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Richard von Krafft-Ebing

Masochisme et sadisme

Psychopathia Sexualis : III. — Neuro-Psychopathologie générale

Date de mise en ligne : mardi 8 juillet 2008

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Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

Fréquence et importance des symptômes pathologiques. — Tableau des névroses sexuelles. — Irritation du centre d’érection. — Son atrophie. — Arrêts dans le centre d’érection. — Faiblesse et irritabilité du centre. — Les névroses du centre d’éjaculation. — Névroses cérébrales. — Paradoxie ou instinct sexuel hors de la période normale. — Éveil de l’instinct sexuel dans l’enfance. — Renaissance de cet instinct dans la vieillesse. — Aberration sexuelle chez les vieillards expliquée par l’impuissance et la démence. — Anesthésie sexuelle ou manque d’instinct sexuel. — Anesthésie congénitale ; anesthésie acquise. — Hyperesthésie ou exagération morbide de l’instinct. — Causes et particularités de cette anomalie. — Paresthésie du sens sexuel ou perversion de l’instinct sexuel. — Le sadisme. — Essai d’explication du sadisme. — Assassinat par volupté sadique. — Anthropophagie. — Outrages aux cadavres. — Brutalités contre les femmes ; la manie de les faire saigner ou de les fouetter. — La manie de souiller les femmes. — Sadisme symbolique. — Autres actes de violence contre les femmes. — Sadisme sur des animaux. — Sadisme sur n’importe quel objet. — Les fouetteurs d’enfants. — Le sadisme de la femme. — La Penthésilée de Kleist. — Le masochisme. — Nature et symptômes du masochisme. — Désir d’être brutalisé ou humilié dans le but de satisfaire le sens sexuel. — La flagellation passive dans ses rapports avec le masochisme. — La fréquence du masochisme et ses divers modes. — Masochisme symbolique. — Masochisme d’imagination. — Jean-Jacques Rousseau. — Le masochisme chez les romanciers et dans les écrits scientifiques. — Masochisme déguisé. — Les fétichistes du soulier et du pied. — Masochisme déguisé ou actes malpropres commis dans le but de s’humilier et de se procurer une satisfaction sexuelle. — Masochisme chez la femme. — Essai d’explication du masochisme. — La servitude sexuelle. — Masochisme et sadisme. — Le fétichisme ; explication de son origine. — Cas où le fétiche est une partie du corps féminin. — Le fétichisme de la main. — Les difformités comme fétiches. — Le fétichisme des nattes de cheveux ; les coupeurs de nattes. — Le vêtement de la femme comme fétiche. — Amateurs ou voleurs de mouchoirs de femmes. — Les fétichistes du soulier. — Une étoffe comme fétiche. — Les fétichistes de la fourrure, de la soie et du velours. — L’inversion sexuelle. — Comment on contracte cette disposition. — La névrose comme cause de l’inversion sexuelle acquise. — Degrés de la dégénérescence acquise. — Simple inversion du sens sexuel. — Éviration et défémination. — La folie des Scythes. — Les Mujerados. — Les transitions à la métamorphose sexuelle. — Métamorphose sexuelle paranoïque. — L’inversion sexuelle congénitale. — Diverses formes de cette maladie. — Symptômes généraux. — Essai d’explication de cette maladie. — L’hermaphrodisme psychique. — Homosexuels ou uranistes. —Effémination ou viraginité. — Androgynie et gynandrie. — Autres phénomènes de perversion sexuelle chez les individus atteints d’inversion sexuelle. — Diagnostic, pronostic et thérapeutique de l’inversion sexuelle.

MASOCHISME ET SADISME

Le sadisme est l’opposé complet du masochisme. Tandis que celui-ci veut supporter des douleurs et se sentir soumis, celui-là cherche à provoquer la souffrance et à violenter.

Le parallélisme est complet. Tous les actes et toutes les scènes qui sont exécutés par le sadiste d’une façon active, constituent l’objet des désirs du masochiste dans son rôle passif. Dans les deux perversions ces actes passent graduellement des procédés symboliques aux tortures les plus graves. L’assassinat par volupté lui-même, comble du sadisme, trouve sa contre-partie passive dans le masochisme, bien entendu uniquement comme imagination, ainsi que cela résulte de l’observation 53. Ces deux perversions peuvent, dans des circonstances favorables, subsister à côté d’une vita sexualis normale ; dans les deux cas, les actes par lesquels elles se manifestent servent de préparatifs au coït ou bien le remplacent [1].

L’analogie ne concerne pas seulement les symptômes extérieurs ; elle s’étend aussi à l’essence intime des deux perversions.

On doit les considérer toutes les deux comme des psychopathies congénitales chez des individus dont l’état psychique est anormal et qui sont atteints surtout d’hyperæsthesia sexualis psychique, et habituellement d’autres anomalies accessoires ; dans chacune de ces deux perversions on peut établir l’existence de deux éléments constitutifs qui tirent leur origine de faits psychiques intervenant dans la zone physiologique.

Ainsi que je l’ai indiqué plus haut, pour le masochisme, ces éléments consistent dans les faits suivants : 1º Dans la passion sexuelle, chaque action partant du consors provoque par elle-même et indépendamment de la nature de cette action une sensation de plaisir qui, dans le cas d’hyperæsthesia sexualis, peut aller jusqu’à compenser et au delà toute sensation de douleur ; 2º La « servitude sexuelle » produisant dans la vie psychique des phénomènes qui en eux-mêmes ne sont pas de nature perverse, peut, dans des conditions pathologiques, devenir un besoin de soumission morbide s’accompagnant de sensations de plaisir, ce qui — quand même l’hypothèse d’une hérédité maternelle serait laissée de côté — indique une dégénérescence pathologique de l’instinct physiologique de soumission qui caractérise la femme.

De même, pour expliquer le sadisme, on trouve deux éléments constitutifs dont l’origine peut être ramenée jusque dans le domaine physiologique : 1º Dans la passion sexuelle, il peut se produire une sorte d’émotion psychique, un penchant à agir sur l’objet aimé de la façon la plus forte possible ce qui, chez des individus sexuellement hyperesthésiés, peut devenir une envie de causer de la douleur ; 2º Le rôle actif de l’homme, la nécessité de conquérir la femme, peuvent, dans des circonstances pathologiques données, se transformer en désir d’obtenir d’elle une soumission illimitée.

Ainsi le masochisme et le sadisme se présentent comme la contre-partie complète l’un de l’autre. Ce qui corrobore ce fait, c’est que, pour les individus atteints de l’une ou de l’autre de ces deux perversions, l’idéal est toujours une perversion opposée à la leur et qui se manifesterait chez une personne de l’autre sexe. Comme exemples à l’appui, il suffit de citer les observations 44 et 49 ainsi que les Confessions de Rousseau.

La comparaison du masochisme et du sadisme peut encore servir à écarter complètement cette hypothèse que le masochisme tirerait son origine primitive de l’effet réflexe de la flagellation passive, et que tout le reste ne serait que le produit d’associations d’idées se rattachant au souvenir de la flagellation, ainsi que l’a soutenu Binet dans son explication du cas de Jean-Jacques Rousseau et ainsi que Rousseau lui-même l’a cru. De même la torture active qui, pour le sadiste, est le but du désir sexuel, ne produit aucune excitation des nerfs sensitifs ; par conséquent l’origine psychique de cette perversion ne saurait être mise en doute. Mais le sadisme et le masochisme sont tellement similaires, ils se ressemblent tellement en tous points, que la conclusion par analogie de l’un à l’autre est permise, et qu’elle suffirait à elle seule à établir le caractère psychique du masochisme.

La comparaison de tous les éléments et phénomènes du masochisme et du sadisme étant faite, si nous résumons le résultat de tous les cas observés plus haut, nous pouvons établir que : le plaisir à causer de la douleur et le plaisir à la subir ne sont que deux faces différentes d’un même processus psychique dont l’origine essentielle est l’idée de la soumission active ou passive, tandis que la réunion de la cruauté et de la volupté n’a qu’une importance psychologique d’ordre secondaire. Les actes cruels servent à exprimer cette soumission, tout d’abord parce qu’ils constituent le moyen le plus fort de traduire cet état, et puis, parce qu’ils représentent la plus forte impression que, sauf le coït et en dehors du coït, un individu peut produire sur un autre.

Le sadisme et le masochisme sont le résultat d’associations d’idées dans le même sens que tous les phénomènes compliqués de la vie psychique. La vie psychique consiste, à part la production des éléments primitifs de la conscience, uniquement en associations et disjonctions de ces éléments.

Le résultat principal des analyses que nous venons de faire, c’est que le masochisme et le sadisme, ne sont point le produit d’une association de hasard due à un incident occasionnel, à une coïncidence de temps, mais qu’ils sont bien nés d’associations dont la préformation, même dans les circonstances normales, est très rapprochée, ou qui, dans certaines conditions (hyperesthésie sexuelle), se nouent très facilement. Un instinct sexuel accru d’une façon anormale se développe non seulement en hauteur mais aussi en largeur. En débordant sur les sphères voisines, il se confond avec elles et accomplit ainsi l’association pathologique qui est l’essence de ces deux perversions [2].

Bien entendu, les choses ne se passent pas toujours de cette manière, et il y a des cas d’hyperesthésie sans perversion. Les cas de pure hyperæsthesia sexualis, du moins ceux qui sont d’une intensité frappante, sont plus rares que les cas de perversion. Ce qui est intéressant, mais ce qui est bien difficile à expliquer, ce sont les cas où le masochisme et le sadisme se manifestent simultanément chez le même individu. Telles sont les observations 49 et 57, mais surtout l’observation 30, qui montre que c’est précisément l’idée de la soumission soit active, soit passive, qui forme la base du désir pervers. On peut, dans bien d’autres cas, reconnaître aussi les traces plus ou moins nettes d’un état de choses analogue. Évidemment c’est toujours l’une des deux perversions qui l’emporte et de beaucoup.

Étant donnée cette prédominance décisive de l’une des deux perversions et leur manifestation tardive dans ce cas, on peut supposer que seule l’une des deux, la perversion prédominante, est congénitale, tandis que l’autre a été acquise. Les idées de soumission et de mauvais traitements actifs ou passifs, accompagnées de sensations de plaisir, se sont profondément enracinées chez l’individu. À l’occasion, l’imagination essaie de se placer dans la même sphère de représentation, mais avec un rôle inverse. Elle peut même arriver à une réalisation de cette inversion. Ces essais, soit en imagination, soit en réalité, sont, dans la plupart des cas, bientôt abandonnés comme n’étant pas adéquats à la tendance primitive.

Le masochisme et le sadisme se trouvent aussi combinés avec l’inversion sexuelle en des formes et des degrés très variés. L’individu atteint d’inversion sexuelle peut être sadiste aussi bien que masochiste. Comparez à ce sujet l’observation 48 de ce livre, l’observation 49 de la 7e édition et les nombreux cas d’inversion sexuelle qui seront traités plus loin.

Toutes les fois que sur la base d’une individualité névropathique s’est développée une perversion sexuelle, l’hyperesthésie sexuelle, qu’il faut supposer dans ce cas, peut aussi produire les symptômes du masochisme et du sadisme ; tantôt une de ces deux perversions, tantôt toutes les deux ensemble, de sorte que l’une est engendrée par l’autre. Le masochisme et le sadisme se présentent donc comme les formes fondamentales des perversions sexuelles qui peuvent se montrer sur tout le terrain des aberrations de l’instinct génital.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

Notes

[1Naturellement toutes deux ont à combattre des contre-motifs esthétiques et éthiques dans le for intérieur. Mais, lorsqu’il les a vaincus, le sadisme, en se manifestant dans le monde extérieur, entre en conflit avec le Code pénal. Tel n’est pas le cas du masochisme, ce qui explique la plus grande fréquence des actes masochistes. Par contre, à la réalisation de ces derniers s’opposent l’instinct de la conservation et la crainte de la douleur physique. La signification pratique du masochisme n’existe que dans ses rapports avec l’impuissance psychique, tandis que celle du sadisme a surtout une portée médico-légale.

[2V. Schrenk-Notzing qui, dans l’explication de toutes les perversions, met au premier rang l’occasion et qui préfère l’hypothèse d’une perversion acquise grâce aux circonstances extérieures à l’hypothèse de la prédisposition congénitale, donne aux phénomènes du masochisme et du sadisme (qu’il appelle « algolagnie active et passive ») une place intermédiaire entre la perversion acquise et congénitale. Ces phénomènes, il est vrai, ne peuvent, dans certains cas, s’expliquer que par une prédisposition congénitale ; mais, ajoute-t-il, dans une partie des autres cas, l’acquisition par une coïncidence de hasard doit évidemment jouer le rôle principal (op. cit., p. 179).
La démonstration de cette dernière assertion est faite avec casuistique. L’auteur reproduit deux observations de la Psychopathia sexualis de l’édition actuelle, et il montre comment, dans ces cas, une coïncidence occasionnelle, l’aspect d’une fille saignante ou d’un enfant fouetté, d’une part, une excitation sexuelle du spectateur, d’autre part, peut fournir la raison suffisante d’une association pathologique.
En présence de cette hypothèse, il faut cependant considérer comme concluant le fait, que chez tout individu hyperesthésique, les excitations et les mouvements précoces de la vie sexuelle ont coïncidé au point de vue du temps, avec bien des éléments hétérogènes, tandis que les associations pathologiques, ne se relient qu’à certains faits peu nombreux et bien déterminés (faits sadistes et masochistes). Nombre d’élèves se sont livrés aux excitations et aux satisfactions sexuelles pendant les leçons de grammaire, de mathématiques, dans la salle de classe et dans des lieux secrets, sans que des associations perverses en soient résultées.
Il en ressort jusqu’à l’évidence que l’aspect des scènes de flagellation et d’actes semblables peut bien faire sortir de son état latent une association pathologique, déjà existante, mais qu’il ne peut pas en créer une, sans compter que, parmi les faits nombreux qui se présentent, ce sont précisément avec ceux qui normalement provoquent le déplaisir que l’instinct sexuel éveillé se met en rapport.
Ce que nous venons de dire servira également de réponse à l’opinion de Binet qui, lui aussi, veut expliquer par des associations de hasard tous les phénomènes dont il est ici question.

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