut dire encore maudire ou jeter un sort. Et tout cela n’est pas exhaustif. Le sens des sons se métamorphose sans fin.

« Symbolique, Imaginaire et Réel, je ne dirai pas du tout qu’ils soient évidents, disait Lacan, je m’efforce simplement de les é-vider, ce qui ne veut pas dire la même chose, parce qu’évider repose sur vide et qu’évidence repose sur voir » (RSI, 18 mars 1975) Comme disent les sinologues qui s’y connaissent : « Personne ne saura jamais lire le chinois… totalement ! » « L’écriture chinoise est inépuisable, à moins qu’on soit éternel ». L’écriture chinoise c’est en quelque sorte le lecteur qui la fait comme le voulait Marcel Duchamp à propos de l’art : c’est celui qui le regarde qui crée le tableau. L’écriture chinoise relève de l’art et de la poésie c’est en quoi l’inconscient est sa dimension favorite.

De l’article « L’inconscient est structuré comme l’écriture chinoise » nous soulignerons quelques points qui nous semblent essentiels :

1.1. En français le phénomène homonymique est très rare et occasionnel ; par contre en chinois les homonymes sont un phénomène essentiel et universel. Une syllabe en chinois peut représenter quelques dizaines de caractères différents. Et, en général, les mots chinois se composent d’une seule syllabe. Tandis que le français est extrêmement précis au niveau lexical le chinois est donc véritablement ambigu. Le chinois offre donc par rapport au français une preuve suffisante et convaincante de l’importance de l’équivoque du signifiant en psychanalyse, équivoque sur laquelle Lacan insistait toujours.

1.2. La structure de l’écriture chinoise étant plus compliquée que l’écriture alphabétique, elle nous offre une clé et un nouveau point de vue pour comprendre les formations de l’inconscient. C’est-à-dire qu’une analyse de la construction du sinogramme peut nous aider à comprendre la structure du système inconscient, ses clivages et ses opérations.

3.2. La coupure entre la figure et le son des pictogrammes fait que le son peut flotter librement dans toutes les directions.

4.1. Du point de vue psychanalytique, la rupture entre la figure du sinogramme et le son signifie la rupture qui se passe entre l’ordre imaginaire et celui du symbolique. Une conséquence de cette rupture, c’est la manifestation arbitraire des représentations visuelles qui est à l’origine de la vision hallucinatoire. C’est-à-dire l’idéogramme de l’écriture chinoise correspond à l’état de l’hallucination visuelle de la psychose.

5.1. Nous pouvons dire que la construction de l’idéophonogramme de mère est conditionnée du refoulement réciproque qui se produit entre ces deux composants, celui de femme et celui de cheval. Maintenant le pictogramme de femme est devenu un caractère muet pour cause qu’il ne représente que la figure ; celui de cheval, un caractère aveugle, pour cause qu’il ne représente que le son, pas la figure.

5.5. À propos du refoulement dans l’écriture chinoise Huo Datong montre : 1) Qu’une représentation refoule une autre représentation. 2) qu’une représentation de mot peut être refoulée par une autre représentation de mot de telle manière qu’il n’y a que la représentation de chose qui fonctionne… 3) qu’une représentation de chose peut être refoulée par une représentation de mot. Il s’agit du cas de la langue…4) qu’une représentation de mot peut être refoulée par une représentation de chose. Il s’agit de la peinture et de l’écriture idéographique.

6.1. Si l’on considère la pensée de Lacan selon laquelle le réel, le symbolique et l’imaginaire sont traités comme trois ronds qui sont enlacés de telle sorte que la rupture d’un seul entraîne la déliaison des trois, il est évident que cet enlacement de trois registres doit être considérés d’abord au niveau de l’inconscient… Notre modèle de la triple structure inconsciente qui se fonde sur de l’écriture chinoise et ses quatre catégories de caractères peut être considérée comme modèle empirique du modèle topologique lacanien sur les trois ordres du Réel, du Symbolique et de l’imaginaire.

6.5. La pratique clinique de la psychanalyse en tant qu’activité de parler-écouter doit être considérée comme une plastique de conduire le plein par le vide.

J’espère que ces quelques citations du Pr. Huo Datong vous inciterons à étudier plus complètement son article que vous pouvez trouver sur internet à l’intitulé : « L’inconscient est structuré comme l’écriture chinoise ».

Je vous remercie.

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