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L. Moreau

Folies liées à la fonction génito-sexuelle

Les aberrations du sens génésique (1887)

Date de mise en ligne : lundi 25 juin 2007

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L. Moreau, « Folies liées à la fonction génito-sexuelle », Les aberrations du sens génésique, Éd. Asselin et Houzeau, Paris, 1887, pp. 179-187.

FOLIES VARIÉES LIÉES À LA FONCTION GÉNITO-SEXUELLE

Après avoir étudié dans le chapitre précédent ces états bizarres, tenant le milieu entre la raison et la folie, nous devons examiner maintenant ces espèces morbides qui ne sont en quelque sorte que l’exagération des phénomènes physiologiques, dégénérant en de véritables folies, et ici, c’est le sexe féminin qui est le plus souvent justiciable de ces vésanies. La femme en effet, par son tempérament éminemment nerveux, est prédisposée aux réactions du cerveau sur la matrice, et d’un autre côté, les attributions de la matrice l’asservissent aux réactions de celle-ci sur le cerveau. Nombre d’auteurs ont traité des troubles intellectuels tenant à la menstruation : les énumérer serait trop long, et nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer au travail si consciencieux de notre regretté confrère, le Dr Berthier [1], sur les névroses menstruelles.

FOLIE DE PUBERTÉ. — À l’époque de la puberté, le système nerveux, profondément ébranlé, subit des modifications considérables qui, chez quelques individus, deviennent le point de départ de troubles graves, surtout si l’hérédité, si certaines habitudes vicieuses en favorisent le développement.

Dans des leçons professées au « Morissonian college » à Édimbourg, le Dr Skaë a su grouper les symptômes signalés par différents auteurs et donner un aperçu très net de l’état psychique de ces individus.

La folie de puberté, sur laquelle nous n’avons pas à insister, se caractérise par des alternatives d’exaltation et de dépression, de la loquacité, un grand besoin de mouvements, une grande opinion de soi-même, … etc., et se complique souvent de chorée ou de catalepsie. Le pronostic en est généralement favorable, à moins que certaines complications, dont la plus redoutable est l’onanisme, ne viennent entraver les chances de guérison.

FOLIE DE MASTURBATION. — Bien que la masturbation ne soit souvent que le résultat d’un état congénital particulier (idiotie, imbécillité…) ou que le prélude d’une affection mentale définie (manie, paralysie générale, démence…), liée aux phénomènes physiologiques de la puberté, elle n’en constitue pas moins parfois une entité morbide, ayant ses caractères propres et frappant également les deux sexes.

Tout le monde connaît les troubles physiques qui sont la conséquence fatale d’une masturbation effrénée : vestiges, éblouissements, insomnies, rêves pénibles ou voluptueux, réveil en sursaut, palpitations, bourdonnements dans les oreilles, affaiblissement de la vue, perte de l’appétit, douleurs dorsales, relâchement musculaire, etc., constituent les traits principaux de cette dégradation physique.

Le moral n’est pas moins profondément atteint les signes que présente l’individu suffisent souvent pour qu’on puisse après un court examen stigmatiser le genre de délire.

Tout d’abord, il y a un affaiblissement marqué de la mémoire, non à la manière de la démence, qui se souvient encore des faits éloignés tout en ne pouvant se rappeler ceux qui se sont passés récemment, mais affaiblissement complet, général, aussi bien du passé que du présent. La timidité est excessive, la défiance de soi-même est poussée à un degré extraordinaire, le malade craint, sans chercher à se rendre compte du pourquoi, instinctivement pour ainsi dire, qu’on veuille lui faire du mal, l’empoisonner, le torturer, ou bien au contraire il est content de tout ce qu’il fait, ii est fier, il n’y a que lui qui fait bien, il présente une sorte de vanité dont rien ne peut le faire revenir. Bientôt des conceptions délirantes s’emparent de son esprit : ce sont le plus ordinairement des craintes de nature religieuse. Il a offensé la Divinité, il ne peut plus gagner le ciel, il est coupable de toutes sortes de crimes plus épouvantables les uns que les autres, qui font de lui l’égal des plus grands criminels… il n’est plus digne de vivre, et pourtant, chose remarquable, il a une terreur profonde du suicide, terreur si grande, qu’on la voit souvent dégénérer en une véritable impulsion suicide ou même homicide. Enfin, symptôme pathognomonique, le masturbateur présente une aversion des plus prononcées pour l’autre sexe [2], dont la vue suffit parfois à provoquer de véritables accès convulsifs. Est-il besoin d’ajouter que la stupeur, la démence, sont le plus souvent le résultat inévitable de cette triste affection ?

Cette forme d’aliénation est curable quand l’esprit conserve encore la puissance de contrôle sur lui-même. Dans le cas contraire, le sujet présente peu de chances de guérison, et l’état mental s’aggrave chaque jour avec la persistance des habitudes solitaires que, malgré la surveillance la plus grande, ces malades parviennent encore à satisfaire.

Les vésanies qui reconnaissent pour causes les troubles des fonctions menstruelles ne méritent pas toutes d’arrêter notre attention. Les folies dues à la suppression ou à l’écoulement trop abondant ou insuffisant du flux cataménial, désignées sous les noms de folie aménorrhéique, dysménorrhéique, ménorrhagique… etc., ne doivent pas être acceptées sans contrôle, au moins au point de vue étiologique. Il faut bien se pénétrer de cette idée que, derrière ces troubles des fonctions menstruelles, il y a presque toujours un état général auquel il faut savoir remonter : c’est ainsi que, suivant l’état de santé de la malade, le délire revêtira la forme maniaque ou lypémaniaque, et le pronostic variera suivant le résultat obtenu par la thérapeutique pour régulariser l’écoulement menstruel. Dans certains cas, on voit la folie guérir alors même que les règles ne sont pas complètement rétablies, ces dernières ne revenant qu’au milieu de la convalescence, quand l’équilibre s’est rétabli peu à peu dans tout l’organisme par suite du retour du système nerveux à son état normal.

Ce que nous disons ici pour les troubles psychiques dus à la fonction menstruelle, s’applique également aux folies résultant des modifications apportées à l’organisme par l’état gravide de l’utérus. Ces vésanies, connues de tout temps, ont été étudiées par un grand nombre d’auteurs et principalement de nos jours par Marcé, qui dans son traité de « la Folie des femmes enceintes » a passé successivement en revue les folies survenant dans le cours de la grossesse, chez les nouvelles accouchées et chez les nourrices. Il a cité des cas où le délire se compliquait de délire érotique, qui disparaissait avec l’accouchement. Ces faits si remarquables ne présentant en eux-mêmes rien qui les rattache directement à notre sujet, il nous suffira de les signaler sans y insister plus longuement.

FOLIE DE L’ÂGE CRITIQUE. — Nous avons vu l’époque de la puberté être souvent cause de désordre mental, de même voyons-nous la ménopause devenir le point de départ de troubles intellectuels. Quelques auteurs anglais, Holland, Conolly…, etc., ont admis l’existence d’une folie analogue chez l’homme. Le fait est assez curieux pour mériter de nous arrêter quelques instants.

C’est entre 50 et 60 ans qu’elle se produirait. Son existence ne saurait être l’objet d’un doute lorsqu’on a pris soin de se renseigner près d’un grand nombre d’individus. Certains sujets constatent à cet âge de leur vie une transformation radicale et inattendue dans l’accomplissement de leurs fonctions physiologiques ; pour quelques-uns d’entre eux, c’est un véritable âge critique comparable à la ménopause. Le Dr Skaê a été plus loin et a constaté une modification remarquable dans les aptitudes sexuelles qui rend l’assimilation des phénomènes observés chez l’homme et chez la femme, encore plus rigoureuse. Sans être frappé d’impuissance, l’homme n’est plus, une fois éloigné de la femme, porté à l’acte viril. Le désir n’est plus le fait de l’excitation spéciale de l’organe de la génération, il procède de l’activité cérébrale ; l’homme aime d’abord la femme, la « psyché », avant d’aimer la chair, le désir sexuel est le dernier, non le premier élément de sa passion (sauf exception bien entendu). C’est d’ailleurs ce qui a lieu chez la femme qui a dépassé la ménopause.

Accès de dépression alternant avec de l’agitation, conceptions délirantes, hallucinations, idées de suicide, conscience de son état, crainte d’un malheur qu’on ne sait définir, tels sont les principaux phénomènes morbides qui peuvent caractériser la folie de l’âge critique.

FOLIE UTÉRO-OVARIENNE. — Cette folie est le partage des vieilles filles. Tous les médecins ont vu dans leur pratique des femmes âgées présentant des signes d’aberration mentale plus ou moins liés à la passion sexuelle. Quelques-unes de ces malades deviennent les héroïnes de procès scandaleux et accusent des hommes honorables de les avoir violées. Skaë a eu l’occasion, lors d’un procès de ce genre, de rechercher la fréquence de cette conception délirante, et il a trouvé que sur 250 femmes, dont la majorité était en démence, 23 croyaient fermement que des hommes cohabitaient avec elles chaque nuit.

L’anatomie pathologique vient donner la clef de ces phénomènes étranges qui se lient presque toujours à une affection des ovaires ou des organes voisins. Une femme croyait que les esprits lui pénétraient par les entrailles dans le vagin et la violaient par cette voie : elle avait un cancer généralisé englobant les ovaires, l’utérus et l’épiploon. Une autre était persuadée qu’on la violait chaque nuit par le rectum : elle avait un cancer du rectum. Une troisième assurait que le diable avait coutume de lui introduire ses organes génitaux par le nombril, tandis que l’union maritale s’effectuait par la voie ordinaire : elle présentait à l’ombilic un trajet fistuleux dû à la perméabilité persistante de l’ouraque.

Cependant il est des cas où l’examen le plus approfondi ne révèle aucune lésion organique et où la ménopause (jointe à l’hérédité) peut seule être accusée du délire. C’est ce que nous avons pu observer à la Salpêtrière chez une fille de 45 ans qui avait des hallucinations génitales. Elle était convaincue que chaque nuit on la violait, qu’on introduisait des instruments en fer par les parties pour aller lui couper le cordon ombilical… Une autre, actuellement en traitement, présentant les mêmes hallucinations, est atteinte d’une tumeur fibreuse de l’utérus…

FOLIE POST-CONNUBIALE. — Nous terminerons cet exposé des folies liées à l’organe sexuel par la description d’un état très curieux (heureusement peu fréquent) survenant chez quelques individus les premiers jours qui suivent leur mariage. Les exemples de folie déterminée par les premiers rapprochements conjugaux ne sont pas rares. Esquirol dit avoir donné des soins à une dame qui avait eu un accès de manie la première nuit de ses noces, sa pudeur s’étant révoltée contre la nécessité de coucher avec un homme. Une jeune femme nerveuse fut si douloureusement affectée par les premières approches de son mari, que sa raison s’aliéna immédiatement.

Skaê donne à ce genre de vésanie le nom de folie post-connubiale, dénomination heureuse que nous lui conservons.

La folie post-connubiale s’observe chez les individus vigoureux qui ont gardé une continence sévère jusqu’à l’époque de leur mariage. La première nuit de bonheur est suivie chez eux d’attaques de courte durée semblables aux congestions épileptiformes de la paralysie générale progressive ; le plus souvent les symptômes présentés par ces malades sont ceux d’une démence aiguë. Ils sont stupides, incapables de répondre. Ces symptômes sont passagers et le pronostic est favorable. Chez les femmes, les désordres sont plus graves : c’est notamment un changement d’humeur qui fait que la femme déteste l’homme pour lequel elle avait de l’adoration. De pareils malades sont dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. Le délire suicide est d’une intensité qui nécessite la plus grande surveillance, les malades déployant, pour arriver à leurs fins, une adresse incroyable.

Les excès sexuels qui suivent le mariage donnent lieu à des désordres d’un autre genre, au tabes dorsalis, à la manie aiguë, et, suivant le Dr Blandford, à la paralysie générale. Skaë donne à l’appui une observation des plus curieuses :

Un homme âgé de 42 ans, après de longues années passées dans les affaires, se marie et présente, immédiatement après ses noces, les symptômes de la folie post-connubiale, caractérisée, comme on vient de le voir, par une haine spontanée et injustifiable contre sa femme qu’il menace de tuer. Celle-ci a le courage de cacher l’état mental de son mari pendant quatre années après lesquelles la maladie change de forme. Il s’éprend tout à coup de sa femme, et ses ardeurs ont pour résultat de le rendre père. Mais, à partir de ce moment, il tombe en démence et meurt peu après de paralysie générale progressive.

Voir en ligne : Folies liées à la fonction génito-sexuelle (suite) : Distinction entre l’hystérie et la folie génésique

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après le texte de L. Moreau, « Folies liées à la fonction génito-sexuelle », Les aberrations du sens génésique, Éd. Asselin et Houzeau, Paris, 1887, pp. 179-187.

Notes

[1Berthier, Des névroses menstruelles ou de la menstruation dans ses rapports avec les maladies mentales et nerveuses. Paris, 1874.

[2L’exception confirme la règle : nous avons connu à la Salpêtrière une jeune fille, onaniste enragée, qui présentait des penchants érotiques très marqués, provoquait les gens qui l’entouraient, se livrant même à une véritable prostitution, qui fut du reste la cause de son internement à l’hospice.

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