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Richard von Krafft-Ebing

Hyperesthésie ou exagération morbide de l’instinct sexuel

Psychopathia Sexualis : III. — Neuro-Psychopathologie générale

Date de mise en ligne : mardi 22 avril 2008

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Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

III
NEURO-PSYCHOPATHOLOGIE GÉNÉRALE

Fréquence et importance des symptômes pathologiques. — Tableau des névroses sexuelles. — Irritation du centre d’érection. — Son atrophie. — Arrêts dans le centre d’érection. — Faiblesse et irritabilité du centre. — Les névroses du centre d’éjaculation. — Névroses cérébrales. — Paradoxie ou instinct sexuel hors de la période normale. — Éveil de l’instinct sexuel dans l’enfance. — Renaissance de cet instinct dans la vieillesse. — Aberration sexuelle chez les vieillards expliquée par l’impuissance et la démence. — Anesthésie sexuelle ou manque d’instinct sexuel. — Anesthésie congénitale ; anesthésie acquise. — Hyperesthésie ou exagération morbide de l’instinct. — Causes et particularités de cette anomalie. — Paresthésie du sens sexuel ou perversion de l’instinct sexuel. — Le sadisme. — Essai d’explication du sadisme. — Assassinat par volupté sadique. — Anthropophagie. — Outrages aux cadavres. — Brutalités contre les femmes ; la manie de les faire saigner ou de les fouetter. — La manie de souiller les femmes.— Sadisme symbolique. — Autres actes de violence contre les femmes. — Sadisme sur des animaux. — Sadisme sur n’importe quel objet. — Les fouetteurs d’enfants. — Le sadisme de la femme. — La Penthésilée de Kleist. — Le masochisme. — Nature et symptômes du masochisme. — Désir d’être brutalisé ou humilié dans le but de satisfaire le sens sexuel. — La flagellation passive dans ses rapports avec le masochisme. — La fréquence du masochisme et ses divers modes. — Masochisme symbolique. — Masochisme d’imagination. — Jean-Jacques Rousseau. — Le masochisme chez les romanciers et dans les écrits scientifiques. — Masochisme déguisé. — Les fétichistes du soulier et du pied. — Masochisme déguisé ou actes malpropres commis dans le but de s’humilier et de se procurer une satisfaction sexuelle. — Masochisme chez la femme. — Essai d’explication du masochisme. — La servitude sexuelle. — Masochisme et sadisme. — Le fétichisme ; explication de son origine. — Cas où le fétiche est une partie du corps féminin. — Le fétichisme de la main. — Les difformités comme fétiches. — Le fétichisme des nattes de cheveux ; les coupeurs de nattes. — Le vêtement de la femme comme fétiche. — Amateurs ou voleurs de mouchoirs de femmes. — Les fétichistes du soulier. — Une étoffe comme fétiche. — Les fétichistes de la fourrure, de la soie et du velours. — L’inversion sexuelle. — Comment on contracte cette disposition. — La névrose comme cause de l’inversion sexuelle acquise. — Degrés de la dégénérescence acquise. — Simple inversion du sens sexuel. — Éviration et défémination. — La folie des Scythes. — Les Mujerados. — Les transitions à la métamorphose sexuelle. — Métamorphose sexuelle paranoïque. — L’inversion sexuelle congénitale. — Diverses formes de cette maladie. — Symptômes généraux. — Essai d’explication de cette maladie. — L’hermaphrodisme psychique. — Homosexuels ou uranistes. —Effémination ou viraginité. — Androgynie et gynandrie. — Autres phénomènes de perversion sexuelle chez les individus atteints d’inversion sexuelle. — Diagnostic, pronostic et thérapeutique de l’inversion sexuelle.

C. — HYPERESTHÉSIE (EXALTATION MORBIDE DE L’INSTINCT SEXUEL)

La pathologie se trouve en présence d’une grande difficulté quand elle doit, même dans un cas isolé, dire si le désir de la satisfaction sexuelle a atteint un degré pathologique. Emminghaus (Psychopathologie, p. 225) considère comme évidemment morbide le retour du désir immédiatement après la satisfaction sexuelle, surtout si ce désir captive toute l’attention de l’individu ; il porte le même jugement quand le libido se réveille à l’aspect de personnes et d’objets qui en eux-mêmes n’offrent aucun intérêt sexuel. En général, l’instinct sexuel et le besoin correspondant sont proportionnés à la force physique et à l’âge.

À partir de l’époque de la puberté, l’instinct sexuel monte rapidement à une intensité considérable ; il est très puissant entre 20 et 40 ans, il diminue ensuite lentement. La vie conjugale paraît conserver et régler l’instinct.

Les changements répétés d’objet dans la satisfaction sexuelle augmentent les désirs. Comme la femme a moins de besoins sexuels que l’homme, une augmentation de ces besoins chez elle doit toujours faire supposer un cas pathologique, surtout quand ils se manifestent par l’amour de la toilette, par la coquetterie ou même par l’andromanie, et font dépasser les limites tracées par les convenances et les bonnes mœurs.

Dans les deux sexes, la constitution physique joue un rôle important. Souvent une constitution névropathique s’accompagne d’une augmentation morbide du besoin sexuel ; des individus atteints de cette défectuosité souffrent pendant une grande partie de leur existence et portent péniblement le poids de cette anomalie constitutionnelle de leur instinct. Par moments la puissance de l’instinct sexuel peut acquérir chez eux l’importance d’une mise en demeure organique et compromettre sérieusement leur libre arbitre. La non-satisfaction du penchant peut alors amener un véritable rut ou un état psychique plein d’angoisse, état dans lequel l’individu succombe à son instinct : alors sa responsabilité devient douteuse.

Si l’individu ne succombe pas à la violence de son penchant, il court risque d’amener, par une abstinence forcée, son système nerveux à la neurasthénie ou d’augmenter gravement une neurasthénie déjà existante.

Même chez les individus d’une organisation normale, l’instinct sexuel n’est pas une quantité constante. À part l’indifférence temporaire qui suit la satisfaction, l’apaisement de l’instinct par une abstinence prolongée qui a pu surmonter heureusement certaines phases de réaction du désir sexuel, exerce une grande influence sur la vita sexualis ; il en est de même du genre de vie.

Les habitants des grandes villes qui sont sans cesse ramenés aux choses sexuelles et excités aux jouissances ont assurément de plus grands besoins génésiques que les campagnards. Une vie sédentaire, luxueuse, pleine d’excès, une nourriture animale, la consommation de l’alcool, des épices, etc., ont un effet stimulant sur la vie sexuelle.

Chez la femme, le désir augmente après la menstruation. Chez les femmes névropathiques l’excitation, à cette période, peut atteindre à un degré pathologique.

Un fait très remarquable, c’est le grand libido des phtisiques. Hoffmann rapporte le cas d’un paysan phtisique qui, la veille de sa mort, avait encore satisfait sa femme.

Les actes sexuels sont : le coït (éventuellement le viol), faute de mieux, la masturbation, et, lorsqu’il y a défectuosité du sens moral, la pédérastie et la bestialité. Si, à côté d’un instinct sexuel démesuré, la puissance a baissé ou même s’est éteinte, alors toutes sortes d’actes de perversité sexuelle sont possibles.

Le libido excessif peut être provoqué par une cause périphérique ou centrale. Il peut avoir pour cause le prurit des parties génitales, l’eczéma, ainsi que l’action de certaines drogues qui stimulent le désir sexuel, comme par exemple les cantharides.

Chez les femmes, il y a souvent, au moment de la ménopause, une excitation sexuelle occasionnée par le prurit ; mais souvent ce fait se produit lorsqu’elles sont tarées au point de vue nerveux. Magnan (Annales médico-psychol., 1885) rapporte le cas d’une dame qui avait les matins de terribles accès d’erethismus genitalis, et celui d’un homme de cinquante-cinq ans qui, pendant la nuit, était torturé par un priapisme insupportable. Dans les deux cas il y avait nervosisme.

Une excitation sexuelle d’origine centrale se produit souvent chez des individus tarés, comme les hystériques, et dans les états d’exaltation psychique [1].

Quand l’écorce cérébrale et le centre psychosexuel se trouvent dans un état d’hyperesthésie (sensibilité anormale de l’imagination, facilité des associations d’idées), non seulement les sensations visuelles et tactiles, mais encore les sensations auditives et olfactives peuvent suffire pour évoquer des idées lascives.

Magnan (op. cit.) rapporte le cas d’une demoiselle qui, dès sa nubilité, eut des désirs sexuels toujours croissants et qui, pour les satisfaire, se livrait à la masturbation. Par la suite, cette dame éprouvait, à l’aspect de n’importe quel homme, une violente émotion sexuelle, et, comme alors elle ne pouvait pas répondre d’elle, elle se renfermait dans sa chambre où elle restait jusqu’à ce que l’orage fût passé. Finalement elle se livrait à tout venant pour calmer les désirs violents qui la faisaient souffrir. Mais ni le coït, ni l’onanisme ne lui procuraient le soulagement désiré, et elle fut internée dans un asile d’aliénés.

On peut citer encore le cas d’une mère de cinq enfants qui, se sentant malheureuse à cause de la violence de ses désirs sexuels, fit plusieurs tentatives de suicide et demanda plus tard à être admise dans une maison de santé. Là son état s’améliora, mais elle n’osait plus quitter l’asile.

On trouve plusieurs cas bien caractéristiques concernant des individus des deux sexes, dans l’ouvrage de l’auteur de Ueber gewisse Anomalien des Geschlechtstriebs, Observations 6 et 7 (Archiv für Psychiatrie, VII, 2.)

En voici deux.

Observation 11. — Le 7 juillet 1874, dans l’après-midi, l’ingénieur Clemens qui se rendait pour affaires de Trieste à Vienne, quitta le train à la station de Bruck, et, traversant la ville, vint dans la commune de Saint-Ruprecht, située près de Bruck, où il fit une tentative de viol sur une femme de soixante-dix ans restée seule à la maison. Il fut pris par les habitants du village et arrêté par les autorités locales. Interrogé, il prétendit qu’il avait voulu chercher l’établissement de voirie pour assouvir sur une chienne son instinct sexuel surexcité. Il souffre souvent de pareils accès de surexcitation. Il ne nie pas son acte, mais il l’excuse par sa maladie. La chaleur, le cahot du wagon, le souci de sa famille qu’il voulait rejoindre, lui ont complètement troublé les sens et l’ont rendu malade. Il ne manifeste ni honte, ni repentir. Son attitude était franche ; il avait l’air calme ; les yeux étaient rouges, brillants ; la tête chaude, la langue blanche, le pouls plein, mou, battant plus de 100 pulsations, les doigts un peu tremblants.

Les déclarations de l’accusé sont précises, mais précipitées ; son regard est fuyant, avec l’expression manifeste de la lubricité. Le médecin légiste, qui avait été appelé, a été frappé de son état pathologique, comme si l’accusé eût été au début du délire alcoolique.

Clemens a quarante-cinq ans, est marié, père d’un enfant. Les conditions de santé de ses parents et des autres membres de sa famille lui sont inconnues. Dans son enfance, il était faible, névropathe. À l’âge de cinq ans il a eu une lésion à la tête à la suite d’un coup de houe. Il porte encore sur l’os de l’occiput droit et sur l’os frontal droit une cicatrice longue d’un pouce et large d’un demi-pouce. L’os est un peu enfoncé. La peau qui le recouvre est adhérente à l’os.

La pression sur cet endroit lui cause une douleur qui s’irradie dans la branche inférieure du trijumeau. Souvent même il s’y produit spontanément des douleurs. Dans sa jeunesse, il avait souvent des syncopes. Avant l’âge de puberté, pneumonie rhumatismale et inflammation d’intestins. Dès l’âge de sept ans, il éprouvait une sympathie étrange pour les hommes, notamment pour un colonel. À l’aspect de cet homme, il sentait comme un coup de poignard dans son cœur ; il embrassait le sol où le colonel avait mis le pied. À l’âge de dix ans, il tomba amoureux d’un député du Reichstag. Plus tard encore, il s’enflammait pour des hommes, mais cet enthousiasme était purement platonique. À partir de quatorze ans, il se masturbait. À l’âge de dix-sept ans, il avait ses premiers rapports avec des femmes. Avec l’habitude du coït normal disparurent les anciens phénomènes d’inversion sexuelle. Dans sa jeunesse il se trouvait dans un état particulier de psychopathie aiguë qu’il désigne lui-même comme une « sorte de clairvoyance ». À partir de l’âge de quinze ans, il souffrit d’hémorroïdes avec symptômes de plethora abdominalis. Après l’abondante hémorragie hémorroïdale qu’il avait régulièrement toutes les trois ou quatre semaines, il se sentait mieux. En outre il était toujours en proie à une pénible excitation sexuelle qu’il soulageait tantôt par l’onanisme, tantôt par le coït. Toute femme qu’il rencontrait l’excitait. Même quand il se trouvait au milieu de femmes de sa famille, il se sentait poussé à leur faire des propositions immorales. Parfois il réussissait à dompter ses instincts ; d’autres fois il était irrésistiblement entraîné à des actes immoraux. Quand, dans de pareils cas, on le mettait à part, il en était content ; car, disait-il, j’ai besoin d’une pareille correction et de ce soutien contre ces désirs trop puissants qui me gênent moi-même. On n’a pu reconnaître aucune périodicité dans ses excitations sexuelles.

Jusqu’en 1861, il fit des excès in Venere et récolta plusieurs blennorrhagies et chancres.

En 1861, il se maria. Il se sentait satisfait sexuellement, mais devenait importun à sa femme par ses besoins excessifs. En 1864, il eut, à l’hôpital, un accès de monomanie ; il retomba malade la même année et fut transporté dans l’asile d’Y… où il resta interné jusqu’en 1867.

Dans la maison de santé il souffrit de récidives de son état maniaque, avec grandes excitations sexuelles. Il désigne comme cause de sa maladie, à cette époque, un catarrhe intestinal et beaucoup de contrariétés.

Plus tard, il se rétablit. Il était bien portant, mais souffrait beaucoup de l’excès de ses besoins sexuels. Aussitôt qu’il était éloigné de sa femme, son désir devenait si violent qu’il lui était égal de le satisfaire avec des êtres humains ou avec des animaux. Pendant la saison d’été surtout ces poussées devenaient excessives ; en même temps il se produisait un afflux de sang aux intestins. Clemens qui a des réminiscences de lectures médicales, est d’avis que, chez lui, le système ganglionnaire domine le système cérébral.

Au mois d’octobre 1873, ses occupations l’obligèrent à vivre loin de sa femme. Jusqu’au jour de Pâques, il n’avait eu aucun rapport sexuel, sauf qu’il s’était masturbé par-ci par-là. À partir de cette époque, il se servait de femmes et de chiennes. Du 15 juin jusqu’au 7 juillet, il n’avait eu aucune occasion de satisfaire son besoin sexuel. Il éprouvait une agitation nerveuse, se sentait fatigué, il lui semblait qu’il allait devenir fou. Le désir violent de revoir sa femme, qui vivait à Vienne, l’éloignait de son service. Il prit un congé. La chaleur de la route, la trépidation du chemin de fer, l’avaient complètement troublé ; il ne pouvait plus supporter son état de surexcitation génitale, compliqué d’un fort afflux de sang aux intestins. Il avait le vertige. Alors, arrivé à Bruck, il quitta le wagon. Il était, dit-il, tout troublé, ne savait pas où il allait, et à un moment l’idée lui vint de se jeter à l’eau ; il y avait comme un brouillard devant ses yeux.

Mulierem tunc adspexit, penem nudavit, feminamque amplecti conatus est. La femme cependant cria au secours, et c’est ainsi qu’il fut arrêté.

Après l’attentat, la conscience claire de son acte lui vint subitement. Il l’avoua franchement, se souvint de tous les détails, mais il soutint que son action avait quelque chose de morbide. C’était plus fort que lui.

Clemens souffrait encore quelquefois de maux de tête, de congestions ; il était, par moments, très agité, inquiet, et dormait mal. Ses fonctions intellectuelles ne sont pas troublées, mais c’est naturellement un homme bizarre, d’un caractère mou et sans énergie. L’expression de la figure a quelque chose de fauve et porte un cachet de lubricité et de bizarrerie. Il souffre d’hémorroïdes. Les parties génitales ne présentent rien d’anormal. Le crâne est, dans sa partie frontale, étroit et un peu fuyant. Le corps est grand et bien fait. Sauf une diarrhée, on n’a remarqué chez lui aucun trouble des fonctions végétatives.

Observation 12. — Mme E…, quarante-sept ans. Un oncle maternel fut atteint d’aliénation mentale ; le père était un homme exalté qui faisait des excès in Venere. Le frère de la malade est mort d’une affection aiguë du cerveau. Dès son enfance, la malade était nerveuse, excentrique, romanesque, et manifestait, à peine sortie de l’enfance, un penchant sexuel excessif. Elle s’adonna, dès l’âge de dix ans, aux jouissances sexuelles. Elle se maria à l’âge de dix-neuf ans. Elle faisait assez bon ménage avec son mari. L’époux, bien que suffisamment doué, ne lui suffisait pas ; elle eut, jusqu’à ces dernières années, toujours quelques amis en dehors de son mari. Elle avait pleine conscience de la honte de ce genre de vie, mais elle sentait sa volonté défaillir en présence du penchant insatiable qu’elle cherchait du moins à dissimuler. Elle disait plus tard que c’était de l’andromanie qu’elle avait souffert.

La malade a accouché six fois. Il y a six ans, elle est tombée de voiture et a subi un ébranlement cérébral considérable. À la suite de cet accident, il se produisit chez elle une mélancolie compliquée du délire de la persécution. Cette maladie l’amena à l’asile d’aliénés. La malade approche de la ménopause ; elle a eu, ces temps derniers, des menstrues fréquentes et très abondantes. La violence de son ancien penchant s’est atténué, ce qu’elle constate avec plaisir. Son attitude actuelle est décente. Faible degré de descensus uteri et prolapsus ani.

L’hyperesthésie sexuelle peut être continue avec des exacerbations, ou bien intermittente, ou même périodique. Dans le dernier cas, c’est une névrose cérébrale particulière (voir la Pathologie spéciale), ou une manifestation d’un état d’excitation psychique général (Manie épisodique dans la dementia paralytica senilis, etc.).

Un cas remarquable de satyriasis intermittent a été publié par Lentz dans le Bulletin de la Société de méd. légale de Belgique, nº 21.

Observation 13. — Depuis trois ans, le cultivateur D…, âgé de trente-cinq ans, marié et jouissant de l’estime générale, avait des accès d’excitation sexuelle, qui devenaient de plus en plus fréquents et plus violents. Depuis un an, ces accès se sont aggravés et sont devenus des crises de satyriasis. On n’a rien pu constater au point de vue héréditaire, pas plus qu’au point de vue organique.

D… tempore, quum libidinibus valde afficeretur, decim vel quindecim cohabitationes per 24 horas exegit, neque tamen cupiditates suas satiavit.

Peu à peu se développait en lui un état d’éréthisme généralisé, avec une irascibilité allant jusqu’à des accès de colère pathologiques ; en même temps, il se manifestait un penchant à abuser des boissons alcooliques, et bientôt se montrèrent des symptômes d’alcoolisme. Ses accès de satyriasis étaient tellement violents que le malade n’avait plus d’idées nettes et que, poussé par son instinct aveugle, il se laissait aller à des actes lascifs. Qua de causa factum est ut uxorem suam alienis viris immovere animalibus ad coeundum tradi, cum ipso filiabus præsentibus concubitum exsequi jusserit, propterea quod hæc facta majorem ipsi voluptatem afferent. Il ne se souvient pas du tout des faits qui se passent au moment de ces crises, et son excitation extrême peut l’amener jusqu’à la rage. D… avoue qu’il a eu des moments où il n’était plus maître de lui-même ; s’il était resté sans satisfaction, il eût été contraint de s’attaquer à la première femme venue. Cet état d’excitation sexuelle disparaît tout d’un coup après chaque émotion morale violente.

Les deux observations suivantes nous montrent quel état violent, dangereux et pénible constitue l’hyperesthésie sexuelle pour ceux qui sont atteints de cette anomalie.

Observation 14 (Hyperæsthesia sexualis. Delirium acutum ex abstinentia). — Le 29 mai 1882, F…, vingt-trois ans, cordonnier, célibataire, a été reçu à la clinique. Il est né d’un père coléreux, très violent et d’une mère névropathique, dont le frère était aliéné.

Le sujet n’a jamais été gravement malade ni ne s’est adonné à la boisson, mais, de tout temps, il a eu de grands besoins sexuels. Il y a cinq jours, il a été atteint d’une affection psychique aiguë. Il a fait, en plein jour et devant deux témoins, une tentative de viol, a eu du délire obscène, s’est masturbé avec excès ; il y a trois jours, il a eu un accès de folie furieuse, et, lors de son arrivée à la clinique, il était en état de delirium acutum très grave, avec de la fièvre et des phénomènes d’excitation motrice très violents. Par un traitement à l’ergotine, on amena la guérison.

Le 5 janvier 1888, le même individu fut reçu une seconde fois, présentant des symptômes de folie furieuse. D’abord, il était morose, irascible, disposé à pleurer et atteint d’insomnie. Ensuite, après avoir attaqué sans succès des femmes, il se mit dans une rage de plus en plus violente.

Le 6 janvier, son état s’est aggravé ; il a du delirium acutum très grave (jactation, grincement de dents, grimaces, etc., symptômes d’incitations motrices ; température allant jusqu’à 40°,7). Il se masturbait tout à fait instinctivement. Il a été guéri par un traitement énergique à l’ergotine, qui a duré jusqu’au 11 janvier. Après sa guérison, le malade a donné des explications très intéressantes sur la cause de sa maladie.

De tout temps, il eut de grands besoins sexuels. Son premier coït eut lieu à l’âge de seize ans. La continence lui a causé des maux de tête, une grande irascibilité psychique, de l’abattement, un manque de goût pour le travail, de l’insomnie. Comme il vivait à la campagne, il n’avait que rarement l’occasion de satisfaire ses besoins ; il y suppléait par la masturbation. Il lui fallait se masturber une ou deux fois par jour.

Depuis deux mois, il n’avait pas coïté. Son excitation sexuelle s’est de plus en plus exaltée ; il ne pensait qu’au moyen de satisfaire son instinct. La masturbation ne suffisait plus pour faire cesser les tourments de plus en plus pénibles dus à la continence. Ces jours derniers, il eut un désir violent de coïter ; insomnie de plus en plus aiguë et irritabilité. Il ne se souvient que sommairement de la période de sa maladie. Le malade était guéri au mois de décembre. C’est un homme très convenable. Il considère son instinct irrésistible comme un cas pathologique et redoute l’avenir.

Observation 15. — Le 11 juillet 1884, R…, trente-trois ans, employé, atteint de paranoia persecutoria et neurasthenia sexualis, a été reçu à la clinique. Sa mère était névropathe. Son père est mort d’une maladie de la moelle épinière. Dès son enfance, il eut un instinct sexuel très puissant dont il prit pleine conscience à l’âge de six ans. Depuis cette époque, masturbation ; à partir de quinze ans, pédérastie, faute de mieux ; quelquefois tendances à la sodomie. Plus tard, abus du coït dans le mariage, cum uxore. De temps à autre même des impulsions perverses, idée de faire le cunnilingus, de donner des cantharides à sa femme, dont le libido ne correspond pas au sien. Peu de temps après le mariage, la femme mourut. La situation économique du malade devient de plus en plus mauvaise ; il n’a plus les moyens de se procurer des femmes. Il revient à l’habitude de la masturbation, se sert de lingua canis pour provoquer l’éjaculation. De temps en temps accès de priapisme et état frisant le satyriasis. Il était alors forcé de se masturber pour éviter le stuprum. À mesure que la neurasthénie sexuelle a augmenté, s’accompagnant de velléités de mélancolie, il y a diminution du libido nimia, ce qu’il a considéré comme un soulagement salutaire.

Un exemple classique d’hyperesthésie sexuelle pure est le cas suivant que j’emprunte à la Folie lucide de Trélat et qui est très précieux pour l’étude de certaines Messalines, devenues célèbres dans l’histoire.

Observation 16. — Mme V… souffre depuis sa première jeunesse d’andromanie. De bonne famille, d’un esprit cultivé, bonne de caractère, d’une décence allant jusqu’à la faculté de rougir, elle était, encore jeune fille, la terreur de sa famille. Quandoquidem sola erat cum homine sexus alterius, negligens, utrum infans sit an vir, an senex, utrum pulcher an teter, statim corpus nudavit et vehementer libidines suas satiari rogavit vel vim et manus ei injecit. On essaya de la guérir par le mariage. Maritum quam maxime amavit neque tamen sibi temperare potuit quin a quolibet viro, si solum apprehenderat, seu servo, seu mercenario, seu discipulo coitum exposceret.

Rien ne put la guérir de ce penchant. Même lorsqu’elle fut devenue grand’mère, elle resta Messaline. Puerum quondam duodecim annos natum in cubiculum allectum stuprare voluit. Le garçon se défendit et se sauva. Elle reçut une verte correction de son frère. C’était peine perdue. On l’interna dans un couvent. Là, elle fut un modèle de bonne tenue et n’encourut aucun reproche. Aussitôt revenue du couvent, les scandales recommencèrent dans la ville. La famille la chassa et lui servit une petite rente. Elle se mit à travailler et gagnait le nécessaire, ut amantes sibi emere posset.

Quiconque aurait vu cette dame, mise proprement, de manières distinguées et agréables, n’aurait pu se douter quels immenses besoins sexuels elle avait encore à l’âge de soixante-cinq ans. Le 17 janvier 1854, sa famille, désespérée par de nouveaux scandales, la fit interner dans une maison de santé. Elle y vécut jusqu’au mois de mai 1858 et y succomba à une apoplexia cerebri à l’âge de soixante-treize ans. Sa conduite, avec la surveillance de l’établissement, était irréprochable. Mais aussitôt qu’on l’abandonnait à elle-même et qu’une occasion favorable se présentait, ses penchants sexuels se faisaient jour, même peu de temps avant sa mort. À l’exception de son anomalie sexuelle, les aliénistes n’ont rien constaté chez elle pendant les quatre années qu’ils la soignèrent.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

Notes

[1Pour les individus chez lesquels l’hyperesthésie sexuelle très avancée va de pair avec la faiblesse sensitive et acquise de l’appareil sexuel, il peut même arriver qu’au seul aspect de femmes désirables, le mécanisme non seulement de l’érection, mais même celui de l’éjaculation soit mis en action sans qu’il y ait une excitation périphérique des parties génitales. Le mouvement part alors du centre psychosexuel. Il suffit à ces individus de se trouver en face d’une femme, soit dans un wagon de chemin de fer, soit dans un salon ou ailleurs : ils se mettent psychiquement en relation sexuelle et arrivent à l’orgasme et à l’éjaculation.
Hammond (op. cit., p. 40) décrit une série de malades semblables qu’il a traités pour de l’impuissance acquise. Il rapporte que ces individus, pour désigner leur procédé, se servent de l’expression de « coït idéal ». A. Moll, de Berlin, m’a communiqué un cas tout à fait analogue. À Berlin aussi on se servait de la même expression.

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