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Alexandre Cullerre

Pyromanie

Les frontières de la folie (Ch. III, §. IV)

Date de mise en ligne : mardi 25 septembre 2007

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Alexandre Cullerre, Les frontières de la folie, Chapitre III, §. IV : « Pyromanie », Éd. J.-B. Baillière et fils, Paris, 1888, pp. 116-120.

CHAPITRE III
IMPULSIFS

—  — —
IV
PYROMANIE

Bien que l’impulsion à mettre le feu puisse se manifester chez n’importe quel déséquilibré, comme le démontre une observation précédemment citée, il est plus ordinaire de la voir se développer chez les individus appartenant à une des catégories inférieures de la dégénérescence mentale. Motet a pu dire avec raison que, toutes les fois qu’à la campagne, dans un village, dans une commune, des incendies se répètent à des intervalles rapprochés, il faut en chercher l’auteur dans quelque garçon ou quelque fille à développement physique et intellectuel incomplet. Qu’on se garde de croire cependant que tous les dégénérés qui allument des incendies multiples sont des impulsifs conscients : les uns, en effet, agissent sous l’influence d’un motif, le plus souvent futile, mais, en l’état de leur intelligence, suffisant pour les déterminer à commettre le crime ; ils sont au plus bas de l’échelle intellectuelle ; ce sont des imbéciles, voire même des idiots, des êtres inconscients, en somme. Les autres, en plus petit nombre, et ce sont les plus intelligents, incendient sans motif, mais poussés par une impulsion irrésistible, dont ils ont conscience, contre laquelle ils luttent et à laquelle ils ne succombent qu’après les plus pénibles souffrances morales. L’acte accompli, ils éprouvent immédiatement un sentiment de détente et de soulagement, jusqu’au retour d’un nouvel accès paroxystique. Ceux-là sont de véritables pyromanes. Les créateurs de la monomanie n’ont pas démêlé ce point capital de clinique ; aussi leurs observations sont-elles absolument disparates et contradictoires [1].

Selon la remarque de Henke, c’est surtout au moment de l’établissement de la puberté que prend naissance l’impulsion irrésistible à l’incendie. Elle n’est qu’un des mille troubles névropathiques qui accompagnent une évolution difficile de la fonction spermatique et surtout menstruelle, car il est remarquable que la pyromanie véritable se rencontre beaucoup plus fréquemment chez les filles que chez les garçons.

L’observation suivante, empruntée par Marc à Platner, est un bon exemple de pyromanie vraie.

La prévenue, servante chez un paysan, avait mis deux fois le feu. Elle affirme n’avoir jamais éprouvé de contrariété de la part de ses maîtres, n’avoir jamais eu de dispute avec eux, mais avoir agi seulement par une impulsion partant d’une voix intérieure, dont elle avait été continuellement poursuivie, qui lui avait ordonné d’incendier et de se détruire ensuite ; qu’après avoir incendié une première fois, elle avait regardé, avec calme et plaisir, l’incendie éclater ; que la seconde fois, elle s’était empressée de donner elle-même l’alarme, et qu’immédiatement après, elle avait essayé de se pendre. On n’a pu découvrir en elle aucune trace de dérangement intellectuel ; mais il en était pas de même de son état physique.

Depuis l’âge de quatre ans, elle avait été sujette à des spasmes qui, plus tard, dégénérèrent en épilepsie, dont les accès devenaient plus violents chaque fois qu’ils coïncidaient avec l’époque menstruelle. Elle avait eu un fort accès précédé d’une anxiété extrême, plusieurs jours avant l’incendie. Au reste, elle ne l’avait pas commis dans un état d’exaltation, ni par l’influence d’une cause extérieure quelconque ; elle avait même hésité pendant quelques jours.

Dans ses interrogatoires et dans sa prison, elle n’avait jamais manifesté le moindre dérangement d’esprit.

Cette jeune fille n’était pas seulement pyromane, elle était encore suicide et névropathe.

Pour montrer la connexion intime qui existe entre l’éruption cataméniale et la crise impulsive, je rapporterai une observation personnel absolument démonstrative [2].

La jeune Eugènie P… jusqu’alors bien portante et n’ayant jamais présenté de troubles intellectuels, a ses premières règles en février 1877. Elle a 17 ans. Pendant les trois jours qui ont précédé l’hémorragie, elle éprouve des douleurs abdominales, de la céphalalgie, des insomnies. Elle entend en elle-même des voix confuses mais impératives qui lui commandent de mettre le feu. Elle ne peut résister à cette impulsion, et incendie la maison où elle est en service. Aussitôt après elle se sent calmée.

La deuxième époque menstruelle a lieu en septembre de la même année et s’est passée régulièrement.

La troisième survient le 24 mars 1878, et se complique comme la première fois d’accidents nerveux, d’anxiété, d’obsessions, d’impulsions irrésistibles ; dans cette même journée, elle met le feu à la maison de ses parents.

À partir de cette époque, les règles n’apparaissent plus. La malade est amenée en juin 1878. C’est une fille petite, chétive, anémique, l’air intelligent, présentant une anesthésie généralisée de la peau et des muqueuses. Elle ne délire pas, mais se plaint seulement d’être inquiète et de ne pas dormir.

Le premier juillet, dans la nuit, elle a un violent accès de délire hystérique qui dure trois heures tout le temps de l’accès, elle crie au feu, et interpelle ses parents, semblant s’entretenir avec eux.

Le 25 juillet, nouvel accès de délire hystérique transitoire. Elle se lève la nuit, défait son lit, met son linge en pièces le lendemain elle prétend ne se souvenir de rien.

Dans les nuits des 6 et 9 août, nouveaux accès semblables, ce sont des rires incoercibles, ou des impulsions à détruire. Elle tente de se couper les cheveux. Elle dit qu’elle ne se couperait pas le cou, mais se pendrait bien ; on approche évidemment d’une époque menstruelle.

En effet, le 13 août, de 9 heures à minuit, elle est prise de violentes convulsions hystériques avec délire ; elle se tord, se roule, criant qu’elle étouffe, que tout brûle, qu’elle veut mettre le feu aux quatre coins, qu’elle veut tout casser, tout briser. Je remarque que sa chemise est tachée d’un peu sang ; elle a ses règles pour la quatrième fois ; mais elles se suppriment dès le lendemain. La malade avoue que la veille, elle a été tout le jour mal à l’aise, anxieuse, qu’elle sentait venir l’accès et qu’elle a elle-même demandé la camisole. Elle ajoute ne se souvenir de rien de ce qui s’est passé pendant sa crise.

Les jours suivants sont mauvais, mais se passent sans grandes attaques.

Le 16 septembre, cinquième apparition des règles ; elles se suppriment dès le lendemain. Il y a un peu d’inquiétude et d’excitation, mais pas d’accès de fureur.

À partir de cette époque, calme parfait. Le 26 janvier 1879, retour des menstrues pour la sixième fois. Il y a quelques coliques, l’écoulement est peu abondant, mais dure 4 jours et ne s’accompagne d’aucun trouble intellectuel. Les 12 mars, 7 avril, 5 mai, retour d’une menstruation régulière et normale, disparition de tout symptôme hystérique ou vésanique ; la malade est renvoyée comme guérie.

En dehors de la pyromanie pure et simple, si intimement conditionnée par l’époque menstruelle, nous trouvons chez cette jeune fille les stigmates de l’hystérie et l’impulsion au suicide qui semble la compagne obligée de toutes les impulsions avec conscience.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Alexandre Cullerre, Les frontières de la folie, Chapitre III, §. IV : « Pyromanie », Éd. J.-B. Baillière et fils, Paris, 1888, pp. 116-120.

Notes

[1Voyez : Marc, Loc. cit. — Marandon de Montyel, Des incendies multiples à mobiles futiles au point de vue méd. leg. (Arch. de neurol., 1885.)

[2Voyez aussi Rousseau, Contribution à l’étude de la monomanie. (Ann., 1879).

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