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Histoire ancienne de l’Orient

Les inventeurs de la métallurgie

Vestiges matériels de l’humanité primitive (Chap. III, §5)

Date de mise en ligne : mercredi 17 décembre 2008

François Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerres médiques, t. I : Les origines. — Les races et les langues, 9e édition, A. Lévy, Paris, 1881.

§5. — LES INVENTEURS DE LA MÉTALLURGIE.

Essayons maintenant de pénétrer dans le mystère des siècles antérieurs à toute histoire, et de chercher chez laquelle des races humaines a dû prendre naissance l’art de la métallurgie. Recherchons du moins le plus antique et le plus fécond des trois foyers que nous avons indiqués plus haut, celui dont l’influence a rayonné sur toute l’Asie antérieure et de là sur l’Europe, celui que la Bible personnifie dans la figure de Thoubalqaïn.

Pour cette étude, les vestiges matériels qu’étudie l’archéologue ne peuvent plus nous guider. Du moins, nous ne pouvons leur demander que la constatation d’un fait, mais d’un fait capital par son importance, et qui détermine à la fois l’existence nécessaire d’un point de départ commun pour le travail des métaux dans toute la région qu’il embrasse, l’unité de la source où les races ’hamitiques ou kouschites et sémitiques — si tant est qu’on ne doive pas les voir se réunir en un seul tronc quand on remonte dans une certaine antiquité — et la race aryenne, ont également puisé les principes de cet art indispensable à la civilisation, et les limites jusqu’où se sont étendus les courants partis de cette source, qui permet enfin d’établir où commence l’action des autres centres, absolument indépendants, de métallurgie primitive. Ce fait est celui de l’unité de composition du bronze, où l’étain entre, par rapport au cuivre, dans la proportion de 10 à 15 p. 100, unité trop absolue pour n’être pas le résultat d’une même invention, propagée de proche en proche sur un domaine dont M. de Rougemont a très bien établi les limites géographiques. « Vers l’orient, dit-il, elles passent à l’est du Tigre, ou plutôt des montagnes de la Médie et de la Perse propre. Du fond du Golfe Persique, elles se dirigent vers la presqu’île du Sinaï, et traversent l’Afrique de Syène par les oasis de la Libye et de la Mauritanie. L’Océan Atlantique borne à l’occident notre empire du bronze et l’Europe. Au nord, la frontière, partant des Orcades, passe par l’extrémité sud de la Norwége et le centre de la Suède. Plus loin commencent les hésitations et les incertitudes ; nous laissons à notre gauche les peuples finnois, sauf ceux de la Livonie, connus par leurs ouvrages en cuivre, étain ou zinc, mais nous ne savons si nous devons faire entrer dans notre empire les races lithuanienne et slave, ou remonter l’Oder et gagner par les monts de la Hongrie et de la Transylvanie les rives du Pont-Euxin, d’où nous reviendrions par le Caucase à notre point de départ, si les Tchoudes ne nous arrêtaient pas en chemin. Ils nous obligent, par leur métallurgie et par l’alliage de leurs bronzes, à faire passer nos frontières par le coeur de la Sibérie, où nous nous trouvons en présence de l’industrie chinoise. » Le tableau est cependant encore incomplet, car il faut ajouter à ce vaste empire l’Inde, dont l’histoire métallurgique reste encore à faire, mais où nous trouvons le double travail du fer et du bronze aux proportions d’alliage typiques, florissant dès une époque extrêmement ancienne et antérieure même à l’établissement des Aryas ; car les hymnes védiques montrent les populations que conquéraient et refoulaient les tribus aryennes, comme en pleine possession de ces deux métaux, aussi bien que les Aryas eux-mêmes.

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En attachant ainsi une importance de premier ordre au fait de l’unité de composition du bronze, et en le considérant comme le fait caractéristique du rayonnement du foyer de métallurgie auquel se rapporte la tradition de la Genèse, je n’ai en aucune façon l’intention d’insister outre mesure sur la distinction chronologique de l’âge du bronze et de l’âge du fer. On l’a d’abord beaucoup trop exagérée, d’après les faits particuliers du nord scandinave, et elle tend plutôt à s’effacer. Dans le plus grand nombre des pays, les deux métaux furent connus en même temps, et ce furent les circonstances locales, facilitant davantage le travail du bronze, qui le firent d’abord prédominer chez certains peuples, tandis que la fabrication du fer se développait de préférence chez d’autres dès une extrême antiquité. Au foyer même, dans la race où nous serons conduits à placer les premiers forgerons du monde antique, les deux inventions du bronze et du fer durent se succéder très rapidement, naître presque en même temps chez des tribus voisines ; et quand la tradition biblique les fait contemporaines, elle fournit un indice dont il faut tenir grand compte, que nous verrons d’ailleurs se rattacher à toute une série d’indices parallèles. Le travail des deux métaux découle de la même source ; c’est seulement dans leur marche vers des régions lointaines que les courants en sont devenus divergents et ont présenté, par suite de circonstances qu’il nous est le plus souvent presque impossible d’apprécier, des phases de succession bien tranchées. Mais les faits relatifs à la métallurgie du fer ne nous offrent rien d’aussi positif, d’aussi palpable et d’aussi significatif, pour déterminer l’unité du premier foyer commun, que celui du même alliage pour former le bronze.

C’est aux traditions en grande partie mythiques que les peuples de l’ancien monde ont conservées sur l’existence de leurs premiers ancêtres, que nous devons nous adresser pour essayer de remonter à ce centre primitif d’invention dont nous venons de mesurer l’action sur la carte. La recherche est périlleuse et pleine de difficultés ; mais la voie a déjà été tracée par le regrettable baron d’Eckstein, dont l’esprit pénétrant et sagace a su projeter des vues hardies et ingénieuses dans les ténèbres qui environnent les origines de l’Asie avant le développement des nations aryennes et sémitiques, et reconnaître plus d’un vestige de ces civilisations prodigieusement antiques dont le problème attirait son imagination d’un attrait invincible. « On peut, disait-il, appliquer aux antiquités les plus reculées de l’espèce humaine le même genre de travaux que l’on applique aux antiquités du globe. Cuvier a pu exhumer les débris d’un monde animal, Brongniart a pu ressusciter une flore gigantesque, Élie de Beaumont a pu découvrir les assises de la terre, tous ont pu signaler la succession des êtres organiques, leur conformité avec la succession des masses élémentaires, la série des catastrophes des premiers, leur conformité avec la série des révolutions des autres. Il est possible de révéler aussi la filiation des grandes races des peuples primitifs, d’exhumer leurs reliques, non pas dans l’état fossile de leurs ossements, mais en creusant jusqu’aux fondements d’un antique sol social, mais en découvrant les strates de leurs établissements religieux, les couches de leurs institutions civiles et politiques qui y correspondent. D’autres races d’hommes, de souche comparativement nouvelle, ont hérité de leurs travaux, ont profité de leur expérience, métamorphosant leur héritage, y versant la sève d’une vie nouvelle. »

Il y a vingt-cinq ans, dès 1854, avant que les travaux et les découvertes de l’archéologie préhistorique l’eussent posé d’une manière impérieuse et eussent donné l’éveil à tous les esprits sur son importance, le baron d’Eckstein, à l’aide principalement des traditions aryennes, avait scruté le problème des origines de la métallurgie, et indiqué avec une sûreté divinatrice les lieux et la race où il fallait en chercher la solution. Voici ce qu’il écrivait alors [2] :

« Il y a des peuples qui adorent les dieux de l’abîme dans leur rapport avec la fécondité du sol, avec les produits de l’agriculture, comme les races pélasgiques, etc. ; il y en a d’autres qui les adorent sous un point de vue différent, puisqu’ils rendent exclusivement hommage aux splendeurs d’un monde métallurgique, rattachent cette adoration à des cultes magiques, à des superstitions talismaniques ; peuples et cultes sans parenté avec les Kouschites, avec les Phéniciens, avec les Égyptiens, avec les Kénânéens, avec les grandes branches des familles ’hamitiques. Faut-il les placer parmi les ancêtres mythiques des races aryennes, des familles de peuples indo-européens ? Pas plus qu’on ne peut les incorporer aux croyances des tribus sémitiques. Le culte de ces dieux de la métallurgie, le cortége de génies, d’êtres fantastiques, souvent grotesques, où se dessinent les physionomies parfois très caractérisées de certaines races de peuples, tout cela se trouve fréquemment mêlé aux traditions d’un vieux monde, d’un monde dont les races aryenne et sémitique ont gardé le souvenir, mais partout de manière à faire voir que ces dieux redoutés, haïs ou méprisés, ne sont pas de la même souche que les peuples qui ne leur vouent aucune adoration, qui les tiennent même en très mince estime. Il faut donc regarder autour de soi pour découvrir des tribus qui aient sincèrement adoré les dieux de la métallurgie, qui les aient considérés comme les grands dieux dont elles prétendaient tirer leur origine.

« Sur cette route de nos investigations, nous abordons forcément une série importante de peuples ; nous nous trouvons en face des traditions et des croyances particulières aux tribus turques, mongoles, tongouses, exploratrices de la chaîne de l’Altaï dans la nuit des âges ; nous heurtons du même coup les tribus finnoises depuis les vallées de l’Oural jusqu’aux régions extrêmes du nord de la Scandinavie, races anciennement refoulées par les peuples d’origine aryenne, hordes peut-être originellement parentes d’autres peuples, de peuples postérieurement compris dans l’agglomération des tribus thibétaines, de tous les indigènes des vallées du Lahdac et du Baltistan, dont les traces se laissent poursuivre à travers les gorges du Paropanisus, vers les montagnes de l’Hazarajat. Il est probable que les indigènes des vallées, du Belour, que les tribus des coins reculés du Wakhan et du Tokharestan appartenaient, en principe, à la même famille d’hommes qui ont eu l’initiative des découvertes de tous les arts métallurgiques. Forcées de travailler pour le compte des Çoûdras ou des Kouschites du voisinage des régions aryennes, elles changèrent de tyrans en passant du joug kouschite sous le joug des races aryennes. De fortes analogies plaident en faveur de l’hypothèse que plusieurs des races établies dans le Caucase, que, notamment, les descendants de Meschech et de Thoubal, que les Chalybes, les Tibaréniens, les Mossynoeques de l’antiquité sont des tronçons dispersés de la même souche de peuples. »

L’unité ethnique des peuples auxquels il est ici fait allusion est maintenant acquise à la science. Les admirables travaux philologiques des Rask, des Castrèn, des Max Müller et de leurs disciples, ont établi que toutes les populations diverses qui de la Finlande aux bords de l’Amour habitent le nord de l’Europe et de l’Asie, Finnois et Tchoudes, Turcs et Tartares, Mongols, Tongouses, appartiennent à une même souche et constituent une seule grande famille, dont l’unité originaire est attestée par la parenté des idiomes que parlent ces nations. Leur langage, ainsi que l’ont montré MM. Max Müller et de Bunsen, s’est immobilisé dans un état extrêmement primitif et représente une phase du développement de la parole humaine antérieure à la formation des langues à flexions, telles que les langues sémitiques et aryennes. On est donc forcé d’admettre que cette famille de nations, dont le type anthropologique révèle un mélange du sang de deux des types fondamentaux de l’espèce humaine, le blanc et le jaune, où la proportion des deux sangs varie suivant les tribus et fait prédominer tantôt l’un et tantôt l’autre, que cette famille de nations s’est séparée avant les autres du tronc commun d’où sont sortis tous les peuples qui ont un nom dans l’histoire, et, se répandant au loin la première, s’est constituée en tribus ayant une existence ethnique et distincte, dès une antiquité tellement reculée qu’on ne saurait l’apprécier en nombres. C’est là ce que l’on désigne par le nom commun de race altaïque ou ougro-japonnaise.

Mais les Altaïques n’ont pas été toujours confinés dans les régions septentrionales où nous les trouvons aujourd’hui. Si quelques-uns des rameaux de la race ont dû se répandre tout de suite au nord, et s’établir dès l’époque de leur dispersion dans l’Altaï, sur les bords du lac d’Aral et dans les vallées de l’Oural, où viennent aboutir toutes leurs traditions les plus antiques, d’autres avaient pris la route de plus heureuses régions, et n’ont été repoussés dans le nord que par le développement postérieur des races aryenne et sémitique. Les Finnois se souviennent encore, dans leurs légendes épiques, des pays méridionaux et favorisés du ciel où habitaient leurs ancêtres avant de reculer graduellement devant les nations aryennes jusqu’au fond de la Mer Baltique.

Un passage célèbre de l’historien Justin [3] dit qu’antérieurement à la puissance de toute autre nation, l’Asie des anciens, l’Asie antérieure, fut en entier possédée pendant quinze siècles par les Scythes, dont il fait le plus vieux peuple du monde, plus ancien même que les Égyptiens. Cette donnée, que Trogue-Pompée avait puisée dans les traditions asiatiques, est aujourd’hui confirmée par les découvertes de la science, et passe à l’état de vérité fondée sur des preuves solides. Le résultat le plus considérable et le plus inattendu des études assyriologiques a été la révélation du développement de populations que les anciens eussent qualifié de scythiques, et auxquelles on donne le nom un peu vague de touraniennes, populations apparentées de plus ou moins près à la race altaïque, dans toute l’Asie antérieure avant les Aryas et les Sémites, et de la part prépondérante qu’elles eurent à la naissance des premières civilisations de cette partie du monde. Les lueurs que ces études répandent sur un passé où tout était ignoré, jusqu’au déchiffrement des écritures cunéiformes, nous permettent, dès à présent d’entrevoir, par delà les migrations de Schem et de Yapheth, une vieille Asie déjà civilisée quand Aryens et Sémites menaient encore la vie de pasteurs, et une Asie exclusivement touranienne et kouschite. Nous reviendrons au chapitre suivant sur ce fait capital, et nous tenterons d’esquisser le tableau de la distribution des peuples de cette Asie primordiale.

La parenté des langues n’est pas, du reste, le seul lien des populations dont nous parlons avec les Altaïques ; elles ont en commun une civilisation étrange et incomplète, à la physionomie spéciale et encore mal équilibrée, civilisation qui présente les caractères de la plus extrême antiquité, et dont les traditions ont servi, aux peuples venus plus tard, de première initiation et de point de départ pour les progrès ultérieurs de leur culture. Elle se fait avant tout remarquer par le culte des esprits élémentaires, qui prend quelquefois la forme d’un grossier sabéisme, plus souvent celle de rites magiques et de l’adoration des puissances du monde souterrain, dispensatrices des richesses métalliques, par une tendance éminemment matérialiste, un défaut complet d’élévation morale, mais en même temps par un développement prématuré et vraiment surprenant de certaines connaissances, et par la disproportion qui y existe entre l’état d’avancement de certains côtés de la culture matérielle et l’état rudimentaire où demeurent certains autres.

Avec la magie, et en liaison étroite avec elle, le trait dominant des populations altaïques d’aujourd’hui et des populations touraniennes dont nous ne retrouvons plus la trace que dans les traditions et les monuments de l’Asie antique, est, comme l’a si bien indiqué le baron d’Eckstein, le développement de la métallurgie et l’existence d’un cycle de conceptions mythologiques qui se rattachent à cet art. Dans l’histoire et dans la tradition, dans la leur comme dans celle des autres peuples, ils sont par excellence les ouvriers des métaux, les adorateurs des dieux de la mine et de la forge. C’est sous leurs traits que l’imagination, des peuples qui les ont supplantés et refoulés se représentent ces dieux antiques qui président aux richesses cachées, devenus pour les nations nouvelles des génies malfaisants, gardiens jaloux de leurs trésors, comme les gnomes, les kobolds, ces peuples d’êtres souterrains à la petite taille que connaissent toutes les mythologies populaires.

Les Turcs et les Mongols placent leur berceau et leur paradis dans une vallée inconnue de l’Altaï, fermée de tous côtés par d’infranchissables montagnes riches en fer ; leurs ancêtres étaient sortis de cette prison par un défilé pratiqué au moyen d’un feu intense, qui avait mis en fusion les rochers ferrugineux. Le souvenir de cette découverte du fer était célébré chez les Mongols par une fête annuelle, et c’est de leur premier forgeron que se faisait descendre Gengis-Khan. Depuis l’époque la plus ancienne où les annales chinoises parlent des tribus turques, elles signalent leur habileté pour le travail du fer.

Les Finnois, les Livoniens, les Esthoniens, et toutes les peuplades ouraliennes qui se rattachent au même groupe, ont pour industries primitives celles du forgeron et du tisserand. Les mythes métallurgiques tiennent une place très considérable dans leurs souvenirs religieux. Chez les Finnois, l’un des premiers mythes est celui de la naissance du fer ; ils n’en ont pas pour le cuivre. Leur légende poétique ne mentionne à leurs origines que le fer et l’or. Leur Vulcain, Ilmarinen, fabrique d’or sa propre femme. C’est à eux que les Lithuaniens et les Slaves ont emprunté le nom du fer, et sans doute, aussi sa connaissance. Mais cette concentration des légendes métallurgiques sur le fer n’est certainement pas chez eux un fait primitif ; c’est le résultat des conditions propres à leur séjour, au pays où ils ont fini par être repoussés, pays qui leur offrait le fer en abondance et ne leur fournissait plus l’occasion de maintenir les traditions antiques du travail du cuivre et du bronze, que conservaient fidèlement leurs frères de la Livonie.

En effet, c’est au groupe ougro-finnois qu’il faut rattacher cette population des Tchoudes, qui a laissé dans toute la région entre la chaîne de l’Oural et le bassin du Yénisséï les traces de son existence et de sa multiplication considérable, dans une multitude de tumulus, ainsi que de mines abandonnées depuis des siècles et de fourneaux en ruines. Cette population avait déjà disparu quand l’aurore de l’histoire, se lève pour les contrées où l’on découvre ses vestiges, et elle avait été remplacée par les Hakas, les Turcs et les Mongols, dont, les plus anciens monuments funéraires se superposent aux siens, en s’en distinguant facilement. Ses travaux de mines remontent à une haute antiquité, à en juger par l’état de pétrification des bois qu’on y trouve. Le fer se rencontre dans les tumulus et dans les anciennes galeries de mines des Tchoudes, mais il y est rare ; les métaux prédominants sont le cuivre pur et le bronze à l’alliage caractéristique de 10 p. 100 d’étain. On y découvre aussi de nombreux objets en or, car les Tchoudes exploitaient également ce métal. C’est sans doute leur nom qu’Hérodote a transformé en Thyssagètes ; et le père de l’histoire connaît les populations de mineurs et de métallurgistes de l’Oural, ces Arimaspes à qui la renommée populaire faisait disputer l’or aux griffons, et qui transmettaient leurs métaux précieux aux Argippéens, tribu d’un caractère sacré qui paraît avoir été en possession du privilège de fournir les chamans de tous leurs voisins de même race. Les marchands grecs, venus des colonies milésiennes du Pont-Euxin, fréquentaient le pays des Argippéens, d’où ils tiraient l’or des Arimaspes ; ils s’avançaient même encore plus loin vers l’est, dans la Sibérie méridionale, entre le Tobol et l’Irtysch, jusque chez les Issédons, peuple de marchands dont les caravanes allaient chercher l’or extrait des gisements de l’Altaï. Les exploitations minières et métallurgiques de la région qui va de l’Oural à l’Altaï, et où se rencontrent les antiquités tchoudes, étaient donc en pleine activité quand écrivait Hérodote, et les richesses qu’en amenait une ligne de commerce de caravanes aboutissant à la mer Noire faisaient alors la fortune de la cité grecque d’Olbia, comme un peu plus tard celle de Panticapée. Mais ces colonies helléniques avaient succédé elles-mêmes au rôle et à la prospérité de la Colchide, plus ancien terme de la route du même commerce pour atteindre la mer, de la Colchide où Hérodote place une antique colonie égyptienne ou plutôt éthiopienne, terre classique de la toison d’or, but de la navigation des Argonautes, que les Phéniciens avaient précédé dans la fréquentation des mêmes parages. Le cycle des légendes de la toison d’or et des richesses de la Colchide fait remonter bien haut l’existence de ce commerce et des exploitations minières qui l’alimentaient.

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Au sud de l’Altaï, dans le Thian-chan, toutes les traditions conservées par les Chinois et par les écrivains musulmans nous montrent les peuplades turco-tartares, qui l’habitent de temps immémorial, adonnées depuis la plus grande antiquité à la fabrication du fer, et en ayant poussé très loin les procédés. Elles touchent aux tribus tibétaines, dont font partie les Miao-tseu de la Chine et les Sères des écrivains grecs et latins. Les Miao-tseu, nous l’avons dit tout à l’heure, travaillaient le fer antérieurement à l’arrivée de la migration chinoise, c’est-à-dire au moins vingt-cinq siècles avant Jésus-Christ. Les Sères étaient célèbres à Rome par leur fer, qui passait pour supérieur à tout autre, et qui arrivait sur les bords de l’Océan Indien à travers les immenses plateaux du Tibet.

Transportons-nous maintenant à l’extrémité méridionale de la diffusion des populations que nous appelons touraniennes, chez les Schoumers et les Akkads de la Chaldée primitive. Dans cette contrée qu’habitent deux populations d’origines différentes, dont la plus anciennement établie et civilisée est la touranienne, la non-sémitique, nous reconnaissons le siége d’une antique et florissante industrie des métaux, dont les produits, l’exemple et l’influence ont rayonné sur l’Assyrie, la Syrie et l’Arabie. Les tombeaux les plus vieux de la Chaldée, qui ne remontent pas moins haut que les sépultures égyptiennes de l’Ancien Empire, nous présentent des objets en or, en bronze et même en fer. A côté se rencontrent encore, et concurremment employés, des instruments et des armes en silex taillé et poli, têtes de flèches, haches et marteaux. Le métal le plus répandu est le bronze ; c’est en bronze que sont tous les ustensiles et tous les instruments métalliques, et il restera toujours prédominant dans le bassin de l’Euphrate et du Tigre. Quant au fer, il est plus rare, et semble avoir encore le caractère d’un métal précieux par la difficulté de sa production ; au lieu d’en faire des outils, on en forme des bracelets et d’autres parures grossières. Malgré cela, comme on le voit, la métallurgie est complète et ne se borne pas au bronze. Il n’en était pas de même au temps bien plus reculé, jusqu’auquel ne nous font pas remonter les monuments actuellement connus, où les Schoumers et les Akkads inventèrent les hiéroglyphes rudimentaires et primitifs d’où est sortie l’écriture cunéiforme. Parmi ces hiéroglyphes, il y a deux signes simples spéciaux pour désigner, d’une part les métaux nobles, comme l’or et l’argent, d’autre part le cuivre ; mais le bronze et le fer, comme l’étain, ont leurs noms exprimés par des combinaisons complexes de caractères, de formation postérieure et secondaire. Mais si l’écriture cunéiforme paraît n’avoir reçu ses derniers développements et sa constitution définitive que dans la Chaldée même, après l’établissement des Schoumers et des Akkads dans les plaines où se réunissent l’Euphrate et le Tigre, une importante et féconde remarque de M. Oppert est de nature à faire penser qu’ils en avaient apporté les premiers éléments d’un autre séjour, d’une étape antérieure de leur migration. En effet, lorsqu’on étudie les signes constitutifs de cette écriture en essayant de remonter aux images d’objets matériels qu’ils représentaient d’abord, la nature des objets ainsi devenus des éléments graphiques semble conduire, comme lieu d’origine de l’écriture, à une autre région que la Chaldée, à une région plus septentrionale, dont la faune et la flore étaient notablement différentes, où, par exemple, ni le lion, ni aucun des grands carnassiers de race féline n’étaient connus, et où le palmier n’existait pas. Pour retrouver le berceau des premiers essais du système d’écriture des Schoumers et Akkads de la Chaldée, et de leur métallurgie, qui était déjà complète au temps de ces premiers essais, il faut donc remonter en partie la route de leur migration, la route que la Genèse fait suivre aux constructeurs de la tour de Babel, venus « de l’Orient » dans le pays de Schine’ar, la route qui aboutit à cette montagne du nord-est qui joue un si grand rôle dans les traditions chaldéennes et dans les textes cunéiformes, au double titre de point d’origine de la race humaine et de lieu de l’assemblée des dieux, et dont nous avons déjà longuement parlé dans le livre précédent [5].

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Nous sommes ainsi conduits à rapporter aux Schoumers et aux Akkads, c’est-à-dire à la primitive population touranienne, l’origine de la métallurgie de la Chaldée, et à en lier l’implantation dans cette partie du monde à celle de l’écriture cunéiforme. Il ne nous est possible, d’ailleurs, d’indiquer ici ces faits que d’une manière tout à fait sommaire, nous réservant d’y revenir avec tous les développements qu’ils réclament, dans le livre de cette histoire qui sera consacré aux annales de la Chaldée et de l’Assyrie. Nous avons encore à jeter un rapide coup-d’oeil sur un dernier rameau des vieilles populations touraniennes de l’Asie, celui de tous qui a laissé la plus grande renommée métallurgique, celui de Meschech et de Thoubal, auquel appartiennent les Tibaréniens et les Chalybes. Mais ici nous laisserons de nouveau la parole au baron d’Eckstein, qui a traité de la manière la plus heureuse cette partie du sujet.

« Thoubal, nom de tribu, nom probable de corporation, est l’équivalent des Telchines de la Grèce primitive. Nous rencontrons, au dixième chapitre de la Genèse, ce nom, qui s’applique à une race caucasienne, à celle des Tibaréniens, voisins des Chalybes, aborigènes des montagnes qui bordent le Pont-Euxin, forgeant le fer, travaillant l’airain, fameux du temps des Argonautes. Chez Ézéchiel (Ye’hezqêl), Thoubal est au nombre des tribus vassales du commerce de Tyr, cité à laquelle ils livraient l’airan de leurs montagnes. Les pierres précieuses qui portent le nom de tibaréniennes, chez Pline, témoignent encore de la gloire de Thoubal. Exploitant la chaîne des monts intermédiaires entre l’Arménie et le Caucase, ces Chalybes, ces Tibarènes, ces Mossynoeques relèvent de l’antique souche de Meschech et de Thoubal, mentionnée dans plus d’un texte de l’Ancien Testament, chantée par les Grecs dès l’âge mythique du temps des Argonautes ; telles sont les tribus contre lesquelles Xénophon s’est heurté lors de son expédition assyrienne.

« Ces mêmes peuplades sont les voisines immédiates d’Aia-Colchis, la terre classique de la toison d’or. Près de là s’élève la province arménienne de Syspiritis citée par Strabon, contrée riche en mines d’or et en mines d’airain, province d’Isber ou d’Iber, comme elle est appelée dans les annales de l’Arménie. Hérodote en parle deux fois en deux passages importants ; et chaque fois il y place les Saspires, sur la grande route du commerce de la Médie à la Colchide. Vers la Médie se dirige une autre route ; grande artère du commerce des Indes, elle aboutit à Suse, la cité éthiopienne ou memnonienne, où arrivent les marchandises débarquées dans les ports de la Perside. Des rives de la mer Érythrée jusqu’aux rives du Pont-Euxin, il existe ainsi une communication commerciale, dont les Saspires sont les intermédiaires.

« Salués par un souvenir au passage des Argonautes, les Saspires ou les Sapires donnent leur nom au saphir des anciens, pierre dont parle Théophraste, mais qui n’est pas notre saphir. C’est le lapis-lazuli, le vaidoûrya des Indiens, ainsi appelé parce qu’il vient de « très loin » vidoûra, d’où le nom de Vidoûra donné au Belour, à la montagne dont on le tire, là où sont les sources de l’Oxus, là où est la région du paradis terrestre. Fameuses dans toute l’antiquité, célèbres en Chine, dans l’Inde, dans la Perse, dans le reste de l’Asie, les pierres de lapis-lazuli passent pour les lumières mystérieuses par excellence, illuminant le monde souterrain. Si les Saspires donnent leur nom à cette pierre dans une contrée où elle ne se trouve pas, c’est qu’ils étaient les grands agents de son commerce et qu’ils constituaient l’anneau intermédiaire de la chaîne qui rattachait aux villes du Pont-Euxin les indigènes des régions supérieures de l’Indus et de l’Oxus. Là se trouve le ’Havilah des premiers chapitres de la Genèse, les pays de Wakhan, de Badakchan, du Tokharestan, illustrés par les travaux d’une prodigieusement antique métallurgie. Wood, lors de son voyage aux sources de l’Oxus, nous a montré ces exploitations dans un état de séculaire décadence, quoique les travaux des mines de lapis-lazuli n’y chômassent pas encore. Là est le berceau de la métallurgie et de son culte. »

En effet, dans le rapide voyage que nous venons de faire au travers des populations des deux races apparentées, altaïque et touranienne, les unes qui se maintiennent encore dans les contrées septentrionales, les autres qui peuplaient dans des siècles relativement récents, et déjà pleinement historiques, une grande partie de l’Asie occidentale et en étaient les premiers occupants, dans ce rapide voyage, si nous avons trouvé partout les différents rameaux de ces deux races que l’on venait sans doute se confondre à leurs origines, exerçant de temps immémorial le travail simultané du fer et du bronze, liant leur propre naissance à celles de la métallurgie et accordant aux dieux de cet art, dans leurs mythes et dans leurs adorations, une place qu’aucune autre race n’accorde aux mêmes personnifications, nous avons pu discerner une série de rayons, qui, de toutes les extrémités du domaine où nous avons trouvé ces peuples, convergent vers un centre commun. Et ce centre, ce point d’intersection où convergent tous les rayons venus du nord, du sud, de l’est et de l’ouest, n’est autre que la région montueuse du Wakhan, du Badakchan, du Tokharestan, de la Petite-Boukharie, et du Tibet occidental, qui entoure le plateau de Pamir, c’est-à-dire le point où la science, par la comparaison des traditions de l’Inde et de la Perse avec celle des Livres Saints, détermine avec une précision rigoureuse le berceau où les grandes races de l’humanité, Toûra, comme l’appelle la tradition iranienne, aussi bien que Kousch, Schem et Yapheth, ont pris naissance et commencé à grandir côte à côte, d’où elles ont successivement envoyé leurs essaims à tous les points de l’horizon.

D’autres raisons, d’une valeur non moins décisive, nous obligent encore à y chercher le foyer premier de l’invention du travail des métaux chez les plus vieux ancêtres des nations altaïques et touraniennes.

 [7]

Ici les faits relatifs au bronze prennent de nouveau une importance capitale, comme lorsqu’il s’est agi de déterminer l’étendue sur laquelle s’est propagée l’influence de ce foyer. En effet, si l’unité de la composition de l’alliage du bronze est le trait palpable et caractéristique qui permet de rattacher avec certitude à une invention commune, à celle que la tradition biblique attribue à Thoubal-qaïn, toute la métallurgie du vaste empire dont nous avons esquissé les limites, ce sont aussi les éléments dont l’alliage constitue ce métal qui peuvent servir à déterminer le lieu de son invention. Le fer se trouve presque partout en abondance à la surface du globe, et par conséquent on aurait pu presque partout commencer à le travailler et découvrir les moyens de le fondre et de le forger. Le cuivre est un peu plus rare, mais encore répandu dans un grand nombre de régions ; le travail du cuivre pur, qui, dans quelques pays, a précédé l’introduction du bronze, et a été abandonné devant la supériorité du métal artificiel, a pu naître spontanément dans ces pays, comme le travail du fer dans l’Afrique centrale, avant la communication des procédés dont nous recherchons le berceau ; mais ce n’est qu’après celle-ci qu’a commencé le règne de la vraie et parfaite métallurgie. Au contraire, l’étain ne se rencontre dans les couches du sol que sur un petit nombre de points nettement déterminés, et dont l’énumération est facile. Or, il tombe sous le sens que le bronze a été découvert et fabriqué, pour la première fois, dans une contrée où les gisements d’étain et de cuivre existaient à proximité les uns des autres, dans une contrée où le sol fournissait les deux minerais, et où, par conséquent, après avoir observé les défauts du cuivre pur, on pouvait avoir naturellement l’idée d’essayer le résultat que fournirait l’alliage des métaux obtenus par la fusion de ces minerais. Ce n’est que plus tard, quand les qualités du bronze étaient déjà bien connues et les meilleures proportions de son alliage fixées, qu’on s’est mis à en fabriquer là où l’on ne trouvait que le cuivre et où il fallait faire venir l’étain de grandes distances.

 [8]

Ceci posé, quels sont les pays où se trouve l’étain ? Nous devons d’abord écarter les riches gisements de la Chine et de l’Indo-Chine, qui se trouvent en dehors de la sphère d’action de la métallurgie de Thoubal-qaïn, en dehors du monde antique. Il en est de même de l’étain de Banca, qui n’était même pas connu dans l’Inde au Ier siècle de notre ère, puisque alors, d’après le témoignage formel du Périple grec de la mer Érythrée, l’Inde, comme l’Arabie méridionale, tirait tout son étain de la Grande-Bretagne par l’intermédiaire d’Alexandrie. Qui d’ailleurs pourrait songer à chercher à Banca et à Malacca le berceau de la métallurgie de l’Asie occidentale et centrale et de l’Europe ? Les mines des monts Mêwar, dans l’Inde centrale, sont aussi dans une situation trop excentrique et trop orientale ; d’ailleurs le témoignage du Périple les exclut également, puisqu’il montre qu’elles n’étaient pas exploitées dans l’antiquité. Quant à celles du pays de Midian, au nord-est de la mer Rouge, récemment retrouvées par le capitaine Burton, leur production n’a jamais eu qu’une importance secondaire. En réalité, l’antiquité ne connaissait que trois grands gîtes de l’étain, florissants à des époques différentes : la Grande-Bretagne, l’Ibérie du Caucase et le Paropanisus. Écartons encore la première de ces contrées, qui ne peut pas prétendre à un caractère véritablement primitif pour l’exploitation de ses mines, et qui ne les a ouvertes que lorsque les navigateurs phéniciens ont fréquenté ses côtes. Restent les gisements de l’Ibérie caucasienne et du Paropanisus.

Les uns et les autres ont été activement fouillés dès un temps bien plus reculé que celui des voyages des Phéniciens aux Iles Cassitérides. Dans la Géorgie actuelle, on découvre des traces d’exploitations d’un caractère extrêmement primitif dans les filons de minerai d’étain, et le silence absolu que gardent au sujet de l’extraction de ce métal, chez les Ibères, les écrivains grecs et latins de l’époque impériale et l’historien arménien Moïse de Khorène, semble indiquer que les travaux, dont les vestiges attestent un assez grand développement d’activité minière, étaient abandonnés déjà vers le temps de l’ère chrétienne. C’est de là, sans doute, que les gens de Thoubal, à l’époque de Ye’hezqêl, et les Chalybes de la tradition grecque, tiraient l’étain nécessaire à la fabrication de leurs bronzes fameux. C’est de là aussi que devait provenir celui que consommaient les travaux de civilisation de l’Iran, de la Susiane et du bassin de l’Euphrate et du Tigre, puisque nous avons constaté tout à l’heure l’importance du commerce, en grande partie métallique, que les Saspires d’Hérodote, chez qui se trouvaient ces mines, entretenaient d’un côté avec la mer Noire, de l’autre avec Suse et Babylone, par deux voies qui, une fois ouvertes et fréquentées, n’ont jamais été oubliées au travers de toutes les révolutions de l’Asie. Quant à l’étain du Paropanisus, on en a trouvé les gisements, accompagnés aussi de restes d’antiques travaux abandonnés depuis des siècles, dans le pays de Bamian, au coeur même de la chaîne de l’Hindou-Kousch, auprès des sources de l’Helmend ou Etymander, un des quatre fleuves paradisiaques des Iraniens. Ce ne peut être que de là que provenait l’étain que les habitants de la Bactriane employaient déjà dans les âges antiques auxquels remontent certaines parties des livres de Zoroastre ; car il est fait mention de ce métal, et même de l’art de l’étameur, dans un de ces chapitres les plus primitifs du Vendidâd-Sadé. Nous hésiterions entre les mines de l’Ibérie et du Paropanisus pour attribuer aux unes ou aux autres l’honneur d’avoir été les premières exploitées, et d’avoir vu naître dans leur voisinage l’art de travailler les métaux, comme la science a longtemps hésité entre le Caucase et le Belourtagh ; pour reconnaître dans l’un ou dans l’autre la montagne qui abrita de son ombre les familles des premiers ancêtres des grandes races humaines, si notre choix n’était pas fixé par les raisons mêmes qui ont déterminé les maîtres de l’érudition moderne à saluer, dans le Belourtagh et le plateau de Pamir, le berceau véritable d’où nous descendons tous.

En effet, si c’est à une autre race que celles de ’Ham, de Schem et de Yapheth qu’il faut attribuer les premières découvertes du travail des métaux, si ces découvertes ont été l’oeuvre d’un rameau de l’espèce humaine qui avait quitté plus tôt le berceau commun, elles ont dû avoir pour théâtre un pays encore très voisin des lieux où les pères des trois autres familles demeuraient réunis. Ni ’Ham, ni Schem, ni Yapheth n’ont inventé la métallurgie ; ils n’y prétendent même pas ; mais ils ont reçu la communication de ses secrets avant de s’être encore dispersés dans le monde. Car, dès que les tribus de ces trois races entrent dans la période de leurs migrations, elles sont en possession du bronze et du fer, elles savent les extraire du minerai et les travailler, et partout où elles vont elles portent cette industrie avec elles. Le groupe de peuplades ’hamitiques qui, dans une antiquité impossible à évaluer, franchit l’isthme de Suez pour venir s’établir dans la vallée du Nil, et fut le noyau de la nation égyptienne, était certainement maître des procédés d’une métallurgie complète, car il ne l’aurait certainement pas inventée dans ce pays qui ne produit pas de métaux, et où le besoin de s’assurer du moins l’exploitation des mines de cuivre du Sinaï l’obligea dès les premières dynasties à entrer dans la voie des conquêtes étrangères. S’il y a eu réellement un âge de la pierre en Égypte, — ce que je persiste à penser malgré l’autorité des savants qui le contestent, — il a été antérieur à l’établissement des fils de Miçraïm ; il appartient à la population mélanienne qui paraît les y avoir précédés et dont le sang se mêla au leur, fournissant l’élément africain dont la présence est incontestable dans la nation égyptienne telle que les monuments nous la font connaître. La plus ancienne tradition des Sémites, celle que la Bible nous a conservée, place la découverte des métaux presque aux origines de l’espèce humaine, mille ans avant le déluge et la formation des trois familles des Noa’hides. Et rien, ni dans les souvenirs, ni dans les usages, ni dans les langues de la race sémitique, ne nous fait remonter à un temps où elle n’aurait pas employé les métaux. Chez les Aryas, la philologie appliquée à cet ordre de recherches que Pictet a si ingénieusement appelé « la paléontologie linguistique, » nous fait voir la métallurgie déjà constituée avant la dispersion de la race ou du moins de ses principaux rameaux, avant la séparation des nations orientales et occidentales, chez les tribus encore cantonnées sur les bords de l’Oxus.

Il n’est guère moins frappant de trouver chez les trois familles de ’Ham, de Schem et de Yapheth la même notion symbolique, qui conduit à représenter le dieu démiurge, l’ouvrier des mondes, en sa qualité de dieu forgeron, sous les traits d’un nain grotesque et difforme. Qu’il s’agisse du Pta’h de Memphis quand il est envisagé sous le point de vue spécial de démiurge, des Patèques de la Phénicie ou de son Adonis Pygmaion (le dieu qui manie le marteau), de l’Hêphaistos homérique qui cache sa difformité dans l’île de Lemnos et dont la démarche et la tournure excitent le rire des immortels, ou bien encore du Mimir des Scandinaves, nous voyons toujours reparaître le même type consacré, qui est aussi celui des kobolds, des gnomes et d’autres êtres analogues dans les mythologies populaires, et qui semble une caricature des races qui les premières ont travaillé les métaux. Il y a là une conception commune aux peuples de ’Ham, de Schem et de Yapheth, et qui doit être rangée parmi les souvenirs que ces peuples ont gardés d’avant leur séparation.

C’est maintenant, après cette suite de remarques qui nous ont ramené au pied du plateau de Pamir, que nous pouvons apprécier à sa juste valeur la tradition biblique sur l’invention des métaux, et en comprendre la signification. Thoubal-qaïn n’est pas un individu au sens où nous l’entendrions aujourd’hui ; les traditions des premiers âges n’ont pas ce caractère précis, et c’est rapetisser la Bible, donner à ses récits un caractère puéril et en diminuer l’autorité, que d’envisager de cette façon les patriarches qu’elle place au début de la famille humaine. Ce n’est pas non plus un être mythique, une vieille divinité mal déguisée, une sorte de Vulcain, comme on aimerait à se le figurer dans certaine école. Thoubal-qaïn est une personnification ethnique ; mais elle détermine avec une merveilleuse exactitude l’âge, la race et le lieu de l’invention placée sous son nom. Ce nom de Thoubal-qaïn établit un rapport saisissant entre lui et le rameau métallurgique par excellence parmi la race métallurgiste des Touraniens ; en même temps, il est impossible de méconnaître la parenté qui le lie à celui des Telchines des plus anciennes traditions mythologiques de la Grèce. C’est encore dans le voisinage du ’Eden, c’est tout auprès des lieux où habite la famille de Scheth, celle qui deviendra la souche de ’Ham, de Schem et de Yapheth, que Thoubal-qaïn, descendant de Qaïn, se livre aux premiers travaux de son industrie, dans les lieux mêmes où le premier meurtrier est venu habiter après son crime.

Or, il n’est pas dans tout le début de la Genèse un passage d’une précision géographique plus remarquable que celui qui raconte la fuite de Qaïn sous la malédiction divine. Il se retire « à l’orient de Eden, » c’est-à-dire des hauteurs de Pamir, dans la terre de Nod ou de l’exil, de la nécessité, en dehors du sol jusque là cultivé et habité, adamah. La situation du ’Eden une fois déterminée, telle que l’impose la concordance des traditions indiennes et iraniennes avec celle de la Bible, on ne saurait douter qu’il ne s’agisse ici de la lisière du désert central de l’Asie, du désert de Gobi. Et l’on demeure stupéfait de la façon dont un souvenir aussi primitif a conservé avec exactitude le caractère distinctif, et la position réciproque de localités aussi éloignées de celles où vivaient les Israélites, de localités avec lesquelles depuis tant de siècles ils n’avaient plus aucune communication. C’est là que Qaïn bâtit la première ville, la ville de ’Hanoch. C’est là aussi que se trouve cette ville de Khotan (en sanscrit Koustana) dont les traditions, enregistrées dans des chroniques indigènes qui ont été connues des historiens chinois, remontaient beaucoup plus haut que celles d’aucune autre cité de l’Asie intérieure. Elle liait elle-même sa fondation aux mythes d’un antique dieu chthonien, à la sombre physionomie, maître des feux souterrains et des trésors métalliques, que les Musulmans n’ont pas manqué d’identifier à Qaïn. Nous en avons, d’ailleurs parlé plus haut [9], en l’envisageant déjà sous ce point de vue.

Ainsi, d’un côté Thoubal-qaïn se rattache étroitement à l’un des rameaux de la race touranienne, de l’autre le lieu de la retraite de Qaïn, tel qu’il est indiqué par la Genèse, nous conduit dans la région même où cette race s’établit d’abord et commença à se développer, dans la région où tant d’autres indices ont concordé pour nous faire chercher à la fois son berceau et celui de sa métallurgie, la première en date dans le monde. Ne devons-nous pas en conclure que ce sont les Touraniens qu’avait en vue l’auteur du récit qui forme le chapitre IV de la Genèse, quand il faisait le tableau de la descendance de Qaïn ? Il n’est pas, en effet, un des traits de ce morceau qui ne s’applique d’une manière curieuse aux tribus de cette race et à leur passé primitif, tel que nous commençons à l’entrevoir. Séparés avant tous les autres du tronc commun de la descendance d’Adam, constructeurs des premières villes, inventeurs de la métallurgie et des premiers rudiments des principaux arts de la civilisation, adonnés à des rites que Yahveh réprouve, considérés avec autant de haine que de superstitieuse terreur par les populations encore à l’état pastoral qu’ils ont devancées dans la voie du progrès matériel et des inventions, mais qui restent moralement plus pures et plus élevées, tels sont les Qaïnites ; tels aussi nous apparaissent à leur origine les Touraniens.

Je n’ose pas pousser plus loin ce parallèle et en tirer une conclusion formelle et affirmative, car je viens me heurter ici à des questions d’une nature particulièrement délicate, et il serait téméraire de contredire d’une manière absolue toute l’interprétation traditionnelle de quelques-unes des parties les plus importantes de la Genèse, sans apporter des preuves décisives. Je sais que cette interprétation peut être modifiée sans inconvénient pour la foi dans tout ce qui n’est pas du domaine de celle-ci, et, par exemple, personne aujourd’hui ne voudrait plus entendre les jours de la création comme le faisaient les anciens interprètes. J’ai l’intime conviction que les exégètes les plus orthodoxes et les docteurs autorisés de l’Église en viendront également un jour à considérer, d’un tout autre point de vue qu’ils ne le font encore actuellement, la question du déluge et de son universalité, qui n’est point un dogme, que le texte biblique n’impose pas d’une manière absolue, et sur laquelle plusieurs Pères ont admis la discussion.

Il est certain que les récits de la Bible débutent par des faits généraux à toute l’espèce humaine, pour se réduire ensuite aux annales d’une race particulièrement choisie par les desseins de la Providence. Ne peut-on pas faire commencer ce caractère restreint du récit plus tôt qu’on ne le fait généralement, et le reconnaître dans ce qui a trait au déluge ? C’est ce qu’ont déjà soutenu des savants du plus sérieux mérite, qui sont des fils respectueux et soumis de l’Église. Je reconnais, il est vrai, que les preuves, ou, pour parler plus exactement, les inductions sur lesquelles elle s’appuie, tout en étant considérables et en tendant chaque jour à le devenir davantage, n’ont pas jusqu’à présent le caractère de la certitude qui s’impose à tous. Mais j’ai la confiance que cette manière d’entendre le texte biblique sera un jour démontrée par une masse de faits suffisante à la faire universellement accepter. Jusque-là je ne la donne que pour une hypothèse individuelle, prêt à l’abandonner si l’on me prouve que je me suis trompé. Surtout, ce que je ne voudrais à aucun prix, serait de scandaliser ceux dont je partage les croyances, et de donner le change sur mes convictions en laissant croire que je me range avec les adversaires de l’autorité des Livres Saints. Cette autorité, je la respecte, et je tiens au contraire à la défendre ; mais je n’admets pas qu’elle puisse souffrir des doutes élevés, avec la réserve nécessaire en pareil cas, sur l’interprétation d’un fait historique.

 [10]

La question de l’universalité du déluge n’est pas encore suffisamment mûre, et d’ailleurs elle est trop grave pour pouvoir être traitée incidemment et à la légère. Je me bornerai donc à faire remarquer qu’il est extrêmement difficile de concilier avec la notion de l’universalité absolue les expressions de la généalogie de la famille de Qaïn contenue dans le chapitre IV de la Genèse. C’est un morceau tout à fait à part et dont la rédaction même porte l’empreinte d’une extrême antiquité. On ne saurait y méconnaître un des plus vieux documents mis en oeuvre et insérés dans sa composition par le rédacteur du premier livre du Pentateuque, un document anté-mosaïque. Il n’a aucun lien avec l’histoire du déluge et il semble ne tenir aucun compte de cette tradition. L’idée d’une destruction générale de l’humanité, à l’exception de la famille de Noa’h, est étrangère à sa rédaction, puisque, lorsqu’il est dit de Yabal, fils de Lemech et frère de Thoubal-qaïn, qu’il fut « le père des pasteurs et de ceux qui vivent sous les tentes, » la construction de la phrase est telle qu’elle implique le présent, « ceux qui vivent » au moment où l’auteur écrit. Et il n’est pas jusqu’à la dualité de Thoubal-qaïn le forgeron et de Yabal le pasteur, qui ne paraissent se rapporter à la division qui se produisit de très bonne heure entre les tribus touraniennes, les unes adoptant avant toutes les autres races la vie sédentaire et industrielle, les autres restant fidèles aux habitudes de la vie nomade, que leurs descendants ont gardées jusqu’à nos jours dans l’Asie septentrionale.

Après cette recherche du foyer d’invention de la métallurgie et de la race qui la cultiva la première, il serait intéressant d’étudier comment les autres familles de l’humanité, particulièrement celles de Schem et de Yapheth, y furent initiées. Mais là encore il s’agit d’un sujet dont le développement et l’étude complète demanderait des volumes, sur lequel les documents et les recherches déjà faites sont trop insuffisants pour permettre autre chose qu’un demi-jour incertain et souvent trompeur. Je veux parler de l’histoire, enveloppée de fables, de ces corporations à la fois industrielles et sacrées, qui apparaissent dans les plus lointains souvenirs des populations aryennes et sémitiques comme les instituteurs, de nature à demi divine, qui leur ont communiqué les arts de la civilisation. Ne pouvant qu’indiquer ici cet ordre d’études à poursuivre, sans avoir la prétention de l’approfondir en quelques pages — qui n’ont pas même le caractère d’une dissertation purement scientifique — je laisserai une dernière fois la parole au baron d’Eckstein, qui a esquissé sous une forme rapide et ingénieuse les principaux traits de la physionomie et du rôle des antiques corporations civilisatrices, envisagées au point de vue spécial des traditions de la race aryenne.

« D’une part sont les races au culte magique qui ont adoré les dieux de la métallurgie ; d’autre part se trouvent certaines corporations au cachet mythique qui ont dirigé leurs travaux, qui ont fonctionné comme leurs pontifes, confréries sacerdotales traditionnellement illustres. Les Vêdas, le Zend-Avesta, la mythologie des Thraces, celle des Pélasges, celle des Celtes, celle des Germains, regorgent du souvenir de ces affiliations de dieux ouvriers, au caractère douteux, pareil au génie des [Grec : saimones] de l’antiquité classique. Inventeurs, instructeurs, magiciens, bienfaiteurs et malfaiteurs tout ensemble, quand l’image de ces corporations s’efface, elles demeurent gravées comme puissances néfastes dans la mémoire des hommes.

Telles sont les confréries de dieux subalternes, de Telchines, d’Idéens, de Dactyles, etc., qui ressortent évidemment de peuples d’une culture avancée, quelquefois étrangers à la race des mineurs qu’elles disciplinent ; elles ont dû puissamment influer sur les commencements de la civilisation des races aryennes. Étrangères aux Aryens et intermédiaires entre eux et les peuples de mineurs, elles ont initié les premiers à la vie agricole ; elles leur ont fait franchir le passage de la vie nomade ou pastorale ; elles ont ainsi influé sur les croyances originelles des tribus aryennes. Il en est résulté que des conceptions tout à fait en dehors de l’esprit des races aryennes, que des conceptions qui ne furent pas le produit spontané de leur génie se trouvent néanmoins amalgamées avec le fond de leurs croyances. Par là le Tvaschtar des Aryens, le dieu « ouvrier » des mondes, se vit identifié à un dieu phallique, à un dieu « générateur » du monde, à un Savitar, qui lui était en principe radicalement étranger. Quoique dirigeant les travaux de l’industrie humaine, les confréries religieuses dont nous parlons n’adoraient pas un dieu personnel et libre, ne saluaient pas le dieu des pères de la race aryenne, ne reconnaissaient pas un ouvrier des mondes ; leur divinité suprême était tout à fait impersonnelle, s’identifiant à la nature plastique et primordiale, nature en laquelle elle s’engendrait, en y opérant ses métamorphoses comme âme du monde.

 [11]

« Il y eut une fin à cette primitive influence des confréries civilisatrices ; il y eut une éclipse de ces races d’hommes plus avancés en culture que les pasteurs de la race aryenne et de la race sémitique : la haine succéda aux souvenirs de la reconnaissance. Ce sont surtout les Aryas de la Bactriane, ce sont tout autant les Aryas de souche brâhmanique, les envahisseurs de l’Inde, qui se reconnaissent à leur aversion pour les corporations néfastes, pour les soutiens des dieux serpents, pour les pontifes des rois qui ont le dragon enflammé pour emblème, cet Azdehak de l’Afghanistan et de la Médie anté-iranienne, ce type de la royauté des dragons, des mythiques Aztahaks, comme disent les Arméniens, des Astyages, comme disent les Grecs. Partout où se présentent les dieux aryens, leurs héros, leurs pontifes, leurs guerriers, leurs pasteurs, leurs laboureurs, ils portent un défi aux dieux serpents et aux hommes serpents ; ils combattent ces voleurs, ces marchands, ces fils de l’Hermès Chthonios, du dieu des routes, ils les poursuivent dans les trois mondes, ils les expulsent des cieux et de l’atmosphère ; pour les exterminer, ils descendent jusqu’aux abîmes. La race noble des Aryens vient au secours de ses dieux, les nourrissant à l’autel pendant qu’ils luttent pour son bonheur. Les dieux aryens ouvrent à leur peuple la route des pays de la conquête, dérivent le cours des fleuves, les font librement traverser aux Aryas depuis leur issue des montagnes, fleuves qui sont les sapta saindhavah, les sept rivières de l’Indus, arrosant le territoire du même nom, le même que le Hapta heanda de la géographie du Zend-Avesta. Tous les hymnes des Vêdas sont remplis par ce thème, qui se reproduit également dans les traditions du Zend-Avesta.

« Veut-on approfondir le double aspect sous lequel se présentent ces corporations de Telchines, de Dactyles, etc., chez les races aryennes de l’Asie et chez celles de l’Occident sans exception ? On doit consulter le beau travail de M. Kuhn, qui traite ce sujet à fond, et la savante monographie sur les Ribhous, de M. Nève, qui présente l’autre face du même sujet. »

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de François Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerres médiques, t. I : Les origines. — Les races et les langues, 9e édition, A. Lévy, Paris, 1881.

Notes

[1Nous complétons ici l’enseignement par les yeux, d’archéologie préhistorique, résultant des figures que nous avons données d’antiquités des principales époques de l’âge de pierre. Nous le faisons en insérant dans ce chapitre, qui traite des origines de la métallurgie, des représentations des principaux types d’armes, d’instruments et de parures caractéristiques de l’âge du bronze en Occident, représentations que nous empruntons à l’ouvrage de sir John Lubbock sur L’homme préhistorique.
On a pris l’habitude d’appliquer le nom assez peu satisfaisant de celts — du mot douteux, de basse latinité, celtis « ciseau » — aux hachettes de bronze qui se trouvent en grand nombre dans nos pays et qui ont dû servir à des usages assez variés, comme armes et comme instruments de métiers. Les spécimens que nous en plaçons sous les yeux du lecteur, de manière à lui faire connaître les trois types principaux que l’on rencontre d’ordinaire de ces objets, proviennent d’Angleterre et d’Irlande.

[2Athénæum français du 19 août 1854.

[3II, 3 ; cf. I, 1.

[4Ces trois spécimens sont de France et de Danemark.
La forme de ces épées et le style de leur ornementation que l’on retrouvera sur les autres objets du même âges figurés ci-après, restent invariablement les mêmes depuis l’Asie Mineure jusqu’au fond de la Scandinavie ou de l’Irlande. On a donc là les produits d’une métallurgie singulièrement une dans ses procédés, dans ses formes et dans son style, malgré la vaste étendue du territoire sur lequel elle s’est propagée. Elle représente une époque des débuts de la civilisation des peuples de l’Europe, époque où l’emploi du bronze était, sinon exclusif, du moins de beaucoup prédominant. Les débuts de cette civilisation de l’âge du bronze, importée de l’extérieur, des contrées orientales, par le commerce ou peut-être par des tribus qui faisaient le métier de métallurgistes ambulants, comme encore aujourd’hui les Tziganes dans les pays danubiens, les débuts de cette civilisation ont dû être à peu près synchroniques dans la majeure partie de l’Europe. Mais sa durée a été très variable suivant les pays. En Grèce elle finissait à l’époque de la composition des poèmes homériques. En Italie aussi, elle a fait place de bonne heure à une civilisation plus perfectionnée. Dans la Gaule, son abandon correspond à l’établissement des Gaulois proprement dits. Dans la Scandinavie, au contraire, l’âge du bronze et sa civilisation propre se sont prolongés jusque dans les environs de l’ère chrétienne.
Tout semble indiquer actuellement à la science que le berceau et le point de départ de cette métallurgie doivent être cherchés dans le nord de l’Asie-Mineure, au voisinage du Caucase, c’est-à-dire dans le pays des Tibaréniens et des Chalybes.

[5Plus haut, p. 104 et suiv.

[6Provenant d’Irlande et du Danemark.

[7De Danemark et d’Irlande.

[8Du Danemark. Il nous a paru intéressant de rapprocher cet objet, d’un travail très particulièrement fin de taille à petits éclats, du type métallique qui lui a immédiatement succédé.

[9P. 103.

[10Des habitations lacustres de la Suisse.

[11Des palafittes des lacs de la Suisse.

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